« Rentrez chez vous, reposez-vous, et nous vous appellerons dès qu'il y aura du nouveau. » Elle ne savait pas vraiment combien de temps elle était restée à l'hôpital. Quelques heures, le temps qu'on lui fasse quelques examens et qu'on lui confirme que tout allait bien pour elle. Et pour Ethan alors ? Elle avait voulu rester, attendre ici jusqu'à ce qu'on lui dise qu'il s'était réveillé. Mais elle avait elle-même du mal à garder les yeux ouverts. Elle avait également trop peur d'entrer dans sa chambre et le voir, inconscient, parce que tout ce qu'elle ressentait hormis cette peur immense, c'était des remords. Non, ce n'était pas elle qui était arrivée trop vite en voiture et avait faillis lui foncer dedans, mais s'ils s'étaient justement retrouvés sur le pont à ce moment là, c'était bien de sa faute. Elle revoyait le visage d'Ethan, coincé dans la voiture, alors qu'elle se retrouvait impuissante. C'était cette image qui avait décidé de rester dans sa tête, et de passer en boucle. Alors non, elle n'avait pas eu le courage d'aller le voir, même si au final, lui parler alors qu'il était inconscient aurait peut-être été plus simple. Au lieu de ça, elle avait erré tel un fantôme dans les couloirs de l'hôpital, jusqu'à ce qu'on lui dise de rentrer chez elle. Elle n'avait pas la force de les contredire, et sortit du grand immeuble blanc, dans lequel elle plaçait tous ses espoirs.

Au bout de quelques pas, elle se rendit compte qu'elle ne voulait pas rentrer chez elle. Elle ne voulait pas se retrouver seule. La fatigue était si forte qu'elle en était arrivée au stade où elle ne la ressentait même plus. Son visage était livide, ses yeux rouges, on lui avait nettoyé le mascara qui avait coulé, et elle portait toujours sa robe bleue. On aurait presque pu la confondre avec une femme qui rentrait complètement ivre, même sa façon de marcher le faisait penser. Elle retenait ses larmes, même si elle savait que la fatigue n'allait pas l'aider à tenir longtemps. Non décidément, elle ne voulait pas être seule, et pourtant, elle ne savait pas du tout où aller. Isleen était partie, elle ne voulait pas que ses parents la voit dans cet état, ils seraient trop paniqués et ça ne l'aiderait absolument pas. Elle décida de se rendre chez la première personne qui lui passa par la tête. Pas si loin de la vieille ville, si elle passait pas le raccourcit, elle serait chez lui en dix minutes. Dix minutes encore à se retrouver seule avec elle-même. Dix minutes à partir dans ses pensées. Et bien sûr, pour compliquer les choses, ses pensées étaient parties vers le début de soirée, avant que ça ne parte en cauchemar. Elle revoyait Ethan, le regard qu'il avait eu, et ses lèvres qui s'étaient posées sur les siennes. C'était comme recevoir une autre douche froide. Mais qu'est-ce qui lui avait pris, qu'est-ce qui lui était passé par la tête ? Rien du tout, c'était bien le soucis. Elle n'avait pas réfléchis. Décidément, cette soirée, c'était vraiment n'importe quoi. Et qu'allait t'elle dire à Ethanaël lorsqu'il allait se réveiller ? Et s'il ne se réveillait pas ? A cette pensée, une larme coula à nouveau sur sa joue, mais voyant qu'elle n'était qu'à quelques mètres de chez Devon, elle sécha ses larmes.

