«  Eustache ? » Je l’attends, bras croisés, devant la porte. Monsieur lève la tête. Il est sur le canapé. Il me regarde avec son air vaseux me disant « Quewoi ? »  A ça, il a pris ses marques depuis un an le toutou. Il dort : sur mon lit, sur celui de Sacha, sur le canapé. Dans son panier sous la table de la cuisine. Sur le tapis de l’entrée, celui de la porte donnant sur le balcon. Près de mes chaussures (quand ce n’est pas dessus). Sur le tapis de bain de la salle d’eau. « Eustache …  Promenade ! » J’agite la laisse rouge devant lui. Il bondit, et vient vers moi en faisant des bonds de gazelle. Tout content. Un chien quoi. J’accroche la laisse à son collier,  mon sac posé sur l’épaule je sors. Sacha n’est pas là. Elle a rencontré un homme il n’y a pas longtemps (deux jours), et elle ne m’a encore rien dit à propos de lui. Elle ne me dira rien avant le troisième rendez-vous. Question de superstition chez les Saint-Jones. Ne jamais parlez de ses rencards avant le troisième rendez-vous si on veut que ça devienne sérieux, au risque d’être touché par la malédiction de la relation passagère.
J’ai toujours été une pipelette incapable de garder ma langue dans ma bouche (tous les sens du terme … ahem.). Donc incapable d’avoir une relation sérieuse. Mais la superstition ne marche qu’entre elle et moi et le reste de la famille, mais comme on ne les voit plus... Car arriver à ne rien se dire jusqu’au troisième rendez-vous relève du miracle. Surtout pour moi.
Bref ma sœur a une vie sentimentale plus palpitante que la mienne. Pour compenser, j’ai décidé d’adopter un nouveau compagnon. A défaut de pouvoir fonder une famille, j’en adopte une ! Eustache a été ma première adoption. Mais là, j’envisage une adoption exotique.  Eustache ne se doute de rien.  J’espère qu’il ne voudra pas le manger.
Ça fait déjà plusieurs semaines que j’ai envie d’un nouvel animal. Mais quoi ?
Un chien ? J’ai déjà. Et puis Eustache est et restera le seul et  l’unique chien. Le seul à baver partout, étaler ses croquettes quand il mange. Gratter le parquet. Aboyer sur les pigeons. Le seul et l’unique !
Un chat ? Mouais … c’est ingrat et  plus indépendant que ça tu meurs. Puis la litière ça pu, faut la changer régulièrement. Non. Et puis un chat tu commences par en avoir un, puis deux, puis trois, puis dix, quinze et vingt et tu finis vieille fille ! NON !
Un rongeur ? J’ai plein de feuilles, carnets et autre chez moi, c’est un coup un n’avoir plus qu’un moitié de scénario. Puis ça vie la nuit. Moi je vis le jour. Non.
Un poisson rouge ? Allô Maurice ici maman ! – Maman ? Bloup bloup. Tiens un nouveau caillou… Ou comment passer une soirée à se taper la tête dans les coussins.
Un serpent ? Mouais, ce n’est pas très expressif. Autant prendre le rongeur. Je le préfère en tatouage le serpent ou sur la tête de Méduse.
Un lapin ? Eustache aime bien le lapin … mauvaise idée.

Trop ingrat. Trop nocturne. Trop con. Trop moche.

