Assise sur le canapé, je regarde Pryam plonger dans les croquis de ses comics. « On sort à la fête foraine ce soir ? Histoire de prendre un peu l’air et de te voir perdre au chamboule tout ? » Ce petit stand où il faut renverser toutes les boites de converses pour gagner une énorme peluche. Relevant la tête, mon futur mari m’adresse une tête désolée tout en me montrant sa planche à dessin. « Je dois finir ça pour demain, j’suis désolé. » m’avoua-t-il. Tant pis, la fête foraine sera pour une prochaine fois… Je me contenterai d’un bon film à la télé. Soupirant, je me remets droite, regardant l’écran du téléviseur. « Mais vas-y toi. Ne te prive pas pour moi. J’vais bosser une bonne partie de la soirée de toute façon. » Mouais. Je ne connais pas encore très bien cette ville, alors m’y aventurer seule une fois la nuit tombée… « Pourquoi pas.. » Si je me perds, une bonne âme charitable m’indiquera la route non ? Lui volant un baiser avant de le laissé se replonger dans son travail, je file dans la salle de bain pour me préparer. Hors de question que je sorte en ville, vêtue d’un jogging. Attrapant un jean dans la penderie ainsi qu’un léger pull écru, je file dans la pièce à côté pour me préparer. Nous sommes peut-être au printemps, mais le soir venu, les températures redescendent assez. Terminant par remonter mes cheveux en chignons, je retourne dans le hall d’entrée, enroulant une écharpe fine autour du cou avant d’enfiler ma veste en cuir. Comme précédemment, le jeune Calloway n’a pas bougé d’un centimètre, totalement absorbé par sa bande dessinée. « J’y vais. A toute à l’heure. » lui lançais-je de la porte d’entrée avant de sortir.

Enfouissant mes mains dans les poches de ma veste en cuir, j’avance dans les rues de Town Square illuminée, par des guirlandes de lanternes allumées. C’est totalement différent de New-York. La nuit N-Y reste une ville vivante, où les rues sont peuplées de riverains et touristes, pressés de rentrer chez eux après une journée de travail ou impatients de visiter tous les recoins de cette cité. J’ai eu l’occasion de visiter Town Square depuis mon arrivée, mais de là à m’y retrouver… J’ai l’impression que toutes les rues se ressemblent, encore plus depuis que la fête du printemps est arrivée. Toutes ces fleurs, ces stands en tout genre bordant les trottoirs. La journée, c’est encore possible de se réparer, mais une fois que la nuit est tombée, c’est une toute autre chose. Bref. Suivant les festivités qui se déroulent en ce moment, je finis par apercevoir au loin, la grande roue illuminée. Souriant largement à cette vision, j’avance d’un pas pressé vers celle-ci. J’ai beau avoir vingt-quatre ans, je suis toujours autant excitée lorsqu’il s’agit de fête foraine. Barbe à papa, pomme d’amour, grande roue ou encore chamboule tout. Depuis ma plus tendre enfance, j’aime ces foires. Me rendant chaque année à la foire du trône à Paris lorsque je vivais encore là-bas. Bref. Comme une gamine, je me dépêche de rejoindre les festivités. Pénétrant dans la fête foraine, je regarde autour de moi, sans savoir par où commencer. Mon estomac me conseille de commencer par une barbe à papa, tandis que mon âme d’enfant pencherait plus pour renverser des converses et gagner une peluche. Marchant tranquillement, un sourire illumine mon visage tandis que je regarde les différents stands. « La p’tite dame veut tenter sa chance ? » Regardant le propriétaire du stand, j’hausse les épaules, hésitant quelques instants avant de me décider. « Pourquoi pas. » Avançant, je regarde les trois boules noires devant moi, commençant par en lancer une, ne faisant tomber que quelques conserves. « Encore deux essais. Vous visez quoi comme cadeau ? » Levant les yeux, je remarque une énorme peluche en forme d’ourson. « La peluche. » Prenant une seconde boule, je la lance un peu fort, celle-ci se mettant à rebondir pour revenir vers nous, s’écrasant sur un homme. Ecarquillant les yeux, je secoue la tête négativement, avançant rapidement jusqu’à cette personne pour m’excuser. « Je suis désolée ! Vous n’avez rien ? » Je n’ai encore jamais vu une boule comme celle-ci se mettre à rebondir. Je suis totalement confuse. Regardant l’homme, il lève la tête, pouvant ainsi apercevoir son visage. Alors ça… « Arthur ? » demandais-je surprise.

