Vendredi soir. Dix-huit heures. Le weekend est enfin là. Hallelujah. Je n’y croyais plus franchement. Je sais que je travaille depuis chez moi et que je n’ai pas de réelle contrainte comme ceux qui se retrouve coincer dans un bureau toute la semaine. Pourtant aujourd’hui j’ai du me rendre à l’agence et au lieu d’y rester deux heures comme cela était prévu je suis resté bloquer là-bas toute l’après-midi. Tout cela pour parler d’un projet dont on avait déjà discuter un bon million de fois. On m’a encore donné les mêmes instructions et il a fallut que je fasse un croquis de mes premières idées en seulement deux petites heures. Autant dire que ça n’as pas été facile et que j’ai un mal de crâne qui commence à se pointer. Pourtant le weekend est enfin là et je vais pouvoir me reposer. Mais avant cela il faut que je rentre rapidement chez moi. J’ai un peu moins d’une demi-heure pour prendre une douche et me changer avant que mon petit frère ne débarque à l’appartement. On c’est prévu une soirée entre garçons ce soir. Cela fait tellement longtemps que je n’ai pas accorder une soirée entière à mon frangin que je lui dois bien cela. Je dois dire que c’est Sasha qui m’a donné l’idée malgré tout. Je lui ai demandé si elle savait pourquoi Jordàn était aussi distant ces derniers temps et elle m’a plus ou moins fait comprendre que je devais parler avec mon petit frère comme je ne l’avais pas fait depuis longtemps. J’ai toujours tout su de la petite vie de Jordàn. J’étais toujours le premier qu’il venait voir lorsque ça n’allait pas et il me demandait toujours des conseils. Puis j’ai rencontré Nola et les choses ont commencé à s’accélérer pour moi. Très vite je n’ai plus eu de temps à consacrer à mon frangin et je pense qu’aujourd’hui il me le fait payer à sa façon. Jordàn n’as jamais été du genre à aimer les conflits. Il a toujours été le plus discret de la famille dans le fond. Son silence ne m’as jamais gêné, mais dernièrement j’ai l’impression qu’il est beaucoup trop calme et surtout qu’il me cache quelque chose. Alors en début de semaine je lui ai envoyé un message pour qu’il me rejoigne ce soir et que l’on ce fasse enfin une soirée rien que tous les deux. Heureusement il avait accepté !

Après une bonne douche bien chaude, je retrouve Nola dans le salon qui est prête à partir. « Tu est sûre que tu veux sortir ? Tu peux rester tu sais, Jordàn s’en fiche. » Je n’ai pas envie de la virer de la maison sous prétexte que mon frère viens rendre visite. Pourtant elle s’approche de moi et m’embrasse tendrement avant d’enfiler son manteau. « Prends le temps de t’occuper de ton petit frère un peu. » Elle m’embrasse de nouveau et avant que je n’aie le temps de répliquer quoique ce soit la porte d’entrée claque me laissant seul dans le salon. Je ne sais même pas si elle va rentrer dormir à la maison. Je connais Nola quand elle est avec son amie, en général ça dure pendant des heures. Enfin. Pas vraiment le temps de m’occuper de tout cela, il faut que je finisse de tout préparer avant que Jordàn n’arrive. Je ressors ma vieille Playstation et nos jeux préférés, sort quelques bières du frigo, maintenant que le frangin est en âge de boire légalement et puis je finis par commander nos pizzas favorites. Je n’ai pas besoin de l’attendre pour cela, je sais exactement ce qu’il aime. J’espère sincèrement que la soirée va bien se dérouler et surtout que Jordàn va essayer de s’ouvrir un peu à moi.

