« Malèa faut faire les courses. On a deux tomates qui ce battent en duel dans le frigo, plus de lait et surtout on a plus de couches. C’est la crise. » Bon d’accord je panique peut être un peu pour rien. Mais cela fait trois jours que je dis que nous devons aller faire les courses, mais j’ai toujours quelque chose de mieux à faire. Entre m’occuper du bar, passer des heures à gazouiller avec ma fille et puis encore m’occuper du bar, je n’ai pas vraiment le temps de me rendre au supermarché. C’est pour cela que je compte sur ma très chère petite sœur pour me donner un coup de main là-dessus. Je sais que je lui en demande beaucoup en ce moment, mais bon… « Je peux pas aujourd’hui Casey. J’ai pas que ça à faire. » D’accord. En gros, il va falloir que je me débrouille. Je tente tout de même une nouvelle tentative en rejoignant ma sœur dans sa chambre. Assise sur son lit elle est entourée par un millions de bouquins et essaye de ranger ses notes. Théa est allongée à ses côtés et gigote dans tout les sens. Elle a beau être un bébé très calme, elle n’aime pas spécialement rester couchée à ne rien faire surtout lorsqu’elle sort de sa sieste. Par dessus tout, elle déteste qu’on ne fasse pas attention à elle. Déjà une véritable princesse cette petite. Je m’assois à côté des deux jeunes filles et prends mon bébé dans mes bras. « Aller s’il te plaît. » dis-je tout en lui faisant le coup des yeux du chat potté. Habituellement ça marche a chaque fois et puis elle ne peut pas résister à sa nièce ça je le sais parfaitement. Sauf qu’aujourd’hui il semblerait que Malèa soit plus motivée par autre chose. « Ecoute frangin je t’aime, mais il va falloir que tu te débrouille tout seul dans ce cas. Je vais chez Lydia pour la soirée alors pas de babysitting ce soir désolée. » Ah oui d’accord. Elle m’abandonne carrément à mon triste sort. Moi qui pensais avoir du temps pour m’éclipser au bar ce soir. Tant pis, je ferais ça demain. Ma sœur ce lève m’embrasse, embrasse Théa, rassemble ses affaires dans un sac et en moins de cinq minutes elle a déserté l’appartement. Vive la solidarité.

Je me laisse tomber sur le lit et soulève quelque peu mon bébé au dessus de moi. Ce qui la fait sourire de plus belle. « Il va falloir qu’on ce débrouille tout les deux ma puce. » Je lui fais un bisou et elle rigole. J’ai vraiment de la chance avec elle. Ce n’est pas tout les jours facile d’élever un bébé tout seul, c’est même parfois du suicide, mais ma fille est sans aucun doute le plus gentil bébé du monde. Elle ne pleure pratiquement jamais ou tout du moins elle ne me fait jamais de caprice. Elle est toujours en train de gazouiller ou de rire. Bon. Elle a déjà son petit caractère et lui arrive de bougonner de temps en temps, une vraie Fitzgerald. Théa gigote entre mes bras et je finis par me lever. Je l’emmène dans sa chambre et l’habille pour sortir. Je n’ai presque plus rien pour lui faire un biberon et surtout on a plus de couche et ça c’est vraiment la crise. On va devoir aller faire les courses que je le veuille ou non. La petite fille ce débat quelque peu lorsque je décide de lui passer son pull et finis par ce mettre à pleurer. Je me penche vers elle et viens frotter mon nez contre le sien. « Bah alors bébé on est pas contente ? » Comme toujours lorsque je lui parle, elle me regarde avec ses grands yeux ébahis. Un rien l’émerveille et j’adore la voir comme ça. Je pourrais lui faire des bisous pendant des heures quand elle me regarde comme de cette manière. Elle pose sa petite main sur mon nez et je souris bêtement. « Papa aussi il a pas envie, mais on a pas le choix. » Je lui fais un bisou et la reprends dans mes bras. Je la mets dans sa poussette, attrape mon blouson, mon portefeuille et mes clés de voiture direction le centre commercial.