Le printemps venait tout juste de pointer son nez, ici et ailleurs. Mais ici, tout était différent au printemps. D'ailleurs, Lohan le savait bien. Le printemps à Town Square signifiait fête forraine, grande roue, manèges à sensations, barbe à papa, sucreries, sourires, et pour Lohan, pèche aux canards. Ce soir, Lohan était chez sa mère. On était samedi soir, je n'avais pas de boulot, et j'étais seul chez moi, Capucine ayant disparu de la circulation. Je me décidais à lever mes petites fesses de mon canapé pour bouger un peu. Pas que Town Square était une très grande ville, mais cette fête forraine prenait une grande partie du centre ville. Ma moto s'arrêta donc à l'entrée de la fête forraine. J'hésitais un moment, tout seul, ce n'est pas très drôle, mais peut être que je pourrai rencontre quelqu'un que je connais là bas ? Après tout... pourquoi pas.

J'éteignais donc le moteur de ma moto et retirais mon casque pour entrer dans la fête forraine, ça sentait le sucre à plein nez et les lumières des attractions faisaient presque mal aux yeux, mais on s'y habituait vite. On ne pouvait pas entre ici sans avoir le sourire, ou même si on ne l'avait pas, il venait bien vite. Les enfants couraient dans tous les sens, criaient, riaient. Les adolescents faisaient les coqs face à leur copine, descendant des attractions à sensation. Comment ne pas vivre l'instant présent dans une fête foraine ?
Je retrouvais vite le sourire, malgré la non présence de mon fils. J'espérais peut être le croiser ici, sa mère l'aurait peut être emmené ?

Dans mes pensées, je continuais de marcher dans les allées, j'avais bien décidé d'aller me chercher quelque chose à manger, les odeurs me donnaient faim. Mai sen marchant vers un marchand de confiseries, je me prenais une balle en mousse dans la tête. Pas que ce fut douloureux, mais j'étais quand même surpris. Je ramassais la boule en mousse prévenant des chamboule-tout, et relevais la tête pour la rendre à son/sa propriétaire. «Arthur ?». Je ne mis pas longtemps à la reconnaître «Alizée ! C'est pas possible toi ici ??». Le monde était vraiment petit. Alizée et moi, on se connaissait depuis un moment déjà, en fait, on s'est rencontrés au lycée, à Paris. On était tombés tous les deux sous notre charme respectif, et puis on est sortis ensemble, pratiquement un an. J'avais 17 ans, elle en avait 15, j'entrais en terminale et elle en seconde. D'ailleurs, je crois que c'était la première fille pour qui j'ai réellement eu des sentiments, et la première à qui j'ai dit je t'aime aussi. Et accessoirement, la première fille avec qui j'ai fait l'amour. J'ai toujours trouvé ça beau de perdre sa virginité en même temps, tous les deux notre première fois. J'en garde un souvenir impérissable. Quand on "réussit" sa première fois, on en garde un bon souvenir, et c'était le cas. Bref, Alizée était mon premier amour, et je lui avais brisé le coeur en partant de Paris pour aller m'installer à Londres, à peine mon bac en poche. Enfin, c'est ce que Capu m'avait dit. Moi j'en savais rien, après ça, je n'ai jamais plus eu de nouvelles directes d'elle. J'ai fait le con et je l'assume. Mais quoi qu'il en soit, la retrouver ici me faisait halluciner. Le monde était vraiment tout petit. «J'hallucine de te voir ici !! C'est dingue quand même ! Qu'est-ce que tu deviens ?». C'était sans doute des question un peu à la con, un peu bateau, mais j'étais tellement choqué de cette rencontre fortuite, que je ne savais pas trop quoi lui demander. Malgré tout, ça me faisait plaisir de la voir. Je ne savais pas trop si c'était réciproque ou non, mais moi j'étais content. Parfois, les gens sont rancunier à cause de petites erreurs de jeunesse de ce type. Je n'étais pas fier de ce que j'avais fait, mais j'estimais qu'il y eut prescription, depuis le temps. Elle était toujours aussi jolie, elle avait changé certes, mais elle avait gardé ce qui m'avait plu à l'époque.

