Cela fait plus de deux heures que j'épluche minutieusement les différentes candidatures reçues regroupant les étudiants fraîchement diplômés. Il n'y a pas si longtemps, je me trouvais à leur place. Mon diplôme en main, j'avais pu voir la fierté dans le regard de mes parents. J'étais moi-même assez fière de moi, mais je ne me vantais pas d'avoir obtenue mon diplôme haut la main. Peut-être par modestie. Je ne sais pas. Après, ce n'était pas comme si j'avais sauvé la vie de quelqu'un. Un diplôme, ça ne rend pas quelqu'un plus intelligent ou meilleur qu'un autre. Ça ne fait pas de quelqu'un la personne qu'il est. C'était juste un bout de papier. Néanmoins, cela pouvait grandement aider sur le plan professionnel et ouvrir des portes sur de nombreuses opportunités intéressantes. Probablement que je n'aurais jamais été engagée dans le cabinet de mon mentor, si je n'avais pas eu mon diplôme. Depuis quelques jours, il y avait une grande vague de patients. Il y avait beaucoup de mouvement, les gens entraient et sortaient régulièrement. Ça n'arrêtait plus. À tel point, que certains soirs, je devais faire des heures supplémentaires. Ce qui n'aidait pas, c'était que la durée du suivi des patients n'était pas tous le même. Certains patients avaient besoin qu'une ou deux consultations pour que leur problème soit réglé. Tandis que d'autres avaient besoin d'un suivi plus constant. De ce fait, on commençait à être quelque peu débordés. Il nous fallait engager une nouvelle psychologue pour nous aider. Quelqu'un de compétant qui pourrait rapidement entrer dans le vif du sujet. Rien de mieux pour ça que d'aller pigé dans la liste des étudiants qui sortaient à peine des bancs d'écoles. On m'avait demandé si je voulais aider la nouvelle à s'intégrer, être présente si elle avait des questions et on voulait que j'aide à trouver la personne adéquate. J'avais accepté sans aucune hésitation.

Mon regard s'arrêta alors sur la candidature d'une certaine Pia O'Hara. Une jeune femme d'à peine vingt-trois ans. Elle était jeune, ce qui rendait son profil encore plus intéressant. De plus, ses notes étaient excellentes. Le patron arriva à mes côtés et jeta un coup d'oeil au dossier. Du coin de l'oeil, je voyais son sourire s'agrandir de manière inquiétante. Il y avait cette lueur de malice dans les yeux, semblable à celle qu'aurait un archéologue qui venait de tomber sur un trésor ancien. Je n'avais pas besoin de lire dans ses pensées pour savoir qu'il était intéressé à avoir une entrevue avec elle. « Elle est parfaite. » a-t-il marmonner entre ses lèvres. C'était un homme qui dépassait la quarantaine, riche à craquer, avec une femme, mais qui est reconnu pour avoir un goût particulier pour les jolies jeunes femmes. Par chance, la plupart du temps, il passe ses journées enfermées dans son bureau. Le patron a chargé à sa secrétaire d'appeler la jeune femme pour lui donner rendez-vous au café, qui se trouvait à quelques pas du cabinet. Par la suite, il m'a demandé de l'accompagner. J'ai acceptée, un peu réticente. Je n'aime pas me retrouver seule avec lui, ni même près de lui du tout. Le rendez-vous était à dix-sept heures trente, juste après ma séance avec une mère monoparentale. Une habituée qui revient au moins une fois par mois. Son cadet avait de quitter la maison la veille et elle en était profondément attristée. « Je ne sais pas ce que je vais faire sans lui. J'aimais tant lui préparer son petit-déjeuner chaque matin. Des pancakes avec des fraises. Maintenant qu'il est parti, je n'ai plus personne à qui faire son petit-déjeuner et la maison est si vide, mademoiselle. Tellement vide... » Pendant une heure, je l'écoute déversée son tourment, en ajoutant à l'occasion quelques phrases pour la rassurer et la conseiller. À la fin de la séance, je lui souhaite de passer un bonne soirée et en quittant mon bureau, j'ai vis un sourire sur son visage. J'avais le sentiment d'avoir bien fait mon travail. Je commençais à être impatiente de rencontrer cette Pia. Je me faisais un devoir de faire en sorte qu'elle se sente à l'aise, malgré le caractère particulier du patron.

