Noël sans son père. C'était une première, une vérité qu'il avait de la peine à énoncer et dont il se serait bien passé, mais au fond c'était Crash qui l'avait décidé. Sa grand mère avait pourtant bien tenté de le tirer de force pour qu'il remette les pieds dans sa maison – Il avait catégoriquement refusé. Ce genre de comportement ne lui ressemblait pourtant pas, Cash n'avait jamais été rancunier, il ne se souvenait même pas s'être déjà brouillé avec quelqu'un dans sa vie. Et pourtant, c'était plus fort que lui il n'arrivait pas à passer au dessus de ça. L'image de son père c'était détruite en l'espace de quelques secondes quand il avait su qui était sa mère. Toutes les frustrations qui avaient bercé son enfance et qu'il avait soigneusement mise de coté pour ne pas qu'elles le dérangent, c'étaient déversées sur son père. Il été devenu le seul fautif de tout ce qui avait pu mal tourner dans la vie de Crash, le bras cassé c'était sa faute, les mauvaises notes sa faute aussi, le fait qu'il soit toujours vierge rebelote c'était la faute du père.

Mais passer le soir de Noël seul c'était bien plus dur que prévu, bien sur il aurait pu s'incruster dans une fête de famille au hasard mais pour Crash Noel avait un sens bien spécial, il ne l'avait toujours passé qu'avec 2 personnes, son père et sa grand-mère – sa famille – et l'idée de ravaler sa fierté pour se pointer devant leur porte l'avait vaguement effleuré avant qu'une autre prenne le dessus. Il avait un autre famille, quelque part dans cette ville pas bien loin il avait un mère, peut-être même une demi-sœur qui fêtaient noël. Après avoir enfilé son manteau, son bonnet, son écharpe et des gants, il était parti à pied sous la neige, empreintant ce chemin qu'il connaissait maintenant trop bien. Combien de fois l'avait-il fait, allant jusqu'à la maison de sa mère et ne pouvant franchir le capte, il n’était jamais allé plus loin que le banc qui faisait face à la maison. Il l'avait observé, parfois pendant des heures, espérant voir la silhouette de celle qui lui avait donné vie se dessiner. Mais jamais... Comme si leurs emplois du temps étaient totalement incompatibles, ou qu'elle se terrait férocement chez elle.

Ce soir il allait frapper à la porte. C'était ce qu'il se répétait toujours sur le chemin de l’allée mais jamais il n'en avait eu le courage, finissant toujours par échouer sur ce fameux banc. La maison se dessinait déjà au loin et son courage commençait déjà à le lâcher et plus il approchait plus quelque chose le perturbait.

Oui il y avait quelqu'un sur son banc !

Bon ce n'était pas à proprement parlé son banc, il ne l'avait pas payé, n'avait pas inscrit son nom dessus ou traîné sur des mètres pour le porter ici, mais jamais il n'avait vu une autre personne s'en servir, comme s'il avait été crée tout spécialement pour lui et que le moulage de ses fesses pouvait s'y voir. Mais ce soir il était occupé. Crash ne reconnu pas de suite la jolie brun qui l’occupait, puis quand il comprit qui était la squatteuse il était trop tard – Elle l'avait vu – il ne pouvait plus faire demi tours. Emmitouflé dans ses 50 couches de vêtements il devait plus ressembler à un homme des neige qu'à un humain, mais il continua tout de même à avancer.

La jeune femme avait detourné le regard, pour sûr elle ne l'avait pas reconnu. Il hésita alors à tracer son chemin sans s’arrêter. Pourtant une fois derrière le banc il ne pu continuer son chemin et fit un demi tours pour aller s’asseoir à cotée de la jeune femme qui le dévisageait maintenant. Il se libéra de l’écharpe qui recouvrait la quasi totalité de son visage pour parler et qu'elle le reconnaisse enfin. « Salut Siam. » Il ne savait pas quoi dire. C'était aussi étrange que frustrant ouvrant la bouche plusieurs fois puis la fermant il croisa le regard de sa demi sœur et lui adressa un sourire. « Joyeux noël. » Il ne l'avait pas revu depuis qu'il l'avait très sympathiquement mise dehors de la boutique prétextant qu'elle fermait alors qu'il n'était même pas 14h. « Tu sais que t'es assise sur mon banc ? Enfin non pas mon banc mais le banc où je m'assois – d'habitude. Enfin non pas si souvent je suis pas un détraqué je vous espionne pas ni rien » Enfin peut-être un peu « Pourquoi tu restes dehors sous la neige ? » Son regard se posa alors sur la valise qui l’accompagnait. « T'es partie ? »

