« Julia Roberts en couverture du Cosmo. Ils l'ont bien photoshopée parce que putain, ils l'auraient vu aux Oscars la semaine dernière, c'est vraiment plus ce que c'était hein ». Je parle à voix haute, plus à moi-même qu'à ma soeur à vrai dire. Je ne sais même pas si Beth m'a entendu en fait. Je rentre tout juste dans l'appartement après avoir été chercher le courrier. Aujourd'hui, j'ai eu le plaisir d'y retrouver le Cosmopolitan de mars. A chaque début de mois, c'est notre petit plaisir de trouver le célèbre magazine dans notre boîte aux lettres. Et comme on veut toutes les deux le lire en première, on a décidé qu'on le lirait toujours ensemble, ça évite les problèmes et les chamailleries.

« BEEEEEEEETH ! COSMO TIME ! ». Je prends une pomme en passant par la cuisine avant d'aller me fourrer dans le canapé. Eustache, le dalmatien de Beth, s'approche de moi, prêt à me lécher les orteils mais je lui lance un regard qui l'en dissuade bien vite. Je ne n'ai rien contre ce chien mais je n'aime pas qu'on me lèche les orteils. C'est désagréable et en prime, pas très hygiénique. Le chien décide finalement de se coucher au pied du canapé. Je me demande bien ce que fait sa maîtresse, elle rapplique en trois secondes top chrono dès qu'on prononce le mot "Cosmo" en temps normal. Tant pis pour elle, je croque dans ma pomme et commence à sortir le magazine de son emballage. Et - oh surprise - je découvre que l'édition du mois de mars est livré avec un cadeau. Une version réduite et bon marché d'un tarot divinatoire. Je ne crois pas à ces trucs-là - comment des cartes pourraient-elles prédire notre avenir ? Il faut être idiot pour y croire vraiment - mais je meure d'envie d'essayer quand même. Je n'ai jamais cru au destin. Il n'y a pas de destin, seulement des gens qui se donnent la peine ou non d'atteindre leurs rêves. Ceux qui les attendent bien sagement sont toujours déçus. Je croque une nouvelle fois dans ma pomme avant de découvrir les cartes du tarot "magique". Si certaines cartes de tarot sont de vraies oeuvres d'art dessinées par de vrais illustrateurs, celles-ci sont on ne peut plus cheap. Le diable, l'impératrice, le pendu ... Les noms des cartes font presque froid dans le dos. Quelle imbécile, comme si c'est cartes pouvaient avoir la moindre importance. Ce ne sont que des bouts de papier cartonné après tout.

C'est le moment que choisit ma soeur pour débarquer dans le salon. Je lui montre le tarot en souriant et en prenant un air faussement aguicheur : « Je parie que tu meures d'envie de savoir ce que te réserve le destin en 2014 ! ». Je sens qu'on va bien s'amuser !

« BEEEEEEEETH ! COSMO TIME ! » « Et merde ! » Je viens de rater mon ongle. J’étais en train de me mettre du vernis aux ongles de mains. Enfin ça c’était avant d’entendre ma sœur gueuler … « Fait chier. Putain de merde. » Pas contre ma soeur, non, quoi qu’elle m’a surprise, mais j’ai foiré mon ongle, l’index. Pffff … J’avais réussi à me faire les ongles des pieds sans bavures, j’avais commencé la main droite, parfaitement, mais il a fallut que je me rétame sur la gauche. Fait chier !
Et puis comme maintenant je sais que le cosmopolitain du mois est arrivé, je ne vais pas arriver à finir ma main correctement. Voilà, le majeur, loupé … Je grogne. Parce que j’y arrive pas, et que je n’ai qu’une envie c’est de courir pour lire le cosmo. « Oh et puis merde ! » Je repose le pinceau dans le pot de vernis. Il me manquera les deux derniers doigts, mais c’est pour la bonne cause : Le Cosmopolitain passe avant tout ! Et puis ça m’évitera de poursuivre la série d’injures que j’étais en train de sortir. C’est tout moi ça, quand je suis énervée, je sors des injures. Ça va qu’elle n’était destinées à personne d’autre que moi là…

Je bondis, et cours, doigts de pieds en éventails pour éviter de mettre du vernis sur la moquette (donc je cours comme un manchot), et les mains en l’air… pour la même raison (mais pour les murs). Et je laisse mon centre de gravité : mes fesses, tomber allègrement dans le canapé, presque aussi délicatement qu’un hippopotame. « C’est bon je suis là » Les bras en l’air comme une cruche pour que mon vernis sèche, mais je suis là. « Je parie que tu meures d'envie de savoir ce que te réserve le destin en 2014 ! » Je me redresse, tout sourire.  « Et toi de savoir si tu trouveras ton prince charmant ! » Je lui lance un regard significateur.  J’aimerais bien qu’elle retombe amoureuse comme elle l’avait été en Angleterre. Et même si elle n’est pas du genre à croire ce que les cartes lui disent, moi je le suis ! J’ai toujours cru à plus de fantaisies qu’Anna. Bon, j’ai cru plus longtemps qu’elle au Père Noël, à la petite souris, au Lapin de Pâques et au marchand de sable … Ce dernier j’y crois encore aujourd’hui. Grâce à qui je rêverais sinon ?
Anna a toujours été la première à faire les choses. Je ne les fais pas longtemps après elle, mais c’est toujours elle qui y va en éclaireuse. D’ailleurs, elle est tombée amoureuse avant moi. Je ne l’ai jamais été, mais je l’ai vu souffrir à cause de ça, et je n’ai pas envie de subir cette même souffrance. Et comme elle est ma jumelle, je ressens tout ce qu’elle ressent, c’est ce qu’on appelle les dons de la gémellité. Je vais mal, elle va mal. Elle va mal je vais mal…

Mais je crois, que j’aimerais bien gouter à ce bonheur de tomber amoureuse. On a des papillons dans le ventre apparemment. Et quand on est amoureuse tout le reste va … J’aimerais vraiment connaître ça. « Tu crois que les cartes pourront me dire si je vais tomber amoureuse cette année ? » pire que volonté, c’était devenue une obsession de vouloir tomber amoureuse depuis le nouvelle an. Chaque année je me fixe une résolution. J’arrive a les tenir, mais en général ce sont des choses que je maitrise, genre : écrire un nouveau scénario génial, adopter un animal de plus, grossir, voyager, … Là ça ne dépend pas que de moi. Et c’est la première année que je suis aussi incertaine que ça sur une résolution.

Je regarde la couverture du magazine : tiens Julia Roberts … On l’a vu aux Oscars la semaine dernière avec Anna, on s’est même fait la bise. JULIA ROBERTS QUOI ! PRETTY WOMAN ! « La vache, elle est retouchée de partout ! Ils ont dosé sur Photoshop ! » Et oui, on est pas jumelles pour rien, on pense pareil !