Privée de la lumière du soleil, Suki avait perdu toute notion du temps. Elle n’avait pas la moindre idée du temps qui s’était écoulé depuis qu’elle avait embarqué sur ce vieux cargo avec Mai, Kyô & Kisa. Des jours, des semaines, peut-être plus… Ca lui semblait tellement dérisoire. Sa mère avait cru bien faire en faisant appel aux services d’un passeur, pensant sûrement effacer les traces de leur voyage afin de ne pas être retrouvés par la mafia, mais au final, plusieurs hommes, femmes et enfants étaient morts au cours du trajet par déshydratation ou manque de soins. Leurs cadavres dégageaient une odeur nauséabonde, obligeant les quelques rescapés à converger vers minuscule petite grille d’aération. Ca faisait de nombreuses heures déjà que le mouvement des vagues ne leur parvenait plus, signe que le bateau était enfin arrivé à quai. Mais qu'attendaient-ils pour les faire sortir de là ?

Soudain, leur abri d’infortune s’éleva dans les airs dans un bruit de ferraille assourdissant, projetant les corps à travers la carlingue avant de redescendre sur le sol. Les quelques rescapés se rassemblèrent et s'approchèrent de la porte. On n'aurait su dire s'il tremblait d'impatience ou de peur. Coincée entre deux adultes, Suki dû jouer des coudes pour se frayer un chemin jusqu'à la porte qui s'ouvrit à la volée sur un commando armé. Pas le comité d'accueil auquel ils s'étaient attendus. L'un d'eux appuya sur son oreillette. « Ici Delta 4, nous les avons trouvé. Quels sont vos ordres ? ». Le silence froid retomba aussitôt, chacun dans l'attente de ce que ferait l'autre, puis finalement, les hommes ordonnèrent l'évacuation d'un simple signe de tête. Soulagés, tous se précipitèrent vers la sortie. Bien vite, ils furent rejoints par le chef des opérations. La cinquantaine grisonnante, l’homme était grand et possédait un regard d’un bleu électrique qui l’intrigua. Il observa chacun des rescapés et s’attarda sur les plus jeunes. Peu confiante, Suki se rapprocha de son aînée qui tenait la plus dernière dans ses bras et serra le collier de sa mère dans ses mains comme si ce simple geste pouvait lui donner du courage. Et tandis que Mai, Kyô et Suki faisaient vœu d’un silence quasi-religieux, Kisa babillait innocemment ; elle était beaucoup trop jeune pour tout ça et, à vrai dire, Suki l’enviait sur ce point car en vieillissant sa sœur ne se souviendrait de rien. « Transférez-les dans un hôpital pour qu’ils reçoivent tous les soins nécessaires, nous contacterons les services de l’immigration plus tard. ». Suki tourna instinctivement la tête vers Mai. L’anglais était une langue que son aînée maitrisait plutôt bien contrairement au reste de sa fratrie, mais sa sœur ne jugea pas nécessaire de leur servir d’interprète. Mai avait compris qu’on les renverrait au Laos dès qu’ils seraient en mesure de voyager et, prise de panique, s’était enfuie de l’hôpital le soir même en lui promettant de venir les chercher plus tard. Et elle n’était jamais revenue…

[…]

La respiration haletante, la sueur perlant sur son front et le rythme cardiaque donnant l’impression que son cœur allait finir par se déloger de la cavité qui le maintenait en place, tout indiquait que Suki venait de faire un cauchemar. La tête posée sur l’oreiller, elle s’était contentée d’observer les minutes défiler jusqu’à ce que la voix du présentateur d’une radio locale ne l’informe sur la météo du jour. Lorsqu’il mentionna la date d’aujourd’hui, Suki ne put s’empêcher de lâcher un petit grommèlement et s’empressa d’écraser son radioréveil pour le faire taire. Le temps était une notion devenue si précieuse que le constat lui paru d’autant plus effrayant ; en ce vendredi ensoleillé, sa sœur fêtait son anniversaire... Bien qu’aucune volonté ne l’animait, elle parvint tout de même – par un effort surhumain – à s’asseoir au bord de son lit pour glisser ses pieds gelés dans une paire de pantoufles confortables et chaleureuses. S’en suivit par la suite son rituel quotidien qui dura un peu plus longtemps que prévu étant donné que Suki s’éternisa sous la douche.

Durant toute la journée, l’asiatique se comporta comme une automate. Elle agissait sans même prendre conscience du monde extérieur et n’avait qu’une seule idée en tête : l’anniversaire de Kisa. Cette année était d’autant plus difficile puisque sa jeune sœur ne vivait qu’à deux quartiers du sien.

C’est alors que la jeune femme eut une idée : offrir à sa sœur le pendentif de leur mère, celui que sa sœur lui avait donné avant de s’enfuir en lui assurant qu’il lui donnerait force et courage. « N’oublies jamais d’où tu viens… » lui avait-elle murmuré en collant un baiser sur son front avant de disparaître. Mais la question était de savoir comment. Comment ferait-elle pour le donner à Kisa sans dévoiler son identité ? Son regard se posa alors sur le dernier colis qu’elle tenait entre les mains et un sourire étira ses lèvres. Ca tombait sous le sens, finalement. Pendant des années, Suki avait fait passer de la marchandise illégale en usant de sa couverture de coursier alors pourquoi ne pas le faire avec un cadeau d’anniversaire ? Et puis, c’était un geste assez courant au final. Elle subtilisa une boîte en carton, y nota l’adresse de Leah et rédigea une lettre sur ordinateur. Suki avait pris soin de ne laisser aucun indice laissant supposer que l’auteur de la lettre était une femme : Kisa ne devait sûrement pas soupçonner l’existence de sa fratrie car son dossier d’adoption était considéré comme étant confidentiel. Excuse bien choisie de l’orphelinat pour justifier un dossier manquant. Dossier que Suki avait en sa possession et obtenu en toute illégalité, bien sûr.

Lorsqu’elle n’eut plus aucune course à faire, l’asiatique enfourcha son vélo pour rejoindre le quartier huppé de la ville en direction de la belle maison où vivait Leah et, par extension, Kisa. Il lui semblait entendre du bruit à l’intérieur, mais elle pressa tout de même la sonnette de l’entrée et enfonça un peu plus la casquette frappée du logo de la société sur sa tête comme si ce simple geste l’aiderait à cacher sa ressemblance physique avec Kisa. La jeune femme pria presque pour que ce soit Leah qui lui ouvre la porte et que son colis ne soit pas ouvert tout de suite. Avec un peu de chance, il serait délaissé au profit d’autres cadeaux. Lorsque la porte s’ouvrit, Suki se retrouva nez-à-nez avec Leah et se retint de sourire. L’asiatique devait jouer son rôle jusqu’au bout si elle ne voulait pas que les soupçons se portent sur elle alors elle afficha un air neutre comme si elle se trouvait en présence d'un inconnu. « Salut. Jampony, je suis coursier – dit-elle, récitant le speech qu’elle servait à tous les clients qui lui ouvraient la porte – Désolée du dérangement. J’ai un colis pour… » commença-t-elle en faisant mine de lire le destinataire sur le colis. « Kisa. » lâcha-t-elle faisant mine d’avoir l’air gênée et déçue. En d’autres termes ; la jeune femme voulait donner l’impression à Leah qu’elle pensait livrer un colis à une petite-amie cachée. Faire preuve de jalousie ne ferait qu'aiguiser l'intérêt de l'américain à son égard, elle en était persuadée.

Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Kisa. Ça va faire 6 mois qu'elle habite chez moi, et je l'ai accueillie comme une soeur. Ma propre soeur m'a fait une mini crise de jalousie mais ça n'a pas duré longtemps, elles sont un peu pareilles toutes les deux, bien que Lizzy soit un peu plus vieille, elles n'ont que 4 ans de différence et s'entendent désormais comme de vraies soeurs. J'ai protégé Lizzy pendant des années, et puis j'ai fini par jeter mon dévolu sur Kisa. Elle a subi le même sort que ma soeur, interrogatoire chaque fois qu'elle sort le soir ou qu'elle rentre tard, présentation de chacun de ses petits amis, etc... parfois elle m'envoie chier, mais elle sait que c'est pour son bien. Je ne suis pas si méchant au final. J'ai juste tendance à vouloir éloigner d'elle tous les bad boy qui voudraient lui faire du mal.

Elle fête aujourd'hui ses 22 ans, et c'est en ouvrant la porte de sa chambre, un plateau de petit dej bien rempli, que je me mets à chanter «Joyeux anniversaiiiiire, joyeux anniversaire Kisaaaa, joyeux anniversaire !!». Elle se réveille doucement et lâche un petit rire amusé. Une fois le plateau posé, j'ai droit un à gros câlin et un gros bisou. «Tu es le meilleur frangin qu'on puisse avoir !». Je lui offre un sourire. «Fais gaffe, un jour tu vas peut être te retrouver avec un vrai frère qui a les mêmes vrais parents que toi, et moi je serai banni à jamais de ta vie !». Elle secoue la tête. «Pffff... n'importe quoi. Je pense que si j'avais des frères et soeurs, je l'aurai su avant !». «T'as sans doute raison, je resterai l'unique alors ?». Elle hoche vivement la tête et dépose un nouveau baiser sur ma joue. «Bon allez j'te laisse déjeuner, j'ai du taf aujourd'hui pour préparer ta fête. Tu sais un peu combien y'aura de personnes ?» «Beaucoup !». Je lâche un petit rire légèrement stressé, et sors de sa chambre pensif. Tellement de choses à faire avant ce soir...

[...]

Il est 21 heures quand, en pleine préparation dans la cuisine, on sonne à la porte. Je sursaute à moitié et crie dans toute la maison «Kisaaaa ! T'avais pas dit 22 heures à tes amis ? Va ouvrir s'il te plaît !». De la porte d'entrée j'entends : «Mais c'est moi patate !». La voix de Lizzy me rappelle à l'ordre et avec un sourire je vais lui ouvrir pour la prendre dans mes bras. Dans ses mains, un gros paquet pour Kisa. «Pose le sur la table, c'est là qu'on mettra tous les cadeaux je pense. Les invités arrivent d'ici 1h, tu m'aides à finir ? Faut encore que j'aille me préparer.» «Ok je finis, va te faire beau !».
Une fois prêt, vêtu d'un jeans foncé assez moulant, et d'une chemise claire, je rejoins Lizzy pour finir les préparations.

23 heures, tout le monde est là, la maison est remplie de monde, des gens de tous horizons, des américains, et des étrangers aussi, ça parle un peu toutes les langues. J'adore ça. De temps en temps je jette un oeil à Kisa voir si tout se passe bien. Elle se contente de me sourire pour me rassurer. Je n'ai pas l'habitude d'organiser des fêtes aussi grandes. On sonne à la porte. Comme depuis le début de la soirée, j'ai fait le portier, je continue mon job d'hôte de soirée, et vais ouvrir la porte. Mais je ne m'attendais pas à cette visite. Kalena se trouve juste là, devant moi, une petit casquette vissée sur sa tête. Un large sourire s'empare de mes lèvres et je plonge mon regard dans le sien, attendant qu'elle me dise ce qu'elle fait là. « Salut. Jampony, je suis coursier, désolée du dérangement. J’ai un colis pour… Kisa. ». Sa petite moue me fait comprendre qu'elle est légèrement déçue de savoir qu'une femme vit ici, avec moi. J'esquisse un petit sourire avant de me justifier rapidement, sans même savoir pourquoi d'ailleurs. «C'est ma petite soeur, enfin, c'est tout comme. Elle fête ses 22 ans aujourd'hui.» Je récupère le paquet qu'elle me tend et le cale sous mon bras alors que je prends appui contre l'embrasure de la porte. Je ne la lâche pas du regard. «Dis donc, tu finis tard, c'est parce qu'on est samedi ou c'est parce que tu livres aussi la nuit ? T'as fini là ?». Elle me répond par l'affirmative et je lui propose alors d'entrer. «Tu veux venir manger et boire un truc à l'intérieur ? Tu l'as bien mérité après ton boulot...». Je la sens un peu hésitante, alors à moi de forcer un peu. «Allez viens !». Je lui fais signe d'entrer, et pose une main dans le bas de son dos pour la pousser légèrement. «Tu t'es pas faite avaler par ma maison la première fois, pas de raison pour que ce soit le cas la 2ème fois !». La musique est déjà assez forte, et pour se faire entendre d'une personne avec qui on discute, il faut soit se rapprocher d'elle, soit hurler, soit aller dans un coin plus privé. J'opte pour la première solution. Je me penche vers elle, me rapprochant presque dangereusement. Les effluves de son parfum viennent me titiller les narines et je me sens presque vaciller. «Tu veux boire quoi ?».

