Lorsque le réveil de Suki s’était mis à sonner ce matin-là, l’asiatique était déjà réveillée depuis bien longtemps. La tête posée sur l’oreiller, elle s’était contentée d’observer les minutes défiler de 4h30 à 6h30 jusqu’à ce que la voix d’un présentateur de radio local ne l’informe de la météo du jour. Depuis qu’elle savait où Kisa vivait, Suki avait quitté le gang qui les avait recueillis son frère et elle, mais elle n’avait encore rien entrepris pour entrer en contact avec sa benjamine. Kyô ignorait même le plan de Suki ! Elle s’était simplement contentée de l’observer de loin et de grappiller quelques informations en laissant traîner une oreille par-ci, par-là. Parfois, quand son temps libre le lui permettait, la jeune femme se rendait dans les endroits où Kisa était habituée et y restait pendant des heures, juste pour l’apercevoir ou entendre le son de sa voix. Ce qu’elle était belle, d’ailleurs. En toute franchise, Suki appréhendait leurs retrouvailles ; elle en avait carrément la trouille ! Sa sœur n’était encore qu’un bébé lorsqu’on l’avait adopté, elle ne devait pas avoir le moindre souvenir de sa fratrie et Suki craignait d'être rejetée. C’était curieux, mais après avoir passé une enfance sans parents et une adolescence chaotique à se battre pour survivre et protéger Kyô, Suki n’arrivait pas à imaginer le meilleur de scénario, celui où tout se finit bien, comme dans les contes de fées.

C’est en se concentrant de nouveau sur le réveille-matin qu’elle prit conscience des cinq minutes supplémentaires qu’elle venait de passer à se lamenter sur son sort et consentit enfin à éteindre l’appareil d’un geste décidée : il était plus que temps de mettre son plan à exécution. Mécaniquement, elle se leva du lit et s’adonna à son rituel matinal. Une fois prête, Suki quitta son appartement en tenue de sport. Sac sur le dos et rollers amovibles aux pieds, l'asiatique se laissa tranquillement glissée jusqu’au lieu bien gardé où elle était sûre de le trouver.

C’est à proximité du lac de Town Square que se trouvait le plus beau spot de la région. Le Paradis des sportifs, disait-on. Un simple coup d’œil à l’endroit suffit à Suki pour comprendre la raison de ce « nom de code » dont on l’avait affublé. En plus d’être idéal pour la pratique de nombreux sports, l’endroit disposait d’un paysage à couper le souffle. Un paysage où elle ne manquerait pas de faire tâche. Si l’endroit était le repère de tous les initiés du coin, un nouveau visage n’avait aucune chance de passer inaperçu.

Tant mieux, parce que c’était précisément ce qu’elle voulait.

Suki n’était pas seulement venue pour entretenir sa silhouette athlétique qu’elle avait pris l’habitude de cacher sous des vêtements amples, mais pour attirer l’attention d’un habitué. Leah Lane était, semblait-il, étroitement lié à Kisa. Incapable de se confronter à sa petite sœur, elle avait préféré un moyen détourné et soutirer quelques informations de l’homme chez qui elle vivait était l’une des meilleures alternatives pour mieux l’aborder, sans l’effrayer ou se faire repousser à la première occasion. Suki l’avait épié discrètement pendant des semaines, assez pour connaître ses petites habitudes ; elle ne put s’empêcher de sourire lorsqu’elle le vit de loin. L’asiatique traversa le « terrain » sans prendre attention aux sifflements qui lui étaient adressés – visiblement les femmes étaient rares ici – laissa tomber son sac non loin de celui de Leah et ôta les roues de ses patins. Elle resta au sol un petit moment pour étirer ses muscles, saupoudra ses mains de magnésie, puis entreprit de gravir le mur afin d’arriver rapidement à son niveau en se faisant la plus innocente possible. Lorsque leurs regards se croisèrent enfin, Suki lui adressa un sourire poli et le devança.

6 heures tapantes, les yeux bien ouverts, j'ai dormi mes 4 heures journalières, cela me suffit amplement. Depuis l'accident qui a mis Tara dans le coma, il y a deux ans, je ne dors plus. Elle a beau être réveillée maintenant, je me sens toujours coupable de cet accident, et de mon non devoir envers elle. Maintenant qu'elle est amnésique, les choses sont encore plus difficiles.

C'est d'ailleurs pour ça que tous les jours, pendant plusieurs heures, je m'adonne à de longues séances sportives pour me vider la tête et pour ne pas perdre ma force et mon agilité. Je saute dans un jogging, me fais griller deux tartines et laisse le bruit du café qui coule bercer mon début de journée. J'adore cette douce odeur qui émane de la cafetière. D'ailleurs, je ne peux pas louper le gros papier que m'a laissé Kisa devant la machine à café. "Réveille moi quand tu es levé, j'ai bu boulot ce matin". Je croque dans ma tartine et remonte à l'étage, avalant les escaliers 4 à 4 pour frapper à la porte de ma petite protégée. Kisa a été adoptée il y a une vingtaine d'années par une couple d'amis de mes parents. J'avais 10 ans quand elle est arrivée et je l'ai de suite prise sous mon aile. Elle est devenue un peu comme ma 2ème soeur, elle représente énormément pour moi.

Cela fait environ 3 semaines que Kisa a élu domicile dans ma grande maison, j'avais la place, et je ne comptais pas la laisser seule quand elle a appris que ses parents devaient quitter Town Square. «Debout là dedans !» dis-je en frappant à la porte avant de l'ouvrir. J'entends gromeler, et dans un sourire, je redescends pour avaler mon café. 6h30, mon sac à dos sur l'épaule, j'enfouis mes écouteurs dans mes oreilles alors que Kisa pointe le bout de son nez en pyjama. Je lui plaque un bisou sur la joue. «A ce soir !». Je claque la porte d'entrée et file à petite foulées dans mon repère secret. Je ne suis pas le seul à le connaître, on doit être une petite dizaine à s'y rendre régulièrement. Acrobates, saltimbanques, cascadeurs, yamakasi, c'est un endroit où toute personne peut venir s'entraîner, se perfectionner. Tout le monde se connaît, tout le monde se salue, on échange, mais ça reste un cercle plutôt fermé, majoritairement masculin.

Ce matin, je sens que j'ai besoin de me défouler. Après quasiment 30mn de marche, je jette mon sac à dos au sol. Quelques étirements, quelques exercices de routines, je dis bonjour aux quelques matinaux qui sont déjà sur le terrain. J'adore cet endroit, c'est vraiment ici que j'arrive à tout oublier. La vue magnifique sur le lac aidant beaucoup. Après avoir plongé mes mains dans la magnésie se trouvant en bas du mur d'escalade naturel, je me décide à changer mon chemin habituel pour plus de complexité. Je ne suis pas du genre à aimer la routine.

Ce n'est que quelques minutes après le début de mon ascension, alors que je suis déjà à 5 ou 6 mètres au dessus du sol, que j'entends des sifflements. Je tourne la tête mais peine à comprendre ce qui se passe. Je distingue difficilement une silhouette féminine. Une nouvelle recrue ? Je n'y prête pas plus attention, et reprends mon chemin. Ce côté de la paroi est plus difficile d'accès et j'ai un peu de mal à trouver des prises correctes. La chute serait fatale, surtout que je n'ai aucun filet, aucune sécurité. Sans même que je ne l'entende arriver, une jeune femme passe près de moi, telle une araignée, trouvant plus facilement que moi ses prises, elle prend à peine le temps de me sourire qu'elle grimpe déjà plus haut. Mes yeux se perdent sur sa silhouette parfaitement musclée - pour ne pas dire son fessier parfaitement musclé.

Je redouble alors d'efforts pour la rejoindre tout en haut. Légèrement essoufflé, je frotte mes mains l'une contre l'autre pour retirer un peu la magnésie. La jeune femme est dos à moi, en train d'admirer le paysage. «Ça vaut le coup de monter tout la haut hein ? Mais dis... t'as été piquée par une araignée récemment ?». La jeune femme se retourne et c'est alors que je remarque la ressemblance frappante avec Kisa. Je reste un peu bloqué un instant, avant de lui offrir un sourire sympathique. Elle a vraiment un visage magnifique, de jolis traits fins, et des yeux légèrement en amande qui ont le don de faire chavirer n'importe quel homme. Mais quelle femme est-elle pour se pointer ici et dévaler un mur d'escalade comme celui là. Elle m'intrigue déjà alors qu'elle a croisé ma route il n'y a que quelques minutes à peine...