Londres. C'était une belle ville, énorme. Elle vous écrasait de toute sa puissance, lorsque vous décidiez d'en parcourir les rues. Elle vous prouvait par a+b qu'elle allait vous survivre, qu'elle était magnifique. C'est à Londres que Siam avait choisi d'aller alors même qu'elle voulait fuir sa vie actuelle. Et quelque part, elle avait trouvé ce qu'elle cherchait. Après sa rencontre avec Crash et l'altercation, assez violente, entre elle et sa mère, elle avait décidé de partir, loin. Elle ne voulait plus avoir à regarder sa ville comme si elle ne la connaissait pas, alors elle avait fui. C'était lâche. Sans doute tenait-elle ça de sa mère adoptive allez savoir, mais elle en avait eu besoin. Ne prévenant personne d'autre que sa mère elle avait quitté les lieux, partant à l'aventure. Mais elle était de retour. Car Siam n'était pas de ces gens qui arrivaient à refaire leur vie ailleurs comme si cette vie ci n'avait jamais importée. Elle n'était pas de ces gens qui aimaient tout recommencer, sans se soucier des lumières qui avaient fait sa vie d'avant. Elle avait besoin de ces lumières. Julian était enterré ici, elle ne pouvait le quitter indéfiniment. Sa mère ... Sa mère avait beaucoup de défauts. Plus qu'elle ne le savait sans doute elle-même. Mais elle restait celle qui l'avait enlevée à la solitude, qui l'avait enlevée à sa vie à l'orphelinat. Elle restait sa mère, malgré tout ce qu'elle avait pu en dire ces derniers mois. Malgré les mensonges et les cachotteries. Siam était revenue. Parce qu'il était grand temps d'un affrontement, d'explications. Il était temps qu'elle reprenne en main sa famille pour ne pas la voir sombrer comme elle avait peur que cela arrive. Elle ne se le pardonnerait jamais.

L'avion qui l'avait emmenée, elle, et celui qu'elle considérait comme son plus proche ami, du moins depuis Londres, à Town Square, était arrivé quelques heures auparavant. Andrew était allé à l'hôtel alors même qu'elle décidait, si tôt sortie de l'aéroport, d'aller voir sa mère. Il n'avait rien dit, juste qu'il l'attendrait. C'était le principal. C'était ce qu'elle attendait. Tous deux savaient qu'il ne pouvait l'accompagner, c'était à elle de faire ce pas là. A elle d'aller voir celle qui l'avait élevée, de s'expliquer. Pourquoi lui cacher la vérité ? Pourquoi ne pas lui dire que quelque part, elle avait un frère ? Qu'est ce que cela changeait ? Siam se demandait souvent comment allait Crash. S'il avait réussi à accepter son existence, s'il avait réussi à ne pas trop lui en vouloir d'être là. Elle lui en aurait voulu. En fin de compte ils n'étaient pas très loin de vivre les mêmes choses, elle aussi ne connaissait pas réellement ses parents, elle aussi n'avait qu'une seule personne à qui se raccrocher. Une seule personne de sa famille, s'entendait. Mais plus maintenant. Plus maintenant. Arrivée devant le portillon de son ancienne maison, Siam hésita. Sa grosse valise à roulettes en main, elle avait aperçut la voiture se trouvant devant son allée. Pas la sienne, pas celle de sa mère, garée autre part. Une voiture qu'elle ne connaissait pas. Et cette seule chose suffisait à l'empêcher de faire ce qu'elle était décidée à faire. Cette éternelle interrogation de savoir qui se trouvait actuellement à l'intérieur de la maison. Avec sa mère. Puis elle se souvint. On était le soir de Noël. Le seul soir de l'année qu'elle n'avait jamais passé seule. Le soir que sa mère chérissait sans doute le plus. Et elle voulait des explications ce jour-là ? Soupirant, elle s'assit sur le banc qui faisait face à sa maison, posant sa valise à côté d'elle. Elle était tiraillée. Entre l'envie de partir, au risque de ne jamais revenir, et celle de franchir la distance qui la séparait de la porte.