Leah semblait touché de voir son petit air jaloux, sans doute autant que Suki à l’entendre se justifier de la présence d’une autre femme sous son toit. C’était d’autant plus amusant que la personne en question n’était autre que Kisa. « C'est ma petite sœur, enfin, c'est tout comme. Elle fête ses 22 ans aujourd'hui. ». Sur ces mots, le cœur de Suki se serra d’une agréable douleur. Leah parlait d’elle avec un tel respect et une telle fierté que s’eut été comme un poids se dégageant de ses épaules. La jeune femme avait à présent la conviction que sa sœur était bien entourée et la savoir en sécurité était absolument tout ce qui lui importait. « Oh. » lâcha-t-elle, comme si de rien n’était avant de pencher la tête sur le côté pour observer la foule qui se pressait dans le vaste appartement du cascadeur. « Désolée, je ne voulais pas jouer les troubles fêtes avec mon colis. » ajouta-t-elle, sincère et gênée à la fois. Derrière cette porte, toutes ces personnes s’étaient rassemblées pour fêter la naissance de Kisa et Suki en était plutôt impressionnée car elle-même n’avait jamais vraiment fêté son anniversaire. Pour elle, ça n’était qu’une date dans un calendrier, rien de plus. « Dis donc, tu finis tard, c'est parce qu'on est samedi ou c'est parce que tu livres aussi la nuit ? T'as fini là ?». Suki opina du chef à sa dernière question. Elle avait prévu de lui dire qu’un homme l’avait accosté à la fermeture et soudoyé d’un pourboire conséquent pour l’inciter à livrer ce colis dans les plus brefs délais et dans l’anonymat le plus total, ce qu’elle avait accepté. Cependant, la jeune femme n’eut pas vraiment le temps de lui servir son excuse puisque Leah l’invita aussitôt à entrer.  « Tu veux venir manger et boire un truc à l'intérieur ? Tu l'as bien mérité après ton boulot...? ». Suki n’était pas très emballée à l’idée de se mêler à toute cette foule et d’être confrontée à sa petite sœur, mais d’un autre côté, elle arriverait peut-être à se fondre parmi les invités et à observer Kisa avec la discrétion la plus totale. Honnêtement, Suki n’était pas d’humeur à la fête. Elle avait surtout envie de dormir car, depuis plusieurs jours, la jeune femme ne cessait de revivre le même souvenir et se réveillait en sursaut en proie à une panique innommable. Et puis, l’asiatique avait la désagréable sensation de ne pas être à sa place, alors qu’au vue de leur lien de sang, Suki était bien là où elle devait être. « Allez viens ! » dit-il en posant une main dans son dos qui provoqua un frisson dans toute sa colonne vertébrale. « Non, vraiment je… » commença-t-elle avant qu’il ne lui coupe l’herbe sous le pied. « Tu t'es pas faite avaler par ma maison la première fois, pas de raison pour que ce soit le cas la 2ème fois ! ». Elle comprend alors qu’il est inutile de discuter sans éveiller le moindre soupçon. En passant près de la table où sont regroupés tous les cadeaux – ô combien nombreux – Suki en profita pour poser le sien en veillant à le cacher sous les autres afin qu’ils soient ouverts en dernier.

Décidément, Leah voyait toujours Suki dans d’étranges conditions. Il ne l’avait jamais vu habillée en civil à proprement parler. La première fois, elle était en tenue de sport et aujourd’hui, elle portait son uniforme de coursier. «Tu veux boire quoi ?» lui proposa-t-il en s’arrêtant au niveau du bar spécialement aménagé pour l’occasion. Suki surplomba les bouteilles du regard pendant deux bonnes minutes avant d’arrêter son choix. « Du jus de cerise, j’adore ça et c’est plutôt rare d’en trouver… » répondit-elle en lui souriant. La cerise avait toujours été son fruit préféré, c’était même le goût du baume à lèvres qu’elle portait en ce moment. Des études britanniques démontraient même que le jus de cerise aidait à retrouver l’équilibre du sommeil : c’était parfaitement indiqué dans son cas. L’alcool ? Trop peu pour elle. Suki avait vu les dégâts que cela avait occasionnés sur Jake Stevenson, celui qui avait été son bourreau pendant plusieurs années avant qu’elle ne se décide à reprendre sa vie en main et de s’enfuir petit son frère sous le bras. « Merci. » dit-elle en prenant le verre. Elle but aussitôt une gorgée de ce savoureux nectar qui laissa une marque sur ses lèvres, ne faisant que les rendre plus pulpeuses qu’à l’origine. Suki ne cherchait pas vraiment à le séduire cette fois-ci, elle était beaucoup trop nerveuse et se sentit obligée de se justifier auprès de Leah. « Désolée, il y a beaucoup de monde, je ne suis pas très à l’aise... ». Tout ce monde réunit dans un espace confiné ne faisait que lui remémoré davantage le souvenir qui l’empêchait de dormir ces temps-ci. L’asiatique n’était pas claustrophobe ni agoraphobe, mais ses émotions étaient devenues beaucoup trop difficiles à gérer. Il ne manquait plus que Kisa se pointe pour que sa carapace ne s'effrite un peu plus... « J'avoue que j'aimerais bien voir ton jardin là... » dit-elle dans un rire qui sonnait faux pour lui faire comprendre qu'elle avait besoin de prendre l'air. Suki s'était peut-être fait passée pour Superwoman auprès de lui, mais elle avait ses faiblesses comme tout le monde.

A vrai dire, je ne réfléchis pas si Kalena a envie de dire oui ou non quand je l’invite à boire un verre. Après tout, elle ne connaît personne ici, c’est l’occasion de faire des rencontres ! Elle m’a dit que ça faisait peu de temps qu’elle était à Town Square, autant lui faire rencontrer du monde ! Je la laisse déposer le paquet sur la table prévue à cet effet, et me dirige vers l’endroit où se trouvent toutes les boissons. Je lui demande ce qu’elle veut boire. Mon regard se pose sur elle, pendant qu’elle cherche des yeux ce qu’elle voudrait boire. « Du jus de cerise, j’adore ça et c’est plutôt rare d’en trouver… »? Un sourire au bout des lèvres, je lui sers son jus de fruit. C’est marrant, Kisa adore le jus de cerise, c’est d’ailleurs pour ça qu’on en a toujours à la maison même si on a souvent du mal à en trouver. Je ne cherche pas à comprendre plus que ça, malgré toutes les ressemblances qu’elles ont toutes les deux. Lorsque Kalena porte son verre à ses lèvres, le jus de cerise colore ses lèvres et j’ai du mal à en détacher mes yeux. Je me reprendre difficilement. Ça me fait plaisir de la revoir, je ne m’attendais pas à la voir ce soir. « Désolée, il y a beaucoup de monde, je ne suis pas très à l’aise... ». Oh. Je commence à culpabiliser de l’avoir faite entrer finalement. Je ne la connais que très peu, elle a peut être de mauvais souvenirs, ou simplement pas l’habitude de voir autant de monde. Il y a des gens comme ça qui n’aiment pas la foule. Je me sens un peu mal de l’avoir poussée à se joindre à nous. Au moment où j’allais ouvrir la bouche pour lui proposer d’aller dehors, c’est elle qui en prend l’initiative. « J'avoue que j'aimerais bien voir ton jardin là... » . Je lâche un petit rire amusé «Oui bien sûr...». Je lui fais signe de me suivre pour nous diriger vers la grande baie vitrée qui mène au jardin. Il n’y a pas grand monde à l’extérieur, il ne fait pas très chaud non plus. Je la laisse s’asseoir sur un transat en bois près de la piscine, et j’en fais de même. Pour briser le silence, je demande à Kalena : «Je t’ai jamais revue au spot depuis la dernière fois. Je pensais que tu reviendrais plus souvent...».

