Siloë-Jules & Micah
Il faisait bon. Ni trop chaud. Ni trop froid. Juste bon, tiède. Micah était allongé confortablement, la tête nichée dans un coussin, et il sentait une présence chaude blottie contre son ventre. Il bougea un peu et ramena sous le coussin une main qui pendait au sol.
Toc tocLa présence chaude contre son ventre sauta du canapé en aboyant. L'adolescent eut soudainement froid et se recroquevilla en marmonnant un
« Humph... » ensommeillé. On aurait pu croire que son entrée dans le monde merveilleux des sans emplois l'aurait au moins gratifié de quelques grâces mâtinées. Mais non. Il était un frère aîné, et en tant que tel, sa journée commençait à 6h30 pétante.
Comme tous les matins, Micah s'était accroché un quart d'heure supplémentaire à ses draps. Cachou s'était incrusté dans la chambre avec sa laisse dans la gueule et avait commencé à lui lécher la figure. Micah avait réussi à sauver dix minutes de plus en lui faisant une place et un câlin dans son lit. Et puis la vessie du chien avait eu raison de sa flemme, et il l'avait sorti avec la vaillance d'un mollusque croisé avec une serpillère.
A 7h17 il avait réveillé Sam, sorti le chien, mis la cafetière en route et commençait à préparer des pancakes. Il n'avait pas de quoi en faire tout les jours alors il s'était appliqué, et avait essayé de leur donner des formes d'animaux. A 7h39, Sam avait confondu son pancake en forme de chien avec un chameau, avant de le dévorer devant les dessins animés, affalés comme deux zombies téléphages dans le canapé. Leur père les avait rejoint, un gros mug de café à la main et l'air fatigué. A 7h45, la voiture vrombissait dans l'allée alors qu'il s'en allait travailler au garage. A 8h07, Sam emmitouflée dans son manteau glissait sa main dans celle de Micah pour qu'il l'accompagne à l'école.
Et voilà comment à 9h, une fois la vaisselle faite et seul à la maison avec Cachou, Micah s'était retrouvé à comparer son statut de frère aîné à celui d'une mère au foyer...
Honnêtement ? Il avait flippé. Avec la force du désespoir, il s'était jeté sur son ordinateur pour éplucher les annonces... et il avait du s'endormir, quelque part entre la caissière (oui la caissièRE. Comme si sa vie n'était pas assez tragique) et le technicien de surface.
Toc tocMicah ouvrit un œil, puis l'autre. Et... merde on toquait à la porte ! Il bondit sur ses jambes d'un coup, et BAM dans le coin de table.
« 'Chié là ! » Clopinant jusqu'à la porte, le jeune homme l'ouvrit sur... Siloë-Jules ?
« Mon sac à main Summers ! » Ah ouais. Ni bonjour, ni merde, rien. Comme ça dans le vif du sujet. Okay.
« Euh.... Hellooo ? » tenta Micah en passant sa main dans ses cheveux en bataille. Et ce n'était pas tant par politesse que pour gagner du temps. Son sac. Quel sac ? Bordel, son béguin de quand il avait douze ans débarquait à sa porte. A SA porte. Chez lui. Alors qu'il était seul... NON ! Couché les hormones, couché ! Elles avaient fait assez de dégâts comme ça depuis l'épisode de la boite aux lettres. Et s'il pouvait ne pas penser à ça maintenant, parce que ça ne l'aidait pas vraiment à conserver son discernement. Micah secoua la tête et plissa ses yeux encore gonflés de sa sieste, lui donnant vaguement l'air d'un hamster soupçonneux.
« Je suis d’abord allé dans cette animalerie bizarre et on m’a dit que tu bossais plus là-bas, ensuite j’ai essayé de me souvenir où tu vivais, mais tout ce ressemble ici. Je me suis fait courser par un chien, j’ai envie de faire pipi et j’ai faim. Alors s’il te plaît rends-moi juste mon sac à main Micah. »Le regard de Micah s'éclaira d'un flash révélateur. L'animalerie, son sac, l'araignée ! CE sac !
Oh mon dieu... Sam se l'était approprié depuis un moment. Elle avait fait des bombes à eau avec les capotes. Elle avait même trouvé du lubrifiant... Micah l'avait récupéré avant que ça devienne trop bizarre à expliquer. Et avant que son imagination débordante ne lui envoie trop de scènes avec sa sexy nanny en guest star. On ne se remet pas facilement de son premier fantasme féminin. Surtout quand on découvre ses petits accessoires intimes par un malheureux hasard (d'accord c'était du vol, mais hmm – pas vraiment ?)
« Tu – tu veux entrer ? On a des toilettes ici tu sais. » Quel argument pour faire entrer une fille chez lui. Micah Summers, palme d'or de la drague 2013. Hey, non. Il ne draguait pas ! Il détournait l'attention. Peut-être qu'il aurait tenté quelque chose qui aurait ressemblé à de la drague, en hommage à ses jeunes années... avant Sebastian. Avant qu'il ne s'accapare ses pensées ainsi que ses draps. En attendant, l'adolescent était juste maladroit et dans la merde. Bon sang où est-ce qu'il avait foutu le sac ?
Il se poussa pour la laisser entrer en ajustant un petit sourire ravissant.
« Il reste peut-être même des pancakes. Au fait... ça fait longtemps que t'es blonde ? Ça te va... » pas. « Ça te va. » Des fois il fallait savoir se passer de superlatifs mensongers. Micah était honnête, il ne savait pas mentir. Ses joues se mettaient à rougir et son regard à dévier vers le bout de ses chaussures. C'était terrible au quotidien d'être aussi transparent.
« Sinon ça me fait plaisir de te revoir. Pas toi ? Je veux dire, ça fait longtemps quand même... »