A son sens, il n’y avait pas de meilleure façon pour titiller la curiosité d’un homme que de s’attaquer à sa fierté en le battant à son petit jeu et sur son propre terrain. Sans prétention aucune, Suki se doutait que l’homme en question serait intrigué par l’habilité et la force qui se dégageait de ce petit bout de femme, comme d’autres avant lui. Elle songeait notamment à Cameron et au surnom dont il l’avait affublé. Perle. Parce que c’était ce que Suki était à ses yeux, une perle que l’on avait découvert dans un container et qu’il se félicitait d’avoir trouvé. Il considérait les deux rescapés de la fratrie Lihn comme ses trésors, les avait chéri comme ses propres enfants, les avait poussé hors du nid pour les inciter à poursuivre leurs rêves. Kenji, Sue, Cameron, ils étaient à Suki ce que les étoiles filantes étaient pour les scientifiques.

L’asiatique visait aussi sur son atout charme. Elle n’avait pas l’âme d’une croqueuse d’hommes, mais Suki exerçait parfois une certaine attraction et en tirait avantage lorsque cela revêtait un réel intérêt. Et aujourd’hui, compte-tenu de ce qu’il y avait en jeu, autant dire que la jeune femme était prête à miser gros sur ce coup. Lorsque la jeune femme avait croisé le regard de Leah un peu plus bas, elle avait tout de suite su que cela ne serait pas vraiment une corvée…

Quelques minutes plus tard, son ascension se termina enfin au sommet de la crête et Suki décida d’attendre son adversaire – ou plutôt sa pauvre victime – en profitant du panorama. Ce coin retiré de Town Square était vraiment magnifique. Elle ne se souvenait pas avoir vu de tels paysages et pourtant, elle avait l’habitude d’être perchée en hauteur, un vrai chat de gouttière, mais le toit d’une crête n’avait rien à envier au toit d’un gratte-ciel. Et ce calme, c’était si… reposant ! Suki clôt les paupières, prit une profonde inspiration et médita quelques instants pour chasser toutes les sombres pensées parasitaient son esprit. Sa petite séance ne dura pas très longtemps. Un sourire étira ses lèvres lorsqu’elle capta le bruit d’une respiration saccadée et, doucement, Suki ouvrit les yeux. « Ca vaut le coup de monter tout la haut, hein ? Mais dis… T’as été piquée par une araignée récemment ? ». L’asiatique se tourna alors pour lui faire face sans se défaire de son sourire qui creusait maintenant deux fossettes craquantes aux creux de ses joues, les mêmes que Kisa. Le tutoiement devait sûrement être commun à toutes les personnes qui venaient s’entraîner ici et, sans être offensée par cette familiarité, arqua un sourcil qui marquait son étonnement. « Oui, la vue est agréable, on ne m’a pas menti. » dit-elle en glissant son regard sur le corps de Leah, juste pour le plaisir d’entretenir l’ambiguïté et de constater qu’il avait un corps parfait doublé d'un sourire absolument charmant. Suki pouffa d’un rire délicat lorsqu’il mentionna, implicitement, la facilité avec laquelle elle s’était hissée jusqu’ici. Elle appréciait l’image, en tout cas. « Pas de morsure, non. Juste une addiction à l’adrénaline. ». Suki haussa les épaules d’un air innocent, puis tendit sa main encore poudrée de magnésie qui la fit pouffer d'un rire un peu plus gêné. « Kalena. » se présenta-t-elle, non sans accrocher son regard au sien.

Lorsqu'elle se retourne, je remarque de magnifiques fossettes se creuser autour de son sourire, marquant encore plus sa ressemblance avec Kisa. C'est fou parfois comme certaines personnes peuvent se ressembler sans pourtant n'avoir rien en commun dans leurs gènes. Impossible pour moi de ne pas lui rendre ce sourire radieux, bien que le sien semble légèrement teinté de satisfaction. Sûrement son ascension rapide. Je n'ai décidément pas l'habitude de me "confronter" à des femmes ici. Pourtant sur les plateaux de tournage, il y en a des cascadeuses femmes, habituées à chuter, à se battre etc... mais c'est juste étrange de croiser une jeune femme ici, c'est connu pour être un spot planqué et peu accessible. Je me souviens de ce genre d'endroit à Los Angeles, les femmes y étaient bien plus présentes qu'ici. Ce n'était pas pour me déplaire. Et même si la présence de la jeune asiatique n'est pas habituelle, je ne vais pas m'en plaindre. Un peu de féminité ici ne ferait de mal à personne.

« Oui, la vue est agréable, on ne m’a pas menti. ». Elle n'était donc pas là par hasard. En même temps, je pense que personne n'est ici par hasard. Le regard de la jeune femme glisse sur mon corps, et sur mon débardeur qui laisse apparaître les muscles saillants de mes bras et de mon torse. Je croise les bras, essayant de dissimuler un petit sourire. « Pas de morsure, non. Juste une addiction à l’adrénaline. ». Je me contente de hocher la tête alors que mon sourire s'élargit doucement. «Tu dois êtres sacrément droguée alors !».

La jeune femme tend vers moi sa main tachetée de poudre blanche « Kalena. », je fais alors de même, décroisant mes bras et m'avançant vers elle avec un charmant sourire. «Leah». Mon regard plongé dans le sien, j'ai quelque peu du mal à m'en détacher. C'est sans doute la première fois que ça m'arrive depuis Tara. Je ne sais pas si c'est la ressemblance avec  Kisa qui me trouble, ou simplement le potentiel attractif de la jeune femme.

«Ok, on attaque la descente ? On va voir si t'es aussi forte qu'en montée !». Effectivement, ce dont deux exercices bien différents. L'ascension porte plutôt sur la force pour se hisser, la descente porte plutôt sur l'agilité et l'équilibre. Les prises sont toutes aussi importantes, mais on peut prendre plus de libertés. A cette évocation, les pupilles de la jeune femme semblent se dilater, comme si elle allait pouvoir enfin prendre une dose de sa drogue favorite. Autant dire que je venais de me trouver une partenaire de jeu intéressante. Malgré mon âge, je reste un grand enfant parfois, et j'aime défier mes semblables dans une discipline qui nous est propre. Elle a beau être une femme - et je ne suis pas matcho pour un sou - elle m'a déjà prouvé qu'elle était très douée et très agile. Je ne m'en fais pas pour sa descente, je risque même d'être une nouvelle fois surpris.

Premier appui, et nous voilà en "compétition" pour la descente de ce mur naturel d'une dizaine de mètres de haut. J'ai l'habitude de le descendre, même si j'aime varier les plaisirs et ne pas toujours utiliser les même prises et les mêmes techniques. Au milieu du mur, nous sommes au coude à coude, mais je perds du temps à la regarder faire. On dirait un félin, un chat ou une panthère, tous ses mouvements sont emprunts d'une agilité précise à couper le souffle. A peine le temps de tourner la tête pour ne pas louper une prise, que Kalena a déjà disparu. Je fronce un instant les sourcils, mais ne m'arrête pas pour autant. Une fois touché terre, je frotte mes mains l'une contre l'autre - un réflèxe - et cherche la jeune femme du regard. Je fais quelques pas un peu plus loin, au cas où qu'il lui soit arrivé quelque chose. Je trouve ça étrange qu'elle ne soit pas encore arrivée.

Un peu plus loin, j'entends mon prénom provenant du "centre" où tout le monde se réunissait pour échanger, discuter, et faire une petite pose. Kalena est là, le goulot d'une bouteille d'eau à la bouche. Un large sourire amusé prend place sur mes lèvres alors que je m'avance vers elle. Je secoue la tête un peu halluciné, mon regard pétille. «Toi... t'es pas humaine, y'a un épisode que j'ai dû louper... je vais devoir ordonner une prise de sang !». Un de mes amis gymnaste, ayant assisté à tout la scène, se présente près de nous avec un petit sourire narquois. «Dis donc Leah, va falloir te donner un coup de pied au cul, tu viens de te faire laminer par une jeune recrue féminine...». Il pose son regard sur Kalena et avec un air charmeur il ajoute «... et une sublime jeune recrue féminine !». Je secoue la tête amusé, décidément, Kevin ne s'arrête jamais. «Kevin... je sais maintenant pourquoi y'a pas de femmes ici, tu les fais fuir avec ta drague lourde à deux balles !». Il lève les mains au ciel en faisant un pas en arrière. «Ok ok, j'ai compris man... j'te la laisse, tu l'as vue en premier !». Je soupire largement avant de m'excuser. «Je suis désolé. Il est un peu primaire parfois...» Je grimace un peu avant d'enfouir mes mains dans mes poches. «Alors... tu fais quoi dans la vie pour être aussi agile ? Me dis pas que tout ça... c'est juste une passion, j'te croirai pas !»