Pendant quelques minutes, nous discutons de tout et rien, sûrement pour faire abstraction du cadre dans lequel nous nous trouvons, seuls au bord d’une piscine, avec comme seul toit, un tapis d’étoiles. Au bout d’une vingtaine de minutes,  j’entends la voix de ma soeur, qui vient d’ouvrir la porte fenêtre pour m’appeler. «Leah ? Loween est avec toi ?». Je relève la tête, Lizzy ma soeur vient d’ouvrir la porte fenêtre et accourt près de nous. «Elle s’est échappée de ta chambre !». «Non, pas dans les parages. Tu tombes bien, je vais te présenter quelqu’un !». Kalena est de dos à ma soeur, et je vois bien qu’elle n’est pas très bien. «Kalena, j’te présente ma soeur, Lizzy !». La jeune asiatique semble d’un coup soulagée, et fait volte face avant de se lever pour échanger une poignée de main amicale avec ma soeur. «Lizzy, c’est Kalena, tu sais...» Elle me coupe dans mon élan et en adressant un petit sourire à la jeune asiatique, elle continue. «Oui, la supergirl qui t’a foutu la pâtée à l'escalade !». Comment se faire griller d’un seul coup. Je soupire. «Voilà voilà...». Kalena semble se détendre et affiche même un petit sourire. «Ok, je vous laisse, je vais chercher Loween, tu veux que je t’envoie Kisa ?» «Non non, c’est sa soirée, laisse là avec ses amis. Je verrai si je la croise tout à l’heure !». Lizzy fait demi-tour et nous laisse donc seuls Kalena et moi.

«Lizzy c’est ma soeur de sang, en fait. Et Kisa, qui fête son anniversaire ce soir, c’est ma soeur de coeur. C’est la fille d’amis très proches à mes parents... On a grandit ensemble, du coup on est très proches tous les trois, et depuis que ses parents sont partis à l’autre bout du pays pour une affaire de famille, elle vit chez moi. Enfin bref, je sais pas trop pourquoi j’te raconte tout ça...» Sûrement parce que je ne sais pas trop quoi lui dire, et que je me sens toujours un peu comme un adolescent quand je suis avec elle, surtout quand nous sommes seuls comme ça. Je n’ai pas tellement pris le temps d’y réfléchir plus longtemps. Mon regard plonge dans le sien, et l’obscurité n’aidant pas, mes pensées ont tendance à dévier. «Tu veux m’aider à retrouver mon chien ? Je suis sûr que tu l’aimeras, elle est toute petite et toute fofolle ! Lizzy l’a visiblement paumée dans la maison, elle aime bien se cacher..»

Dès qu’elle eut mis le pied dehors, Suki prit une profonde respiration. L’air frais de cette fin d’octobre lui faisait le plus grand bien. Elle l’empêchait aussi de penser à Kisa qui n’était plus qu’à quelques mètres d’elle. Heureusement que Leah était là pour la distraire. « Je t’ai jamais revue au spot depuis la dernière fois. Je pensais que tu reviendrais plus souvent… ». Suki accrocha son regard et afficha un air mutin. « Trop de testostérone, c’est ça ? Je vous manque à ce point ? » le taquina-t-elle. Puis, son sourire se fana. « J’étais trop occupée à dissuader mon frère de rentrer à la maison, mais ça n’a pas vraiment fonctionné. » dit-elle en haussant les épaules. Et pour une fois, c’était la vérité. Suki l’avait retrouvé par l’intermédiaire de Toby avec qui ils étaient toujours en contact, mais dès l’instant où il l’avait vu, Kyô était entré dans une colère noire et lui avait balancé des mots blessants dont elle ne l’aurait jamais cru capable.

Et ils continuèrent à discuter de choses et d’autres.

Curieusement, Suki se sentait bien. Elle n’avait jamais parlé à quelqu’un aussi simplement et ça lui faisait un bien fou. Leah ne connaissait pas son passé sombre et c’était sans doute pour cette raison qu’elle lui parlait aussi librement. Bien sûr, il y avait aussi une petite réserve. Suki se gardait bien de percer les mystères qui l’entouraient ; elle ne voulait pas trop en dévoiler plus par crainte qu’il ne découvre le pot aux roses. Leah lui plaisait, mais Kalena plaisait à Leah. Et non pas Suki. Il y avait là une grosse différence.

Soudain, ils furent interrompus par une voix féminine qui s’éleva derrière eux et, instinctivement, Suki se figea. « Kalena, j’te présente ma sœur, Lizzy ! » s’exclama-t-il. Les épaules de l’asiatique se relâchèrent aussitôt, comme soulagée d’un poids invisible et se tourna vers la jeune sœur de Leah à qui elle adressa un sourire avenant et poli. « Enchantée. » dit-elle poliment. « Lizzy, c’est Kalena, tu sais… » poursuivit-il. Elle semblait alimenter les conversations de Leah, c’était plutôt bon signe. Suki afficha un sourire avant de rire aux éclats lorsque Lizzy en rajouta une couche. Et puis, après quelques échanges, elle tourna les talons.

Le silence s’abattit de nouveau sur eux, mais ne dura pas très longtemps. «Lizzy c’est ma soeur de sang, en fait. Et Kisa, qui fête son anniversaire ce soir, c’est ma sœur de cœur. C’est la fille d’amis très proches à mes parents... On a grandit ensemble, du coup on est très proches tous les trois, et depuis que ses parents sont partis à l’autre bout du pays pour une affaire de famille, elle vit chez moi. Enfin bref, je sais pas trop pourquoi j’te raconte tout ça...». D’autres femmes n’en auraient peut-être rien eu à faire de ses histoires de famille, mais ce n’était pas le cas de Suki. Pour elle, la famille était le pilier de sa vie. Pilier qui s’était sacrément ébréché avec le temps, certes. Et puis, il parlait de sa sœur aussi. Quel bonheur de savoir qu’il aimait Kisa autant que Suki l’aimait. « Ca ne me dérange pas. » assura-t-elle. Il prendrait sûrement ça pour de la politesse, mais la jeune femme était vraiment sincère. « Tu veux m’aider à retrouver mon chien ? Je suis sûr que tu l’aimeras, elle est toute petite et toute fofolle ! Lizzy l’a visiblement paumée dans la maison, elle aime bien se cacher… » . Pour toute réponse, Suki acquiesça d’un signe de tête et se mit aussitôt en quête du chiot qu’elle trouva près d’une dizaine de minutes plus tard.

Cachée dans un buisson, elle tremblait. De toute évidence, Suki n’était pas la seule à ne pas se sentir à l’aise parmi la foule. « Je l’ai trouvé. » s’exclama-t-elle. Puis, la jeune femme s’agenouilla auprès du chiot et l’attira en quelques paroles douces prononcées à mi-voix. Manifestement, le son de sa voix avait suffit à la mettre en confiance. Suki la porta fièrement dans ses bras, posa un baiser sur son pelage et afficha un sourire fier à l’attention de Leah avant de caresser la tête de l’animal. « Elle est trop mignonne. » dit-elle. La chienne semblait apprécier le compliment et le lui fit comprendre à la remerciant d’une léchouille sur sa joue. Suki sourit et la tendit à son propriétaire.