Tout est prêt lorsque j’entends quelques coups contre ma porte d’entrée. Je me dépêche d’aller ouvrir et offre un immense sourire à la tête bouclé qui se trouve devant moi. « Salut frangin ! » Comme deux adolescents on tape nos deux poings l’un contre l’autre avant de suivre un enchaînement que l’on avait inventé il y a de cela quelques années. J’ai beau avoir plusieurs années d’écart avec Jordàn je ne l’ai jamais écarté de ma vie. Oui parfois il était le petit frère qui me collait un peu trop mais nos disputes ne duraient jamais trop longtemps. Je le laisse entrer et l’entraîne tout de suite dans le salon. « Nola à déserter l’appartement, j’ai ressorti la console et commander ta pizza préférée. » Je lui tends une bière et finis par m’affaler à ses côtés. « Ca me fait plaisir de te voir. J’ai l’impression que ça fait une éternité que l’on n’a pas fait cela. » J’ai à peine fermé la bouche que je me rends compte que je viens de dire une connerie. Bien sûr que ça fait une éternité et c’était un peu de ma faute, mais ce soir j’ai bien l’intention de me rattraper.

Moi je crois que les choses arrivent pour une raison et que la vie nous envoie des signaux lorsqu'il faut qu'on agisse ou qu'on essaie de changer les choses. Mais des signaux, j'en vois aucun. Alors je continue de vivre ma vie comme si rien n'avait changé et comme si j'étais toujours le gars le plus heureux du monde. Mais je crois que ça ne marche pas bien parce qu'Ezéchiel m'a proposé qu'on se fasse une soirée entre frangin et je sais que c'est pas juste pour lui faire plaisir. C'est mon grand frère, j'ai l'impression de le connaître par coeur et il est trop occupé en ce moment, il ne se rend même pas compte qu'il ne répond à mes messages qu'une fois sur trois. Je sens qu'il cherche à comprendre et je ne sais pas trop comment tout ça va se dérouler parce que c'est clair que j'ai pas envie de parler. Pas maintenant - ni peut-être plus jamais. Mais il me manque et j'espère qu'il ne m'en voudra pas trop si je profite de cette soirée pour faire comme si de rien n'était et passer un bon moment avec lui tant qu'il est un peu disponible pour moi. Bon... c'est vrai que je pourrais forcer le destin plus souvent et lui proposer qu'on se voit mais c'est pas mon genre, je déteste déranger, j'y peux rien, j'arrive pas à lutter contre ça. Alors ça m'a soulagé qu'il fasse de lui-même.

J'ai attendu toute la semaine avec impatience et j'ai même été lui prendre une boîte de chocolat dans la cachette secrète de maman. Je sais que je vais me faire enguirlander quand elle s'en rendra compte mais c'est pas grave, je sais qu'Ezechiel les aime bien parce qu'on passait notre temps à les manger en cachette et remettre les boîtes vides à leur place. C'était le bon vieux temps, ahah. J'ai tout fait pour arriver à l'heure et je suis content de retrouver mon frère et nos rituels de gamins qu'on a fait grandir avec nous. Je le suis dans le salon et j'essaie de ne pas montrer que ça me blesse quand je crois comprendre qu'il m'a invité parce que Nola a déserté. Enfin c'est rien, il a une vie différente de la mienne, je peux comprendre. « Tiens, je t'ai même ramené ça. » Je lui souris et lui tend la boite de chocolat avant de me laisser tomber dans le canapé, la bière qu'il m'a tendu à la main. « Alors, comment tu vas ces jour-ci ? »