Arrivée devant chez lui, elle hésita un instant avant de frapper. Qu'est-ce qu'elle faisait là ? Vu l'heure matinale, il devait sûrement dormir, et elle allait le réveiller sans savoir lui expliquer pourquoi elle était là. Pourquoi elle était venue chez lui. Trop fatiguée pour continuer à supporter tout ce bordel qui se bousculait dans sa tête, elle sonna à la porte. Elle avait froid, elle voulait enlever ses escarpins, et dormir. Elle voulait de la compagnie. Lorsqu'il ouvrit enfin la porte, Fawn leva les yeux vers lui. Elle se dit qu'elle allait trouver quoi dire en le voyant, que ça viendrait comme ça. Mais elle resta plantée là, sans rien trouver à dire. Elle se sentait mal, avec ses yeux boursoufflés, ses cheveux en pagaille. Elle ne pensa même pas à s'excuser de venir chez lui si tôt, sans avoir prévenu. Elle cherchait juste en elle la force de garder ses larmes à l'intérieur. « J'avais besoin de compagnie... »

Elle était gelée, le vent soufflait, on sentait l'automne approcher et elle avait laissé sa veste à l'arrière de la voiture d'Ethanaël. Impatiemment, elle attendait que Devon vienne lui ouvrir la porte, en espérant qu'il soit chez lui, non pas chez une conquête ou encore à New-York, ces deux possibilités étant aussi probables l'une que l'autre. Si effectivement il était là, elle ne s'attendait pas à un accueil les bras grands ouverts vu l'heure matinale à laquelle elle débarquait sans même avoir prévenu.

Il ouvrit la porte, et pendant un court instant, elle regretta d'être ici. D'abord parce qu'elle culpabilisait un peu de l'avoir réveillé si tôt, en sachant très bien qu'il avait pour habitude de se coucher tard et faire la grasse matinée – en tout cas pas de sortir du lit au levé du soleil. Mais ce n'était pas la seule raison. Elle était vulnérable, et jamais il ne l'avait vu comme ça, pour la simple raison qu'elle s'était promis de toujours se montrer forte avec lui, parce qu'elle savait qu'elle devait faire ses preuves. Elle avait toujours eu un fort caractère, mais comme tout le monde, elle avait parfois besoin de craquer, seulement elle ne lui avait jamais montré cette facette de sa personnalité, par fierté. Alors pourquoi aujourd'hui s'était-elle rendu chez lui, alors qu'elle avait besoin d'aide ? Parce qu'elle l'appréciait. Parce qu'au bout d'un an, ils avaient finis par comprendre comment l'un et l'autre fonctionnait, par se respecter mutuellement, mais surtout par se lier d'amitié. Finalement, si elle était ici, c'était certainement parce qu'elle avait confiance en lui. Il était la première personne qui lui était passé par la tête lorsqu'elle ne savait pas où aller, c'était signe qu'elle pouvait finalement baisser sa garde, et ne pas penser qu'en arrivant à sa porte, elle ferait certainement pitié. Si toute cette histoire était arrivée un an plus tôt, elle ne serait jamais trouvée devant chez lui dans cet état. Ils avaient fait un long chemin depuis le début de leur collaboration, ce n'était pas sans raison si elle était devant lui à ce moment là, les yeux rougis par les larmes et la fatigue, le corps empli de frissons et les jambes flageolantes. Elle avait besoin de compagnie. C'était tout ce qu'elle avait trouvé à dire alors qu'il tentait difficilement de se réveiller. Il faut dire que c'était la raison principale pour laquelle elle l'avait rejoins. L'idée de se retrouver seule avec elle même ne l'enchantait absolument pas, les images de l'accident se bousculant trop dans sa tête. Elle aurait aimé penser à autre chose, mais on sait tous que ça n'était pas possible. « Mon Dieu Fawn, qu'est-ce qui t'est arrivé ? » Sans attendre, il lui attrapa les mains et la conduisit à l'intérieur. Le réconfort que pouvait apporter le contact d'un ami était inimaginable, et elle ne voulait pas qu'il la lâche. Assise sur la canapé, il l'enroula dans une couverture et resta collé à elle, ce dont elle lui fut extrêmement reconnaissante, même si elle ne dit rien. Elle ne savait pas à quoi s'attendre en arrivant ici, mais il se montra si attentionné qu'elle s'en voulait de ne pas être capable de trouver les mots justes. En fait, elle ne savait pas quoi dire. Par où commencer ? Rien que de sentir ses mains chaudes contre elle lui firent du bien. La jeune femme posa sa tête sur l'épaule de son collègue, et à nouveau, le visage d'Ethan apparu dans ses pensées. Mais ce n'était pas son regard paniqué qu'elle avait vu sous l'eau alors qu'il n'arrivait pas à sortir, c'était celui de cet homme inconscient, dont le cœur s'était arrêté de battre alors qu'on le conduisait à l'hôpital. Jamais elle n'avait eu si peur.