« Tu dois être sacrément droguée alors ! ». Et ce n’était pas rien de le dire. Suki n’avait grandi que pour ça. La jeune femme se donnait corps et âme dans tout ce qu’elle entreprenait parce qu’il y avait toujours un but à atteindre. Elle avait protégé son frère en poignardant Jake Stevenson, s’était enrôlée dans le gang de Cameron pour survivre et, aujourd’hui, voilà qu’elle faisait du charme à un parfait inconnu pour approcher Kisa. Une étrange lueur passa dans son regard émeraude laissant entrevoir une infime partie de cette sensibilité qu’elle dissimulait comme pour se protéger et la jeune femme rompit le contact visuel en baissant les yeux sur leur main jointe. « Leah. » s’annonça-t-il avec un sourire des plus craquants. « C’est original comme prénom pour un homme, j’aime beaucoup. » sourit-elle, sans détacher son regard du sien. « Ok, on attaque la descente ? On va voir si t’es aussi forte qu’en montée ! ». Suki accueilli le défi non sans un sourire narquois, comme si elle savait déjà où cela les mènerait et se mit aussitôt en position pour descendre le mur.

L’expression de son visage montrait clairement le plaisir qu’elle y prenait. Cette petite compétition improvisée lui remémorait sa période Los Angeles et notamment toutes les séances d’entraînement qui précédaient généralement un casse. C’était son moment. Cameron l’avait toujours mise en valeur et observé avec la fierté d’un père envers sa fille que cela lui insufflait des pensées positives comme le sentiment d’appartenance, le courage, l’espoir et l’amour. En effet, durant toutes ces années, Suki se considérait plus comme faisant partie d’une famille que d’un gang et il régnait une certaine cohésion entre les autres voleurs. Cameron avait été un bon leader, mais surtout, un bon père. Il avait pris ces enfants sous son aile, s’était efforcé de leur inculqué de bonnes valeurs malgré l’illégalité de leurs activités : ça sonnait presque comme un Oliver Twist des temps modernes. Suki souhaitait mener une vie normale, mais elle devait bien admettre que son frère n’avait pas entièrement tort ; ils appartenaient à ce monde et s’y laisseraient engloutir d’une manière ou d’une autre.    

Une fois en bas, Suki jeta un coup d’œil en hauteur et sourit en voyant son adversaire prendre ses prises avec empressement et maladresse, mais ne l’attendit pas pour autant. Elle attrapa son sac et gagna la troupe d’initiés qui lui donnèrent presque l’impression d’être une jolie fleur entourée d’abeilles. Pendant qu’elle s’hydratait, Suki écoutait attentivement les commentaires sur leur petite performance et sur la manière dont Leah s’était fait battre à plate couture par un petit bout de femme à l’apparence si fragile. « Toi... t'es pas humaine, y'a un épisode que j'ai dû louper... je vais devoir ordonner une prise de sang ! » lança-t-il. « Je considère ça comme un compliment, merci. En tout cas, tu fais un bon adversaire, je me suis bien amusée. » le complimenta-t-elle à son tour. Effectivement, Suki s’était bien amusée et ça faisait longtemps qu’elle ne s’était pas sentie aussi bien. « Dis donc Leah, va falloir te donner un coup de pied au cul, tu viens de te faire laminer par une jeune recrue féminine... et une sublime jeune recrue féminine ! ». Suki fit mine de rougir, afficha un petit sourire gêné et balbutia ce qui semblait être un merci. L’asiatique était habituée à ce genre de compliment, mais elle savait aussi que jouer la carte de la timidité ne la rendrait que plus attachante et en jouant souvent auprès de ses clients lorsqu’elle arrivait en retard pour une livraison. Pour l’heure, elle s’amusa du petit concours de circonstances entre Leah et Kévin ; c’était presque comme si la jeune femme pouvait sentir l’odeur de la testostérone et ce n’était pas pour lui déplaire. « Je suis désolé. Il est un peu primaire parfois… » s’excusa-t-il, sûrement gêné de s’être ainsi donné en spectacle. Cette fois-ci, le sourire de Suki se fit plus doux et rassurant. « Il n’y a pas de mal, j’ai côtoyé des hommes beaucoup plus primaires que lui et je dois dire que votre petite communauté secrète m’est sympathique. Je compte bien y revenir si vous voulez toujours de moi... » répondit-elle, à l’attention du groupe de sportifs qui, au vue des exclamations, n’y voyaient aucun inconvénient. « Alors... tu fais quoi dans la vie pour être aussi agile ? Me dis pas que tout ça... c'est juste une passion, j'te croirai pas ! » lui demanda-t-il, presque tout penaud et en s’éloignant inconsciemment des oreilles indiscrètes comme s’il cherchait à la préserver des autres hommes. « Je suis coursier depuis quelques mois. Il n’y a rien d’excitant à livrer des colis en vélo, mais si tu veux tout savoir, j’étais acrobate dans un petit cirque. Un jour j’ai décidé de prendre ma retraite artistique et je me suis installée à Town Square avec mon petit frère. » expliqua-t-elle. Suki ne mentait pas, elle transformait juste un peu la réalité car le cirque en question était le nom de code du gang de Los Angeles. « Et toi, tu fais quoi dans la vie ? ». Bien sûr, l’asiatique le savait puisqu’elle avait enquêté au préalable sur l’homme qui avait offert le gîte à sa petite sœur, mais il fallait entretenir une conversation un tant soit peu normale et civilisée. Se disant, Suki tira une serviette de son sac et épongea distraitement le voile de sueur de son cou.  

Kevin est du genre vraiment lourd. On avait été boire un verre ensemble une fois, il m'avait dit que j'avais une sale tête et qu'il fallait que je sorte. Tu m'étonnes, je venais d'apprendre l'amnésie de Tara, j'avais de quoi avoir une sale tête ! Et ce soir là, j'ai vu à quel point il était don juan, et à quel point j'étais un mec sérieux à côté. Et encore, là il nous épargne ses blagues foireuses. Sinon c'est un mec sympa. Mais quand y'a pas de filles aux alentours. Pas que Kalena était ma propriété, de toute façon personne n'est la propriété de personnes, mais juste je préfère l'éloigner un tant soit peu de ce boulet.

« Il n’y a pas de mal, j’ai côtoyé des hommes beaucoup plus primaires que lui et je dois dire que votre petite communauté secrète m’est sympathique. Je compte bien y revenir si vous voulez toujours de moi... ». Évidemment, l'assemblée n'allait pas dire non, je les soupçonne tous d'avoir fait la même chose que moi, c'est à dire remarquer les jolies formes de la jeune asiatique. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir le potentiel de séduction -conscient ou inconscient- de la jeune femme. D'ailleurs, c'est assez étrange l'effet que me fait son regard chaque fois qu'elle le plonge dans le mien. Je préfère ne pas y prêter plus attention. Je change alors de sujet, lui demandant ce qu'elle fait dans la vie pour être aussi à l'aise dans un endroit pareil. « Je suis coursier depuis quelques mois. Il n’y a rien d’excitant à livrer des colis en vélo, mais si tu veux tout savoir, j’étais acrobate dans un petit cirque. Un jour j’ai décidé de prendre ma retraite artistique et je me suis installée à Town Square avec mon petit frère. ». Je l'écoute attentivement et me contente de lui sourire lorsqu'elle parle de son petit frère. On sent dans sa voix qu'il est important pour elle, qu'elle tient à lui. Je hoche la tête, comprenant mieux alors son talent pour l'escalade. «Ok, je comprends mieux alors. Acrobate. J'étais gymnaste avant. Y'a un peu de ça... mais c'est quand même moins grâcieux que les acrobates. En même temps vu ta morphologie ça m'étonne pas tant que ça...». L'espace d'un instant je me mets à l'imaginer dans une tenue ultra moulante couverte de paillettes, dans un halo de lumière blanche. Je chasse rapidement ces pensées avant de perdre totalement le contrôle de la situation - si tenté que j'ai un quelconque contrôle. Kalena me ramène sur terre lorsqu'elle me demande : « Et toi, tu fais quoi dans la vie ? ». «Euhm... en fait je suis cascadeur professionnel, dans le cinéma. Et un peu comédien aussi. Enfin ça c'est plutôt nouveau. Mon vrai métier c'est de me casser la gueule et me prendre des baffes à la place des comédiens connus.». Je hausse les épaules avec un petit sourire avant de croiser son regard. «C'est pas super glorieux, mais j'aime bien ça. Avant j'étais garde du corps. Mais ça c'est du passé...». Il faut que je trouve quelque chose pour changer de sujet. Vite.