Je détaillais son visage de mes yeux, pendant qu'un sourire amical se dessinait sur mes lèvres. On ne vient pas à Time Square par "hasard", quelqu'un l'y avait sûrement poussé, de la famille ? des amis dans le besoin ? peut être un petit ami ? J'espérais simplement qu'elle était heureuse...

Je ne m’attends pas à croiser quelqu’un que je connais ici. En même temps, cela n’est pas difficile étant donné que je ne connais personne. Peut-être Noam le frère de mon futur mari ou Lennon ? La blondinette dont m’a parlé le beau brun et qui nous a amené à déménager pour Town Square ? Peut-importe. Seule ou pas, j’ai l’intention de passer une bonne soirée et de m’amuser comme une folle à ces différents stands. Adolescente, j’étais capable de dépenser entièrement mon argent de poche dans une fête foraine. Quelques années plus tard, j’ai toujours cette envie folle de dépenser tout ce qu’il y a dans mon portefeuille dans ces différents stands. Sans savoir où donner de la tête, je regarde autour de moi, me demandant par où commencer. J’aurai aimé partager ce moment avec Pryam et le voir perdre au chamboule tout, mais je vais devoir me contenter d’y jouer seule. Marchant tranquillement, je remarque les adolescents qui s’essaient à différents jeux, qui tentent les jeux à sensation afin de paraitre plus fort aux yeux de leurs copines. Les solitaires, qui tout comme moi, profite de cette fête foraine en solo ou alors les adultes/couples avec enfants, qui font tout pour satisfaire les envies de leurs petits chérubins. Cette image me fait agréablement sourire. Je suis censée éviter les endroits où je peux rencontrer des enfants, mais en venant ici, je devais me douter que j’en croiserai dans chaque allée. Je me dis que bientôt, nous aurons aussi la chance d’emmener notre petit bout ici avec Pry’ et que l’on pourra lui dégoter toutes les peluches qu’il souhaite. Bref. Cette heure n’est pas encore venue. Perdue dans mes pensées, un propriétaire de stand élève la voix pour m’interpeler ; est-ce que je veux tenter le chamboule tout ? Hésitant quelques instants, je finis par hausser les épaules tout en me dirigeant vers son stand. Pourquoi pas. Après tout, l’immense peluche en forme d’ourson me fait très envie, elle ira parfaitement dans la future chambre d’enfant qui nous sert pour l’instant, de bureau-fourre tout. Attrapant une première balle, j’essaie de détruire le « château de conserves », ne parvenant qu’à en faire tomber que trois conserves. Arquant un sourcil, je n’abandonne pas aussi vite, reprenant une seconde boule avant de la laisser bien plus fort. Ne m’y attendant pas, la boule se met à rebondir avant de finir percuter un homme passant par là. Écarquillant les yeux, je lâche la troisième boule et m’empresse de me rejoindre à ses côtés afin de voir s’il se sent bien. Ce n’est qu’une petite balle, mais quand même.

Confuse, je m’excuse et lui demande s’il se sent bien. Il n’a pas l’air sonné, ni confus, mais pour le moins surpris. C’est assez compréhensible, après s’est prit une boule de chamboule-tout sans s’y attendre et en marchant calmement. Pouvant enfin apercevoir le visage de cet homme, j’en reste bouche-bée, les yeux grands écarquillés. Si je m’attendais à ça. C’est fou comme le monde est … petit. Croiser Arthur à Town Square après tant d’années et de cette manière ? Je reste muette. En tout cas, il m’a vite reconnu et semble aussi surprit que moi. « Je suis.. surprise de te voir ici… » Dire que l’on se connait depuis le lycée, que l’on est même sorti ensemble et surtout, que c’est avec lui que j’ai perdu ma virginité. Je ne m’attendais pas à croiser quelqu’un dans cette fête foraine, surtout pas lui. Je suis contente de le voir, il n’y a pas de doute ; mais je suis encore encore sous le « choc ». La dernière fois que j’ai eu de ses nouvelles, s’était pour savoir qu’il était parti à Londres après le bac. Sur le coup, cela m’a brisé le cœur. J’étais éperdument amoureuse de lui et ne m’attendais pas à un départ aussi brusque de sa part. Il a raison, c’est quelque chose de dingue. Arthur n’a pas changé depuis le temps. Toujours aussi charmant. Étant un peu moins choquée de cette rencontre, je lui adresse un large sourire amical tout en acquiesçant d’un hochement de tête. « J’en reviens pas non plus. Se retrouver après tout ce temps et dans une fête foraine.. c’est surprenant. » Le hasard est parfois bien fait. Je ne connais personne ici et cela fais du bien de croiser un visage familier, après celui de mon fiancé. « Je viens d’emménager ici avec mon fiancé. On arrive tout droit de New-York où j’ai ouvert ma propre boutique de confiserie. » dis-je en souriant largement. Ce rêve de gamine qui est devenu réalité grâce à l’envie et le courage. « Et toi ? Qu’est-ce que tu deviens après tout ce temps ? La dernière que j’ai eu de tes nouvelles, c’était par ta sœur… Pour dire que tu étais parti. » finissais-je par dire en sourire. « Enfin depuis, il y a prescription. En tout cas, ça me fais plaisir de te voir. »

