« L'accusé est déclaré coupable ! »

Le coup de marteau. La sentence était tombée. Plus de six mois de boulot qui tombaient à l'eau. Comme ça, d'un coup d'un seul, en un claquement de doigts ! Enfin, en un coup de marteau, plutôt. Je me penchai vers mon client, lui glissant à l'oreille que nous allions faire appel. Mais restait-il vraiment une chance pour que le jeune homme soit déclaré innocent ? Pas sûr. J'allais devoir revoir toutes les pièces du dossier pour trouver une faille, aussi infime fût-elle. Je détestais perdre en général. Je détestais perdre un procès en particulier.
Tandis que des policiers en uniforme traînaient mon client hors de la salle d'audience pour le mener en cellule, je fourrai rageusement mes papiers dans mon attaché-case, et quittai la pièce à grands pas. Six mois de boulot qui s'envolaient en fumée d'un seul coup ? Je n'avais pas dit mon dernier mot. Je n'étais pas encore hors compétition.
Le trajet jusque chez moi ne m'avait jamais paru aussi long. Pourtant, peu de monde sur la route. Juste moi sur les nerfs. La sacoche vola à travers l'entrée, tandis que j'ôtais mes chaussures. Je me servis un verre de vin avant de daigner me repencher sur l'affaire. Sauf que j'étais encore trop énervée pour réussir à en tirer quoi que ce soit. Je le jetai négligemment sur le canapé, lançai un rapide coup d'oeil à l'horloge. J'avais trois heures devant moi avant qu'il soit une heure décente pour sortir et faire le tour des bars. Ça me laissait le temps de me préparer.

* * * * *

Trois heures, un bain et une nouvelle tenue plus tard, je sortais de chez moi. J'avais l'avantage d'habiter près du cœur de la ville. Enfin, ce que je considérais comme le cœur de la ville, à savoir les boîtes de nuit, les bars, et toutes sortes d'endroits dans lesquels je pouvais 1) faire des rencontres plus ou moins agréables et 2) trouver suffisamment d'alcool pour arrêter de me poser des questions et de réfléchir à tout va.
Je choisis un bar dans lequel je n'étais jamais allée. Il y en avait tellement, en même temps... je ne pouvais pas tous les connaître ! La salle était blindée, des hommes étaient attablés, d'autres accoudés au comptoir. Certains riaient forts, d'autres étaient isolés, assis à une table, seul... silencieux. Il n'y avait pratiquement pas de filles. Une poignée, à tout casser. J'entrai dans l'arène et m'approchai du bar. De l'autre côté du comptoir, la barmaid m'adressa à peine un regard.

« Qu'est-ce que je vous sers ?
-Deux whisky, une vodka et une pression, s'il vous plaît.
-Vous êtes seule ?
-Ca pose un problème ?
-Aucun, vous faites marcher le fond de commerce. »

Elle sourit en disant ça. Je souris en retour. Elle était mignonne, la barmaid. Le temps qu'elle me serve, je lui tournai le dos, scrutant la clientèle. Mon regard s'arrêta sur un type, au hasard. Et ne s'en décolla plus.