10 ans. Ça faisait exactement 10 ans que j'habitais à New York. Quand j'ai eu mon bac en poche, j'ai quitté la californie, le soleil, les surfeurs, et ma famille, pour aller faire mes études de marketing dans une immense ville que je ne connaissais pas. J'ai vite appris à m'y faire. Quand on est un caméléon comme je suis, et qu'on a changé d'endroit si souvent dans sa vie, comme c'est mon cas, on n'a pas de mal à s'y faire.
J'y avais mes petites habitudes, dans cette grande ville qu'on appelait la grosse pomme. C'est rapidement devenu ma ville, je suis devenue une vraie citadine. Et puis c'est là que j'ai rencontré Jonas, mon mari. C'est là que j'ai appris toutes les ficelles de mon métier, c'est là que j'ai grandi professionnellement, c'est là que j'ai dirigé ma première entreprise, c'est là que j'étais moi.

Et puis et puis, Jonas mon mari m'a appris sa mutation soudaine. J'ai bien pensé ne pas le suivre mais je ne pouvais pas lui faire ça. J'ai tout fait pour le dissuader de partir, on était bien à New York. Je le voyais peu, ça m'allait bien. Mais il n'a rien voulu entendre, pour une fois, c'est lui qui avait pris la décision. Alors j'ai suivi. Je n'ai pas eu d'autre choix que de nommer un gérant dans ma boîte, que je comptais bien continuer de diriger de l'Oregon. J'y ouvrais d'ailleurs une succursale, pour continuer de travailler. Et oui, le travail c'était vraiment ma vie.

J'avais fait rapatrier ma secrétaire avec moi dan cette petite et modeste ville qui s'appelait Town square. Elle n'avait ni mari ni enfant, et puis c'était la seule avec qui je m'entendais bien là bas, je n'allais pas la laisser là. Dès mon arrivée à Town Square j'ai fait des pieds et des mains pour trouver des locaux sympa, et les faire aménager rapidement. D'ailleurs, c'était même presque fait avant notre déménagement avec Jonas, c'est pour dire.

Je ne voulais pas quelques chose de trop grand, mais plutôt simple et épuré. Une salle de réunion, une grande salle de travail, 3 petits bureaux et un plus grand pour moi. C'était ma maison principale, j'y passais plus de temps que chez moi, autant que je m'y sente bien ! Ce matin, j'avais planifié quelques entretiens. Quelques créateurs, masculins pour la plupart. C'était très rare, mais j'étais à la bourre en partant de la maison. Quand je dis à la bourre, c'est à la bourre pour être en avance au bureau. Soit, j'allais être à l'heure en fait, pour quelqu'un de normal. Je gueulais encore et toujours après Jonas : «Mais qu'est-ce que t'as fait du carton de chaussures...» à lui de me répondre calmement «Dans le dressing chérie, en dessous de tes tailleurs...». A peine 10 minutes plus tard, je déposais un baiser rapide sur les lèvres de mon compagnon avant de quitter notre pavillon, clés de voiture en main. J'étais habillée comme souvent d'un tailleur, gris aujourd'hui, une chemise claire cintrée, quelques boutons ouverts laissant entrevoir mon décolleté, ni trop ni pas assez, une jupe arrivant au dessus du genou légèrement fendue et des talons de plus de 10cm. Je n'étais pas une très grande femme, ni trop petite non plus, mais je ne vivais pas sans mes talons.

J'arrivais au bureau à peine 7 minutes plus tard, en avance du coup puisque j'avais prévu large, me référant à la circulation new yorkaise. J'allais devoir prendre le pli. Sandy ma secrétaire était déjà sur le pied de guerre. «Bien dormi dans votre nouvelle maison mademoiselle Carpenter ?». Je lui offrais un petit sourire (oui, Sandy était une des rares personnes à qui je souriais naturellement - Et oui, elle m'appelait mademoiselle, parce que je préférais, et aussi parce que je ne portais pas d'alliance). «Bof... je m'y ferai, comme pour tout !». Je filais dans mon nouveau bureau auquel j'y ajoutais quelques touches personnelles. Rapidement, les quelques prétendants aux postes arrivaient progressivement. Je venais les chercher un par un dans la salle d'attente. Les 2 premiers étaient expédiés rapidement tant leur book était fade. Je raccompagnais un jeune homme à la porte et Sandy venait vers moi pour m'annoncer «Mr Eriksson est arrivé. Je vous laisse l'accueillir.» «Merci Sandy.» Je tournais donc les talons et tombais face au fameux Mr Eriksson. Grand, blond, une allure classe et à la fois je sentais bien qu'il n'était pas le plus à l'aise du monde dans ce costume, même s'il lui allait à ravir. Je me rapprochais de lui, lui tendant une main assurée. «Mr Eriksson ? Melle Carpenter.»  Je serrais sa grande main musclée et lui fis signe d'entrer dans mon bureau. «Après vous !». Je passais derrière lui et ne me gênais pas pour en profiter pour glisser mon regard sur son allure et ne manquais pas de remarquer son joli postérieur ( XD ). Je le laissais s'asseoir et me plaçais derrière mon bureau, feuilletant rapidement son book qu'il venait de glisser sous mon regard. «Dites-moi tout, votre parcours, vos envies vis à vis de votre prochain emploi...». Je relevais les yeux vers lui pour l'écouter attentivement, redescendant régulièrement mes yeux vers son travail.