Elle resta sans doute longtemps ainsi, immobile. Jusqu'à ce qu'un passant ne la sorte de cette espèce de posture figée. Elle observa sans le voir l'homme emmitouflé dans des vestes et des manteaux, puis continua d'observer son ancienne demeure. Tellement intensément que lorsque l'inconnu s'assit à côté d'elle, elle sursauta, détournant complètement son regard de la bâtisse, cette fois. Lorsqu'il enleva son écharpe, elle comprit qu'il n'était peut-être pas si inconnu que ça en fin de compte, et hésita entre l'inquiétude de ce qu'il allait dire, et le soulagement d'avoir quelqu'un d'assis avec elle. Elle n'avait jamais été bonne quand il s'agissait de solitude. "Salut ... Crash." L'appeler par son surnom semblait étrange, malgré tout. Elle n'était pas vraiment son amie. Mais "demi soeur adoptive même si on ne l'accepte pas franchement" pouvait être considérée sur une échelle équivalente ... Non? Pourtant, elle répondit à son sourire, avec franchise. Elle était comme cela après tout. "Joyeux Noël à toi aussi, même si on pourrait clairement rêver mieux comme endroit de fête !" La remarque de Crash la fit sourire, amusée. Elle le comprenait, il avait dû se poser beaucoup de questions sur sa mère biologique après sa venue... Ce n'était pas tous les jours que l'on apprenait que sa mère était en vie, dans la même ville que soi-même, et qu'elle avait une fille. " Tu sais que tu es super rassurant comme garçon? Puis tu devrais mettre ton nom sur le banc, ça éviterait qu'on te le pique." Bien entendu, elle le taquinait. Tout était bon pour ne pas vraiment aborder les sujets qu'il fallait qu'ils abordent. Le sujet. Mais la question du brun s'en rapprocha plus ou moins, et elle réfléchit. "Je ... " Une inspiration. Pourquoi restait-elle dehors? Etait-elle partie? Deux questions différentes qui n'appelaient qu'une seule réponse sans doute. " Oui je suis partie. Je suis arrivée il y a quelques heures en fait. Londres. Tu sais ... C'était pas évident après que j'ai ... Tu sais, trouvé ce papier. C'était pas tout rose chez moi, j'avais besoin de réfléchir... " Siam ne savait pas si d'un point de vue extérieur ce qu'elle racontait avait du sens, mais elle attendit qu'Ino lui réponde. " Et toi ? Tu ne fêtes pas Noël avec quelqu'un ?" Son père par exemple.

Crash était plus serein maintenant. Il avait eu le temps de diriger l'information, le temps de se dire que Siam était comme lui – une sorte de victime de cette situation – pas une coupable. Il n'y avait peut-être pas de coupable au fond c'était une succession d’événements qui les avait emmenés là, sur ce banc, le soir de Noël. Leur première rencontre n'avait pas été des plus réussi, mais il comptait faire mieux ce soir, ils avaient tellement de choses à appendre l'un sur l'autre. . "Salut ... Crash." Étrangement Crash ne se sentait pas mal à l'aise, il regardait fixement cette maison comme le faisait sa demi sœur le temps d'un court instant de silence, qu'il ne lui vient même pas à l'esprit de combler."Joyeux Noël à toi aussi, même si on pourrait clairement rêver mieux comme endroit de fête !" Il lui offrit un sourire qui se voulait rassurant. Le jeune homme aurait voulu que Siam ait plus que ça – plus qu'un pauvre banc et un demi frère un peu bargo qui venait épier sa maison, mais il n'était pas maître de tout ça. « J'imagine que ça pourrait être pire. Ma grand-mère répète toujours qu'il faut voir l'ananas à moitié plein. Je crois qu'elle a clairement déformé ce vielle adage, mais je l'aime bien comme ça. Un ananas c'est bien plus cool qu'il simple verre. Non ? » Il hochait maintenant la tête un peu bêtement, tout ça l'avaient renvoyé à sa famille et au souvenir que ce soir, il ne passerait pas noël avec elle.

Puis son naturel était revenu au galop, oubliant qu'il pouvait être civilisé et à peu près normal Crash avait ouvert sa grand bouche pour accuser Siam – d'un façon plus ou moins détourné – de voleuse de banc, avouant par la même occasion qu'il passait plus de temps ici qu'il ne le devrait.  " Tu sais que tu es super rassurant comme garçon? Puis tu devrais mettre ton nom sur le banc, ça éviterait qu'on te le pique." Échangeant un regard amusé, le deux jeunes semblaient se découvrir une nouvelle affinité, peut-être une compréhension de la situation que personne d'autre ne pouvait leur offrir. Crash se sentait moins seul – assis avec Siam – il redécouvrait cette endroit et une relation qu'il n'avait jamais réellement eu avec personne. D'une façon bien détourné et étrange elle était sa sœur. « J'y penserai et si t'es gentille je mettrais peut-être un petit bout à ton nom, pour les jours où je m'ennuie. » Cette fois il releva la tête, la neige continuait de tomber et comme s'il était seul Crash ouvrit la bouche pour attraper quelques flocons au vol, sous le regard de Siam qui devait sans doute le prendre pour un crétin pas fini. « T’inquiète pas pour moi j'ai juste un peu soif. » Une fois ses ânerie finit, il prit enfin le temps d'observer un peu plus la jeune femme et d'entrevoir ses bagages sur le sol, ce qui attisa sa curiosité.

