Je remis rapidement mon cellulaire dans ma poche. Décidément, j’avais assez titillé l’esprit de Devon pour qu’il s’empresse à me rejoindre au parc. Je souris tranquillement. Se doutait-il de ma demande ou bien au contraire n’avait-il absolument aucune idée du service que j’allais sagement lui demander? Je me levai doucement du banc et je marchai de manière lente vers la sortie du parc. J’allai chercher le café de Devon, si ça pouvait lui faire plaisir et accepter ma demande. Une brise fraiche parcourait flegmatiquement l’horizon. Les mains dans les poches, je souriais aux personnes qui comme moi parcouraient les alentours. J’entrai dans le café et je commandai un café au lait de soya (le mien) et un café deux laits, deux sucres. J’achetai aussi un muffin aux citron et pavot. Peut-être le partagerais-je avec Devon! S’il ne quittait pas furieux. Mais il ne pouvait pas être furieux… non. Il pouvait être : heureux, jaloux, envieux ou même désireux, mais pas furieux. En même temps, j’ai la nette impression qu’il n’aime pas tant Griswold. Impression ou pas, il devait accepter parce que… parce que, je voulais qu’il soit mon garçon d’honneur.

Personne d’autre que lui. Pourquoi? Parce qu’il était simplement lui. Devon est un être qui se donne à fond et je sais que le garder près de moi durant le mariage ne pourrait que m’aider à garder les pieds sur Terre. Il avait cette façon de s’impliquer dans les projets, j’étais donc sûr qu’il m’aiderait à ne pas perdre ma patience et à ne pas remettre mon mariage en questionnement. Puis, Devon est adorable. Un vrai soleil en bouteille. Il ne pourrait pas être un désavantage à notre mariage. Quand j’avais dit à Griswold que je voulais le prendre comme garçon d’honneur, il m’avait lancé un de ses regards. Comme si j’avais lancé une bombe sur Hiroshima. Pourtant, Devon ne lui avait jamais rien fait. Il m’avait rapidement dit que de le prendre comme garçon d’honneur serait comme d’annuler directement notre mariage. Je dois vous avouer que je m’étais mis à pleurer à chaudes larmes. Je ne sais pas pourquoi, mais lorsque quelqu’un se met à me crier dessus je ne contrôle plus mes émotions. Une dizaine de minutes plus tard, il était venu s’excuser en disant que si c’était réellement Devon que je voulais ça lui ferait plaisir et que c’était seulement à cause du stress du mariage qu’il était ainsi.

Pourtant, moi aussi j’étais stressé d’être à tout jamais avec quelqu’un, mais je ne pouvais m’entêter à lui faire subir mes humeurs. J’étais resté calme depuis qu’il m’avait demandé ma main. Ça s’était passé si rapidement. Ça faisait à peine un an que nous étions en couple, une année de pur bonheur. J’étais certain de mon choix. C’était lui que je voulais pour l’éternité. Je retournai vers le parc. J’étais perdu dans mes pensées en réfléchissant comment j’allais annoncer mes fiançailles à Devon. J’avais tellement la tête dans les nuages qu’une auto avait failli me renverser. De loin je vis Devon qui m’attendait sur un banc de parc. Je marchai rapidement jusqu’à lui. Il avait l’air de se demander qu’est-ce que j’avais à lui annoncer. Je lui donnai mon plus beau sourire radieux. Tranquillement, de la main gauche je lui tendis son café en espérant qu’il remarque la bague sur mon annulaire. « Fait attention c’est chaud. Mes doigts sont en train de brûler. » Je souris en riant un peu. « Tu sais j’ai des doigts très faciles à conquérir par la chaleur. »