« Mission accomplie. » lança-t-elle lorsqu’il revint vers elle quelques instants plus tard. Dos à la baie vitrée, il ne voyait pas la « menace » approchée. Kisa venait justement dans leur direction. Pris d’un élan de panique, Suki chercha aussitôt à faire diversion mais lorsqu’elle croisa le regard intrigué de Leah, elle décida de faire d’une pierre deux coups. Sans crier gare, la jeune femme agrippa son col, se hissa sur la pointe des pieds et plaqua ses lèvres pulpeuses au goût de cerise sur les siennes. Un premier contact charnel qui lui arracha un frisson. Un premier, vrai frisson qui ne lui donnait pas envie d’y mettre fin. Les paupières closes, Suki se surprenait même à en vouloir encore plus et glissa sensuellement sa main dans sa nuque pour mieux l’attirer contre elle.

Une fois ma frangine repartie, je me sens un peu obligé de lui parler de moi, de mes soeurs. Après tout, je l’ai faite rentrer chez moi, ce n’est pas juste pour se regarder dans le blanc des yeux. Mais rapidement, je m’excuse. Heureusement qu’il fait nuit, elle aurait pu remarquer que mes joues ont rosi à ce moment précis. « Ca ne me dérange pas. » me rassure-t-elle. Je lui adresse un sourire, comme pour la remercier. Je ne sais pas trop pourquoi, mais j’aime être avec elle, discuter avec elle, et la regarder tout simplement.

Pour éviter de me sentir mal à nouveau vis à vis d’elle, je décide de lui proposer quelque chose, m’aider à retrouver Loween, ma petite chienne. Kalena ne met pas longtemps avant d’acquiescer. Je ne sais pas détecter si c’est juste un oui de politesse ou si ça lui fait plaisir. A peine 10 minutes plus tard, j’entends Kalena crier au bout du jardin « Je l’ai trouvé. ». Je me rapproche alors de la jeune femme et du chiot, qu’elle tient fièrement entre ses bras. Dans un large sourire, je la félicite. «Bravo, t’as des yeux de lynx, quand elle se planque elle le fait pas à moitié !». Je frotte la petite tête du chiot avec amusement. « Elle est trop mignonne. ». Je redresse le regard vers Kalena et lui offre alors un magnifique sourire. «Je l’adore... je l’ai trouvée la semaine dernière, sur mon paillasson... comment ne pas craquer pour une boule de poils pareille !».

La jeune femme me tend alors le petit animal, le posant délicatement dans mes bras. « Mission accomplie. ». «Merci !» lui dis-je avec un sourire tout aussi gratifiant. Mais rapidement je vois que le regard de la jeune femme est en train de changer. Intrigué, je fronce les sourcils, me demandant ce qu’elle a bien pu voir, et avant même d’avoir eu le temps de me retourner pour voir ce qui se passe, je sens qu’elle agrippe le col de ma chemise, avant de presser ses lèvres contre les miennes.

Je ne m’y attendais pas à celle là ! Mon coeur se met à battre plus rapidement, la surprise peut être, ou simplement le sentiment d’un baiser auquel je ne m’attendais pas. Un long frisson parcours ma colonne vertébrale au moment où sa main vient se poser dans ma nuque. Je suis très sensible de la nuque. Je suis à deux doigts de laisser tomber Loween pour pouvoir enlacer Kalena, et malgré une main prise par la petite chienne, ma deuxième main vient se loger dans le creux des reins de la jeune femme. Sa langue vient carrément caresser la mienne et je ne recule pas devant l’incompréhension de la situation, je profite simplement de cet échange charnel. Ses lèvres ont un goût parfaitement sucré.

Après quelques longues secondes, Kalena sépare ses lèvres des miennes, et je ne peux m’empêcher de garder quelques instant mes yeux clos, comme pour garder en mémoire ce baiser. Lorsque je réouvre les yeux, la jeune femme regarde le sol, visiblement un peu gênée de la situation. «Wow...». Je n’ai réussi à sortir que ça à cet instant précis. Je me mordille la lèvre en souriant, légèrement amusé de la situation, mais plus abasourdi et bouleversé qu’autre chose. Le petit sourire gêné qu’elle m’offre a tendance à me faire fondre plus qu’autre chose. «Je... je sais pas c’que j’ai fait pour mériter ça mais...». Je me racle la gorge, ne pouvant pas tellement finir ma phrase. Il ne faut pas être dupe pour comprendre que j’ai apprécié la chose. «Hum. Ok. Je... je vais aller mettre cette... chose» je soulève un peu la petite chienne qui est dans mes bras avant de poursuivre «dans ma chambre. Tu peux m’accompagner si tu veux... enfin euh... en tout bien tout honneur j’veux dire !». Je passe ma main sur mon visage d’un air complètement dépité de moi même, et je lâche un petit rire nerveux. «Ok, Leah ta gueule. Bon euh... tu peux rester là si tu veux, j’en n’ai pas pour très longtemps. Mais tu peux venir aussi ... si tu veux.». C’est pas bien mieux que tout à l’heure, mais c’est qu’elle m’a perturbé avec son baiser !

Visiblement ça a l’air de l’amuser. Parfois je me désole moi même. «Je vais passer par derrière pour éviter de traverser la foule du salon...». Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai cru comprendre que la jeune femme n’aime pas la foule. Pour l’inciter à m’accompagner, et surtout par peur qu’elle ne s’échappe, je préfère lui faire comprendre qu’on ne repassera pas par le salon...

Avant que la jeune femme ne réponde à ma proposition, j’entends une voix féminine derrière moi. «Leah !». Je ferme les yeux très fort en reconnaissant la voix de Leandra, une amie de Kisa qui a flashé sur moi et qui tente par tous les moyens de me mettre dans son lit. Avant qu’elle n’arrive, je confie à demi-mot à Kalena : «Putain elle va jamais me lâcher celle là... me laisse pas seul avec elle j’ten supplie !». Je grimace légèrement et la sangsue arrive près de nous. «Oh, j’ignorais que tu n’étais pas seul... tu me présentes pas ?». Je regarde Kalena un SOS dans les yeux avant de reposer mon regard sur Leandra. «Si, si si... Euhm Leandra j’te présente Kalena, ma... une...» Tu galères hein ?

Ce n’était pas correct. Suki le savait et pourtant, elle jubilait. Elle savourait ce baiser comme jamais ! L’asiatique avait l’impression de goûter au fruit défendu, d’être une adolescente que embrasse un garçon pour la toute première fois... Et elle était aussi surprise que lui. Suki s’était attendue à ce que ses lèvres soient rêches mais, au contraire, elles étaient incroyablement douces et aussi confortables que si elles avaient été dessinées pour capturer les siennes. Lorsqu’il passa une main autour de sa frêle silhouette pour l’attirer un peu plus contre lui, Suki ne put retenir un soupir de bien-être.