« Je ... Oui je suis partie. Je suis arrivée il y a quelques heures en fait. Londres. Tu sais ... C'était pas évident après que j'ai ... Tu sais, trouvé ce papier. C'était pas tout rose chez moi, j'avais besoin de réfléchir... " Si il y avait bien une chose que Crash était capable de comprendre c'était ça, ce tourbillon dans lequel ils avaient été entraînés, cette révélation qui avait changé sa vie – leur vie. Les choses ne serraient plus jamais pareilles – il en était sûre – même si un partie de lui continuait à se voiler la face. A refuser de l'admettre. " Et toi ? Tu ne fêtes pas Noël avec quelqu'un ?" « Non... » Sa réponse avait semblé se perdre dans le vent, comme si elle n'était pas bonne à être entendu. Il l'avait d’ailleurs à peine prononcé, comme une révélation que l'on préfère garder secrète – dont on a un peu honte. « Chez moi non plus ça a pas été la joie après... après ta visite. » Il s’arrêta un moment ne sachant pas ce qu'il devait dire, au fond Siam avait été élevée par cette femme qui l'avait abandonné, cette même femme qui avait été une prostitué. Mais il ne savait rien de sa vie aujourd'hui de ce qu'en savait Siam, c'était son père qui lui avait avoué cette triste vérité, tentant de lui expliquer son histoire. Il n'avait pas écouté – pas vraiment – son esprit c'était déconnecté après le mot prostitué. Mais que savait Siam du boulot de sa mère ? Il n'avait pas envie de se retrouver une fois de plus dans une situation gênante. « Je suis aussi parti de chez moi, un peu moins loin que toi, juste chez ma grand mère-mais... je peux plus... Je sais plus trop qui est mon père je crois... Et j'ai jamais eu de mère. Je sais même pas trop ce que je fais devant cette maison. La femme là dedans c'est pas ma mère... C'est – c'est la tienne. » Les choses ne lui avaient étrangement jamais semblé aussi claire qu'à cette instant même. Il n'irait pas voir cette femme. Il ne voulait pas connaître sa mère biologique – pas encore – pas ce soir.

Une fois de plus son regard se posa sur la maison dont l'une des lumière venait subitement de s'allumer. Il détourna le regard de peur de la voir, ou d'être pris en flagrant délit et redirigea son attention vers Siam. « Quand j'étais jeune je rêvais d'avoir une petite sœur pour lui apprendre à faire des bonhommes de neige... Ça - ça te dirait ? » Il avait retrouvé la motivation qu'on lui connaissait. Se levant d'un bon, il tapa ses mains l'une dans l'autre et lui adressa le sourire d'un enfant excité. « Enfin... A part que – si tu voulais rentrer je veux pas te retenir. J'ai moi même un singe qui m'attend à la maison avec un chapeau de noël et une carotte pour faire le nez du bonhomme donc – donc te sens pas obligé. » Elle n'était pas obligée mais bon dieu ce qu'il en avait envie maintenant de son bonhomme de neige.

