Debout, nue, devant le miroir de ma chambre, je réfléchissais à ce que j'allais bien pouvoir faire de mon corps et de mon visage pour ce soir. En effet, au programme, rendez-vous dans un pub avec un anonyme. Ouais... La soirée promettait ! En fait, depuis quelques temps, quelqu'un s'amusait à me poser des questions sur Formspring. Anonymement, bien entendu. Sinon, ce ne serait pas drôle. La première ? Avec qui j'avais dû coucher pour obtenir mon poste. Puis ça avait continué, encore et encore. Il m'avait demandé si j'avais toujours été une femme, ce genre de choses. C'était amusant, je le reconnais. Surtout parce qu'on pouvait dire ce qu'on voulait, on ne risquait rien. L'anonymat nous protégeait. Enfin, le protégeait lui. Pas moi. Mais j'étais du genre à vouloir toujours savoir à qui j'ai à faire. Alors, forcément, j'avais fini par lui demander qui il était. Est-il nécessaire de préciser que je n'avais pas obtenu de réponse ? Ceci dit, il me donna rendez-vous un soir, pour lever le voile sur ce mystère. Et comme une idiote, j'avais accepté. Il paraît qu'il vaut mieux réfléchir avant d'agir. Moi, je faisais l'inverse. Constamment. Et je m'estimais heureuse lorsque ça ne m'attirait pas des emmerdes monstres.
Du coup, je me retrouvais avec une question existentielle de la plus haute importance : qu'est-ce que j'allais bien pouvoir me mettre sur le dos ? Je sortis des fringues de mon placard, au hasard, les disposant sur mon lit, pour voir si j'avais un éclair d'illumination de génie. D'autant plus que j'étais à peu près certaine qu'il ne s'agissait que d'un immense canular. Un canular dans lequel je fonçais tête baissée. Futée, hein, l'avocate ?
Je pris un bustier vert et un pantalon noir, que je plaçai devant moi pour juger du rendu dans le miroir. Verdict : ce ne serait pas ma tenue pour la soirée. Je poursuivis ainsi pendant deux bonnes heures, cherchant quelque chose de pas trop sophistiqué mais de pas trop commun non plus. Bref, un mélange compliqué, pour changer. Heureusement que j'avais commencé à me préparer en avance, parce que sinon... J'avais pratiquement vidé mon placard de tous les vêtements qu'il contenait lorsque je trouvai enfin ce que je voulais : un débardeur dans les tons prune et un jean sombre. Bah voilà ! Il m'en avait fallu, du temps, pour me décider, mais le résultat était là : j'avais une tenue. Mes vêtements sur le bras, j'allai prendre une douche rapide, avant de me poster devant le miroir de la salle de bain pour une séance de peinture. Superficielle ? Je l'étais un peu, oui. Mais toutes les filles, pour plaire, étaient superficielles, ne serait-ce qu'un minimum. Si on se maquillait, si on voulait tout le temps être jolie, agréable à regarder, c'était pour plaire, pour séduire. Alors je trouvais normal de vouloir être à mon avantage ce soir.
J'optai pour un fard à paupières violet, un trait de crayon noir et un peu de mascara. Le tour était joué. Pour les cheveux, je choisis de les laisser retomber en ondulant. La flemme de les coiffer. La grosse flemme, même...
Je retournai dans ma chambre, pour pouvoir juger du résultat devant un miroir à pied. Mouais. Ça pouvait faire l'affaire. Après un dernier regard, j'allai enfiler mes escarpins et me rendis au bar du Puzzle, lieu du rendez-vous. J'y arrivai en avance, et allai m'installer au bar où je commandai un whisky en attendant l'arrivée de mon anonyme.
Je venais tout juste de finir mon verre lorsque je sentis des bras m'enserrer la taille. Je sursautai violemment, et avant même que je puisse tenter de me dégager, j'entendis un voix qui ne m'était pas inconnue.

« Tu t'es faite belle pour ton anonyme miss Lilly Shepard ? »

Cette voix... Devon Griffinth... Je ris légèrement, quelque peu soulagée. Au moins, mon anonyme n'était pas un parfait inconnu doublé d'un pervers sexuel ! Si c'était bien Devon... Mais sinon, comment pourrait-il être au courant pour anonyme ?

« Non, j'espérais rencontrer un bel Apollon qui me ferait toucher les étoiles, pourquoi ? »

Je secouai légèrement la tête, le sourire aux lèvres, avant de pivoter sur mon siège et de me détacher du jeune homme.

« Et comment est-ce que tu... »

Je ne terminai pas ma question. Si je m'apprêtais à lui demander comment il était au courant pour anonyme, le t-shirt qu'il portait ne permettait pas le moindre doute : anonyme, c'était lui. J'éclatai de rire.

« J'y crois pas ! Alors c'était toi, anonyme ? Tu sais que pour aller boire un verre, pas besoin de faire appel à l'anonymat ? »