Sauf ! Sauf les oiseaux. Et c’est sur eux que j’ai craqué. Les perruches surtout ! Mignon comme tout.  Avec qui il était possible de créer un relationnel. Enfin j’espère.
Cinq cent mètres plus loin, quelques poteaux inondés et un pigeon effrayé par Eustache, la boutique est là. Une boutique exotique. Je suis déjà entrée dedans plusieurs fois pour faire du repérage. Et j’avais eu un coup de cœur pour un de ses pensionnaires. Eustache allait avoir un petit frère !
«  Bonjour ! » dis-je un grand sourire d’excitation accroché à mon visage. Je sais où je vais. Eustache moins … Il est un peu paumé et renifle partout. Mais il est calme. Ouf. Je me dirige vers les perruches Catherine.  Il est là, dans sa cage,  sautillant. Comme s’il savait que j’allais l’adopter. « Hey … bonjour toi. » Je pose mon doigt sur la cage. Est-ce qu’il va venir vers moi ? Je suis un peu nerveuse. Nerveuse mais surtout très excitée, c’est assez complexe comme sensation. C’est différent de pour Eustache. Là c’est un tout petit être. Et puis cette perruche elle a un truc. LE truc ! Une aile atrophiée. Comme Némo. Je crois que c’est ça qui m’a fait craquer. Elle est tellement mignonne. Mais pas aussi mignonne que la tornade qui me tombe dessus. « Euh … vous êtes ? »  

« Toute façon je cours plus vite que toi » « Ouais c'est ça tu peux toujours rêver Tim ! » Tim c'était la mascotte de l'animalerie Ivorra, passionné par les animaux exotiques ce gamin y passait presque tout les jours pour prendre des nouvelles des animaux. Mais au delà de sa passion des animaux Tim était  ce qu'on pouvait facilement décrire comme un « petit merdeux » toujours à défier Crash, ils ne comptaient maintenant plus le nombre de choses qu'ils avaient détruit à eux deux – sous le regard mécontent du père Ivorra.

Mais papa n'était pas là pour le moment.

Tirant sur sa paille pour faire remonter la fin de son cacao jusque dans son gosier Crash n'entendit pas la sonnette de la porte d’entrée retentir, lui indiquant qu'un client venait d'arriver. « Tu veux parier ? » règle numéro 1 : Ne jamais parier avec Crash. « Ho que oui ! » Que l’animalerie ne soit pas l'endroit rêvée pour une course  n’avait pas traversé l'esprit Crash. Tout ce qui lui semblait important pour le moment c'était de tenir son titre de champion du sprint. « Viens à la même hauteur que moi. » Tim faisait bien deux têtes de moins que Crash. Il avait donc peu de chance de gagner mais c'était un gamin plutôt hargneux. Il se faufila à côté de Crash, attendant le signe de ce dernier. « Le premier à la porte d'entrée. Trois, deux – HEY ! » Tim avait détallé au deux, comme un lapin. « Tricheur » Lui courant après il arriva à sa hauteur puis déposa sa main sur le crâne du jeune garçon pour le pousser vers l'arrière et se donner – par la même occasion – un peu d'élan. S'il veut la jouer comme ça, on peut le faire

Prenant le dernière virage un peu serré, il se retrouva directement face à la jeune femme. Pour se freiner et éviter la collision, il tenta de se retenir à la table faisant par la même occasion valser tout ce qui se trouvait dessus. « Merde, merde merde ! » Crash était déjà au sol, tentant de rattraper sa bêtise, sous le regard de la jeune femme. Il se releva le tout en main pour déposer son tas en fracas sur la table. « Je peux vous aider ? » « Euh … vous êtes ? » Ha oui se présenter, c'est vrai! Pas le temps de répondre que Tim arrivait comme une furie dans son dos en hurlant « TRICHEUR, SALE TRICHEUR » stoppant la pile sur patte, il lui fit faire un petit demi-tour en le poussant pour qu'il dégage le planché vite fait.

« Oui bon – donc... » Il adressa un sourire mal à l'aise à sa cliente tout en se faisant craquer les doigts dans le dos. Mon père va encore me tuer « Bienvenue à l'animalerie Ivorra, je suis Ino employé ici. Donc je suis là si vous avez besoin d'aide ou d'informations. » Crash avait beau tenter d'user de sa voix la plus professionnelle, il ne faisait pas illusion. Les cheveux en batailles et le pull de travers il était – comme à son habitude – tout sauf professionnel.