Puis – en manque d’oxygène – ils furent obligés de se séparer. En ouvrant les yeux, Suki nota que Leah avait toujours les paupières closes et esquissa un sourire en se retenant de lui caresser tendrement la joue. Soudainement mal à l’aise, elle trouva un intérêt soudain pour le bout de ses chaussures. « Wow… » lâcha-t-il dans un souffle en la faisant rougir. « Je... je sais pas c’que j’ai fait pour mériter ça mais... ». Qu’avait-il fait pour mériter ça ? Bonne question. Au début, Suki avait apprécié l’idée de s’amuser un peu, de lui faire perdre la tête en usant de ses charmes, mais elle s’était fait prendre à son propre jeu. Leah lui plaisait, indéniablement. Il était beau, gentil et protégeait sa sœur avec un instinct sans faille ; elle l’avait bien vu lorsqu’il était intervenu le soir où Kisa avait été à deux doigts de coucher avec un parfait inconnu. Malgré la situation, Suki trouva tout de même la force de rire en le voyant aussi maladroit ; il était aussi déstabilisée que l’asiatique par ce baiser court mais intense qu’ils venaient d’échanger. Exceptés son frère, Toby & Cameron, la jeune femme n’avait jamais voulu faire confiance aux représentants de la gent masculine. Mauvaises expériences.

L’esprit encore brouillé, Suki tenta de se concentrer sur sa mission. Leah lui proposa de l’accompagner dans sa chambre « en tout bien, tout honneur » et l’asiatique vit en cela une occasion toute trouvée pour faire un repérage des lieux avant sa prochaine infiltration. « Je vais passer par derrière pour éviter de traverser la foule du salon… » précisa-t-il, comme pour la convaincre. « Tu es adorable. » répondit-elle avec une infinie douceur peinte sur les traits de son visage sans défauts.

Elle s’apprêtait à lui donner son accord lorsqu’une énième voix ne vint les interrompre. « Leah ! ». Le cœur de Suki fit un bond avant de retomber docilement dans sa poitrine lorsqu’elle fut assurée qu’il ne s’agissait pas de Kisa. « Putain elle va jamais me lâcher celle-là… Me laisse pas seul avec elle, j’t’en supplie ! » eut-il le temps de lui glisser avant que l’inconnue ne les rejoigne. Une admiratrice un peu trop collante ? Pas de soucis, Suki en ferait son affaire. « Oh, j’ignorais que tu n’étais pas seul… Tu ne me présentes pas ? ». Elles échangèrent un regard où Suki put y lire toute la méfiance qu’elle lui inspirait. De toute évidence, elle considérait l’asiatique comme une rivale potentielle ; ce serait relativement facile de s’en débarrasser. « Si, si si… Euhm Leandra j’te présente Kalena, ma… une… ». Du moins, pas si Leah s’y mettait. Ce qu’il pouvait être maladroit ! Enfin, elle devait bien admettre que cela faisait partie de son charme. Suki roula des yeux et, en guise de réponse, agrippa la main de Leah pour enrouler ses doigts aux siens et y déposer un baiser en le regardant avec tendresse. « Excuses-le, c’est tout récent. Nice to meet you, Leandra ! » lança-t-elle à l’attention de Leandra. « J’aurais aimé rester plus longtemps et faire connaissance avec toi, mais Leah était sur le point de me raccompagner... ». Nul besoin d'être le Dr Paul Lightman pour voir la déception sur les traits de la jeune femme qui balbutia encore quelques phrases maladroites avant de repartir par où elle était venue. « Et voilà. Je suis diablement efficace pour éloigner les prétendantes indésirables. Si tu veux, je te donnerais quelques cours. » sourit-elle, fièrement.

J'avoue que j'ai du mal à me dépétrer de mon affaire quand Leandra arrive pour me demander qui est ma charmante compagnie. Ça fait longtemps qu'elle essaie de m'attirer dans ses crochets, mais jusqu'à présent, j'ai toujours été assez évasif quant à mes refus. Aujourd'hui, Kalena dans les parages, tout semble différent, et à la fois plus facile. Au moment où je lui demande discrètement de l'aide, je sens dans son sourire qu'elle ne va pas me laisser seul me débrouiller avec cette sangsue.

Je begaye légèrement avant que la jeune asiatique glisse sa main dans la mienne, entrelaçant ses doigts avec les miens. Un nouveau frisson me traverse le corps à son contact, et le sourire qu'elle me tend a tendance à me rendre carrément dingue. Je ne connais pas son pouvoir, mais ce qui est sûr c'est qu'il agit parfaitement sur moi !
« Excuses-le, c’est tout récent. Nice to meet you, Leandra ! » Je tourne la tête vers la jeune femme, qui a désormais la bouche légèrement dégoutée, ou choquée je ne sais pas trop. «Oh je.. ok je vois, pardon je... j'aurai dû y penser je suis bête !». Je grimace légèrement tout en lui souriant, juste de quoi être courtois. Mais avant même que je n'ai réfléchit à quoi lui dire, Kalena prends la parole, sans pour autant lâcher ma main.

« J’aurais aimé rester plus longtemps et faire connaissance avec toi, mais Leah était sur le point de me raccompagner... ». «Oui oui bien sûr. Bonne soirée alors...». Je lui adresse un petit sourire. «Merci, toi aussi.» et je la regarde s'éloigner avant de reposer mon regard sur Kalena, qui elle affiche une moue satisfaite. « Et voilà. Je suis diablement efficace pour éloigner les prétendantes indésirables. Si tu veux, je te donnerais quelques cours. ». Je lâche un rire amusé et hoche la tête, tout en gardant sa main enlacée à la mienne, la serrant doucement. «Oui, je crois qu'il va falloir que tu me donnes des cours... je suis pas super doué pour ce genre de choses !». Je me pince la lèvre en souriant.

«Alors, tu m'accompagnes ?». Loween toujours contre moi, je sens qu'elle commence à gigoter, et j'ai hâte de la poser. Elle a beau avoir un poids plume, au bout d'un moment ça pèse ! Finalement Kalena accepte de m'accompagner, et c'est à ce moment que nos mains se séparent, le temps de faire le chemin jusqu'à ma chambre. C'est dans le plus grand silence que nous marchons côte à côte, alors que je repense encore et encore à ce baiser que nous venons d'échanger. J'ai l'impression d'avoir encore le goût de ses lèvres sur les miennes.

Nous faisons donc le tour de la maison pour passer par la porte de derrière, passage par la cuisine où nous croisons Lizzy qui visiblement s'occupe de la fête comme un petit chef. Lorsque je croise son regard, je reconnais le sourire qu'elle me lance. C'est celui de la soeur qui comprend exactement ce qui se trame entre mon amie et moi. Pas besoin de se parler pour savoir ce genre de chose.