Finalement, la voix de Devon la sortit de ses pensées. « Qu’est-ce que je peux faire ? Tu veux… un café ? parler ? manger ? dormir ? prendre une douche ? » Se redressant, elle porta son regard vers le sien. Elle voulait parler, mais elle ne savait pas par où commencer. Elle voulait dormir, et se réchauffer sous une bonne douche. Elle voulait qu'il reste auprès d'elle, le temps qu'elle réalise ce qui s'était passé. Fawn chercha ses mots, essayant de mettre ses idées au clair, et vu le bordel qui trainait dans sa tête, ce n'était pas chose facile, mais elle chercha au fond d'elle la force de raconter la soirée qu'elle venait de vivre. « J'ai eu un accident. Je veux dire, on a eu un accident. C'est ma faute, et maintenant … on ne sait même pas s'il va se réveiller. » Il ne devait rien comprendre de ce qu'elle racontait, mais alors qu'elle prononça cette dernière phrase, pour la première fois à voix haute, elle se rendit compte de la réalité de la situation, et c'en fut trop pour ne pas craquer. Les larmes commencèrent à couler, et la jeune femme enfouie sa tête contre l'épaule de Devon, et n'ajouta rien. Elle avait froid, elle voulait prendre une douche, mais elle se sentait trop bien auprès de lui, et l'idée de bouger ne lui plaisait pas vraiment, mais elle en avait besoin. « Ça t'embête si je vais d'abord me doucher? » Elle lui raconterait la suite après, parce qu'elle ne pouvait pas arrêter là son histoire, il devait être inquiet et elle s'en voulait d'avoir arrêté son histoire là alors qu'il prenait soin d'elle.

Doucement, elle tentait de retrouver une respiration normale. Elle était presque sereine, contre lui, la tête posée sur son épaule, sa main qui lui caressait les cheveux. Elle avait eu un tel besoin de compagnie, et pourtant elle n'avait pas imaginé qu'elle pourrait se sentir si bien auprès de lui, malgré la situation. La fatigue prenait le dessus, et elle se serait bien endormie. Mais elle savait qu'après un choc pareil, et même en s'endormant aussi calme que possible, elle ne dormirait que d'un sommeil troublé dans lequel elle revivrait probablement l'accident, et elle n'en avait absolument pas la force. Il fallait qu'elle reprenne ses esprits, et la suggestion de son ami à aller prendre une douche s'avéra très tentante. Elle avait l'impression d'être frigorifiée malgré la chaleur que lui procuraient Devon et la couverture, et de l'eau chaude coulant sur son corps la faisait presque rêver. Elle voulait lui parler pourtant, elle avait même essayé, mais rien qu'à l'évocation d'Ethan, de son état actuel, elle finit par craquer de nouveau. Comment la soirée avait-elle pu finir si mal ?

