Passer une soirée seule, c’est difficilement concevable. Alors pour palier à un glandage devant la télé, accompagnée de Armstrong, le rottweiller de mon coloc, je préfère me faire jolie, et sortir dans un bar pour faire de nouvelles rencontres. Une fois ma douche terminée, ma tenue enfilée - une petite robe d’été dans les tons bordeaux - je peux récupérer mon sac à main et quitter l’appartement. Mais c’est sans comptée l’arrivée subite de Mathéo. «Tiens, te voilà toi !» «Tu sors ?» «Non, j’vais faire un jogging, ça se voit pas ?». Je le regarde comme s’il était idiot. «T’as rancart ou tu vas draguer ?» «Qu’est-ce que ça peut te foutre ?». Mathéo et moi, c’est le grand amour, ça se voit comme le nez au milieu de la figure, on s’adore ! Non, sans plaisanter, j’aime ce mec presque autant que mon frère, sûrement l’avantage qu’il n’y ait aucune ambiguité entre nous. On s’engueule, on s’envoie sur les roses, on se traite de tous les noms, parfois même on se bat (gentiment), mais on s’adore. C’est étrange, mais c’est ce qui fait la force de notre amitié. «C’est juste pour savoir si tu vas ramener une fille ce soir. J’aurait le droit un jour à ce foutu plan à trois ?» «Putain va te faire foutre Matt.» Je lui claque la porte au nez, moi dehors et lui dedans.

Quelques kilomètres, perchée sur mes hauts talons, j’écoute le bruit de leur résonance sur les pavés. J’adore ça. Je me sens fabuleusement féminine ce soir. Je pense à Kenzi, je ne sais même pas où elle est, ce qu’elle fait. Mais après tout, nous ne sommes pas en couple, elle fait ce qu’elle veut, et la même pour moi. Malgré tout, je n’arrive pas à ne pas penser à elle. En arrivant dans mon petit bar fétiche - pas celui de mon frère, sinon il me décapiterait à me voir draguer la gente féminine devant ses yeux - je balaye la grande pièce du regard, et trouve un tabouret au niveau du bal, vers lequel je me dirige d’un pas décidé. Joackim, le serveur, ne me quitte pas des yeux, comme à chaque fois que je pose un pied ici. J’ai eu beau lui dire des millions de fois que je n’étais pas intéressée par les hommes, il a l’air d’avoir du mal à s’y faire. Mais ça m’amuse plus qu’autre chose.

Je retrouve des connaissances de passage, quelques sourires, des vagues discussions, de l’alcool et des éclats de rire plus tard, je pose mes yeux sur une jeune femme qui vient d’entrer. Brune comme je les aime, une féminité aguicheuse et un côté masculin assumé, j’adore. Je la détaille de haut en bas, mon regard est devenu celui d’une tigresse. Elle est ma nouvelle proie. Alors quand elle s’approche de moi, je lui offre un très large sourire. «Bonsoir !».

Je n’avais aucune envie particulière, juste celle de penser à autre chose qu’à mon quotidien, au bordel qu’est ma vie. Trop de choses se mélangent dans ma tête depuis plusieurs semaines, plusieurs mois, il faut que j’y mette de l‘ordre, mais je n’en ai pas la force ce soir. Alors pour palier à tout ça, j’enchaîne les vodka. Pas trop tassées, Joakim me connaît maintenant assez pour savoir que je ne viens pas pour me bourrer la gueule et rentrer en titubant. Je reste une femme et je ne suis pas vraiment habituée à boire, du coup je ne tiens pas trop bien à l’alcool.

Je commençais légèrement à m’ennuyer quand je vois débarquer cette jolie brune. En l’espace d’un instant, je ne pense plus à rien. Son regard croise le mien, et je sens que cette soirée ne sera pas aussi pourrie que je l’imaginais. Je lui adresse un joli sourire, et la regarde s’avancer vers moi. Je n’ai pas toujours cette chance. Les femmes qui me plaisent ne sont pas toujours sensibles au charme féminin. Pourtant, ça a l’air d’être son cas. Tant mieux pour moi. Je lui adresse un bonsoir d’une voix suave et voilà que son sourire s’agrandit. Elle regarde un peu autour de moi, sûrement pour vérifier que je ne suis pas accompagnée. C’est bien le cas, je suis seule ce soir. Je peux donc être toute à elle. «  Bonsoir, enfin je ne sais pas comment est la tienne de soirée mais la mienne était pour l'instant bien monotone » Je lâche un petit rire amusé. Je pense qu’elle a quelques verres dans le nez, mais elle tient encore sur ses jambes. «La même pour moi, j’attendais que t’arrives !» C’est marrant de parler à quelqu’un qu’on a jamais vu comme si on la connaissait depuis toujours. Je la regarder me détailler de ses magnifiques yeux marrons, et j’arque un sourcil avec un sourire au coin des lèvres.