Quelques secondes plus tard, et après avoir évité la foule, nous arrivons à l'étage, puis dans ma chambre. Elle est suffisamment spacieuse pour accueillir un grand lit, un canapé et une grande télé. Chez moi c'est toujours très bien rangé, pas spécialement parce que j'adore l'ordre, mais aussi et surtout parce qu'une femme de ménage vient chez moi 2 fois par semaine pour que je n'ai pas à m'occuper de ce genre de choses. Et elle est justement passée ce matin.

Je referme la porte derrière nous et pose Loween à terre. Celle-ci se rue directement sur le lit et s'étale comme une carpète. Je lâche un petit rire amusé. «Bon ben.. voilà, c'est ma... chambre !». Je ne sais pas pourquoi je perds mes moyens avec elle, j'ai 30 ans putain, et je me retrouve à me comporter comme un adolescent, c'est vraiment étrange. Je finis par me poser dans le canapé et je soupire un peu. «Je suis pas super adepte de ce genre de grandes fêtes... j'ai cru comprendre que c'était pareil pour toi non ?». Je lui offre un sourire mignon avant qu'elle ne me rejoigne sur le canapé. «Au fait, je sais même plus si je t'ai dit merci pour Leandra, elle est vraiment collante et jusqu'à présent j'avais rien trouvé de plausible à lui dire pour qu'elle me lâche.». A cet instant je me mets à réfléchir, et je me demande à quoi ça rime tout ça, Kalena, moi, notre baiser, le fait qu'elle m'ait pris la main et dit à Léandra que nous deux c'était tout nouveau. Je ne sais pas quoi penser de toute cette histoire. Est-ce que c'était juste comme ça ou est-ce que je dois me laisser rêver à une histoire entre nous ? Je réfléchis trop, sûrement.

D'ailleurs, pour au moment où je tourne la tête pour plonger mon regard dans le sien, j'ai du mal à me contenir. Doucement je m'approche d'elle, lui laissant le temps de me foutre un vent si jamais elle n'a pas envie que je l'embrasse. Mon regard jongle entre ses yeux et ses lèvres, il serait difficile de ne pas comprendre ce dont j'ai envie à cet instant précis. Elle ne recule pas, et pour la seconde fois de la soirée, mes lèvres se retrouvent contre les siennes. C'est étrange ce battement de coeur qui double en rapidité au moment même ou le contact se fait. Je n'ai jamais ressenti ça depuis Tara. Mais je préfère ne pas penser à elle à cet instant précis.

Alors que mon coeur s'emballe, ma main vient se poser sur le genou de la jeune femme, remontant délicatement le long de sa cuisse. Je sens sa main douce se poser sur ma joue et je me rassure en me disant qu'elle en avait sûrement envie autant que moi. Mais ce moment n'est que de courte durée, puisque ma soeur vient nous couper au milieu de cet échange charnel. Après trois coups frappée à la porte, j'entends la voix de Kisa se présenter. «Leah c'est Kisa, je peux entrer ?».

Malgré tout un tas de raisons qui auraient dû empêcher Suki de mettre un pied dans la chambre du jeune homme, elle s’était laissée entraînée en ne lui opposant qu’une résistance d’ours en peluche. D’ordinaire, c’était l’asiatique qui attirait les hommes dans ses filets pour obtenir ce qu’elle voulait d’eux et non l’inverse ; à croire que cette fois-ci, les choses étaient réellement différentes. Dans le regard bleu de Leah, Suki y voyait de l’attirance – réciproque, soit dit en passant – mais surtout du respect. Ou alors se faisait-elle des idées ? Peut-être que ce qui l’attirait vraiment chez lui, c’était sa capacité à prendre soin de sa petite sœur pendant qu’elle n’était pas là pour le faire. La situation était tellement… complexe. Elle s’était installée à Town Square pour apprendre à connaître sa petite sœur, mais se surprenait à vouloir le connaître lui. Car là où les hommes ne l’avaient toujours considérée comme une fille facile, Leah était d’une tendresse qu’elle n’avait rarement connue. Ceci dit, encore une fois ; c’était Kalena qui l’intéressait et sûrement pas Suki, cette voleuse qui avait, de surcroît, tuer un homme à l’adolescence. Elle était angoissée rien qu’à l’idée qu’il puisse un jour découvrir sa véritable identité et ne l’empêche ainsi d’approcher Kisa.

Pour l’heure, elle décida de profiter un peu de ce court moment de répit et de voir ce qui se passerait ensuite après le baiser très intense qu’ils venaient d’échanger et qui les avaient autant bouleversés l’un que l’autre. Suki appréciait sa petite attention ; il venait de contourner le jardin pour éviter d’entrer à l’intérieur et de se confronter à la foule alors un sourire drapa le visage de la jeune femme.

Ils arrivèrent enfin dans ladite chambre et – comme à son habitude – Suki fit une rapide reconnaissance des lieux. Seulement cette fois-ci, au lieu de s’intéresser immédiatement aux possibles entrées où elle pourrait se faufiler et aux issues de secours, l’asiatique s’intéressa au décor qui était tout aussi important. L’endroit était très organisé. Il lui faudrait donc redoubler de vigilance lorsqu’elle viendrait le piller et tout remettre à sa place pour ne pas laisser trace de son passage. Puis, Suki admira le style de la chambre. C’était à la fois sobre, élégant et confortable ; à l’image de ce que renvoyait la personnalité de Leah. « Bon ben.. voilà, c'est ma... chambre ! » déclara-t-il simplement. L’asiatique ne put retenir un sourire en le sentant aussi maladroit et mal à l’aise par sa présence dont il ne semble plus se passer non plus. « Je suis pas super adepte de ce genre de grandes fêtes... j'ai cru comprendre que c'était pareil pour toi non ? ». Effectivement, Suki n’était pas adepte des mondanités mais la vraie raison était autre chose qu’un simple mode de vie casanier. Elle s’humecta les lèvres, hésitante et décida de partager son secret avec lui. « Je suis ochlophobe. J’ai peur de la foule mais seulement dans les espaces confinés. » confessa-t-elle. Suki avait beau se montrer forte, elle avait aussi sa propre kryptonite « C’est douillet, j’aime beaucoup. » enchaîna-t-elle rapidement comme pour le convaincre de ne pas continuer la discussion autour de sa phobie. Suki n’avait pas envie de lui mentir encore plus, d’inventer une fausse histoire pour lui expliquer l’origine de cette phobie qui lui venait de ce voyage entre l’Asie et l’Amérique à bord d’un container où plusieurs personnes ont péris. «Au fait, je sais même plus si je t'ai dit merci pour Leandra, elle est vraiment collante et jusqu'à présent j'avais rien trouvé de plausible à lui dire pour qu'elle me lâche. ». Suki ne put s’empêcher de pouffer d’un léger rire et balaya ses remerciements d’un geste de la main comme pour lui faire comprendre que ce n’était pas grand-chose pour elle. « J’ai bien vu qu’elle en pinçait pour toi. Contente d’avoir pu aider à t’en débarasser. ». Suki haussa légèrement les épaules, prit place à côté de lui sur le canapé et se sentit rougir devant ce sourire adorable.