«J'te fais visiter ?». Je ne suis pas spécialement fin dans ce genre de situation. Quand il y a quelque chose dont je ne veux pas forcément parler, je change de discussion de manière assez directe et disons le, bancale. Kalena accepte que je lui explique un peu le fonctionnement du spot, parce que comme partout il y a certaines règles. Je fais donc le tour avec elle, lui présentant de temps en temps des gens, lui expliquant ce qu'ils faisaient dans la vie, etc... Une fois le tour fini je me tourne vers elle et enfouis mes mains dans mes poches. «Voilà ! Bon... c'est pas que ça me plait pas de discuter avec toi, bien au contraire, mais j'étais venu là à la base pour bosser, et c'est pas tellement ce que je fais !». Je lâche un petit rire. En même temps elle est vraiment sympathique, et je trouve que ce serait con de nous "séparer maintenant". Je lance alors une idée. «Après, si t'es motivée, y'a tout un parcours à faire dans le coin, des sauts, des glissades, montées, descentes, enfin un truc sympa quoi. Si tu veux on peut se le tenter ensemble ? Comme ça quand tu reviendras tu pourras varier les plaisirs et tenter ton propre chemin ?». Je ne suis pas très débrouillard pour ce qui est de discuter avec une femme. Je l'étais avant, j'étais même un mec plutôt dragueur, mais depuis mon histoire avec Tara, c'est comme si quelque chose en moi avait fui, je ne saurais pas trop comment l'expliquer.

Manipuler quelqu’un pour lui subtiliser des informations n’était pas vraiment le modus operandi de l’asiatique, mais ce qu’elle voulait obtenir ne pouvait être simplement volé. La confiance de Kisa ne pouvait lui être acquise autrement qu’en gagnant son affection et c’est justement là que Leah entrait en ligne de compte. Ca ne lui plaisait pas forcément de l’utiliser comme cela et pourtant, la jeune femme se surprenait à flirter avec une telle aisance que s’en était presque naturel. Rares étaient les hommes que la jeune femme laissait entrer dans sa vie ; elle avait tellement peur que son passé soit révélé et que l’on découvre un beau jour que l’adorable jeune femme pour laquelle elle se faisait passer était, en vérité, une voleuse doublée d’une meurtrière. Le soulagement d’avoir éliminé une ordure de la surface du Globe n’avait duré qu’un millième de secondes et fut aussitôt remplacé par la culpabilité d’avoir arraché un mari à une femme aussi formidable et aimante que Sue. Malgré les années, le souvenir était encore frais dans sa mémoire. Pire encore, elle sentait encore l’odeur ferrique du sang sur ses mains. Ce jour-là, une partie de son humanité s’était éteinte et Suki doutait de la retrouver un jour. Elle avait blessé tellement de personnes durant le processus, pas étonnant que son frère avait choisi de lui tourner le dos. Etrangement, à chaque fois qu’elle l’évoquait, une lueur de tristesse passait dans son regard et l’émotion faisait trembler sa voix. C’était un fait, Kyô lui manquait terriblement. Son esprit commençait à être parasité par toutes ces pensées et Suki opta pour se concentrer de nouveau sur l’instant présent, à savoir sa petite discussion avec Leah. « Ok, je comprends mieux alors. Acrobate. J’étais gymnaste avant. Y’a un peu de ça… mais c’est quand même moins gracieux que les acrobates. En même temps vu ta morphologue ça ne m’étonne pas tant que ça… ». Un énième sourire se dessina sur les lèvres de l’asiatique. Elle se surprenait à être touchée par chacun des propos de Leah à son égard et sa gentillesse ne l’aidait pas vraiment à faire taire le sentiment de culpabilité qu’elle n’éprouvait rien à l’idée de s’en servir pour atteindre son objectif. Une partie d’elle lui hurlait de ne pas s’attacher au risque de compliquer les choses, mais une autre lui murmurait de céder et de s’accorder un peu de bon temps sous prétexte que ça ne lui ferait pas de mal après le départ précipité de Kyô. « Dans ce cas, on peut presque dire que nous faisons partie de la même famille. » lui sourit-elle. Oui, presque.

Le trentenaire enchaîna alors que la question que Suki lui avait retourné et dont elle connaissait déjà la réponse pour avoir potassé quelques articles sur Leah Lane et plus particulièrement son idylle avec une actrice réputée. «Euhm... en fait je suis cascadeur professionnel, dans le cinéma. Et un peu comédien aussi. Enfin ça c'est plutôt nouveau. Mon vrai métier c'est de me casser la gueule et me prendre des baffes à la place des comédiens connus. C'est pas super glorieux, mais j'aime bien ça. Avant j'étais garde du corps. Mais ça c'est du passé...». Suki ouvrit la bouche, prête à parler, mais Leah lui coupa l’herbe sous les pieds et elle comprit à l’expression de son visage qu’il n’avait pas très envie de parler de lui. Pour avoir lu ce qu’il lui était arrivé, l’asiatique préféra ne pas insister et respecta son choix en faisant vœu de silence. « J’te fais visiter ? ». Faisant mine d’être gênée par le changement bref de sujet, elle acquiesça timidement et le suivit à travers ce nouveau terrain de jeu en buvant littéralement les recommandations de son guide improvisé.

Lorsqu’ils eurent enfin terminé de visiter le spot, Leah lui fit de nouveau face et fourra aussitôt ses mains dans ses poches à la manière d’un adolescent. Une posture qui lui arracha une petite moue d’amusement sans qu’elle ne puisse s’en empêcher. « Voilà ! Bon... c'est pas que ça me plait pas de discuter avec toi, bien au contraire, mais j'étais venu là à la base pour bosser, et c'est pas tellement ce que je fais ! ». Suki joignit son rire au sien non sans piquer un fard. « Désolée de t’avoir détourné de tes objectifs, ce n’était pas dans mes intentions. » répondit-elle d’une voix qui laissait clairement sous-entendre que ce n’était pas le cas et qu’elle avait apprécié ce petit moment passé en sa compagnie. L’asiatique avait un peu honte à l’admettre, mais elle prenait plaisir à le titiller en fin de compte et le voir réagir aux signaux qu’elle lui envoyait n’était pas désagréable non plus. Leah était en bonne voie pour devenir son jouet préféré et cette perspective l’excitait presqu’autant qu’elle pouvait l’effrayer car l’attachement n’était pas son fort. « Après, si t'es motivée, y'a tout un parcours à faire dans le coin, des sauts, des glissades, montées, descentes, enfin un truc sympa quoi. Si tu veux on peut se le tenter ensemble ? Comme ça quand tu reviendras tu pourras varier les plaisirs et tenter ton propre chemin ? ». Suki jeta un coup d’œil à sa montre et fit mine d’être tiraillée par la proposition de Leah. Juste pour le plaisir de le rendre nerveux, le temps de réponse fut assez long. Finalement, au bout d’un instant, la jeune femme haussa les épaules d’un geste nonchalant avant de lui sourire. « J’ai toute la matinée devant moi, je te suis ! Mais dis-moi, tu travailles pour l’Office du Tourisme à tes heures perdues où je suis une exception ? En tout cas, merci de prendre le temps de me faire visiter. C'est vraiment gentil, Leah. » dit-elle. Si le début de sa phrase avait été prononcé avec un air taquin, la fin était teintée de reconnaissance et empreint de douceur.

C'est un sentiment plutôt étrange que de me sentir bien en la compagnie d'une femme. C'est vrai que ma vie a pris un tournant il y a 5 ans quand j'ai rencontré Tara. A son contact j'ai complètement changé de comportement envers les femmes. Moi qui était plutôt dragueur avant ça... Pendant 3 ans de relation platonique avec Tara, il a bien fallu que je passe quelques nuits de temps en temps avec des femmes différentes, mais qui au final ne restaient pas très longtemps dans ma vie. Le pire dans tout ça, c'est que le but premier n'était pas "simplement" le sexe, mais surtout rendre jalouse la comédienne. Et depuis qu'elle a été admise à l'hôpital, ma vie à reprit un chemin moins platonique. Malgré la culpabilité, j'avais besoin de me sentir vivant, j'ai enchaîné les conquêtes la première année, avant de le calmer la seconde. Mais avec aucune je ne me suis senti aussi bien qu'avec Kalena aujourd'hui. C'est vraiment un sentiment étrange.