Vers dix-sept heures vingt, moi et le patron, avons pris le chemin vers le café, où nous avions rendez-vous avec la belle brune. Oui, elle était assez jolie. Ce n'est pas pour rien que le boss l'a remarqué et qu'il intéressait autant à elle. Dans mon cas, qu'elle soit belle, petite, grosse, m'importait peu. Je n'apporte pas une grande importance à l'apparence des autres. Du moins, pas leurs physiques. Ce qui se trouve à l'intérieur, c'est une toute autre histoire. Qu'importe, ce qui m'intéressait chez elle, c'était avant tout ses compétences. La raison de l'entrevue. Je marcha côte à côte du patron. Il me prit par la taille juste au moment où j'aperçue la brune qui quittait la boulangerie, un paquet dans les mains. On lui fit un signe de la main pour qu'elle nous rejoindre. Je lui souris, très heureuse de pouvoir la rencontrer en personne. J'oubliais presque la présence de la main ingrate de mon patron sur ma taille. « Enchantée, je m'appelle Pia.. Je suis surprise ! Comment m'avait vous reconnue, de loin comme ça ? » Je fus soulagé lorsqu'il retira sa main, afin de serrer la sienne. Il répondit une réplique qui aurait le don de rendre mal à l'aise n'importe quelle fille. C'est le cas de Pia. Je vis ses joues rougir. J'échangea un regard avec elle. Instinctivement, je me mis à sa place. Je me sentis mal à l'aise pour elle et j'étais rebuté par le manque de professionnalisme du patron. Il cachait à peine son intérêt pour elle. « Bonjour, enchantée ! Je.. » Elle me tendit son paquet que je pris instantanément « Merci. C'est une délicate attention de ta part. » Je déposais les gâteaux dans les mains de mon patron. Voilà qui devrait l'occuper un moment. ai-je pensé, puis je m'adressais à la jeune femme. « Moi c'est Delilah. Je suis enchantée de faire votre connaissance ! » Je lui souris à nouveau en tendant ma main vers elle, pour qu'elle puisse la serrer. J'espérais que l'attitude du boss ne l'ai pas effrayée. Elle n'avait pas pris ses jambes à son cou, c'était plutôt bon signe.

Nous nous sommes installés à une table. Heureusement, le patron n'a pas ajouté d'autres remarques déplacées. Les petites pâtisseries que Pia nous a gentiment apporté semble l'avoir conquis. Ainsi, l'entrevue pourrait se dérouler de façon professionnelle et agréable. J'aperçue dans les yeux de la brune un certain trouble. Elle ne devait pas s'attendre à ce que son ''futur'' employeur se montre si... direct avec elle, dès la première rencontre. Je lui offris un sourire confiant, voulant la mettre l'aise et détendre l'atmosphère. « Nous avons quelques questions à vous poser, si cela ne vous dérange pas d'y répondre, naturellement. » Je parlais en nous, même si le boss n'était pas du tout attentif à la conversation. Et malgré qu'elle était plus jeune que moi, je la vouvoyais par politesse. « Donc Pia, parlez-nous un peu de vous. D'où vous vient cet intérêt pour la psychologie ? Pourquoi ce métier et pas un autre ? » Des questions assez basiques, c'était un bon commencement. Je sentais une belle connexion entre nous. Je l'appréciais déjà énormément, sans même la connaitre. C'est vrai que je suis le genre de personne à apprécier tout le monde, mais avec cette Pia, il avait un petit plus. Je souhaitais vraiment que cette entrevue se déroule bien et qu'elle correspondait à la personne qu'on cherchait à engager. Je me réjouissais d'être celle qui allait la guider dans ses premiers pas.

J'avais mon petit carnet dans les mains et je remarque qu'elle sort le sien aussi. Déjà, pour moi, elle marque un point. C'est un outil pratiquement essentiel dans notre métier. Ça montre qu'elle est bien préparé. J'entame la conversation doucement, question qu'elle se détende. « Naturellement ça ne me dérange absolument pas, c'est normal! » Elle semble plus à l'aise que tout à l'heure, mais je perçois au ton de sa voix qu'elle est encore un peu nerveuse, chose que je comprends tout à fait. D'ici quelques minutes, je suis certaine que ça devrait aller. Si je suis là aujourd'hui, c'est à cause que le patron me l'a demandée. En même temps, je suis contente d'être là. Je dois dire que je n'ai jamais fait passer un entretien d'embauche à quelqu'un avant. C'est nouveau pour moi. Va savoir pourquoi, je n'ai eu aucun mal à prendre les devants. Après, ce n'est pas grand chose. À moins que ce soit juste moi. C'est une bonne chose. Si j'arrive à ouvrir mon propre cabinet, il y a de fortes chances que j'engage quelques personnes et donc c'était une bonne façon de me pratiquer. Je poursuis en lui posant les questions habituelles pour connaitre ses motivations. « Et bien je viens juste d'être diplômée, à vrai dire il y a beaucoup de raisons de vouloir faire ce métier. J'ai toujours adoré l'être humain qui pour moi est une source de savoir extraordinaire. J'aime aider les gens, les écouter et surtout leur apprendre à mieux vivre avec eux-mêmes, et en société. Je me sens... Utile en tant qu'entité terrestre en faisant ça. » Je hoche la tête et note ce qu'elle vient de dire sur une page vierge de mon carnet. J'aime sa façon de parler. Même si elle est jeune, on peut voir qu'elle sait faire preuve de professionnalisme. Je ne m'attendais pas à moins d'une étudiante en psychologie. Quand les patients viennent dans notre bureau, ils ne doivent pas avoir l'impression de venir parler un ami. On doit leur offrir un avis professionnel. Et d'un autre côté, ils doivent aussi pouvoir nous faire confiance. Comme si nous étions l'un de leurs amis proches, afin que ce soit aisé pour eux de se confier à nous. Parfois, le fait de se parler à un parfait inconnu les aidait à s'ouvrir davantage, mais cela diffère d'une personne à une autre. Psychologue est un métier plus complexe qu'on l'imagine.