Et pour la deuxième fois de la soirée, leurs regards se croisent.

Suki n’osa plus bouger. Elle avait peur que le moindre petit mouvement ne brise la magie du moment alors, la jeune femme se contenta de s’accrocher à son regard comme un naufragé à sa bouée de sauvetage. Son visage s’approcha du sien et Suki ne put s’empêcher de dévier ses prunelles émeraude sur ses lèvres parfaitement dessinées. Son cœur devint soudainement léger, en apesanteur puis leurs lèvres se touchèrent enfin et l’asiatique se surprit à clore les paupières pour apprécier une fois de plus ce contact. Elle était Eve, il était le fruit défendu. Et quel fruit délicieux !

Une fois de plus, son cœur cogna dangereusement contre sa poitrine et elle frissonna lorsque Leah se fit plus entreprenant, caressant son genou puis sa cuisse avec une douceur qu’elle n’avait jamais connue chez un homme et qui l’obligeait à se montrer aussi douce que lui. Elle, la féline se surprenait à devenir un vrai petit chaton à son contact. Sa main se posa alors sur sa joue rugueuse pour la caresser douceur. Mais bientôt alors que son autre main s’apprêtait à glisser sous son haut pour toucher son corps… «Leah c'est Kisa, je peux entrer ?». Une voix venait de la ramener sur Terre. Une voix qu’elle entendait pour la première fois de sa vie. Lorsqu’elle avait été séparée de Kisa, celle-ci babillait mais ne parlait pas encore. Son cœur retomba alors lourdement dans sa poitrine et elle se sépara en adressant un sourire désolé à Leah. « Sorry, I should go… » susurra-t-elle et se redressa après lui avait volé un dernier baiser. « Tu devrais profiter de cette fête d'anniversaire, pour elle. C'est important. ». Il aurait pu croire qu'elle parlait de son frère et de leur différend - ce qui était en partie la vérité - mais elle parlait surtout de Kisa. Cette petite sœur qu'elle n'avait pas vu grandir et qui fêtait aujourd'hui son 22ième anniversaire.

C’est plutôt étrange de me retrouver ici, chez moi, et plus particulièrement dans ma chambre, avec Kalena. Après tout, je ne la connais que très peu mais j’ai du mal à dégager mes yeux de la jeune femme. Elle m’attire, c’est aussi simple que ça. Et ce depuis notre première rencontre. Assis tous les deux dans mon canapé, je lui demande si elle serait pas un peu agoraphobe. « Je suis ochlophobe. J’ai peur de la foule mais seulement dans les espaces confinés. ». Je me contente de lui offrir un sourire, je ne peux que comprendre, depuis l’accident qui a mené Tara dans un profond coma, j’ai beaucoup de mal à me retrouver dans des endroits où il y a beaucoup de monde, et c’est encore pire quand c’est dans un endroit clos et confiné.

Elle continue de me parler mais j’avoue que je n’écoute qu’à moitié. D’une oreille distraite, je me contente simplement de détailler les courbes de son visage. Le baiser que nous avons échangé un peu plus tôt hante encore mes pensées. Mais pour éviter de ne penser qu’à ça, j’essaie de m’auto censurer, et pour ça, je change de sujet. Je la remercie de m’avoir aidé tout à l’heure avec Leandra. Elle a un petit côté collant qui me sort par les yeux. Kalena balaye mes remerciements d’un geste de la main, accompagnant son geste d’un sourire, ce qui me fait sourire autant qu’elle. « J’ai bien vu qu’elle en pinçait pour toi. Contente d’avoir pu aider à t’en débarasser. »

Mon regard se plante de nouveau dans le sien, et peu à peu je perds mon sourire. Pas que je ne suis pas heureux, mais simplement parce que je suis concentré sur son visage, et plus particulièrement sur ses lèvres. Je souvenir de notre baiser de tout à l’heure ne quitte pas mes pensées, et il a comme un goût de reviens-y. Je m’approche d’elle, doucement, à tâtons, comme on cherche quelque chose dans la pénombre, sûrement par peur de se heurter à quelque chose. Mon regard jongle entre les lèvres et les yeux en amande de la jeune femme. Mais bientôt, sans encombre, mes lèvres viennent toucher les siennes pour les sceller d’un nouveau baiser. Peu à peu, sans trop pouvoir m’en empêcher, je deviens un peu plus entreprenant. Ma main caresse doucement sa cuisse pendant que sa main se pose sur ma joue, délicatement. Mais au moment où je commence à sentir son autre main se à ma taille, une voix nous coupe abruptement. Je reconnais la voix de Kisa, et avant même de me rendre compte de ce qui se passe, Kalena me sussure à l’oreille « Sorry, I should go… ». J’ai du mal à reconnecter mes neurones, je la regarde, puis jette un oeil à la porte. Je me lève en même temps qu’elle et avant d’arriver jusqu’à la porte elle se retourne pour me dire « Tu devrais profiter de cette fête d'anniversaire, pour elle. C'est important. ». Je me retrouve un peu comme un con, ne trouvant pas trop quoi lui dire. Je la retiens par le bras et tourne la tête vers la porte de ma chambre. «J’arrive Kisa, une seconde...». Je me retourne alors vers Kalena et sans hésiter une seule seconde, je viens plaquer mes lèvres contre les siennes pour la 3ème fois de la soirée. Ma main droite au niveau de sa nuque, et ma main gauche vient se nicher dans le bas de ses reins pour la rapprocher et la serrer un peu plus contre moi. Je ne connais pas tellement la signification de ce baiser mais tout ce dont je me rends compte, c’est que ça a été plus fort que moi. Ma langue vient caresser délicatement la sienne, mon coeur tambourine dans ma poitrine. Une nouvelle fois Kisa rompt cet instant partagé avec Kalena, me rappelant à l’ordre. «Bon, Leah !», cette fois elle ouvre la porte et je me retourne rapidement pour lui faire face. «Qu’est-ce que tu fabriques ?».

Je me retourne cette fois vers Kalena, mais elle a déjà disparu. Un quart de tour sur le côté, et je remarque la fenêtre de ma chambre ouverte, rideaux flottant au vent. Un sourire de dessine sur mes lèvres. Incorrigible. «Leah... tu m’explique ce sourire ? Y’a quelqu’un avec toi dans cette chambre ?». Je secoue la tête. «Nan... plus maintenant...» «Leandra m’a dit que tu lui avais présenté ta copine...» elle fait une tête un peu surprise. «Oui, enfin, c’est compliqué... bref... on descend ?». Je sens qu’il va falloir qu’on discute tous les deux, elle ne me laissera pas le choix. Mais en attendant, je compte bien écouter Kalena et profiter de l’anniversaire de ma petite soeur de coeur...