Les mains dans les poches et une démarche plutôt tranquille, je fais le tour avec la jeune asiatique, lui expliquant chaque recoin, pour finalement lui dire que malgré ma sympathie pour elle, j'avais du boulot. « Désolée de t’avoir détourné de tes objectifs, ce n’était pas dans mes intentions. ». J'imaginais bien qu'elle n'était pas là pour ça, et ça m'avait fait vraiment plaisir de partager cette heure avec elle. Mais rapidement, je me rends compte que ce serait idiot de retourner bosser chacun de notre côté alors que le courant passe bien entre nous. A cet instant précis je ne pense pas directement à flirter avec elle bien qu'une fois l'idée plantée dans ma tête, ça ne me déplairait pas tant que ça, mais j'imagine surtout quelqu'un avec qui je pourrai partager ma passion pour une discipline peu connue. Rapidement, je lui propose de lui montrer une dernière chose, après je me promets de la laisser tranquille. Elle aussi a sûrement envie et besoin de bosser un peu seule.



Sa réaction n'est pas aussi vive que j'aurai imaginé, ou disons que j'aurai aimé. Elle jette un oeil à sa montre et hésite un instant. Un long instant, pour finalement me dire dans un sourire à vous faire fondre une statue de bronze.  « J’ai toute la matinée devant moi, je te suis ! Mais dis-moi, tu travailles pour l’Office du Tourisme à tes heures perdues où je suis une exception ? En tout cas, merci de prendre le temps de me faire visiter. C'est vraiment gentil, Leah. ». Un sourire naît au coin de mes lèvres alors que je baisse les yeux pour regarder mes pieds au moment où elle me demande si je fais partie de l'office de tourisme. Je me rends compte que j'en fais sans doute un peu trop. J'essaie de ne pas trop montrer ma gêne mais elle me rassure assez rapidement en me remerciant quand même. Au moment où elle prononce mon prénom, je relève les yeux vers elle. C'est assez bizarre ce que ça me procure. Comme si mon prénom avait une consonance particulière entre ses lèvres. Je me prends d'ailleurs à loucher quelque peu sur celles-ci avant de me reprendre.  « Ok, on y va ? ». Elle hoche la tête et nous voilà partis à petites foulées, avant que je n’accélère un peu le pas.  Pas besoin de me retourner pour voir si elle suit toujours, j’entends ses pas derrière moi, et rapidement son souffle devient plus rapide, se mêlant au mien. A quelques pas d’ici, il y a une ancienne école qui ne sert plus à grand-chose à part pour les parties de paint-ball des habitués qui connaissent le lieu. C’est aussi un très bon terrain de jeu pour nous acrobates ou adeptes du parkour. Je monte les escaliers 4 à 4 pour monter à l’étage, et à ce niveau, je m’amuse un peu à prendre quelques appuis sur les murs pour faire de hauts sauts, et ainsi enjamber quelques obstacles qui trainent un peu partout.  L’adrénaline est toujours au rendez vous, la moindre erreur pourrait être fatale, la moindre chute pourrait me couter la vie. Mais c’est ça qui est bon ! Arrivé au bout du couloir, une fenêtre m’attend, elle est ouverte. Je saute comme si j’allais sauter dans le vide mais me rattrape ai niveau de la rambarde. Juste le temps de faire un petit sourire à Kalena qui arrive à grande vitesse, que je disparais. Un saut de presque 3 mètres, il faut avoir les chevilles solides. J’attends que la jeune femme me rejoigne pour continuer la course. Une fois fait, je rentre à nouveau dans le bâtiment au niveau du rdc. Le terrain est miné de portes détruites. En haut, la tuyauterie est encore en bon état. Je m’arrête un instant, réfléchissant  à l’itinéraire à prendre. Je prends appui sur mes genoux pour respirer 2 secondes, et c’est repartit. Je m’arroche à la tuyauterie et me balance comme un signe avec ses lianes. En face, une demi-porte bloque le passage. Le haut de la porte est fermé, mais le bas est dégagé. Je lâche les tuyaux et atterris sur le sol, avant de prendre un peu d’élan pour faire une glissade sous  la porte. Une fois fait, je repars de plus belle, suivi de près par la jeune femme. La suite de la ‘ballade’ se fait un peu moins sportive, quelques foulées et on arrive pas très loin du spot. Je m’arrête un peu avant pour boire un coup a la petite fontaine cachée au début du bois. Kalena me rejoint et en redressant la tête de la fontaine, je m'essuie la bouche d'un revers de main tout en posant les yeux sur la jeune femme.
«Ca va ?» un peu essoufflée mais elle a bien tenu le coup pour quelqu'un qui n'a jamais fait ce parcours. Je commence réellement a me poser des questions quant a son boulot. Une simple acrobate n'aurait sûrement pas eu autant de facilités a me suivre comme elle l'a fait, sans une seule faute ni égratignure. « Tu m'impressionnes pour ton petit gabarit !». Je la taquine. Elle n'est pas bien grande certes, mais la preuve en est, ce n'est pas obligatoire d'être grand et fort pour être agile.

Ma respiration et mon pouls reprennent un rythme normal alors que je n'arrive pas a quitter la jeune asiatique du regard. Elle a tendance a être encore plus sexy lorsqu'elle est transpirante. Doucement on retourne vers le centre du spot et je récupère mon sac et ma serviette avec laquelle je m'eponge distraitement. Je m'assieds sur une souche d'arbre et soupire légèrement. « Je crois que je suis en manque de caféine, j'ai pas eu le temps de boire mon 2ème café avant de partir ce matin... » dis-je accompagné d'un petit rire. Je l'aurai bien invitée a boire un café quelque part mais je pense que ce serait mal venu et surtout elle finirait par croire que je la drague. Loin de moi cette envie d'être lourd ou chiant. J'en ai assez fait pour aujourd'hui je pense...

Suki n’était pas contre le fait de passer un peu de temps avec Leah, bien au contraire. Depuis des années, elle ne s’était jamais entraînée avec un autre que son frère et se mesurer à un homme qu’elle ne connaissait ni d’Eve, ni d’Adam avait quelque chose d’exaltant. Mais il n’y avait pas que ça. Inconsciemment, Suki se socialisait. Elle avait passé ces dernières années à ne vivre que pour son frère, l’avait étouffé au point de le perdre, car depuis leur dispute, Kyô n’était toujours pas rentré à la maison et, curieusement, la jeune femme en avait éprouvé un certain soulagement ainsi qu’un étrange sentiment de culpabilité. C’était un fait, Kyô lui manquait mais, pour une fois depuis longtemps, Suki pouvait baisser la garde et se recentrer sur elle. Leah n’avait aucune idée de la distraction qu’il allait lui offrir.

Sans plus attendre, l’asiatique se lança à la poursuite du cascadeur. Elle aurait pu le distancer, mais Leah avait déjà constaté toute l’étendue de son potentiel et Suki était curieuse de voir le sien alors, l’asiatique resta quelque peu en retrait et en profita même pour se rincer l’œil comme il avait dû le faire avant elle. Elle devait bien l’avouer ; Leah était incroyablement sexy. Suki n'avait pas vraiment d'idées très précise de son type d'homme, mais à bien y réfléchir, le cascadeur pourrait tout à fait être le sien. Grand, brun, yeux bleus, sourire craquant, muscles saillants et cette gentillesse qui émanait de lui... La petite séance de course-poursuite improvisée à laquelle ils s'adonnaient sonnait presque comme des préliminaires pour cette droguée des sensations fortes et, l’espace d’un instant, Suki envisagea l’hypothèse de l’introduire dans sa couche pour une nuit avant de se souvenir des raisons qui l’avaient poussé à l’aborder. Elle ne devait pas se détourner de son objectif. En tout cas, il était doué. Très doué.

