L’asiatique avait conduit jusqu’ici telle une automate, prenant à peine attention à la route qui défilait devant elle. Ses pensées tortueuses s’envolèrent à l’instant où elle s’engagea dans le quartier huppé de la ville et stoppa à sa moto un peu plus loin de l’endroit qu’elle s’apprêtait à piller puis continua le reste du chemin à pieds. Depuis le trottoir d’en face, Suki observa longuement la devanture en essayant vainement de chasser toutes les raisons que sa conscience lui murmurait. Tout d’abord, s’inviter chez quelqu’un sans y être invitée et fouiner dans sa vie n’avait été une bonne approche et, ensuite, il y avait Leah. Suki se donnait un mal fou à ne plus penser à lui, mais devait bien admettre qu’elle s’y était attachée. Peut-être un peu trop, d’ailleurs. Depuis l’anniversaire de Kisa, elle s’était montrée très discrète et n’avait pas cherché à le revoir alors que l’envie était pourtant bien présente. Mais elle était tétanisée à l’idée de se retrouver nez-à-nez avec sa sœur et de devoir tout lui raconter. Elle avait aussi peur de se montrer sous son vrai jour parce qu’elle était bien loin de l’idée que Leah se faisait d’elle. C’était une voleuse doublée d’une meurtrière. Qui voudrait d’une femme comme ça ? La maison était vide. Elle s’en était assurée. Même sans faire partie intégrante de la vie de ses propriétaires, Suki avait su se tenir informer de leur agendas respectifs. Ce n’était pas vraiment difficile compte-tenu de la notoriété de Leah, quant à Kisa, elle avait rejoint ses parents adoptifs pour les fêtes de fin d’années ; Suki allait donc pouvoir faire ses recherches sans être dérangée. Sur cette pensée, une lueur de détermination passa dans son regard et, à l’aide de la pénombre, se fraya un chemin jusqu’au jardin. Elle avait passé assez de temps à l’intérieur pour faire un rapide état des lieux et repérer les failles dans la sécurité ; ainsi, en s’aidant de son savoir-faire, Suki n’eut aucun mal à pénétrer à l’intérieur non sans avoir enfilé un masque.

L’asiatique était maintenant fin prête pour son petit larcin. Ce n’était pas la première fois qu’elle s’introduisait discrètement chez Leah. Suki l’avait fait plusieurs fois et doutait qu’il l’ait remarqué. Elle ne volait aucun bien matériel, mais se contentait de chercher toutes les informations concernant Kisa afin de mieux la connaître. Tandis que d’autres personnes se seraient probablement contentées de se présenter à l’intéressée, Suki préférait choisir une solution de facilité. Sa définition de la facilité était certes un peu étrange, mais c’était effectivement le cas. Il était plus facile pour elle de s’introduire discrètement dans son lieu de vie que de prendre le risque d’être rejetée par cette sœur qu’elle ne connaissait à peine. Suki ne le supporterait pas. Pas après avoir été abandonnée par Kyô. Depuis son départ, l’asiatique n’était plus que l’ombre d’elle-même. Pour elle, protéger son frère était son job alors, lorsqu’il était partie, la jeune femme avait eu l’impression de perdre son utilité et le grand but de sa vie. Elle avait alors désigné un nouvel objectif : retrouver sa sœur et la récupérer coûte que coûte, mais s’était rendue à l’évidence que Kisa était épanouie. Cela faisait bien longtemps que sa benjamine n’avait plus besoin d’elle…

Suki se tenait à présent au beau milieu du salon plongé dans la pénombre et tendit l’oreille. Il ne filtrait aucun bruit ce qui la conforta dans l’idée que personne ne s’y trouvait, mais elle se glissa tout de même à pas de loup jusqu’au système d’alarme pour le désactiver à l’aide d’un brouilleur conçu de ses propres mains et qui lui avait bien servi par le passé. Mais ce qu’elle ignorait, c’est que l’appareil était devenu obsolète depuis longtemps. Les entreprises qui concevaient les alarmes les avaient plutôt bien perfectionnés pendant que Suki profitait de sa « retraite » et n’en prit conscience que lorsque la lumière s’alluma, éclairant ainsi toute la pièce. Surprise, elle eut le temps de faire volte-face et se retrouva nez-à-nez avec un Leah beaucoup moins chaleureux que les fois précédentes. Elle savait qu’il ne craindrait pas un combat au corps-à-corps de par son passé de garde-du-corps et s’accorda du répit en leva les mains en l’air. Cependant, Suki évaluait déjà une stratégie de repli. Il eut à peine le temps de bouger un muscle que l’asiatique se précipita vers la sortie prête à parer une attaque pour préserver son identité plus que pour se défendre.

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