La situation familiale dans laquelle s'était embourbée Siam, en recherche de vérité, semblait inextricable. Pourtant, elle sentait une sorte de réconfort, alors même que Crash se tenait à côté d'elle. Ils ne se connaissaient pas - pas encore du moins - et ils avaient beaucoup de temps à rattraper, si tant est qu'il le veuille bien, mais en fin de compte, ils étaient tous deux en train de subir un passé qu'ils n'avaient pas choisis d'avoir. On ne décidait pas de ce qu'était la vie de nos parents avant notre naissance, ni même après. On apprenait à vivre avec. C'était sans doute cela qui avait donné à Siam l'impression qu'il fallait qu'elle revienne. La fuite n'était jamais la solution, surtout pas lorsqu'on laissait derrière des conversations finies bien trop tôt. Tout ce qu'elle aurait pu dire à sa mère, ou même  à son "nouveau" frère  - même si cette idée lui était encore étrange dans bien des manières -, tout ce qu'elle aurait pu faire pour que ça ne se passe pas de la façon dont ça s'était passé ... Finalement, elle n'avait pas fini de dire les choses qu'elle avait à dire à Town Square. Elle n'avait en quelques sortes pas le droit de partir comme une voleuse. Avait-ce été aussi terrible pour Crash ? A le voir assis ici, la Gray se dit que ça avait sans doute dû être pire ... Siam savait depuis des années ce qu'était - ce qu'avait été - sa mère, elle ne se faisait aucune illusion. Même si le choc avait bel et bien été là, l'hypothèse devenant vérité, cela avait dû être autre chose pour le brun. Plus brutal. Plus effrayant. Beaucoup moins attendu. Et pourtant il semblait lui avoir pardonné, certes une faute qu'elle n'avait pas elle-même commise, mais de s'être montrée aussi intrusive. Car même si elle avait toute raison de l'être, elle n'avait pas le droit de s'imposer dans la vie des autres, quand bien même elle le voudrait. Optimiste jusqu'au bout des ongles, il la fit rire. "Après ça, n'importe quel verre aurait triste mine. Je retiens l'expression, elle me plaît !"  Reprenant le silence dans lequel ils s'étaient plongé un peu avant, elle continua d'observer la maison. Après un soupir, elle se détourna.

Malgré la situation qui pouvait sembler très étrange, Siam se sentait bien. Même si techniquement, Crash n'avait rien dit, elle ne sentait pas particulièrement de rejet à son égard - et s'il y en avait eu, sans doute ne se serait-il pas assis sur ce banc, se contentant de tourner les talons - et rien que cela la soulageait. "Ca c'est de la gentillesse ! " La neige continuait de tomber sur eux, mais ce n'était pas dérangeant. Siam avait toujours aimé la neige. C'était un plaisir qui ne durait jamais longtemps, mais qui faisait briller les yeux de la majorité des habitants. C'était étrange de voir à quel point de minuscules flocons pouvait donner envie aux gens de retrouver leur enfance. C'était beau, en quelque sorte. Siam sourit à la vue de Crash avalant les flocons. "J'ai arrêté de faire ça depuis qu'au lieu de le recevoir sur la langue, je l'ai reçu dans l'oeil, l'an dernier. Ca m'a sonné pendant deux minutes ! " Il fallait dire que son karma se moquait très souvent d'elle. Très souvent.

Balayant du regard ses valises, Siam eut la délicate impression que venait le moment de parler de ce qu'il s'était passé. De ce qu'ils étaient, en fin de compte. Contrairement à la première fois, ça ne lui faisait pas vraiment peur. Ils savaient. Tous les deux, ils connaissaient maintenant la vérité, avaient eu le temps de la digérer, de décider de ce qu'ils voulaient en faire. C'était le temps dont ils avaient eu besoin pour comprendre, sans doute. Malgré cela, Siam eut un pincement au coeur. Elle ne connaissait pas la relation qui unissait Crash et son père. Sa mère et elle avaient eu des divergences d'opinion bien avant cela. Cette histoire l'avait remuée, avait creusé un fossé encore plus grand entre elles, certes, mais elle n'avait pas détruit tout ce qu'elle pensait de sa mère. Parce qu'elle savait certaines choses déjà que Crash ignorait sans doute avant qu'elle n'en parle. "Désolée." Elle avait parlé d'une toute petite voix, honteuse. Mais elle ne pouvait rien y faire, maintenant, et même si elle avait pu ... Sans doute l'aurait-elle refait. Connaître la vérité et décider quoi en faire était sans doute préférable que vivre dans le mensonge, c'était ce qu'elle se disait pour se réconforter, pour essayer de se convaincre qu'elle n'avait pas agi par simple égoïsme. " Je comprends. Pour ma part, je ne sais plus vraiment quoi lui dire. Je ne sais pas qui est ton père, ni comment il est, mais j'ai toujours cru connaître ma mère, ses qualités et ses bonnes actions, oui, mais surtout ses défauts et les secrets qu'elle pensait cachés. Et pourtant, je n'aurais jamais pensé qu'elle puisse me dissimuler quelque chose de ce genre. Je commence à me faire à l'idée que je ne la connaîtrais jamais vraiment." Et quelque part elle se sentait responsable. De façon idiote car elle n'y était pour rien, mais sa mère avait fait le choix d'adopter un enfant. Le choix. Siam ne lui était pas tombée dessus sans qu'elle s'y attende, elle avait fait des démarches et puis elle l'avait adoptée. Pourquoi, alors qu'elle avait un enfant quelque part qui n'attendait qu'elle ? Pourquoi simplement ne pas être revenue? Des questions qu'elle n'avait jamais posé à sa mère, mais une discussion qu'elle aurait sans doute d'ici peu. Elle voulait comprendre pourquoi c'était Ino qui avait été délaissé, et pas elle.