Je relève la tête vers la jeune femme et lui souris légèrement. Je dépose mon crayon et je reporte mon attention sur elle pour l'écouter à nouveau. « J'ai déjà fait un stage où je m'occupais de jeunes adolescents, c'est un peu délicat mais très enrichissant. Je préfère plutôt les adultes ou les vieilles personnes en général mais tout me va, de toute façon dans ce métier on ne peut pas mettre certaines personnes de côté. Tout le monde a sa chance de guérir. » Un stage ? Voilà qui est intéressant. Comme elle a déjà travaillée dans le milieu, je suis certaine qu'elle n'aurait aucun mal à s'intégrer. Il faut dire que les adolescents sont, pour la plupart, des cas problématiques. Ils se trouvent dans la période la plus instable de leur vie, ce qui amène des problèmes. Les parents encouragent donc leur enfant à consulter une psy. Certains sont d'accord, alors que d'autres non. Dans un cas comme de l'autre, il faut savoir comment gérer cela et à l'entendre, elle semble en être capable pour l'avoir vécue. « Impressionnant ! Je ne me rappelle pas avoir lu cela dans votre fiche de candidature. Oui, je suis d'accord avec vous, les adolescents sont parfois des cas difficiles. Moi-même j'ai eu un peu de mal au début, mais vous verrez, on s'y fait avec le temps. » Je lui adresse un large sourire, avant de prendre quelques notes. Cet entretien va de mieux en mieux. Non pas que j'ai cru que cela se passerait mal. J'en ai jamais douté. Si je prends soin de tout noter, c'est pour tout revoir plus tard. Même si j'ai un coup de coeur pour elle, il y a d'autres candidates à voir après elle. En effet, elle n'est pas la seule à vouloir un emploi. D'autant plus qu'il n'y a pas une dizaine de cabinets en ville. Les places sont limitées. Enfin, même c'est moi qui pose les questions, ce n'est pas à moi va prendre la décision finale, à savoir si oui ou non Pia serait engagée. La voix du serveur me sort de mes pensées. Je laisse Pia commander la première. J'hésite un moment avant de prendre un café moka. Je préfère le café vanille, mais ça ne fait pas de mal de varier de temps en temps.

« Et je me demandais, le cabinet a-t-il des spécialités ? Attendez-vous quelque chose de moi en particulier ? » Je dois avouer être un peu surprise qu'elle me pose des questions, bien que cela ne me dérange pas. Au contraire, je trouve bon que le fait qu'elle se montre curieuse est un bon signe. Ça prouve qu'elle s'intéresse réellement à l'emploi. Un autre bon point pour elle. Je vais finir par croire qu'elle n'a aucun défaut. Je m'éclaircis un peu la voix. « Notre clientèle est assez variée. Il y a des cas typiques comme des cas plus complexes. Alors, il faudra être polyvalent et être capable d'être confronté à n'importe quel cas. Pour être tout à fait honnête, nous sommes assez surchargés au cabinet en ce moment. C'est pourquoi il nous faut quelqu'un qui sera vite à l'aise. Comme vous avez fait un stage, vous connaissez déjà les bases du métier, ce qui est idéal. » C'est une façon indirecte de lui dire qu'elle a de grandes chances d'être engagée. Je ne veux pas lui donner de faux espoirs, mais elle semble être exactement la personne qu'il nous fallait. Sa formation n'allait pas durer très longtemps et je sens qu'elle pourrait vite trouver sa place au cabinet. « Enfin, si jamais on vous engage, on vous assignera une personne qui vous guidera au début. Une sorte de mentor. Cette personne sera là, si jamais vous avez des questions. Et... » Je fus interrompu par le serveur qui nous rapporte nos boissons. Je le remercie d'un signe de tête et prendre une gorgée de mon café moka avant de poursuivre. « Et donc, vous ne serez pas seule. On n'a pas l'intention de vous jeter dans la gueule du loup. Puis, tout le monde au cabinet sont très accueillants. Même quand votre ''mentor'' ne sera pas là, vous pourrez demander à quelqu'un d'autre qui acceptera de vous répondre. » Je souris. Je sens qu'elle est nettement plus confiante que tout à l'heure. Je regarde brièvement mes notes, pour savoir où j'en suis dans l'entrevue, et je regarde la jeune femme à nouveau. « Ensuite, j'aurai besoin de savoir quand exactement serez-vous prête à commencer à travailler ? Quels sont vos disponibilités ? » Il est clair que le plus tôt serait le mieux. Il nous faut une personne prête à intégrer l'équipe rapidement. L'idéal serait qu'elle puisse travailler à plein temps.