Il est treize heures et je viens tout juste de rentrer dans la cabine de douche. J’ai rendez vous dans moins d’une demie heure au Morning Coffee avec Lià. Ma meilleure amie a tenu à ce que l’on se retrouve là-bas pour discuter un peu comme elle me l’a si bien dit. Autant dire que je crains le pire. Je n’aime pas quand elle ne sème pas de petits indices quand elle veut me parler. J’ai peur que le sujet principal de la conversation soit ma santé et ma maladie ou pire… Parce que oui Lià est l’une des rares personnes à savoir que je suis tombé sous le charme de la fiancée de mon meilleur ami. Enfin elle ne sait que cela et je m’en suis déjà pris pour mon grade. Ce sera quoi lorsqu’elle va apprendre que Nola est enceinte et pas de mon meilleur ami, mais bel et bien de moi. Je vais me faire engueuler comme un enfant de cinq ans quand elle sera au courant de cela, j’en suis certain. Alors pour le moment, je préfère ne rien lui dire et juste me pointer au rendez-vous qu’elle m’a donné. Peut être qu’elle veut me parler d’autre chose après tout. Enfin. Pour le moment il faudrait surtout que je me dépêche sinon je vais vraiment être en retard et ça ne va pas le faire. Comme toujours je chantonne quelque peu sous la douche et commence même à faire des petits pas de danse. Je manque de me casser la figure et me rattrape au pommeau de douche comme un idiot. Contrairement au commun des mortels, je ne me fais même pas peur. De toute façon, qu’est-ce qui aurait pu m’arriver ? Je serais tombé certes, mais après ? J’aurais pu me casser le bras, mais de toute façon je n’aurais rien senti alors ou est le problème ? De moins en moins je supporte les conséquences de ma maladie. J’ai longtemps trouvé cela cool, vraiment. Mais désormais c’est quelque que je n’aime plus. Parfois je voudrais dire que moi aussi je me suis fait super mal et que personne ne me reprendra à faire n’importe quoi sur un skate board ou je ne sais où. Mais non… J’ai failli tomber dans la douche et je m’en fiche comme de ma première chemise. Je finis par sortir de la cabine les cheveux trempés. J’enroule une serviette autour de mes hanches et essuie rapidement la buée sur le miroir avant de regarder l’heure. Bordel il me reste dix minutes. Je vais être en retard c’est certain. Pourtant je me dépêche. Je vais chercher des vêtements propres et finis par revenir dans la salle de bain pour me raser. Dans la précipitation je me coupe vers la mâchoire mais ne fait même pas attention. Je me dépêche de mettre mes cheveux en place et finis par courir dans mon salon pour prendre mes clés et mon téléphone. Je vais être en retard, mais Lià à l’habitude à force.

C’est avec une bonne dizaine de minutes de retard que je passe la porte du Morning. Par politesse et surtout pas habitude je vais saluer Sebastian qui s’active derrière le comptoir. Je n’ai même pas besoin de lui dire ce que j’aimerais boire qu’il est déjà en train de prendre une tasse pour moi. Je le remercie vivement et attrape mon café pour me diriger vers ma meilleure amie. Je me faufile quelque peu derrière elle et viens déposer un baiser sur sa joue. « Bonjour. » Je finis par venir prendre en face d’elle et lui offre mon plus beau sourire pour me faire pardonner. Elle hausse les épaules et je continue à lui sourire. « Alors ? Qu’est-ce que tu voulais me dire d’aussi important ? »

Lia avait passé la semaine à ruminer ses idées noires. En se plongeant corps et âme dans la rédaction de ses articles et la supervision du magazine dans son ensemble, elle avait réussi à se noyer dans ses coups de téléphone, ses coups de gueule et ses coups de cœurs éditoriaux au point d'oublier ses propres histoires d'amour qui finissent mal en général. Mais lorsque le weekend arriva, Lia se trouva désemparée. Le samedi matin, elle s'assit sur son lit avec les yeux lourds de sommeil. Elle tira son journal intime de sous son matelas à peine réveillée et déboucha le premier stylo qui lui tomba sous la main, plutôt rageusement qu'autre chose. Elle ouvrit le carnet en question puis s'arrêta d'un coup. Qu'allait-elle écrire ? Qu'elle était malheureuse parce qu'un tombeur s'était joué d'elle comme une débutante ? Sérieusement ? Non. Tapotant son stylo contre la couverture en cuir, elle se mit à réfléchir. Elle n'était absolument pas le genre de fille dont le monde s'arrêtait de tourner à cause d'un homme. Et le dernier des crétins, qui plus est. Elle refusait de devenir pathétique, comme la majorité des pouffiasses que ce monde avait la bonté de porter... Surement comme cette pute de Daphné. La jeune femme se passa les mains sur le visage. Elle avait besoin de penser à autre chose, besoin de voir du monde, besoin de sortir d'ici. Elle prit son portable puis pianota Toi & moi, Morning Coffee, treize heures. Non négociable. Ne sois pas en retard !, avant de l'envoyer à Ezechiel. Parler des malencontreuses histoires d'amour de son meilleur ami la distrairaient et l'occuperaient assez pour ne plus penser aux siennes. Il était déjà onze heures. Lia-Plùme remit son journal intime sous son matelas, son stylo et son portable sur sa table de nuit, et se résolut à s'extirper du lit. Elle se déshabilla et se précipita sous la douche, pressée de se détendre une bonne demie heure sous l'eau chaude. Une fois cela fait, elle enfila une robe noire avec une paire de collants couleur chair avant de se lisser les cheveux puis se mit en route. Marcher lui ferait du bien et, de toute façon, elle avait le temps. Elle savait que son avertissement n'y changerait rien, Eze serait minimum un quart d'heure un retard parce qu'il était comme ça.