La lumière qui s'alluma dans ce qui avait été sa maison la fit redresser la tête brusquement. Elle n'avait pas envie de rentrer, pas maintenant. Elle cherchait depuis des heures un moyen de se motiver, et maintenant qu'elle aurait pu croiser sa mère, elle n'en avait pas envie. La confrontation pouvait attendre. Bien heureusement, la lumière semblait être celle de la salle de bains, ce qui voulait dire qu'à moins d'une crise d'exhibitionnisme aigue, sa mère ne regarderait pas dehors. Si seulement il s'agissait de sa mère à l'intérieur, ce dont Siam ne pouvait être sûre. "Tu rigoles ? J'ai jamais su faire un bonhomme de neige potable, je ne raterais l'occasion pour rien au monde !" Souriant franchement, Siam se leva, allant se positionner devant Crash. Mais alors qu'elle attrapait un gros bloc de neige - sans savoir s'il lui serait utile ou pas, mais aimant la brûlure que lui prodiguait le froid, malgré son manteau - elle s'arrêta, pour regarder Ino. "Attends ... Tu viens de dire que tu avais un singe ?!" Quand elle pensait qu'elle trouvait les propriétaires de furet un peu excentriques ...

Il l'avait fait rire – Enfin Mamie Rita l'avait fait, avec ses expressions à la mord-moi-le-noeud. Mais c'était déjà un début, Crash avait toujours fait parti de ses gens pleins de vie. Il n'avait jamais connu les vrais prises de tête, n'avait jamais réellement détesté quelqu'un. Il avait passé les étapes de sa vie avec une certaine insouciance et le sourire d'un enfant qui n'avait pas encore vraiment compris le monde. Il marchait d'une façon différente, parce que pour lui être heureux n'était pas une chose compliqué. Il ne demandait pas grand choses. Et c’était comme ça, malgré tout Crash était heureux, parce que même avec ce genre de révélations difficiles, il pouvait voir le bon... Maintenant il savait. Les questions ne trotteraient plus au fond de sa tête, le processus était enclenché et il savait maintenant à qui s'adresser si il avait besoin de réponses. Oui, Crash tentait toujours de ce concentrer sur le meilleur c'était sans doute son petit plus et il avait envie de partager ça avec ça demi-soeur, tout comme il proposait de le faire pour son banc.

. "J'ai arrêté de faire ça depuis qu'au lieu de le recevoir sur la langue, je l'ai reçu dans l'oeil, l'an dernier. Ca m'a sonné pendant deux minutes ! " Remettant sa tête en place il observa Siam d'un air étrange avant de commencer à rire. « T'as tord d'arrêter pour ça, j'ai une technique imparable pour éviter de s'en mettre dans les yeux. » Mettant à nouveau la tête en arrière, il ferma bien fort les yeux puis commença à rire. Les flocons tombaient plus souvent sur le reste de son visage que dans sa bouche mais Crash s'en moquait bien. C'est avec ce genre de petit acte qu'il retrouvait son enfance. Qu'il y restait encore un peu – puisque c'était plus simple comme ça.

Mais la conversation qu'il redoutait avec fini par arriver, et au fond il se rendait compte que c'était bien moins compliqué que prévu d'en parler à Siam. Parce que sans qu'il comprenne pourquoi il avait l'impression d'avoir trouvé une personne pour l'entendre et surtout le comprendre. "Désolée." En lui offrant un léger sourire Crash alla poser sa main sur l'avant bras de Siam. Un geste qu'il avait vu sa grand mère faire, ni trop intrusif ni trop éloigne. Un moyen de crée le contact entre eux. « T'as pas à l'être Siam... T'as rien fait. » Il n'avait pas l'impression qu'il y avait de quoi être désolé. Pas pour lui. Il n'avait certes pas eu de mère mais Crash l'avait toujours bien vécu, il avait été heureux avec cette famille un peu distordu. Étrange – comme lui. Peut-être que cette révélation avait changé beaucoup entre lui et son père mais il restait persuadé que les choses allaient s'arranger. Ça ne pouvait pas se passer autrement  " Je comprends. Pour ma part, je ne sais plus vraiment quoi lui dire. Je ne sais pas qui est ton père, ni comment il est, mais j'ai toujours cru connaître ma mère, ses qualités et ses bonnes actions, oui, mais surtout ses défauts et les secrets qu'elle pensait cachés. Et pourtant, je n'aurais jamais pensé qu'elle puisse me dissimuler quelque chose de ce genre. Je commence à me faire à l'idée que je ne la connaîtrais jamais vraiment." « J'imagine qu'on vit un truc un peu similaire. » Crash se reconnaissait dans les paroles de Siam, dans ce qu'il pensait de son père. Mais au fond quel droit avait-il de lui en vouloir ? L'adolescent n'avait jamais voulu savoir. Il avait mis un point d'honneur à éviter la conversation, sans doute de peur d'apprendre ce genre de vérité dérangeante.