Son regard accrocha celui de la jeune femme, puis se déplaça un peu pour se porter sur l'animal qu'elle était entrain d’épier. Zip la perruche. S'il y a avait bien un animal que Crash aimait dans cette animalerie c'était cette perruche. En plus d'être jolie c'était une perruche affectueuse et intelligente. Plus que ça, personne n'avait jamais voulu d'elle à cause d'un petit défaut ce qui avait renforcé l'amour que Crash pouvait lui porter.
Elle avait beau appartenir à l'animalerie, il la considérait comme la sienne et n'avait simplement jamais pensé que quelqu'un pourrait vouloir l'acheter. Crash s'approcha alors de la jeune femme posant une main qui se voulait professionnelle dans son dos pour l’éloigner un peu du volatile. « Je vais vous montrer des animaux cool. Cette perruche elle est pas cool – Non pas du tout. Agressive, méchante et tout et tout. En plus elle a des gaz » N'importe quoi Il ne voulait pas tabler sur son handicap puisque c'était justement ce qui l'avait lui même attendri.

« Tu dis n'importe quoi Crash ! » La petite tête blonde de Ted venait de réapparaître derrière l'une des tables. « Zip c'est la plus gentille de toute tes perruches. MENTEUR ! » Menteur, tricheur c'est pas mon jour  il venait de se faire  griller par son supposé ami et lui adressa un regard noir avant de se retourner vers la jeune femme et de commencer à rougir. « Bon d'accord peut-être qu'elle a pas vraiment de gaz. »

Le type,  de race humaine me semble néanmoins apparenté à un singe en pleine agitation. Comme s’il avait des vers dans le cul.  Il est fun. Certainement perturbé, mais marrant. « Donc … vous êtes un tricheur… C’est bon à savoir. » Je souris, avant de reposer mon regard sur la petite perruche cobalt. « Oui, j’aimerais bien … » « Je vais vous montrer des animaux cool. Cette perruche elle est pas cool – Non pas du tout. Agressive, méchante et tout et tout. En plus elle a des gaz » Euh … c’est quoi son problème ? Il m’éloigne pour que je regarde d’autres animaux ? Je commence à voir d’autres animaux : rongeurs, serpents… Nan mais je vais pas prendre un serpent ! J’ai une tête à adopter un serpent ? J’ai beau être anglaise et porté sur moi l’excentricité des anglais, je suis un tantinet classique. Enfin une excentrique classique. Uniquement des petites doses d’excentricité. Le serpent c’était pour les excentriques supérieurs. Moi je veux un oiseau ! Je m’arrête.  « Agressive ? Méchante ? Vraiment … ça fait plusieurs fois que je viens et elle m’a parut plutôt docile et douce. Et puis les gaz … ça c’est embêtant. Mais j’ai déjà mon chien qui en a quand il mange des champignons. Et vu la bête… » Je montre du regard le phénomène : Eustache, Quatre ans, vingt-sept kilos … imaginez la puissance de ses gaz… « ça sent pas la tarte au pomme. Alors un gaz de perruche … j’achèterai plus de bougies senteurs ! ça fait longtemps qu’elle est ici ? »

Je fais demi-tour. Que la perruche ait des gaz, franchement, je trouvais ça plutôt drôle. J’ai déjà Eustache qui me lâche des putains de caisses en faisant celui qui n’a rien fait après … Et puis pauvre perruche, c’est pas parce qu’elle a des gaz qu’elle doit être rejeté. Ce n’est pas très pro de la part de ce vendeur de m’empêcher de l’adopter. « Si je voulais d’un animal sans gaz, autant prendre un poisson … d’ailleurs vous avez des spécimens comme le bleu de l’aquarium de Némo ? Mais si, le balafré ? Pour la prochaine fois éventuellement… » Je n’allais pas finir vieille fille avec vingt-cinq chats, mais vieille-fille avec un zoo dans mon appartement. Mais j’en ferai des visites et je deviendrai riche ! Héhé …

Ce gamin blond,  contredisant le vendeur. J’en déduis de une qu’il n’a plus aucune crédibilité à mes yeux. De deux, qu’en plus d’être un tricheur, c’est un menteur. Et de trois qu’il ne voulait pas que j’achète cette perruche. Je regarde le gosse, et lui fait un clin d’œil pour le remercier. « Il ferait surement plus de chiffre d’affaire que vous ce gamin. » « Bon d'accord peut-être qu'elle a pas vraiment de gaz. » Ben voilà ! « J’achèterai quand même des bougies parfumées en plus. » Pour Eustache …