Elle passa la porte du café environ vingt minutes plus tard et regarda sa montre. Treize heures pile. Elle adressa un grand sourire à Sebastian avant de s'accouder au bar pendant qu'il lui préparait son habituel thé à la vanille avec double dose de sucre. Il lui tendit sa boisson et elle alla s'installer à la première table vide entrant dans son champ de vision. Pour éviter de penser, elle sortit ses écouteurs de son sac à main et les brancha sur son téléphone avant de les mettre dans ses oreilles. Une trentaine de minutes plus tard, la porte s'ouvrit, et le jeune homme aux cheveux encore mouillés pénétra dans le café, le sourire aux lèvres. Il récupère sa boisson et l'embrasse sur la joue pour la saluer, puis s'assoit en face d'elle. « Alors, qu'est-ce que tu voulais me dire d'aussi important ? » Te demander pourquoi je tombe toujours sur des connards finis, plutôt. Au lieu de ça, Lia haussa les épaules. « Rien de spécial. Plutôt te demander de tes nouvelles. » Elle sourit et le regarda intensément derrière son gobelet en carton, essayant de percer la raison de toutes ces nouvelles rides qui ornaient son front depuis quelques temps. « Quoi de neuf dans ta vie ? »

Toi & moi, Morning Coffee, treize heures. Non négociable. Ne sois pas en retard ! Autant dire que le message était plutôt clair. C’est toujours ce qui me fait rire avec Lia. Quand elle veut quelque chose, elle sait parfaitement comment l’obtenir. Bon. En même temps, elle sait parfaitement que je suis incapable de lui refuser quelque chose. Surtout que cela fait un petit moment que l’on ne c’est pas vu et je suis persuader que l’on a plusieurs chose à ce dire. Enfin je sais que j’ai déjà beaucoup de chose à lui raconter en ce qui concerne ma vie amoureuse. Parce qu’autant dire que depuis quelques jours c’est littéralement l’horreur de ce côté là. Je suis complètement perdu et je pense qu’une petite discussion avec ma meilleure amie ne pourra pas me faire de mal. Enfin si j’arrive à l’heure. Lia est aussi habitué à cela. Je ne suis jamais à l’heure. Mon frère et ma sœur se plaigne toujours de cela, mais je crois que c’est plus fort que moi. J’ai toujours un truc à faire avant de partir et finalement j’arrive en retard. Aujourd’hui ne fait pas exception à la règle. Je prends ma douche au dernier moment et c’est donc avec les cheveux encore trempé que je finis par arriver au Morning Coffee. J’adore cet endroit. J’y passe beaucoup de temps pour dessiner et il faut avouer que le propriétaire est quelqu’un d’assez sympathique. Et puis lui au moins, il sait quel café j’aime. J’ai même plus besoin de lui demander et ça c’est quelque chose qui me plaît. Très rapidement je rejoins ma meilleure amie et comme toujours déposer un baiser sur sa joue. Elle m’avait manqué tout de même. Je prends place en face d’elle et finis par lui demander pourquoi elle m’avait convoqué de manière aussi impérative. Parce que je la connais. Quand elle veut juste me voir comme cela, sans réelle raison, elle me demande juste si je suis libre. Quand elle a réellement quelque chose à me dire, elle m’envoi le genre de message qu’elle a pu m’envoyer tout à l’heure. Pourtant il semblerait que Lia soit bien plus intéressé par ma vie que par autre chose pour le moment. « Rien de spécial. Plutôt te demander de tes nouvelles. Quoi de neuf dans ta vie ? » Je fronce les sourcils, mais vu le regard de Lia je comprends que je ne vais pas pouvoir échapper à tout cela. Je dois lui donner des explications sur ce qui peut bien se passer dans ma vie en ce moment. Je n’ai pas envie de parler de ça. Enfin si, mais je ne sais pas comment commencer. « Bon… Tu te souviens de Nola, hein ? » Je l’ai tellement ennuyé avec cette histoire que je pense que oui elle s’en souvient. Nola est la fiancée de mon meilleur ami et il a fallut que je tombe amoureux d’elle. L’horreur quoi. Mais c’est une histoire qui ne se contrôle pas. Enfin… Je soupire de nouveau et sous le regard insistant de Lia continue mon histoire. « Je voulais pas… Enfin je ne voulais pas aller aussi loin, mais on a couché ensemble et… Elle est enceinte Lia… » Le dire à haute voix c’est comme prendre une nouvelle claque en pleine figure. J’ai tellement de mal à y voir clair dans cette histoire. « Je sais plus quoi faire… »