Il fallait qu'il change de sujet. S'en était assez pour le moment. Assez pour lui, pour qu'il se sente bien et au moins sur de ce qu'il ne voulait pas faire ce soir. Il ne voulait pas rentrer dans cette maison. Non – il voulait faire un bonhomme de neige. "Tu rigoles ? J'ai jamais su faire un bonhomme de neige potable, je ne raterais l'occasion pour rien au monde !" C'était décidé. Les deux debout dans la nuit, ils allaient faire un bonhomme de neige et mieux que ça – Crash allait pouvoir superviser les opérations. Il ne savait pas pourquoi ça lui tenait tellement à cœur d'y arriver mais c'était le cas. Ce bonhomme de neige serrait le plus beau jamais fait. Il 'sen faisait la promesse.
Mais à peine le premier tas de neige en main il se fit arrêter nette par la jeune femme. "Attends ... Tu viens de dire que tu avais un singe ?!" « Hum... Hum... » Crash tortillait maintenant maladroitement des fesses, ne sachant trop ce qu'il devait répondre à ça. Le sujet était sensible avec beaucoup de personne, et raconter la vrai histoire pouvait lui créer des ennuis. Et pourtant il avait envie de le dire à Siam, parce que passer pour un excentrique et capricieux éleveur de singe ne lui plaisait pas vraiment. « C'est un peu... Compliqué comme histoire mais oui ! » Il laissa quelques secondes de silence durant lesquelles le regard de Siam changea pour devenir plus curieux.

« Bon je t'explique mais tu me promets de le garder pour toi ? » Elle avait hoché la tête et pour Crash c'était amplement suffisant. « En faite je l'ai – hem – volé ! » Non, non, non ce n’était pas le bon mot, pas la façon d’amener ça et le regard que lui lançait maintenant sa demi soeur en disait long sur ce qu'elle devait s'imaginer. « Non ! Je l'ai pas volé – volé. En faite il était dans une famille avec des gens – des gens vraiment pas sympas et personne voulait rien faire pour lui. Alors avec mon père on c'est dit qu'on devait agir et donc... Je me suis introduit dans la maison – enfin dans le jardin – et je l'ai ramené à la maison. » C'était un peu brouillon mais ça résumait plutôt bien la situation. « En attendant qu'on trouve une solution pour lui, qui n'implique pas que je fasse un petit séjour en prison pour vole. Il est à la maison. » Crash n'était pas persuadé que l'explication était convaincante mais il avait pris le partie de dire la vérité. « Il s'appelle Gusgus et il est un peu fou, il fait pleins de bêtises mais je crois qu'il est pas malheureux avec nous – du moins pour du provisoire c'est pas si mal. » Maintenant que Crash bossait au zoo il espérait pouvoir trouver une solution plus efficace, mais pour le moment la situation était encore bien trop compliqué.

Son explication donné, Crash avait reporté son attention sur le bloc de neige au pied de Siam. « Bon on le fait se bonhomme de neige ou on parle singe toute la soirée ? »

Siam avait eu le temps de réfléchir, de se demander si elle ne ferait pas mieux d'oublier le fait qu'elle avait quelqu'un d'autre, un frère, quelque part, qui était également de sa famille, du moins de sa famille adoptive, oublier qu'elle faisait partie de quelque chose. Elle s'était souvent demandé s'il n'aurait pas mieux valu qu'elle ferme les yeux, comme sa mère le faisait depuis des années, sur ce qu'était la réalité pour se concentrer sur ce qu'elle voulait qu'elle soit. Mais voilà le hic dans l'histoire. Elle voulait par-dessus tout avoir une famille. Une vraie famille, une de ces familles soudées qui ne recule devant rien pour s'aider, se soutenir, ne serait-ce que pour passer des bons moments, des moments complices. Sa mère était quelqu'un de bien, elle le savait, mais elle n'avait pas ses notions là. Pas assez. Malgré tout l'amour qu'elle pouvait donner, la famille n'était pas son point fort. Apparemment, ne l'avait jamais été. Mais alors que Siam était là, sous la neige, aux côtés de Crash, elle se dit que finalement, la seule chose qu'il fallait faire dans ces cas-là était d'attendre. Attendre que tous les partis avalent l'information sans qu'elle ne passe au travers de la gorge, attende qu'ils prennent leurs décisions... Prier pour qu'elles aillent dans le sens voulu, et finalement, si ce n'est pas le cas se dire qu'on aura quand même essayé de faire le maximum. Et cette méthode, bien que non voulu au départ semblait marcher, ce que la brune ne pouvait qu'applaudir. Elle avait passé des temps assez durs,  à se remettre en question, elle et puis le reste de sa famille également. Mais finalement, elle avait eu raison de garder espoir et de revenir.