Je retourne devant la cage de la perruche. « J’aimerais l’adopter. » La petite boule de plume sautille et piaf, comme si elle avait compris. Ou alors parce qu’elle a peur d’Eustache. Ah ouais … c’est vrai, faut que ça colle avec lui. Je grimace en regardant mon chien.  « Mais avant il faut que je sache si Eustache l’adopte lui aussi. Si mon chien ne s’entend pas avec la perruche, je vais devoir en choisir un autre. » Même si ça me faisait profondément chier, parce que c’était cette perruche que je voulais, et pas une autre. Quand tu mettais au monde un enfant tu pouvais pas dire : ‘ah non il a une sale gueule ça collera pas, je l’échange !’ Ben là j’avais eu comme une évidence. Un instinct maternel ? Possible. J’espère être différence avec mon enfant qu’avec mes animaux. Pas sur que mon enfant apprécie les croquettes et les sorties au parc pour faire popo …« On peut sortir la perruche et la mettre face à mon chien ? Il ne la bouffera pas. Promis. » Je fixe Eustache. Mon destin et celui de la perruche sont entre ses pattes (ou sa gueule) … « Assis Eustache. »  Je m’accroupis à côté de lui, et lui caresse le haut de la tête. Pour qu’il comprenne que c’est bien, et aussi  le tenir au collier au cas où il aurait un geste agressif.

« Elle a déjà un prénom la perruche en fait ? »
 

Bon cette conversation avait très mal commencé, c'était la cas de le dire. Passer pour un tricheur  n'était pas des plus agréable surtout quand il s’avérait que par la suite on allait un peu enjoliver la vérité pour sauver un pauvre animal. Non cette petite blonde n'allait pas lui piquer son Zip, il s'en faisait la promesse, on ne pouvait clairement pas faire confiance à  une fille aussi blonde. Non ça n'était pas humain d'être aussi blonde, c'était une très bon excuse pour ne pas lui vendre cette perruche, oui très très bonne raison.  « Agressive ? Méchante ? Vraiment … ça fait plusieurs fois que je viens et elle m’a parut plutôt docile et douce. Et puis les gaz … ça c’est embêtant. Mais j’ai déjà mon chien qui en a quand il mange des champignons. Et vu la bête… » Crash jeta un œil au molosse. Un dalmatien c'était plutôt cool comme chien il en aurait sans doute choisi un similaire si son père ce c'était pas formellement opposé à cette idée prétextant qu'il n'était pas assez mature pour s'en occuper, comme s'il avait trois ans... Bon il devait bien avouer ne pas être le plus mature des gamins de son âge mais tout de même... « ça sent pas la tarte au pomme. Alors un gaz de perruche … j’achèterai plus de bougies senteurs ! ça fait longtemps qu’elle est ici ? » Se grattant machinalement le dos de la nuque Crash ne savait plus si il devait continuer sur sa lancer ou simplement avouer la vérité. « Elle est née ici, cette perruche fait partie des meubles. » Et de la famille alors pas touche.

 « Si je voulais d’un animal sans gaz, autant prendre un poisson … d’ailleurs vous avez des spécimens comme le bleu de l’aquarium de Némo ? Mais si, le balafré ? Pour la prochaine fois éventuellement… » Tient la jeune blonde lui tendait une perche parfaite pour la mener vers un autre coin de l'animalerie. « Oui on en pleins par là-bah. Venez !» Tentant de lui indiquer le plus innocemment possible le chemin, durant quelque secondes Crash cru qu'il s'en était sorti, mais c'était sans compter sur le petit Tim qui avait décidé de ramener sa fraise en le traitant de menteur. Crotte  «Il ferait surement plus de chiffre d’affaire que vous ce gamin. » Pas bien dur en même temps. Crash était sans nul doute le plus mauvais vendeur de l'histoire de ce magasin et même de tout les magasins de la ville en y pensant et cette discussion en était une preuve de plus.