C'était un vrai choc de la voir ici, ça faisait pratiquement 10 ans que je ne l'avais pas vue et que je n'avais pas réellement eu de nouvelles d'elle. Sa vie avait dû vraiment changer. Comme la mienne en fait. Ou du moins, je supposais, en 10 ans, il ne se passe pas "rien" dans une vie. J'étais vraiment dans un état assez bizarre, c'était tellement étrange de la revoir, après tant d'années. Je ne ressentais plus rien pour elle, à part peut être de la tendresse, mais de repenser à tout ce qu'on avait vécu ensemble, c'était quelque chose de vraiment bizarre. Cependant, j'étais super content de la retrouver, ici, par hasard. Comme quoi, le hasard fait souvent bien les choses, même si à vrai dire, je ne crois pas au hasard. Je pense plutôt que l'on vit ce qu'il nous est donné de vivre.

J'enfouissais mes mains dans mes poches, sûrement une part de timidité, c'était tellement étrange cette situation. « J’en reviens pas non plus. Se retrouver après tout ce temps et dans une fête foraine.. c’est surprenant. ». «C'est presque même surréaliste, on s'est quittés y'a presque 10 ans à Paris, et on se retrouve ici en pleine nuit dans une fête foraine d'une petite ville paumée des états unis... c'est carrément... dingue !». Je lui demandais alors de ses nouvelles, qu'est-ce qu'elle faisait ici ? « Je viens d’emménager ici avec mon fiancé. On arrive tout droit de New-York où j’ai ouvert ma propre boutique de confiserie. » «C'est génial ça ! Toi qui a toujours été gourmande... j'te retrouve bien là ! Alors comme ça t'as vécu à New York, c'est marrant qu'on s'y soit jamais croisés, moi aussi j'y ai vécu, pratiquement 4 ans !».

« Et toi ? Qu’est-ce que tu deviens après tout ce temps ? La dernière que j’ai eu de tes nouvelles, c’était par ta sœur… Pour dire que tu étais parti. » finissait-elle par dire en souriant. « Enfin depuis, il y a prescription. En tout cas, ça me fais plaisir de te voir. » . Je me pinçais la lèvre, un peu gêné de mon comportement de l'époque. En effet, il y avait prescription depuis le temps, mais bon, je n'étais quand même pas fier de ce que j'avais fait. «Je suis désolé vraiment, je sais que depuis le temps, c'est passé mais j'ai vraiment fait le con avec toi... j'suis content de voir qu'à cause de moi t'as pas fini avec 10 ans de psychothérapie !». Je lâchais un petit rire avant de reprendre. «Et moi ben... j'en ai fait des choses... mais bon pour faire court, j'ai rencontré quelqu'un à New York y'a 6 ans, on a vécu 2 ans ensemble, on s'est mariés, on a eu un petit garçon, on est venus s'installer ici, et on a divorcé, y'a 8 mois. Une vie normale pour un mec de 35 ans, mais quand on en a que 26, ça fait un peu bizarre !!» Je lâchais un petit rire avant d'ajouter : «Ah oui et je suis photographe... il était temps !». Je lui offrais un petit sourire mignon. Elle m'avait connu déjà avec cette passion pour la photo. Quant à mon parcours familial, je n'étais pas spécialement fier de ce désastre, mais au moins il y avait un rayon de soleil au milieu, mon fils : Lohan.

Sauf qu'au moment où j'avais prononcé le mot "petit garçon", j'avais vu son regard changer. Je ne savais pas trop pourquoi, mais j'espérais le comprendre assez rapidement. Alizée avait fait partie de ma vie, et je l'espérais heureuse, dans tous les domaines...