Fronçant les sourcils puis haussant les épaules, Siam fit comme Crash, fermant les yeux, pour se retrouver complètement dans le noir. Une fois cela fait, elle ouvrir la bouche vers le ciel, pour sentir s'y déposer sur sa langue, et un peu partout ailleurs, les flocons de neige. Elle n'avait pas fait cela depuis des lustres, et l'image d'elle, courant dans la neige, plus jeune, et riant aux éclats lui revint. C'était une bonne époque, l'enfance. Même si parfois elle y retournait d'elle-même, les choses changeaient, elle le savait. Rien n'était comme avant, même l'insouciance était différente. " Effectivement, ça fonctionne mieux !"

La conversation plutôt légère du début, avait finit par laisser place au sujet qui les liait, du moins depuis que Siam en avait fait la découverte. S'ouvrir à Crash, quelque part, lui faisait du bien. Elle en avait bien parlé à William mais en fin de compte, pouvait-il réellement comprendre cela ? Il ne le vivait pas, comment pouvait-il savoir ce qu'il se passait réellement dans sa tête ? Tandis que Crash savait. Il pouvait comprendre, et sans doute le faisait-il. Alors Siam en devenait soulagée à force de parler. Lorsqu'elle eut tout dit, du moins tout ce qu'elle avait à dire, elle se tut, acquiesçant seulement lorsque son demi-frère - parce qu'il l'était, peu importe combien de temps ils avaient mis ou ils mettraient encore à l'accepter - déclara que finalement, ce qu'ils vivaient ne semblait pas si différent. Ils ne l'étaient pas, en fin de compte. Ni eux, ni leur famille, ni leurs sentiments. Siam savait qu'elle avait été perdue, décontenancée, angoissée, puis qu'elle s'était faite à l'idée. Et que maintenant, elle voulait seulement que tout le monde accepte l'existence des autres, que ce soit Crash la sienne, oui, mais aussi sa mère celle du père de Crash. Quoi qu'elle ait fait, qu'elle assume le fait qu'elle avait laissé un garçon sans sa mère. Si Siam pouvait le lui pardonner, elle ne pouvait s'arrêter de se demander si des raisons similaires avaient poussé ses parents à l'abandonner, à déclarer qu'ils n'avaient pas besoin d'elle. Peut-être qu'un jour elle en trouverait les réponses.

Lorsque Crash changea de sujet, elle fut donc plus ou moins soulagée. On était le soir de Noël, les discussions sérieuses pouvaient bien venir après les fêtes, ou, qui savait, ne pas venir du tout. Après tout, s'ils s'acceptaient, le problème était réglé, du moins entre eux. Elle ne mit pas longtemps à se lever pour prendre autant de neige que possible dans ses bras. Les bonhommes de neige n'avaient jamais été sa spécialité, elle finissait toujours par en faire un difforme, avec une tête plus approchant du plat que du rond. Ridicule. Cependant, elle s'arrêta tout net lorsqu'elle entendit la phrase du brun. Un singe ... Il avait un singe ! Mais au fur et à mesure des explications, l'expression de Siam changeait. De curieuse, elle passa à abasourdie, puis ensuite à compréhensive. " On se croirait dans un film ! Mais s'il est heureux maintenant, t'as bien fait. Même si techniquement je suis pas certaine que tout le monde soit d'accord au point de vue juridique ! "

Malgré le fait que c'était clairement hors la loi, Siam admirait quelque peu son demi frère d'avoir sauvé son singe. Parce que peu l'aurait réellement fait en connaissant les risques, et c'était quelque chose comme admirable ... A sa façon. Reprenant son tas de neige - qui devait sans doute commencer à fatiguer d'être trimballé comme cela - elle sourit de toutes ses dents. " Je suis prête chef, on commence par quoi ?! "