Loupé pour les poissons, la jolie blonde était à nouveau près de la perruche.  « J’aimerais l’adopter. » Il la rejoignit cherchant quelle bonne excuse il pouvait bien inventer pour l'en dissuader sans que Tim ne s'en mêle, mais rien ne lui venait. L'idée de lui dire qu'il ne lui vendait pas à cause de sa blondeur avait semblé censé dans sa tête mais de la à le dire à haute voix. « Oui enfin c'est à dire que... » Heureusement pour lui il ne put finir sa phrase interrompu par la blonde.  « Mais avant il faut que je sache si Eustache l’adopte lui aussi. Si mon chien ne s’entend pas avec la perruche, je vais devoir en choisir un autre. » Parfait il y avait de grandes chances pour que le chien ne l'aime pas. Crash aimait beaucoup cette idée et en profita même pour en rajouter un couche. « Oui c'est bien vrai ça, et peut-être qu'elle n'aimera pas votre chien, ou qu'elle y sera allergique, on sait jamais. Des perruches allergiques ça doit bien exister non ? C'est pas une perruche comme les autres vous voyez elle est fragile... Enfin pas vraiment fragile mais un peu spéciale. Elle a le nez sensible... Enfin... Peut-être » Bon ta gueule Crash « On peut sortir la perruche et la mettre face à mon chien ? Il ne la bouffera pas. Promis. » Hésitant un instant Crash fixa le chien imaginant la pauvre perruche se faire engloutir en une bouché, il en avait presque le souffle coupé. Mais sa maîtresse c'était déjà assise à coté de lui pour signifier qu'elle s'occupait de cette possibilité.

Ne voyant aucune raison de refuser c'est à contre cœur qu'il ouvrit la cage pour que Zip vienne se poser sur son bras et qu'il sorte l'animal. « Elle a déjà un prénom la perruche en fait ? » Lui offrant son premier vrai sourire sincère il approcha la perruche des deux visiteurs en lui répondant. « C'est Zip. » Il ne se souvenait même plus d’où venait ce nom c'était sans doute son père qui lui l'avait donné, il avait une réserve de nom sans fin pour ses animaux comme si chacun d'eux étaient un peu son enfant.
Le chien semblait plutôt bien réagir au grand dame de Crash qui avait espéré autre chose. Hochant la tête de gauche à droite, les deux animaux se dévisageaient silencieusement. « C'est pas tout que votre chien l'aime bien. Je vais pas donner Zip à n'importe qui. » Bon dieu il était encore entrain de s'emporter il fallait qu'il se calme. « Non enfin... Je suis désolé je suis pas vraiment le vendeur de l'année je sais bien, c'est juste que Zip est un peu de la famille et je vous connais pas. Vous pourriez bien être une tueuse en série de perruche. Ou une psychopathe qui va la torture... Enfin votre chien semble pas traumatisé mais... On sait jamais vous l'avez peut-être loué pour la journée. » Attends c'est totalement idiot ce que tu dis. « Ou peut-être pas... Sans doute pas. Mais qui me dit que vous en prendrez bien soin ? Zip est une perruche avec des besoins, elle a besoin de beaucoup beaucoup d'amour. » Bon ça c'était dit. Il venait d’enfreindre au moins 4 règles du bon vendeur que son père lui avait patiemment apprise mais au moins il avait été sincère et se sentait d'un coup beaucoup mieux.

« C'est Zip. » Zip … c’est mignon. C’est court, et ça sonne presque comme un cri d’oiseau. A partir de ce moment, je crois que je suis tombée amoureuse de ce petit oiseau tout bleu. Cette petite boule de plumes toute chétive, qu’on a envie de protéger au creux de ses mains. « C’est mignon comme prénom. C’est vous qui l’avez choisi ? » S’il est né ici c’est que cet homme a dû le voir naitre. Ça devait être touchant le jour où il est né, le voir casser la coquille avec son tout petit mec tout mignon … ahem, je commence à devenir gaga de cette perruche avant même de l’avoir acheté.  Il faut que je me remettre mes idées en place !

