Isaac-Casey & Devon
Les beaux jours étaient revenus. Enfin ! Je n’avais plus à marcher en canard en rentrant chez moi, de peur de m’étaler de tout mon long par terre. Je n’étais plus obligé de porter des couches et des couches de vêtements, frileux comme j’étais. Mieux encore, je pouvais retourner courir dans le parc ! Je détestais perdre mon temps dans les salles de sport à soulever de la fonte comme un idiot solitaire. Par contre, courir entouré de verdure, d’enfants qui jouent, et de chiens qui font pipi, ça… j’adorais. En plus, j’avais hâte de pouvoir emmener Pouet avec moi. L’ayant eu à Noël, je n’avais encore jamais eu la chance de voir s’il pouvait tenir mon rythme. Il était donc temps de sortir la bête et de voir ce qu’elle avait dans le ventre !
« Celio ? » hurlais-je alors, à travers toute la maison pendant que j’enfilais des survêtements. Aucune réponse.
« Femme de mon cœur ? » Toujours rien. Je descendais alors les marches de la maison, et jetais un œil dans la cuisine.
« Mère de mon chiot ? » demandais-je en glissant la tête dans la pièce. Personne. Mais un mot sur la table :
Je suis allée emmener notre fils chez le toiletteur, je reviens en fin d’après-midi. » Et merde.
C’est ainsi que je m’étais retrouvé à courir seul dans le parc, croisant nombre de touristes en ville pour la Fête du Printemps.
« So tell me what you want, what you really, really want. » entonnais-je lors de ma course. Qui avait-il de mieux que les Spice Girls pour nous accompagner pendant l’exercice ? Personne.
I wanna – I wanna – I wanna – I wanna – I wanna really… Je m’arrêtais, nez à nez avec un groupe de jeunes filles qui me regardaient avec intérêt, avant de finir :
« Really, really wanna zigazig ha ! ». Je riais de cette scène avec elles, et reprenais mon chemin. Les minutes passaient, et j’entamais ma playlist spéciale musique de dessins animés. Certains badauds me regardaient étrangement lorsque j’affirmais aimer les licornes lorsque je passais devant eux, mais ne m’en préoccupais pas plus que ça. J’appréciais simplement la joie de ressentir le vent fouetter mon visage et la sensation de maitrise complète de mon corps. J’étais presque bercé, voir hypnotiser par les battements de mon cœur, et ne faisais plus attention où j’allais, je continuais simplement de suivre la route qui se dessinait devant moi.
Sans m’en rendre compte, j’avais quitté le parc, et me retrouvais dans un coin de la ville que je ne connaissais… absolument pas. Mais quel était donc ce quartier ? Pourquoi tout était si calme ? Je m’arrêtais alors de courir, et enlevais les écouteurs de mes oreilles. Je me sentais un peu comme Jack Skellington qui découvrait la ville de Christmas Town.
« Que vois-je ? Que vois-je… » murmurais-je à moi-même, marchant lentement sur les trottoirs du quartier. Pas après pas, je retrouvais un rythme cardiaque presque normal et m’émerveillais devant ces enfants que je voyais jouer dans leur jardin, et ces parents discuter au détour d’une poubelle. Charmant. Je continuais de découvrir ce nouveau monde, que je tombai sur un homme. A terre. Entouré d’aliments divers. Et… oh, un bébé.
« Euh… je peux vous aider ? » tentais-je en direction de la personne. J’ignorais si c’était une coutume de ce quartier étrange, mais dans mon monde à moi de la vieille ville, on faisait rarement ça. Je préférais donc lui proposer mon aide.
« Je vous avoue que ce serait pas de refus là. » me dit-il en levant le visage vers moi. Par instinct, je lâchais un large :
« Oh. » en croisant son regard. C’est qu’il était… charmant. Je l’aidais quelque peu à se relever, posant une main dans son dos pour qu’il ne perde pas l’équilibre.
« J’aime pas spécialement demander ça, mais vous pourriez m’aider à aller jusque chez moi ? J’habite juste là. » me demanda-t-il une fois stable, me désigna un immeuble à quelques mètres de là. Je n’avais pas réellement fait attention à l’endroit qu’il avait désigné, plus intéressé par… eh bien lui.
« Mh ? Quoi ? » demandais-je, étourdi. Ses mots percutèrent enfin mon esprit.
« Ah, oui, pas de problème. » Je me baissais alors, récoltant les diverses courses qui s’étaient éparpillées par terre. Je les serais fort contre moi alors que je me relevais.
« Je vous suis ! » L’homme me montra alors le chemin, et le suivis jusqu’à l’immeuble sans rien dire. Je crois que c’était la première fois que je suivais un homme jusque dans son appartement sans intention sexuelle. Bon d’accord, j’avais des intentions sexuelles envers lui, c’était physiquement inhumain de ne pas en avoir en posant ses yeux sur le garçon. Disons… que ce n’était pas des intentions qui étaient connues de lui. Et merde quoi, il avait un gosse. Il était certainement pas du genre à s’envoyer en l’air avec un inconnu qui venait de l’aider à porter ses courses. Et j’étais sûr de tomber sur sa femme en passant le pas de la porte.
Lorsque j’écrirais mes mémoires, je parlerais de cette journée comme de celle où j’avais réussi à me faire inviter chez un homme séduisant moins de vingt secondes après l’avoir rencontré. J’omettrais juste quelques détails. Comme par exemple le fait qu’en rentrant je m’étais directement dirigé vers sa cuisine pour y poser les courses qui menaçaient de retrouver à nouveau le sol. Sérieusement, il y avait un problème avec la gravité dans ce coin de la ville ? Où est-ce que j’étais d’ailleurs ? J’étais sur le point de le demander à mon hôte lorsque je le vis poser la petite dans son parc, et d’enlever sa veste.
Oh, ciel. Voilà des bras dans lesquels j’aurais bien aimé me retrouver nu. Ou même habillé, j’étais pas si difficile. Mon regard furetait un peu partout autour de moi, attendant d’une minute à l’autre la femme qui me ferait vite retomber de mon nuage. Personne.
« Bon… mon devoir de bon citoyen est fait. Je devrais peut-être vous laisser… » annonçais-je, presque timidement en tendant un main à l’homme. Je bloquais quelques secondes sur son visage.
« Mh… on se connait non ? » demandais-je sans réfléchir, réalisant la technique de drague cliché qu’on pouvait reconnaitre dans ma question.
« Pardon, c’était pas une manière préhistorique de m’incruster et de vous draguer… Je suppose que la mère de la petite va débarquer d’une minute à l’autre pour me confirmer que c’est pas ma place d’oser le faire. Mais… j’ai sérieusement l’impression de connaitre votre visage. » Et on ne s’était définitivement pas déjà croisé dans le coin, j’ignorais même qu’il existait avant d’y avoir posé les pieds quelques minutes plus tôt.