La première chose qu'avait faite Charlie en arrivant en ville, c'était appeler son beau père, utiliser sa voix mielleuse et lui demander l'adresse de Marley, prétextant l'envie de lui faire une surprise. Or, lui demander son adresse directement aurait vraiment tout gâché. Au fond, Charlie n'avait (presque) pas menti, elle voulait vraiment que son arrivée à Town Square soit une véritable surprise pour Marley. Ce qu'elle n'avait pas mentionné, c'est que cela ne ravirait certainement pas Charlie. Mais voir le visage de sa demi-soeur se décomposer en comprenant que Charlie habitait ici aussi désormais, était un spectacle qu'elle n'aurait voulu éviter pour rien au monde.

L'avantage du métier de styliste était que Charlie pouvait planifier son temps comme elle le souhaitait. Si elle préférait se reposer l'après-midi et d'abord dessiner le matin, elle le pouvait. Si une envie de confectionner la prenait en plein milieu de la nuit, elle pouvait également s'exécuter sans problème. Si elle choisissait d'aller rendre visite à sa demi soeur en fin d'après midi, à l'heure ou certains occupaient encore leurs bureaux, elle pouvait prendre sa voiture et s'y rendre. C'est ainsi que Charlie se rendit donc chez Marley. Elle n'avait pas vraiment prévu ce qu'elle dirait, n'avait pas réfléchi à un discours bien cadré. Ses piques et sa méchanceté viendraient en allant, s'il y a bien une chose dont elle ne doutait pas, c'était son imagination pour pourrir la vie de sa demi soeur. Bien sûr, elle n'avait pas informé Samuel de la raison de sa virée, évoquant seulement de vagues courses à faire. Lui dire que Marley était en ville était la meilleure idée pour gâcher ses fiançailles. Elle savait bien que, pour cette raison, venir ici fut des plus risqués, ils pourraient se croiser n'importe où, mais Sam et Charlie s'étaient réconciliés, et l'italienne osait croire que leur relation était redevenue sincère, comme avant le "nuage" Marley.

Une fois devant chez Marley, Charlie courut presque jusqu'à la porte, et sonna frénétiquement. Son impatience prenait le dessus, mais elle se força à se calmer, elle devait être supérieure à sa demi soeur, comme avant.

C'est à une Marley différente que Charlie avait l'impression de faire face. L'air de Town Square lui avait donné de l'assurance, de la fermeté, Charlie s'était attendu à retrouver la Marley innocente et effacée. Ah moins qu'elle ne soit devenue une bitch pure et dure, à l'instar de sa demi soeur. Après tout, coucher avec le fiancée de Charlie avait peut-être été la phase finale dans son processus de transformation. La jolie brune était incapable de dire si elle devait se réjouir des changements opérés chez sa demi soeur, ou au contraire s'en effrayer. D'un côté, le challenge devenait plus excitant. D'un autre, Charlie se demanda si elle ne devait pas s'inquiéter. Et si cette nouvelle Marley devinait la présence de Samuel en ville, et décidait de le reconquérir ? Mais ... Charlie s'en voulut tout à coup d'entretenir de telles craintes : où était passer la Charlie "je n'ai peur de rien" ? Voilà que de la détermination se faisait sentir dans la voix de sa demi soeur, et elle perdait tous ses moyens. Cela ne lui ressemblait pas, elle devait cesser ses peurs infantiles : Samuel était à elle, il avait fait son choix entre les deux demi soeurs de toute façon. Charlie n'en avait jamais douté, d'ailleurs : la vie avec Marley devait être d'un ennui à mourir. « C'est ainsi que tu dis bonjour à ta demi soeur ? Voyons Marley, où sont passées tes bonnes manières ? Nous ne nous sommes pas vues depuis si longtemps ! Tu m'invites à entrer ? » Sans attendre son approbation, Charlie avança d'un pas, forçant la blonde à se reculer. Sa curiosité maladive, mêlée à de la jalousie mal placée, mourrait d'envie de voir la nouvelle demeure de Marley, connaître sa vie. Et surtout, voir qu'elle était malheureuse depuis qu'elle avait perdu Samuel.

« C'est très joli chez toi dis donc ! Bien plus petit que chez papa par contre ... » Charlie sifflait ses attaques comme une vipère, d'un air dégagé, elle lui accordait peu d'attention, trop occupée à examiner chaque centimètre de cette pièce, un grand sourire cynique sur les lèvres. Elle savait que Marley détestait leur lien de parenté, qui plus est quand Charlie appelait son père "papa", alors que seul un acte de mariage les liait. Elle mourrait d'envie de voir l'agacement de sa demi soeur montait d'un cran, mais elle devait garder cet air dégagé, et faire comprendre à Marley comme elle lui importait peu. Même si ce n'était pas tout à fait le cas, bien sûr. C'est alors que ses yeux se posèrent sur des jouets d'enfants, éparpillés sur le tapis du salon. Allons donc, Marley devait donc faire du baby sitting pour entretenir une bicoque si petite ? Ses affaires étaient-elle si peu florissantes ? Charlie savait, par leur père, que la blonde s'était enfin installée à son compte, ne demandant rien à son père. Sa fierté la dévorait depuis que son père s'était remarié, voilà qu'elle préférait changer des couches sales plutôt que de lui demandait une quelconque enveloppe, c'était d'un pathétique. Elle était née avec une cuillère en argent dans le bec, de quel droit pouvait-elle ressentir une telle fierté ? Elle n'avait pas grandi dans la rue, n'avait pas dû se battre durant sa vie, pour parcourir le chemin qui l'avait porté ici. Ah, Marley ... même sans parler, elle réussissait encore à l'horripiler. « Que vois-je soeurette, tu fais du baby sitting ? C'est si mignon, à ton âge ... »