Mais il est si mignon …

« C'est pas tout que votre chien l'aime bien. Je vais pas donner Zip à n'importe qui. » ça y est, mes idées sont remises en place, plutôt brutalement.  « Je ne suis pas n’importe qui …  Je m’appelle Beth Saint-Jones, je suis scénariste, j’ai été récompensée aux oscars, vous avez dû entendre parler de moi, Town Square est une toute petite ville.» Je le dis en plaisantant, parce que c’est par mon genre de ramené ma petite célébrité d’habitude, mais bon, là j’avais été un peu piqué a vif dans mon intégrité. C’est vrai quoi, j’ai pas la gueule d’un taliban ! « Non enfin... Je suis désolé je suis pas vraiment le vendeur de l'année je sais bien, c'est juste que Zip est un peu de la famille et je vous connais pas. Vous pourriez bien être une tueuse en série de perruche. Ou une psychopathe qui va la torture... Enfin votre chien semble pas traumatisé mais... On sait jamais vous l'avez peut-être loué pour la journée. » Et ça continue … Je suis amusée, mais ça va commencer à devenir nerveux. « Vous voulez que je vous invite à diner chez moi pour vous prouvez que je suis pas une tueuse ? » Là j’avoue que ça me fait plus rire qu’autres choses. Aujourd’hui on peut sortir de chez soit et risquer de se faire violer, mais lui ce qui l’inquiète le plus c’est que sa perruche soit mal traitée. D’accord c’est légitime, mais un peu farfelu, avouez … et puis aller jusqu’à imaginer que j’ai loué Eustache pour acheter la perruche. Je me redresse, ouvre mon sac et me mets à fouiller dedans.  J’en ressors un carnet, et le lui tends. « Voilà les papiers de mon chien, juste là vous verrez que je suis bien sa propriétaire, depuis un an. Vous voulez voir mon passeport aussi ? Parce que je suis anglaise, ça va peut-être poser problème … mais j’ai tous mes vaccins à jour, et je n’ai pas de carries ! » C’est quoi le rapport avec les carries ? Je l’ai dis sans vraiment savoir, mais ça allait bien avec le reste de la phrase je trouve. « Ou peut-être pas... Sans doute pas. Mais qui me dit que vous en prendrez bien soin ? Zip est une perruche avec des besoins, elle a besoin de beaucoup beaucoup d'amour. » Je soupire, amusée. Ce mec est drôle, c’est un personnage à lui tout seul. Je range les papiers d’Eustache, que j’ai, oui, toujours sur moi, on ne sait jamais, s’il a besoin d’aller chez le vétérinaire urgemment, vaut mieux les avoir. Et puis Eustache me suit toujours partout. La petite perruche par contre ne me suivra pas autant qu’Eustache, j’aurais trop peur de la perdre ou qu’il ne lui arrive quelque chose. Mais elle aura une belle cage à la maison et pourra profiter de l’appart.

« Ecoutez, je tiens vraiment adopter cette petite perruche. Je suis prête à vous inviter chez moi alors que je ne vous connais pas, pour vous prouver que je ne suis pas une criminelle. Il vous faut quoi de plus ? Que je vous désigne parrain et que vous soyez inscrit sur les papiers comme personne a contacter si je décède ? » Merde … j’aurais peut-être pas du lui proposer ça. Vu son regard et ce qu’il m’a dit précédemment, je suis sure qu’il serait capable d’accepter.  

« Wouf ! » Eustache me tire de mes pensées. Il s’était avancé vers la cage de Zip. Il était debout, le nez collé contre la porte de la cage, contre le bec de Zip. Mon chien agite sa queue en signe de contentement, et le petit oiseau gazouille en agitant lui ses plumes. Je souris. Ils s’entendent, et Eustache semble déjà l’avoir adopté, il aboie gentiment.  
Je regarde le vendeur avec un regard vainqueur. « Mon chien apprécie Zip, ça vous rassure un peu ? »