Comme a chaque fois lorsque je me trouve dans un lieu public avec ma fille, les femmes ce retournent sur mon passage. A croire qu’elles n’ont jamais vu un père et sa fille. Bon c’est vrai que moi je suis légèrement gaga avec la mienne. Peut être même un peu trop. Mais il n’y a pas de maman, alors je fais de mon mieux pour combler l’absence. Des fois j’ai vraiment du mal, mais au fond je trouve qu’on ne s’en sort pas si mal. Au bout de dix minutes, Théa c’est endormi et je peux faire mes courses tranquilles. Donc des couches, du lait en poudre, de quoi manger pour deux ou trois jours avec Malèa, il me faudra peut de temps pour faire le tour. De toute manière je déteste m’éterniser dans ce genre de magasin. En moins d’une heure j’ai acheté tout ce que j’avais besoin et remettais ma fille dans la voiture. Elle a finis par ce réveiller et joue avec son doudou tout en lui faisant la conversation. Enfin. Elle n’a que six mois, alors sa conversation n’est que de simples petits cris, mais je suis sûr qu’elle lui parle dans le fond. Gaga je vous dis. Je me gare dans la rue et très rapidement je me rends compte que je vais avoir du mal à ramener tout ce que j’avais acheté. J’avais légèrement oublié le fait que Malèa n’était déjà plus là. Bon tant pis, je vais bien finir par y arriver.

Théa dans un bras, le sac plein à craquer dans l’autre je tente de rentrer chez moi. J’ai à peine le temps de traverser la rue que le sac finit par céder et son contenu s’étale sur le trottoir. « Putain fait chié. » Pas de gros mot devant Théa. On repassera pour cette règle. Je viens de faire peur à ma fille en jurant de cette manière et elle ce met à pleurer. Mon dieu je déteste la voir pleurer. Tout de suite, je la serre contre moi et la berce doucement. « C’est rien princesse, c’est rien. » Oui c’est rien. Sauf que c’est l’heure du biberon et qu’elle n’a pas beaucoup dormi cette après-midi. Elle en a marre et cette histoire de course répandue sur le sol ne m’aide pas vraiment. J’essaye de me baisser pour tout récupérer, mais je me retrouve assis par terre, mon bébé dans les bras. Bébé qui pleure toujours. Je ne sais plus vraiment quoi faire. Je me laisse toujours dépasser par les évènements dans ce genre de situation. Je suis au bord de la crise de nerf lorsqu’un jeune homme s’arrête à mon niveau et me propose son aide. Je relève la tête vers lui et lui souris. « Je vous avoue que ce serait pas de refus là. » Je me relève du mieux que je peux tout en tenant fermement mon bébé dans mes bras. « J’aime pas spécialement demander ça, mais vous pourriez m’aider à aller jusque chez moi ? J’habite juste là. » Je lui montre l’immeuble d’un signe de tête tout en continuant à bercer Théa qui commence a ce calmer tout doucement. Bordel on dirait un assisté, je déteste ça…

Les beaux jours étaient revenus. Enfin ! Je n’avais plus à marcher en canard en rentrant chez moi, de peur de m’étaler de tout mon long par terre. Je n’étais plus obligé de porter des couches et des couches de vêtements, frileux comme j’étais. Mieux encore, je pouvais retourner courir dans le parc ! Je détestais perdre mon temps dans les salles de sport à soulever de la fonte comme un idiot solitaire. Par contre, courir entouré de verdure, d’enfants qui jouent, et de chiens qui font pipi, ça… j’adorais. En plus, j’avais hâte de pouvoir emmener Pouet avec moi. L’ayant eu à Noël, je n’avais encore jamais eu la chance de voir s’il pouvait tenir mon rythme. Il était donc temps de sortir la bête et de voir ce qu’elle avait dans le ventre ! « Celio ? » hurlais-je alors, à travers toute la maison pendant que j’enfilais des survêtements. Aucune réponse. « Femme de mon cœur ? » Toujours rien. Je descendais alors les marches de la maison, et jetais un œil dans la cuisine. « Mère de mon chiot ? » demandais-je en glissant la tête dans la pièce. Personne. Mais un mot sur la table : Je suis allée emmener notre fils chez le toiletteur, je reviens en fin d’après-midi. » Et merde.

C’est ainsi que je m’étais retrouvé à courir seul dans le parc, croisant nombre de touristes en ville pour la Fête du Printemps. « So tell me what you want, what you really, really want. » entonnais-je lors de ma course. Qui avait-il de mieux que les Spice Girls pour nous accompagner pendant l’exercice ? Personne. I wanna – I wanna – I wanna – I wanna – I wanna really… Je m’arrêtais, nez à nez avec un groupe de jeunes filles qui me regardaient avec intérêt, avant de finir : « Really, really wanna zigazig ha ! ». Je riais de cette scène avec elles, et reprenais mon chemin. Les minutes passaient, et j’entamais ma playlist spéciale musique de dessins animés. Certains badauds me regardaient étrangement lorsque j’affirmais aimer les licornes lorsque je passais devant eux, mais ne m’en préoccupais pas plus que ça. J’appréciais simplement la joie de ressentir le vent fouetter mon visage et la sensation de maitrise complète de mon corps. J’étais presque bercé, voir hypnotiser par les battements de mon cœur, et ne faisais plus attention où j’allais, je continuais simplement de suivre la route qui se dessinait devant moi.