Pendant tout le temps que dura la course, Suki l’avait talonné de près, sans s’arrêter ni le perdre de vue et s’arrêta en même que lui. La jeune femme se contenta de retrouver une respiration un tant soit peu normale avant d’échapper un soupir de bien-être profond. « Ça va ? » lui demanda-t-il, entre deux respirations saccadées. « Mieux que jamais ! » s’exclama-t-elle en pouffant d’un éclat de rire radieux qui prouvait à lui seul combien cette petite séance lui avait fait un bien fou. « Tu m’impressionnes pour ton petit gabarit ! » reprit-il, taquin. Il n’était pas le premier à souligner sa silhouette toute menue, mais – sans prétention aucune – Suki savait que son corps était un atout. Elle lui sourit, bombant fièrement le torse avant de lui répondre d’un ton mystérieux. « S’il y a une chose qu’il faut retenir à mon sujet, c’est que je suis une femme pleine de surprises… ». Suki avait toujours été énigmatique envers les étrangers mais, pour une fois, elle prenait un malin plaisir à titiller la curiosité de Leah à son égard. « Ca faisait bien longtemps que je ne m'étais pas autant amusée. » lui confia-t-elle, à la fois sincère et reconnaissante. « Je crois que je suis en manque de caféine, j’ai pas eu le temps de boire mon 2ième café avant de partir ce matin… ». En toute honnêteté, Suki n’avait pas envie de regagner son morne appartement et la compagnie de Leah était beaucoup trop intéressante pour qu’elle ne le laisse lui filer entre les doigts alors, cette fois-ci, ce fut elle qui prit les devants. « J’avoue qu’après une séance comme celle-ci, je ne serais pas contre une bonne tasse de thé non plus et j’ai comme dans l’idée que tu connais le meilleur café de Town Square... ». Suki répondait ainsi à son invitation silencieuse. Leah ne l’avait pas vraiment formulé, mais elle sentait que lui non plus n’avait pas envie de l’abandonner après ce qu’il venait de vivre. « Sauf si tu préfères garder l'endroit secret. Town Square est une communauté assez conservatrice à ce que j’ai pu voir, dénicher l’adresse de ce spot n’a pas été une mince affaire… » dit-elle en chaussant ses rollers amovibles.

Il est vrai que je ne m'attendais pas du tout à ce que ce petit bout de femme me suive à la trace comme ça sans même se blesser. C'est quand même un parcours assez compliqué, et chaque fois que je me retrouvais pour voir si elle était toujours là, elle était toujours là ! Je ne suis ni sexiste ni macho, mais les femmes capables de faire ce qu'elle fait sont rares, il faut bien être honnête. Une fois le parcours terminé, je m'arrête pour boire un peu et lui demande si tout ça bien. « S’il y a une chose qu’il faut retenir à mon sujet, c’est que je suis une femme pleine de surprises… ». Mon visage s'illumine d'un large sourire. Ça ne m'étonne absolument pas d'elle, et évidemment, ça donne envie d'en savoir plus. Je pense qu'elle n'a pas dit ça pour rien. Le sourire posé au coin de ses lèvres a comme un goût de satisfaction. Plus je la regarde et plus je vois Kisa, c'est dingue quand même. Bien que Kisa, je ne l'ai jamais trouvée attirante. Elle est très belle, mais Kalena a quelque chose de carrément sexy. Sans doute parce que j'ai connu Kisa quand elle était petite et que j'ai du mal à la trouver sexy et attirante...

Nous retournons tous les deux au niveau du centre du spot. Tout le monde est éparpillé un peu partout, il y a déjà un peu plus de monde que ce matin de bonne heure. « Ca faisait bien longtemps que je ne m'étais pas autant amusée. ». Je lui adresse un sourire amical, je suis ravi qu'elle ait pu s'amuser autant. C'est vrai que si l'on ne prend pas de plaisir a faire les choses, alors pourquoi les faire ? Je m'assieds sur une souche d'arbre et confie à la jeune asiatique mon manque évident de caféine. Je ne suis pas forcément drogué au liquide noirâtre, mais le matin il m'en faut au moins deux, pour être sûr de tenir toute la journée. « J’avoue qu’après une séance comme celle-ci, je ne serais pas contre une bonne tasse de thé non plus et j’ai comme dans l’idée que tu connais le meilleur café de Town Square... ». Je relève alors les yeux vers elle. Je ne m'attendais absolument pas à ce qu'elle me propose ce dont je rêvais secrètement. « Sauf si tu préfères garder l'endroit secret. Town Square est une communauté assez conservatrice à ce que j’ai pu voir, dénicher l’adresse de ce spot n’a pas été une mince affaire… ». Je lâche un petit rire et secoue la tête avec amusement. «Mais non, ici c'est différent, c'est juste qu'on a pas envie d'être envahis pas tous les petits jeunes en manque d'adrénaline. On préfère rester entre nous, au moins on connaît les dangers, et surtout on protège la nature on ne la détruit pas. Les gamins n'ont plus tellement cette notion maintenant...» Je soupire un instant avant de reprendre. «Allez viens, j'vais te montrer le meilleur café de la ville, il n'a rien de secret, bien au contraire !». Je lui adresse un sourire et envoie valser mon sac sur mon épaule pendant qu'elle enfile ses patins amovibles.

Sur le chemin, je trottine doucement alors qu'elle roule et fait carrément des demi tour pour être face à moi. Elle patine en arrière et ça me fait sourire. J'ai jamais été très doué en roller, j'ai facilement tendance à me casser la gueule. On passe à quelques mètres de chez moi, et je m'arrête un instant, hésitant. La jeune femme me regarde l'air de se demander si je suis sérieux à m'arrêter maintenant. Je lui fais un signe de tête pour lui montrer ma maison. «Ça te dérange si on passe chez moi 5 minutes que je puisse prendre une douche rapide avant d'aller au café ?». Je vois qu'elle est hésitante. «Si t'as peur d'entrer chez moi tu peux aussi rester dehors en m'attendant !». En gros, elle n'a pas tellement le choix, j'ai envie d'une douche.

Elle me suite jusque dans la cour et au moment où j'ouvre la porte de chez moi, je me retourne et lui fait face. «T'es pas obligée d'entrer, mais si tu veux tu peux !». Je laisse ainsi la porte ouverte et me dirige vers la salle de bain tout en enlevant mon débardeur, après avoir balancé mon sac dans le salon. Je sais que Kisa n'est pas là, elle est en cours, et à vrai dire, c'est bien le cadet de mes soucis en ce moment précis. Je prends une douche rapide comme promis, j'espère jusque que Kalena ne s'est pas échappée entre temps. Au moment de sortir de la salle de bain pour aller dans le dressing, une serviette nouée autour de la taille, je passe par le salon et vois que la jeune asiatique a mis un pied chez moi. Elle est au milieu du salon, alors que ses yeux se posent un peu partout, avant de se poser sur moi. Je lui adresse un sourire et la taquine. «Bon tu vois, ma maison t'as pas avalée toute crue !». Et je disparais dans mon dressing avant de ressortir 2 minutes plus tard, vêtu d'un jean et d'un t-shirt noir. Je passe devant Kalena, me dirige vers l'entrée de la maison. J'enfile ma veste en cuir et récupère 2 casques de moto. Je lui en envoie un, qu'elle récupère avec agilité. Si elle aime les sensations fortes, elle ne peut pas avoir peur de la moto.

Je la laisse sortir de chez moi avant de refermer la porte derrière nous, et je me dirige vers ma moto, garée sur le gravier. J'enfile mon casque et lui fais un signe de tête lui signifiant de monter. Je démarre la moto et n'attends plus qu'elle pour partir au centre ville nous boire un bon café.

Suki essayait tant bien que mal de ne pas se détourner de l’objectif qu’elle s’était fixée en s’installant à Town Square et en évitant tout ce qui pourrait être considérée comme distraction. Il y a encore quelques heures, Leah était une manière pour elle d’amorcer les retrouvailles avec sa sœur, mais au bout d’un laps de temps, une certaine attraction s’était installée entre eux. En flirtant avec lui pour s’attirer ses bonnes faveurs, Suki s’était laissée prendre au jeu. Leah n’était pas repoussant, c’était même tout le contraire ! Plus ils discutaient et plus la jeune femme se surprenait à vouloir explorer autre chose que Town Square avec lui. Le courant avait l’air de passer entre eux et s’il était célibataire, pourquoi ne pas joindre l’utile à l’agréable ? Connaissant Suki, ça ne serait que l’affaire d’une nuit ; elle n’était vraiment pas du genre à s'enticher des hommes qui partageaient son lit. Sa vie était déjà bien compliquée comme ça, inutile de rajouter une couche de mélodrame par-dessus. Suki s’infligea une claque mentale. Décidément, l’adrénaline qui coulait encore dans ses veines n’améliorait pas son raisonnement.