Elle avait bien conscience qu'elle devait laisser Devon plein de questions dans la tête, et elle lui en était reconnaissante d'avoir la délicatesse de ne pas insister et la presser pour avoir plus d'explications. Elle découvrait un côté de sa personnalité qu'elle ne connaissait pas vraiment, tout comme lui la voyait comme il ne l'avait jamais vue. Elle était fragile, il était protecteur. Elle avait presque l'impression d'être serrée contre un inconnu, et en même temps, elle ne s'était jamais sentie si proche de lui. Le regard vers son collègue, elle tenta de le remercier avec un léger sourire alors qu'il essuyait les larmes qui coulaient sur son visage. Elle glissa ses mains dans les siennes alors qu'il l'aida à se relever, et sans rien ajouter, elle se laissa conduire jusque dans la salle de bain. « Fais comme chez toi, utilise autant de serviette que tu le désires, et si tu veux me piquer des vêtements mon dressing t’es grand ouvert. » Avant qu'il ne quitte la pièce, elle lui répondit simplement « Merci pour tout Devon. » . Rapidement, bien que tremblant de tout son corps, elle enleva sa robe et ses sous-vêtements qu'elle posa par terre sur la couverture qu'elle venait de quitter à contre-coeur.
Elle ferma les yeux, laissant l'eau qui coulait le long de son corps la réchauffer, espérant qu'elle puisse mettre ses idées au clair, et se détendre. Peut-être qu'il allait avoir de la chance, qu'on allait l'appeler d'ici une heure pour lui dire qu'il s'était réveillé, et qu'il y avait eu plus de peur que de mal. Et puis elle pensa à Devon, qui devait être dans sa cuisine à se poser des tas de questions. Elle pensa à quel point elle lui était reconnaissante d'avoir été là ce matin, sinon, elle serait certainement de train de errer on ne sait trop où dans la ville. Elle se passa les mains sur son visage, se nettoya le corps, et rien que d'être propre, elle se sentit mieux. Forcément, c'est toujours plus agréable que de sentir le poisson. Elle attrapa une serviette, se passa la main dans ses cheveux pour essayer de les démêler, puis se dirigea vers le dressing de Devon où elle lui emprunta des vêtements propres. Caleçon, t-shirt et pantalon simple, elle jeta un regard dans le miroir, se trouva si pâle qu'elle en eu presque peur, mais au moins, elle ne ressemblait plus à une prostituée SDF. Oui, c'était un mélange pas très glamour.

Elle finit par rejoindre Devon, l'odeur du café l'attirant rapidement dans le salon. « Je me suis permise de te prendre des vêtements. Ils me vont bien, non ? » Elle afficha un léger sourire, et alla s'installer sur le canapé, assez proche de lui pour le sentir contre elle. De cette façon, elle savait qu'elle se sentirait bien. Elle attrapa l'une des tasses et avala une gorgée. Elle sentit la chaleur du breuvage lui parcourir le corps, et se décida enfin à continuer son histoire. Elle ne savait pas vraiment par où commencer, mais l'image d'Ethan dans l'ambulance lui passa par la tête. « Il est à l'hôpital, mon ami avec qui j'ai eu l'accident. » Ses yeux commencèrent à lui piquer de nouveau, ils devaient briller mais elle tenta tout de même de retenir ses larmes. « On était au bar, on a bu, pas mal, enfin tu imagines. Et puis j'ai proposé qu'on aille terminer la soirée sur la plage, tu vois, c'était plus sympa... » Elle ne rentra pas dans les détails, elle ne lui dit pas que c'était parce qu'après s'être embrassés, elle voulait qu'ils soient tranquilles. « Une voiture est arrivée, il a voulu l'éviter, on est tombés du pont. Il roulait pas vite, hein. Mais il n'a pas pu sortir de la voiture. » A nouveau, l'image d'Ethanaël coincé dans la voiture lui traversa l'esprit, des frissons lui parcoururent le corps. « Il a pas réussis à sortir, il était coincé, sous l'eau. J'ai appelé les secours, ils l'ont sortis de là, mais il a fait un arrêt cardiaque. Il est toujours à l'hôpital, dans le coma... » Elle ne pouvait rien ajouter d'autre, elle enfouie sa tête contre l'épaule de Devon et laissa à nouveau les larmes couler.