« …journée pour demain, avec du ciel bleu qui s’étendra sur une large partie de la région. Le soleil sera chaud jusque dans les 3 prochains jours ! Pourtant le soleil se couchera à 20h42, les nuits s’allongent et bientôt la saison estivale se rafraichira. […] Passons au Sport ! L’équipe… » Une cuillère en bois vola et alla percuter la station radio en équilibre sur des bouquins. « Ta gueule, on s'en fou du sport. », grommelai-je alors que le post s’éteignit en tombant de sa place. Je restai devant mon plan de travail, occupé à remuer le chocolat et le beurre qui fondaient en bain-marie dans ma casserole. Le samedi soir, j’aimais bien sortir et profiter des bars du centre-ville, avec des potes. Bien évidemment, si je me retrouvai devant les fourneaux ce samedi-ci, c’était justement parce qu’aucun de mes amis n’avait pu se libérer pour une petite sortie. D’ordinaire, faire les choses seul, y compris sortir le soir, ne me gêne pas particulièrement. Mais ce soir, c’était la dernière chose dont j’avais envie. C’était alors l’occasion d’expérimenter un nouveau dessert, pour égailler un peu mon début de soirée en tête à tête avec moi-même.

En baillant machinalement, je délaissai la mixture fondante pour tirer de la poche de mon jean une pochette plastique. J’ouvris celle-ci et en déversai le contenu sur une planche en bois. En attrapant un couteau, je séparai le tas de chanvre en trois, soupesant d’abord à la vu la dose que j’allais ajouter à ma pâte. Les vingt-cinq grammes séparés du reste, je réduis l’herbe en poudre puis l’associai au chocolat et beurre fondus. En réfléchissant mieux, je trouvai vraiment triste le fait de préparer ces space-brownies seulement pour moi. En même temps, sinon cuisiner je n’avais rien de mieux à faire. Pas de télévision et malheur, pas de console de jeux pour le moment. J’avais le choix entre divers livres de recettes ou de philosophie, sinon partir en balade dans la ville. Autant faire quelque chose qui me serait utile ensuite, comme me nourrir. Toujours en touillant dans la casserole, je poussai un soupire agacé quand je réalisai que mes cours me manquaient. Finalement, l’été avait beau touchait à sa fin et la rentrée arrivait à grand pas, je n’en été pas moins heureux. Au contraire, j’avais besoin de me concentrer sur quelque chose la journée, autre que les amis, et de taffer le soir pour occuper mes soirées seul. … Je devais vraiment être la seule personne au monde qui souhaitait retourner bosser.

Sortant de mes pensées, j’en revins à la suite de ma préparation. Je faisais la recette de mémoire, mais elle était encore très claire dans mon esprit. Maintenant, je devais ajouter… Des œufs. Trois œufs. Pivotant sur moi-même, je me tournai vers le mini frigo pour attraper ces derniers, lorsque je m’aperçu qu’aucune boîte d’œufs n’était à l’intérieur, comme je l’avais cru. « Oh putain… », lâchai-je pour entamer le début d’une complainte vulgaire, comme à mon habitude lorsqu’une chose me contrarie. Il était huit heure du soir et je me sentais obligé de finir cette recette. Simplement parce que ma beuh était en train de mijoter dans la base de ce foutu brownie. Après quelques secondes d’immobilité à hésiter entre filer à la supérette et demander aux voisins, je baissai le feu sous la casserole et pris mes clefs. Les voisins, c’était plus rapide.

Une fois sur le palier, je fis la liste des personnes de mon immeuble que j’avais déjà abordé au détour d’un escalier. Il y avait ce mec bizarre, avec un bide énorme qui devait compter 10 ans de bière midi et soir et qui m’avait fixé avec insistance alors que je tournai les clefs dans ma serrure, y’a 1 mois. Next. Au 4ème je connaissais une vieille sympa qui me demandait de l’aider avec ses courses, le jeudi. Sauf qu’elle était végétalienne et l’œuf ne faisait pas partit de son régime alimentaire. Elle va crever avant d’atteindre ces 75 ans, elle, c’était sûr. En réfléchissant toujours à mes voisins, gens étranges, presque fantômes ou rarement croisés, je descendais les escaliers, puis m’arrêtai à un étage au hasard. A ma connaissance, pas de serial killer ou hippie en décomposition à cette endroit. Je regardais les noms sur les portes en avançant lentement. Mes pas résonnaient dans le silence plat de l’immeuble.

« Eriksson ». Ça sonnait bien. Et surtout, je n’avais aucun souvenir d’avoir croisé portant ce nom. Mais il est vrai que je n’ai pas coutume de demander l’identité de toutes les personnes que je vois monter et descendre dans cet immeuble… Ce serait donc une demi-surprise. Quelques visages défilaient dans mon esprit pendant que je cognai mon poing sur la porte. Comme une machine à sous dans les casinos, les têtes se suivaient rapidement et j’attendais qu’on ouvre pour l’arrêter sur la bonne personne.

La poignée tourna et une bouille blonde passa la tête dans l’ouverture de sa porte.  Je la détaillai brièvement avant de la saluer d’un salut, reconnaissant un âge proche du mien sur ces traits féminin. « Excuse-moi d’te déranger : j'suis ton voisin du dessus et j'aurais voulu savoir si tu pouvais m'dépanner de trois œufs ? » En passant machinalement une main sur ma nuque, je me rendis compte que je ne m’étais pas entièrement présenté. Si les formes n’y étaient pas toujours quand je m’adresse à quelqu’un, je préfère rester poli si c’est avec une fille qui vit à 1 escalier de chez moi. Puis montrer patte blanche mettrait sans doute ma voisine plus à l’aise. « Kéane Austen, au fait. » J’essayai un faible sourire en attendant la réaction de la blonde.