quand le passé vous rattrape
© belladone.

J’avais promis à ma sœur que je passerais lui chercher des pâtisseries en après-midi, puisqu’elle m’invitait à aller manger chez elle ce soir. J’étais arrivée à peine une semaine auparavant et avait déjà réussi à accomplir ma mission : retrouver ma sœur. Comme elle travaillait durant le jour, je devais toutefois m’occuper d’une autre façon. J’avais décidé aujourd’hui de me promener en ville, voir ce que la petite bourgade avait à offrir aux touristes. Pas grand-chose, en fait. C’était une ville qui se voulait très banlieusarde, loin des métropoles que je connaissais.
Je m’étais réveillée en fin de matinée et le temps de prendre ma douche et de m’habiller, il était déjà midi quand j’étais sortie de ma chambre d’hôtel pour aller prendre un petit-déjeuner. C’était tardif, certes, mais ayant pris quelques semaines de congé de mon emploi, je n’avais rien d’autre à faire que la grasse matinée. J’étais entrée dans un diner pour y prendre une repas consistant avant de continuer ma promenade en ville. J’avais fait le tour des quelques rues principales puis m’était installée dans le parc pour profiter un peu de la nature. Je m’étais assise sur un banc, avait accoté ma tête dans ma main, mon coude sur le dossier du banc, et s’en même m’en rendre compte, j’avais fermé les yeux et je m’étais endormie…
Le soleil commençait à disparaitre à l’horizon lorsque je m’étais réveillée. Regardant ma montre, je réalisai que je n’avais plus grand temps pour m’occuper de la seule chose que j’avais promise à ma sœur : le dessert. Je repris ma marche vers la ville, d’un pas rapide et entrai dans cette petite boutique appelée Péché Mignon. Je trouvais que c’était un nom tout à fait approprié pour l’endroit. N’ayant pas beaucoup de temps, j’allais pousser la porte à l’entrée du bâtiment quand celle-ci me frappa de plein fouet. Déstabilisée durant quelques secondes, je compris qu’il aurait premièrement fallu que je tire, ensuite que je regarde si quelqu’un arrivait dans l’autre direction. Je portai ma main à mon nez, qui avait été heurté par la trajectoire de la porte en verre. J’avais mal, mais je n’avais rien de brisé. « Pardon, je… » lançais-je, sachant que j’étais en partie responsable de mon accident, étant arrivée en coup de vent devant la porte. Mon regard monta alors vers la personne devant moi, celle qui venait d’ouvrir la porte et mon souffle se coupa. « Mattias ??? » Que faisait-il ici ? J’avais rencontré l’homme trois ans plus tôt, à une manifestation à New York, je ne me saurais jamais attendue à la voir ici. Mais le plus surprenant était que je ne l’avais toujours pas oublié, depuis ces années…

L’après-midi était on ne peut plus calme dans la boutique d’instruments de musique dans laquelle travaillait Mattias. Son collègue avait fait les cent pas toute la journée, et lui-même s’était attelé à ranger les nouveautés qu’ils avaient reçues quelques jours plus tôt. Mais une fois cette tâche accomplie, l’ennui se fit rapidement ressentir. Pour Mattias, la tentation d’attraper le premier instrument qui lui passait sous la main pour se mettre à jouer était grande, mais sous l’œil de son collègue, il n’aurait jamais osé le faire. En général, le suédois préférait jouer quand il était seul, le soir, au fin fond de l’arrière boutique. De cette manière, il n’avait pas à s’expliquer quant à ses qualités de musiciens, et ne devait ainsi pas revenir sur son passé douloureux pour y chercher des éléments de réponse. Mais après plusieurs dizaines de minutes à se tourner les pouces, et en ayant convenu avec son collègue, le jeune homme décida de s’éclipser quelques minutes.

D’un pas plutôt assuré, le suédois sortit de la boutique et tourna à l‘angle de la rue pour foncer vers la petite pâtisserie d’une allée voisine. Il savait qu’il devrait garder la boutique assez tard le soir, et ce même en absence d’un quelconque client, et comptait bien s’accorder une petite pause goûter avant d’y retourner. Comme s’il prenait exemple sur Homer Simpson, Mattias opta donc pour une boîte de donuts. Ces petites pâtisseries n’avaient absolument rien de suédois, mais il fallait croire qu’il s’était plutôt bien adapté au mode de vie américain. Le jeune homme paya, remercia la pâtissière puis se saisit de sa précieuse boite en carton copieusement remplie. Mais au moment où il poussa la porte pour quitter la boutique, son geste rencontra un obstacle inattendu qui lui fit presque lâcher son butin sous le coup de la surprise. Brusquement, Mattias leva les yeux et afficha une mine stupéfaite en constatant que l’obstacle en question était en fait une femme. Penchée vers l’avant, elle se tenait le nez que le suédois venait probablement de lui casser. Déjà, les pires scénarios s’échafaudaient dans son esprit et c’est complètement prit de panique qu’il sortit pour de bon de la pâtisserie. « Pardon, je suis désolé je… je ne vous avais pas vue arriver ! Est-ce que ça… » Aussi surpris que choqué, le jeune homme se tut en regardant d’un air éberlué la silhouette en face de lui. Elle venait de se redresser, et au moment où elle découvrit son visage, Mattias sentit son cœur manquer un battement. « Mattias ??? » lâcha alors la jeune femme, visiblement aussi interloquée que lui. C’était à peine croyable. Sasha était là, en face de lui, alors qu’il avait bien cru ne jamais la revoir. En réalité il ne l’avait croisée qu’une seule fois au cours d’une manifestation à New-York, et pourtant son visage était toujours bien présent dans son esprit, et pour cause. Ce n’est qu’après l’avoir quittée que Mattias s’était rendu compte qu’il ne lui avait même pas demandé son numéro de téléphone Mais parmi la foule des manifestants présents, il lui avait été impossible de la retrouver. Lors de cette journée, le courant était tellement bien passé entre eux que le suédois s’en était voulu pendant longtemps.

Après quelques instants de silence, le temps de reprendre un peu ses esprits, Mattias balbutia : « Sasha… c’est toi ? Je… » S’il s’était écouté, le suédois l’aurait volontiers prise dans ses bras mais en réalité, il était bien trop timide pour ça. Alors il se contenta de se gratter la nuque timidement tout en grimaçant. « Est-ce que ça va ? Je suis… vraiment désolé ! Je t’ai fait mal ? »