Rollers aux pieds, l’asiatique se mouvait gracieusement à côté Leah en direction du café, mais ce dernier s’arrêta au niveau d’un quartier résidentiel aux maisons sûrement hors de prix. Suki fronça quelque peu les sourcils avant de lui lancer un regard interrogateur. « Ça te dérange si on passe chez moi 5 minutes que je puisse prendre une douche rapide avant d'aller au café ? Si t'as peur d'entrer chez moi tu peux aussi rester dehors en m'attendant ! » . Ce que Leah prêta à une hésitation de sa part n’était que le reflet de son angoisse. L’asiatique ne s’était pas attendue à ce que Leah l’invite chez lui aussi tôt et, manifestement, la jeune femme n’était pas tout à fait prête à revoir sa petite sœur. C’était idiot ; elle avait remué ciel et terre pour la retrouver, maintenant que c’était le cas, les doutes qui l’assaillaient semblaient la clouer sur place. Se souvenait-elle de leur périple à travers les océans pour rejoindre les Etats-Unis ? Des cadavres, de l’odeur nauséabonde qu’ils avaient dû subir pendant des jours ? Lui avait-elle manqué ? Comment allait-elle réagir ? Pouvait-elle la repousser ? Connaissait-elle seulement l’existence de sa fratrie ? Suki était prête à lui dire que ça l’ennuyait de le laisser prendre sa douche alors qu’elle-même était encore toute transpirante et peu présentable, mais elle se ravisa à la dernière minute et opina du chef en s’engouffrant à sa suite dans le hall de la maison. Suki avait bien l’intention de mettre l’invitation de Leah à profil en repérant les lieux dans le but de s’y introduire un peu plus tard.

« T'es pas obligée d'entrer, mais si tu veux tu peux ! » dit-il en poussant légèrement la porte pour l’inviter à entrer. Suki afficha un air gêné qui n’était pas feint. De là où elle se tenait, la jeune femme pouvait brièvement apercevoir la grandeur et la beauté de son lieu de vie. Tout était très chic, à cent lieux du taudis qu’elle avait loué dans le quartier de la vieille ville. Bien entendu, Suki avait déjà côtoyé les maisons de riches, mais dans le seul et unique but de les piller et là, elle avait la désagréable sensation de salir l’endroit par sa simple présence. Lorsque Leah s’éloigna, l’asiatique resta encore un moment en retrait sous le pas de la porte jusqu’à ce que son regard ne s’arrête sur un cadre : une photo de Kisa et lui. La jeune femme s’approcha de la commode sans se rendre compte que des larmes salées commençaient à perler au coin de ses yeux et que ses mains tremblaient nerveusement. Pendant que l’eau coulait dans la salle de bain, Suki détaillait les traits de sa sœur et constata qu’elle ressemblait beaucoup à leur mère. Ses sentiments étaient contradictoires. Une partie d’elle était tellement enthousiaste et émue à l’idée de retrouver sa sœur après vingt ans d’une douloureuse séparation, mais d’un autre côté, elle avait peur de faire la connaissance de cette ‘nouvelle’ Kisa si tant est qu’elle l’ait un jour connue car, après tout, sa sœur n’était encore qu’un bébé lorsqu’on l’avait arraché aux siens.

Suki se résigna à remettre le cadre en place et soupira pour reprendre ses esprits, puis entreprit de faire rapidement le tour du propriétaire. Sa visite s’arrêta dans le salon, pile au moment où Leah sortait de la salle de bain seulement vêtu d’une serviette et d’un sourire qui, au vue des circonstances, ne manqua pas de la séduire. Hébétée, elle ne put empêcher ses yeux de dévier sur ses abdos parfaitement dessinés ; elle aussi avait bien besoin d’une douche… froide ! « Bon tu vois, ma maison t'as pas avalée toute crue ! ». Les joues légèrement rougies, Suki fit mine de lui sourire le plus timidement du monde tout en suivant du regard et alla même jusqu'à détailler sur son fessier lorsque l’occasion se présenta. « Presque ! Elle est tellement grande que j’ai failli me perdre… » s’exclama-t-elle avant qu’il ne sorte de son champ de vision. Il revint à peine quelques minutes plus tard, habillé en civil et deux casques sous le bras. Suki n’était pas contre une virée en moto : elle adorait ça ! Lorsqu’elle vivait à Los Angeles, avec le gang de Cameron, la jeune femme pilotait une Kawasaki Ninja 250R dont elle avait dû se débarrasser. Mais ça, l'asiatique comptait bien le garder pour elle et faire comme si elle n'avait jamais chevauché un deux-roues. Elle ôta l’élastique de ses cheveux pour mieux enfiler son casque, grimpa sur la moto de Leah et, prétextant ne pas avoir d’appuis à l’arrière, enroula innocemment ses bras autour de la taille du pilote.

Ils arrivèrent à destination quelques minutes plus tard. Suki fut la première à descendre de la moto et enleva son casque ; ce geste libéra sa longue chevelure brune qui tomba en cascade sur ses épaules. Elle tenta de discipliner sa coiffure en passant une main dans ses cheveux pendant qu'elle contemplait la façade de l'enseigne, puis sourit à Leah. « Merci pour la balade. ». Son regard glissa une fois de plus sur l’accoutrement du jeune homme qui le mettait tout autant à son avantage. « Tu sais, je complexe un peu là. Tu es tout beau, tout propre, tu sens bon… Moi je suis à peine coiffée et encore toute collante de transpiration ! » dit-elle en riant.

La jeune femme poussa la porte du café, actionnant la clochette. Pendant que la clientèle et le personnel observaient les nouveaux venus, Suki jeta un coup d’œil circulaire à l'endroit. « Chouette déco, ça a l'air tellement calme. ».

Je préfère ne pas interpréter le regard que me lance Kalena au moment où je sors de la salle de bain en serviette. A vrai dire, je n'ai pas vraiment pensé qu'elle serait là au milieu du salon, ce n'était pas du tout fait exprès. Je la taquine un peu mais disparais finalement dans mon dressing pour en ressortir quelques minutes plus tard. Je lui adresse un sourire, avant de lui tendre un casque de moto. Comme prévu, elle ne rechigne pas, je m'en doutais. Je prends place sur ma moto. Chaque fois que Kisa monte à l'arrière elle rechigne en me disant que c'est une moto de célibataire. C'est vrai que le siège à l'arrière n'est pas très grand, il ne faut pas avoir de grosses fesses. En plus de ça, il n'existe pas de poignées de maintien pour le passager arrière, ce qui je l'avoue, m'arrange bien, surtout quand je transporte une aussi jolie demoiselle. Une fois qu'elle a pris place, je tourne la tête en sa direction et lui dis avec un petit sourire. «Accroche toi, elle démonte !». Je sens les bras de la jeune asiatique s'enrouler autour de ma taille. Je baisse la visière, passe la première, et nous voilà partis (rapidement) vers le centre ville.

A cette allure là, dans la logique des choses, nous aurions dû arriver en 3 minutes à peine. Mais je préfère faire un tour un peu plus grand, pour profiter de ce tour de moto avec Kalena, et lui montrer ce que ma jolie moto a dans le bide ! Une fois arrivés devant le café, je coupe le moteur et laisse descendre la jeune femme avant de mettre la moto sur sa béquille. Dans mon rétroviseur, je la regarde retirer son casque et libérer sa chevelure brune dans un geste de tête aussi sensuel que sexy. Elle passe une main dans ses cheveux avant de se tourner vers l'enseigne du café. Je reprends difficilement mes esprits avant de descendre et de retirer mon casque à mon tour. Kalena se retourne pour me sourire et me remercie de la ballade. Je lui rends alors son sourire avant de lui répondre « Avec plaisir !». Son regard glisse sur moi si bien que je me retiens tant bien que mal de piquer un fard. « Tu sais, je complexe un peu là. Tu es tout beau, tout propre, tu sens bon… Moi je suis à peine coiffée et encore toute collante de transpiration ! ». Je l'accompagne d'un petit rire avant de lui avouer. «Mais non, tu es très bien, on dirait même pas que tu reviens de 2 heures de sport !».

On se dirige tous les deux vers l'entrée du café, je la laisse passer en première, qu'elle puisse découvrir les lieux. Le morning café est vraiment un endroit où on se sent bien dès la première visite. On a de suite envie de s'y installer et d'y rester un moment. « Chouette déco, ça a l'air tellement calme. ». Je souris à la jeune femme avant de la guider vers mon endroit préféré, une petite table près des grandes baies vitrées, pour pouvoir regarder la vie extérieure tout en étant bien au chaud devant un bon café. «Tu verras, c'est pas toujours aussi calme, surtout le week end. Mais y'a toujours de la place pour boire un bon café ! D'ailleurs je pense sérieusement que Seb fait les meilleurs cafés de toute la région !»