« ça te dit de boire un verre ? » Je pense qu’elle n’avait pas besoin de rajouter un verre, dans son état, son taux d’alcoolémie doit être déjà bien avancé. Mais après tout, je ne suis ni sa mère ni son garde du corps. Je ne vais pas la sermonner, ça ne servirait à rien. Et puis, boire un verre avec une belle inconnue, c’est plutôt une bonne idée pour cette fin de soirée. D’ailleurs, elle n’attend même pas ma réponse, et prend ma main pour me tirer vers le bar. «  Pour moi ça sera un jager bomb, tu me suis ? » Jager bomb. Ayant été barmaid pendant plusieurs mois dans le bar de mon frère, je connais très bien ce cocktail mexicain mêlant alcool fort et boisson énergisante. Eh ben, si elle enchaine les shots de Jager bomb, on est pas sorties. Un seul, mais je ne suivrai pas au delà de ça. «J’te suis !». En arrivant donc devant le bar, je frappe 2 coups main à plat. Je sais que Jo’ déteste ça. Je lui adresse un large sourire et lui tire la langue. «Tu nous fais 2 jager bombs s’te plait ?». Il ne mettra pas longtemps à nous servir, et je prends mon shot entre mes doigts, avant de le faire claquer contre le sien et de le porter à mes lèvres pour l’engloutir d’une traite. Je grimace légèrement. Ce n’est pas mon cocktail préféré, je dois avouer.

«Ok jolie brune, raconte-moi, qu’est-ce que tu fais là toute seule dans le coin ?». Un petit sourire en coin, je la regarde avec une attention très particulière. Je n’ai pas le souvenir de l’avoir déjà vue ici à Town Square, je pense que je m’en souviendrai...

Je n’ai pas l’habitude de boire de l’alcool fort comme ça d’une traite. Le maximum, c’est de la vodka, et à petite dose. Je ne suis pas particulièrement adepte du bourrage de gueule intempestif. Alors partager un alcool fort avec une jeune femme, il faut bien qu’elle soit jolie. D’ailleurs, je ne mets pas longtemps avant de lui demander ce qu’elle fait là toute seule. Mes yeux la détaillent, son visage, ses yeux, ses lèvres, sa façon de s’habiller, son corps. Rien ne passe à la trappe, et je ne fais pas dans la dentelle, je ne me cache pas pour regarder ce qui m’intéresse.

Lorsqu’elle me sourit avant de répondre à ma question, je comprends vite qu’elle entre dans mon jeu. Je vais bien m’amuser je pense. « Écoute je viens de finir ma soirée de travail, qui était particulièrement chiante je dois dire et n'ayant trouvé personne de sympathique à traîner dans les bars avec moi, j'ai décidé de m'y risquer seule, visiblement j'ai bien fait !  Et toi quelle est ton excuse ? Une jolie fille comme toi ne dois pas se retrouver seule souvent. » Elle non plus ne fait pas dans la dentelle visiblement. Je lâche un petit rire amusé. « J’aime bien parfois sortir seule pour rencontrer du monde… » Je hausse un sourcil avec un sourire au coin des lèvres. « Et tu bosses où pour que ce soit aussi chiant ? » Au moment où elle parle du bar de mon frère, je manque de m’étouffer. Ok, on va éviter de lui dire que c’est mon frère. Je fais mine de connaître le nom vite fait, juste de nom.

Heureusement, Joakim me sort de là en nous apportant 2 coupes de champagne. « C’est offert par les messieurs au bout du comptoir ! ». Je tourne la tête et regarde les trois fameux jeunes hommes. Malheureusement pour eux, ça ne m’intéresse pas. J’espère que ma potentielle conquête ne va pas s’en aller pour aller voir des deux hommes, aussi charmants qu’ils soient, ça reste des hommes ! La jeune femme prend la coupe de champagne dans ses mains et la tend en ma direction avant de lâcher « Visiblement le destin ne veut pas que je rentre chez moi ! » Je ris un peu et prends la coupe à mon tour pour trinquer avec elle. « Enchantée, Lana. » Oui, ça peut servir de connaître son prénom quand même.

Les minutes passent, les dizaines de minutes même et je finis ma coupe de champagne. La drague est de mise, d’ailleurs, il ne faudrait pas être Einstein pour voir qu’on se plait toutes les deux. Je n’ai aucune idée d’où ça nous mènera, mais ça m’importe peu, c’est assez le bordel dans ma vie sentimentale, je ne compte pas me poser. Peu à peu, je commence à avoir chaud, il y a beaucoup de monde et je propose à Valentina de prendre un peu l’air. D’ailleurs, je commence à sentir aussi que l’alcool fait effet dans ses veines. Une fois dehors, je la vois tituber, rire pour rien. Ça me fait rire aussi, mais je ressens comme le besoin de la protéger, faire attention à elle. « On marche un peu pour prendre l’air ? Ça peut nous faire que du bien ! »