Mes dents d’un blanc immaculé renforçaient le sourire que j’avais en regardant Devon. Je m’assis près de lui, déposa le sac contenant le muffin sur mon entrecuisse et j’allongeais mon bras derrière le dos de Devon. Aux premiers abords, il ne comprenait pas mes commentaires vagues. Du pouce, je fis tourner la bague autour de mon doigt. « Mes doigts me satisfont, ils sont juste un peu fatigués de leurs lourdeurs. » Un second rire se plaça entre mes lèvres. J’adorais jouer l’homme provocant et faire torturer mes victimes d’impatiences et de mystère. On devrait appeler le FBI pour me faire incarcérer pour de tels crimes! Devon avait gardé un ton sérieux, je sentais même un peu de fureur. C’était ma gaieté contre sa morosité. Qui allait gagner le flambeau? Du coup, il comprit. Tout ce qui avait été mystère pour lui devint évidence. Une moue de choc s’était empreinte sur son visage. Je gardais mon sourire béat prêt à recevoir une brique sur la tête. Je connaissais aussi l’envie de Devon de m’amener dans son lit et cette bague représentait un gros trait gras sur son rêve. À quoi avais-je pensé?

Je pris une longue gorgée brulante de mon café pour me donner du courage. Mes mains se mirent à trembler doucement et mon teint se rosit un peu. J’étais stressé. L’audace d’en parler à Devon s’était envolée. J’avais décidé de lui en parler sur un coup de tête et maintenant je le regrettais. D’un coup violent presque agressif, il prit ma main en répétant des négations me faisant perdre l’équilibre quelques secondes. Il examinait la bague comme si elle me tuait petit à petit et qu’il cherchait un moyen de l’enlever de mon doigt à tout jamais. Voilà, j’avais l’anneau de Sauron autour du doigt! Je déglutis calmement tandis que Gollum me regardait avec mépris et qu’il parlait à une vitesse folle. « Hum… Euh… Non? » Je souris et je regardai ailleurs quelques instants pour réunir les quelques onze de Redbull dans mon corps dont j’avais bus il y avait des semaines de cela. « C’est… Bah… Tu t’en doutais non? Que… hum… Griswold allait faire sa demande… Non? »

Bien sûr que non! Il ne s’en doutait pas plus que moi. La relation que j’avais avec Griswold était jeune & sans expérience et voilà qu’on se fiançait. Une partie de moi me disait que c’était la chose à faire. Après tout, il avait été l’un des seuls hommes avec qui j’avais eu assez de confiance pour ne pas le tromper. Car, habituellement, je ne m’empêchais pas de voir d’autres hommes lors d’une relation pensant que lui-même faisait la même chose. Mais entre moi et Gris, ce n’était pas ça du tout. Les deux on se réservait l’un pour l’autre. Tandis que l’autre partie de moi me disait que j’étais devenu fou. Que j’avais besoin de prendre du temps pour moi! Que j’étais jeune et que peut-être me mettre la corde au cou pour Griswold n’était pas la meilleure solution à vie. Je soupirai et regarda le gravier. « Tu sais… Je l’aime beaucoup Gris même si l’on dirait qu’il y a un froid entre vous deux. »

J’enlevais ma main de ces mains pour relever son visage vers le mien. J’insérais mon regard à l’intérieur de ses pupilles mordorées. Je caressai du pouce sa petite barbe mal rasée et je souris. « Tu sais, ce n’est pas le diable que je marie. » Je forçai un troisième sourire. C’est vrai, Gris n’était pas le diable. Il ne me mariait pas pour l’argent. Il n’avait jamais mis la main sur moi pour me blesser. Il ne me trompait pas. J’étais sa priorité et pas seulement parce qu’il était mon agent. Je retirai ma main du menton de Devon pour attraper le sac avec le muffin à l’intérieur. J’en pris un morceau que je tendis à Devon. « Citron et pavot. Tu sais, tu es la première personne à qui j’en parle et il y a une raison pour ça. Je t’aime beaucoup, si tu savais, et… » Je me mordis doucement la lèvre inférieure tout en attendant qu’il prît le morceau sucré de ma main.