Je laisse la jeune femme faire son choix, la carte devant ses yeux, alors que je laisse mon regard divaguer à l'extérieur. Lorsque je repose mon regard sur Kalena, elle me regarde aussi. Je lui souris et une jeune serveuse vient prendre notre commande. «Bonjour ! Leah, café américain comme d'habitude ?». Je hoche la tête et repose mon regard sur Kalena qui prends commande, avant de laisser s'éloigner la serveuse. «J'adore cet endroit, j'trouve que c'est comme un petit cocon, on peut pas ne pas s'y sentir bien !». J'appuie ma joue sur mon poing fermé, mon coude posé sur la table, et je plonge mon regard dans celui de la jeune asiatique. «Alors raconte moi... tu viens d'où ? Comment t'as atterri à Town Square ?». Bizarrement, j'ai envie d'en savoir un peu plus sur elle, elle m'intrigue. Mes yeux dérivent de ses magnifiques yeux en amande, à ses lèvres subliment dessinées. Il faut que je me ressaisisse...

Je comprends rapidement que parler d'elle n'est pas tellement son fort, ce qui me fait doucement sourire. Elle garde une certaine part de mystère, ce qui n'est pas pour me déplaire. Finalement la serveuse nous apporte nos commandes, et nous discutons de tout et de rien, je réponds tout aussi vaguement aux questions qu'elle me pose, qu'elle aux miennes. Au bout de quasiment une heure à discuter, je regarde l'heure et me rends compte qu'il va falloir que j'aille chercher Kisa à la fac. Elle m'a demandé exceptionnellement de passer parce qu'elle avait des courbatures de la veille (oui, j'ai eu le malheur de vouloir l'initier aux sports d'auto-défense). «Je vais devoir y aller, je dois aller chercher ma...» j'hésite un instant quand à la dénomination de notre lien avec Kisa. «...soeur à la fac.». Je grimace légèrement, je suis un peu deg de devoir quitter là Kalena.
Nous quittons tous les deux le café, après avoir payé la note. «Tu veux que j'te ramène chez toi ?».

Suki avait apprécié la petite promenade à moto. Pas seulement pour le paysage ou pour la puissance de l’engin mais avoir les bras enroulés autour de la silhouette bien bâtie du cascadeur lui avait permis de jauger son potentiel. Et quel potentiel ! Décidément, Leah lui plaisait de plus en plus, autant pour sa gentillesse que pour ce corps digne d’un Dieu Grec. Ils se connaissaient à peine, mais le voir aussi réceptif à son petit jeu faisait fantasmer la jeune femme. C’en était même frustrant parce qu’elle le considérait aussi comme un moyen d’atteindre son objectif. « Mais non, tu es très bien, on dirait même pas que tu reviens de 2 heures de sport ! » lui assura-t-il. Reprenant ses esprits, la jeune femme lui sourit et pénétra à l’intérieur du café dont elle examina et apprécia le décor. « Tu verras, c'est pas toujours aussi calme, surtout le week-end. Mais y'a toujours de la place pour boire un bon café ! D'ailleurs je pense sérieusement que Seb fait les meilleurs cafés de toute la région ! ». Il ventait les mérites de ce café avec tellement de convictions que la jeune femme se demanda l’espace d’un instant s’il n’avait pas été payé pour. Si sa carrière de comédien-cascadeur ne décollait pas, il pouvait toujours se rabattre dans le commerce ! En tout cas, l’odeur du café fraîchement torréfié qui chatouillait agréablement ses narines ne pouvait être qu’un gage de qualité. Plus il parlait et plus Town Square lui donnait l’impression d’être un endroit chaleureux, bien loin de toutes ces villes où elle s’était autrefois établie. Leah s’installa d’office, comme un automate, à une table libre proche de l’immense baie vitrée qui donnait sur la rue. Suki avait comme dans l’idée que c’était sa place habituelle. Elle parcourut la carte du regard et, après avoir longuement hésité, opta finalement pour un café renversé au lait d’amandes : ça lui changerait du thé. Leah, quant à lui, semblait être un accro du café américain. La familiarité avec laquelle le serveur s’adressait à lui ne faisait que confirmer le fait que Leah était bel et bien un habitué ; ça tombait bien, peut lui importait que le café soit médiocre ou non, le Morning Coffee s’apprêtait à devenir son nouveau repère.

Lorsqu’elle reposa la carte, son regard se posa sur son compagnon d’infortune et, alors qu’il semblait ailleurs, en profita pour parcourir les traits de son visage. Sa consécration dans le monde du cinéma commençait à peine, mais Suki sentait que de nombreuses femmes étaient déjà prêtes à tuer pour être à sa place. Pensée qui lui arracha un sourire de satisfaction. « J'adore cet endroit, j'trouve que c'est comme un petit cocon, on peut pas ne pas s'y sentir bien ! » reprit-il. La réponse de Suki fut un peu plus évasive. Sa fratrie mise à part, elle ne s’était jamais vraiment attachée à un endroit, ignorait même ce que procurait la sensation d’être à sa place et ce manque la suivait même jusque dans son propre appartement. Après un instant de flottement, Leah sembla reprendre ses esprits ce qui incita Suki à en faire autant. La mine intéressée qu’il arborait ne laissait aucun doute sur ce qui allait suivre. « Alors raconte-moi… Tu viens d’où ? Comment t’as atterri à Town Square ? ». Bingo !

L’asiatique tenta de masquer son trouble, cependant même un aveugle aurait pu deviner que Suki n’était guère enchanter à l’idée de parler d’elle. Son enfance avait été horrible et elle ne pouvait pas clairement lui avouer être originaire du Laos au risque qu’il ne fasse immédiatement la liaison avec sa jeune colocataire. Penaude, la jeune femme haussa les épaules comme pour lui faire comprendre qu’il n’y avait rien d’extraordinaire à raconter. « Avec mon frère, nous venons d’un peu partout. En général, lorsqu’on s’installe quelque part, on n’y reste jamais très longtemps. Sans doute parce que nous avons grandi dans un cirque ambulant. On a bien dû faire tous les états d’Amérique… » commença-t-elle. Ca n’était pas vrai, mais ça n’était pas totalement faux non plus ; l’important était de savoir lire entre les lignes. Le « cirque ambulant » dont elle faisait mention était une métaphore pour parler de sa vie en général. « Mais cette fois, c’est différent. J’ai 28 ans et j’ai besoin de trouver la stabilité que je n’ai jamais connu alors j’ai tronqué notre roulotte contre un appartement, mais ça n’a pas été du goût de mon frère et il est partie. ». Sur ces mots, sa voix s’éteignit en même temps que l’étincelle qui illuminait son regard. Suki considérait le départ de Kyô comme un véritable échec. Elle soupira pour chasser l’angoisse qui commençait à la submerger et l’asséna de question à son tour. Il lui raconta qu’il avait grandi à Town Square, ce qui l’avait amené à devenir garde-du-corps et, plus vaguement, ce qui l’avait incité à se réorienter. Tout comme elle, Leah semblait vouloir éviter certains sujets et Suki le respecta.

Ils continuèrent à discuter de choses et d’autres jusqu’à ce que Leah ne l’interrompe. « Je vais devoir y aller, je dois aller chercher ma... sœur à la fac. ». Suki redressa la tête à la fois surprise et intriguée par son moment d’hésitation. Devait-elle comprendre par là qu’il allait chercher SA sœur à la fac ? En tout cas, elle était ravie de voir qu’il considérait Kisa comme la sienne et il lui fut très difficile de cacher un sourire bienveillant qui n’avait plus rien d’enjôleur. Tandis qu’ils quittaient l’enseigne après avoir réglé l’addition, l’asiatique repensa à la photo de Kisa et aux sentiments que cela avait engendré. «Tu veux que j'te ramène chez toi ?». Sentant qu’elle était sur le point de perdre de nouveau le contrôle sur ses émotions, Suki secoua la tête en guise de négation. « C’est gentil, mais je comptais profiter d’être en ville pour faire un peu de lèche-vitrines avant de rentrer chez moi. Merci pour la matinée, c’était vraiment sympa. » dit-elle en lui adressant un petit sourire contrit.