Son book entre mes mains, j'avais tout le loisir de l'écouter me raconter son parcours, et jeter quelques regards vers son travail. Il avait l'air d'être quelqu'un de vraiment très professionnel. Cela ne m'étonnait pas de voir un homme comme lui travailler dans la pub. Il avait un côté sérieux, mais surtout un côté artiste dont on ne pouvait pas passer outre. J'avais même du mal à détacher mes yeux de lui lorsqu'il parlait. Il me détaillait ses diplômes, son cursus était plutôt impressionnant, il avait fait de belles études et avait de bonnes recommandations de ses anciens patrons.

Il avait beaucoup de talent, son book montrait une palette particulière, un travail soigné et pensé. Chaque produit avait l'air d'avoir été travaillé tant dans le fond et dans la forme, jusqu'à l'obtention du parfait équilibre. Pour la plupart, je connaissais les gens qui avaient travaillé sur les plans marketing. Ils étaient des concurrents. J'arrivais rapidement à la fin de son book, et d'ailleurs à la fin de son argumentaire quant à son envie d'intégrer ma nouvelle boîte. Il avait l'air motivé, c'était un très bon point. Je reprenais encore mes mains son CV et plissais les yeux sur la fin. Je relevais alors le regard vers lui. «Pourquoi vouloir quitter l'entreprise pour laquelle vous travaillez actuellement ? Besoin de changer d'air ou ça ne se passe plus très bien là bas ?». En réalité, je n'avais pas trop le droit de poser ce genre de questions, comme il n'avait pas l'obligation d'y répondre. Mais c'était plus fort que moi. Ma curiosité était quelque chose d'important dans mon métier, je ne pouvais pas passer à côté. Et c'était aussi ce qui avait fait de moi une bonne directrice marketing. Il faut parfois savoir passer par "la petite porte", emprunter un chemin un peu moins tout tracé.

Sa réponse était plutôt claire. Le directeur ayant changé, il préférait chercher ailleurs quelque chose de plus stable. Je posais son CV sur mon bureau, sur lequel j'y posais mes coudes, joignant mes mains pour y poser mon menton. Je le regardais très sérieusement. Il n'avait pas l'air de se défiler. J'esquissais un petit sourire avant de lui dire «Ce serait donc dans mon intérêt de leur voler un bon élément comme vous !». Je me levais de mon bureau et faisais le tour pour m'approcher un peu plus du jeune homme. Je m'appuyais contre le bureau, face à Mr Eriksson, bras croisés, et je plantais mon regard dans le sien. «Je vous propose une période d'essai d'un mois, suite à quoi nous pourrons signer un contrat à durée indéterminée en tant que chef de projet. Ça vous irait ? Vous m'aiderez à faire passer les entretiens des créateurs...». C'était plutôt une belle promotion que je lui offrais là, par rapport à sa place dans la boîte actuelle pour laquelle il bossait.

Il aurait plus de responsabilités, et un salaire plus important aussi. Je sentais qu'il avait la carrure pour m'assister. Il avait l'air d'être quelqu'un de compétent, et pas chiant. J'avais un mois pour faire sa psychologie et voir s'il était l'homme de la situation. J'étais du genre à rapidement cerner les gens, et je pensais déjà que ce bel étalon allait faire l'affaire. Une fois qu'il eut accepté, je me tournais dos à lui et me penchais légèrement pour appuyer sur le bouton du téléphone qui appelait directement ma secrétaire. «Sandy, apporte moi un contrat de chef de projet, en période d'essai, s'il te plait !» «Toute de suite mademoiselle!» «Merci !».

Je refis le tour de mon bureau, m'installant avant de lancer. «On a déjà une grosse campagne qui va débuter dans quelques jours, un gros client, un gros budget, j'ai besoin de la meilleure équipe à mes côtés. Vous pouvez commencer quand ?»