Sans m’en rendre compte, j’avais quitté le parc, et me retrouvais dans un coin de la ville que je ne connaissais… absolument pas. Mais quel était donc ce quartier ? Pourquoi tout était si calme ? Je m’arrêtais alors de courir, et enlevais les écouteurs de mes oreilles. Je me sentais un peu comme Jack Skellington qui découvrait la ville de Christmas Town. « Que vois-je ? Que vois-je… » murmurais-je à moi-même, marchant lentement sur les trottoirs du quartier. Pas après pas, je retrouvais un rythme cardiaque presque normal et m’émerveillais devant ces enfants que je voyais jouer dans leur jardin, et ces parents discuter au détour d’une poubelle. Charmant. Je continuais de découvrir ce nouveau monde, que je tombai sur un homme. A terre. Entouré d’aliments divers. Et… oh, un bébé. « Euh… je peux vous aider ? » tentais-je en direction de la personne. J’ignorais si c’était une coutume de ce quartier étrange, mais dans mon monde à moi de la vieille ville, on faisait rarement ça. Je préférais donc lui proposer mon aide. « Je vous avoue que ce serait pas de refus là. » me dit-il en levant le visage vers moi. Par instinct, je lâchais un large : « Oh. » en croisant son regard. C’est qu’il était… charmant. Je l’aidais quelque peu à se relever, posant une main dans son dos pour qu’il ne perde pas l’équilibre. « J’aime pas spécialement demander ça, mais vous pourriez m’aider à aller jusque chez moi ? J’habite juste là. » me demanda-t-il une fois stable, me désigna un immeuble à quelques mètres de là. Je n’avais pas réellement fait attention à l’endroit qu’il avait désigné, plus intéressé par… eh bien lui. « Mh ? Quoi ? » demandais-je, étourdi. Ses mots percutèrent enfin mon esprit. « Ah, oui, pas de problème. » Je me baissais alors, récoltant les diverses courses qui s’étaient éparpillées par terre. Je les serais fort contre moi alors que je me relevais. « Je vous suis ! » L’homme me montra alors le chemin, et le suivis jusqu’à l’immeuble sans rien dire. Je crois que c’était la première fois que je suivais un homme jusque dans son appartement sans intention sexuelle. Bon d’accord, j’avais des intentions sexuelles envers lui, c’était physiquement inhumain de ne pas en avoir en posant ses yeux sur le garçon. Disons… que ce n’était pas des intentions qui étaient connues de lui. Et merde quoi, il avait un gosse. Il était certainement pas du genre à s’envoyer en l’air avec un inconnu qui venait de l’aider à porter ses courses. Et j’étais sûr de tomber sur sa femme en passant le pas de la porte.

Lorsque j’écrirais mes mémoires, je parlerais de cette journée comme de celle où j’avais réussi à me faire inviter chez un homme séduisant moins de vingt secondes après l’avoir rencontré. J’omettrais juste quelques détails. Comme par exemple le fait qu’en rentrant je m’étais directement dirigé vers sa cuisine pour y poser les courses qui menaçaient de retrouver à nouveau le sol. Sérieusement, il y avait un problème avec la gravité dans ce coin de la ville ? Où est-ce que j’étais d’ailleurs ? J’étais sur le point de le demander à mon hôte lorsque je le vis poser la petite dans son parc, et d’enlever sa veste. Oh, ciel. Voilà des bras dans lesquels j’aurais bien aimé me retrouver nu. Ou même habillé, j’étais pas si difficile. Mon regard furetait un peu partout autour de moi, attendant d’une minute à l’autre la femme qui me ferait vite retomber de mon nuage. Personne. « Bon… mon devoir de bon citoyen est fait. Je devrais peut-être vous laisser… » annonçais-je, presque timidement en tendant un main à l’homme. Je bloquais quelques secondes sur son visage. « Mh… on se connait non ? » demandais-je sans réfléchir, réalisant la technique de drague cliché qu’on pouvait reconnaitre dans ma question. « Pardon, c’était pas une manière préhistorique de m’incruster et de vous draguer… Je suppose que la mère de la petite va débarquer d’une minute à l’autre pour me confirmer que c’est pas ma place d’oser le faire. Mais… j’ai sérieusement l’impression de connaitre votre visage. » Et on ne s’était définitivement pas déjà croisé dans le coin, j’ignorais même qu’il existait avant d’y avoir posé les pieds quelques minutes plus tôt.