J’ai tellement hâte de passer cette soirée avec mon petit frère. Malgré tout, j’appréhende quelque peu. Cela fait tellement longtemps que je n’ai pas passé un moment en tête à tête avec lui. Subitement, j’ai peur que l’on ai plus rien à se raconter, que le silence s’installe entre nous et que l’on ne sache plus comment s’en sortir. Voilà que je commence à tourner en rond dans mon salon, sans vraiment réussir à me calmer. Je pourrais appeler Sasha et lui demander de nous rejoindre, mais je pense que Jordàn le prendrait mal. Je lui ai promis cette soirée entre frangin et je ne peux pas ramener Sasha, même si elle est notre sœur. Je peux quand même passer une soirée seul avec Jordàn. Ca va bien se passer. On est frère après tout, on aura toujours quelques choses à se raconter même si c’est des conneries au final. Je voudrais lui demander pourquoi il m’évite autant ces derniers temps, mais surtout pourquoi j’ai la bizarre sensation qu’il me cache quelque chose. Je connais mon petit frère par cœur, je sais parfaitement que quelque chose cloche. Lors de notre dernier repas de famille, il a été plus silencieux que jamais ne parlant que quand on s’adressait directement à lui alors que d’habitude il est le premier à raconter des conneries. Même Sasha m’as confirmé qu’elle trouvait Jordàn bizarre en ce moment. J’ai peur qu’il arrive quelque chose de grave à mon petit frère et qu’il n’ose plus se confier. Je ne sais pas trop comment je vais bien pouvoir aborder le sujet, mais je me dis que j’aurais bien le temps de préparer le terrain pendant la soirée. De toute façon, je n’ai pas le temps de me poser plus de question, on sonne à la porte.

Tout de suite, je comprends que je me suis fait du souci pour rien. On retrouve très vite nos bonnes vieilles habitudes avec Jordàn. Je suis vraiment heureux de voir mon petit frère et je soupire un bon coup en décidant de me détendre une bonne fois pour toute. Je lui fait comprendre que l’on va être tranquille pendant toute la soirée vu que ma chère et tendre à mis les voiles, mais tout de suite je remarque comme de la tristesse dans les yeux de mon petit frère et je n’aime pas trop cela. Pourtant je ne relève pas. J’espère que cela va bien vite disparaître et qu’il va profiter de la soirée lui aussi. Jordàn finit par me tendre une boîte de chocolat que je reconnais tout de suite et un petit rire s’échappe d’entre mes lèvres. « Tu sais que tu va te faire tuer par maman quand elle va s’en rendre compte ? » On a toujours piqué des chocolats tous les deux. On avait pas le droit, mais c’était notre petit plaisir et à la finale maman ne nous criait pas vraiment dessus. « Ca fait tellement longtemps que j’en ai pas mangé. Parfait comme dessert. » ajoutais-je tout en allant poser la boîte dans la cuisine. Mon frangin me demande comment je vais alors que l’on s’installe enfin l’un à côté de l’autre dans le canapé. Je sais bien qu’il parle de ma santé plutôt que ma vie de tous les jours et je ne lui en veux pas pour cela. Je lui montre mon bras droit et soupire un peu. « Je me suis brûler il y a quelques jours, mais ça va. Je fais attention et ça va un peu mieux avec Nola. » dis-je doucement. J’avale une gorgée de ma bière et finis par me tourner quelque peu pour croiser le regard de mon petit frère. « Et toi alors ? » Pensant que ma question est un peu trop large, je finis par ajouter : « Quoi de neuf dans ta petite vie frangin ? Ca fait un moment que t’es pas venu me parler. Tes études ça va ? Et puis c’est quand que tu nous ramène quelqu’un à la maison ? » dis-je en essayant de plaisanter un peu.

Je hausse les épaules en pouffant de rire. « Non elle va pas me tuer, je vais repartir avec la boîte et je t'accuserai ensuite... » Je lui fais un clin d'oeil un peu forcé. Si y a bien un truc mieux que manger les chocolats de maman dans son dos : c'est voir sa tête quand elle propose une boîte vide aux invités. Le nombre de fois où elle nous a pourchassé avec la cuillère en bois ne se compte même plus. Mais c'était toujours marrant parce que malgré tout, elle a jamais changé sa cachette.

Quand il me montre sa brûlure, je retrouve rapidement mon sérieux parce que c'est très moche. Je sais qu'il a pas mal, qu'il sent rien et tout mais.. quand même. « Merde... comment t'as fait ça ? » Je prends un peu son bras pour regarder. « Fait gaffe que ça s'infecte pas... ça va vite avec les brûlures et elle est pas belle. » Parce que oui, avec Ezéchiel pour frère, on se transforme un peu en infirmier. A force, on sait quand c'est moche, on sait quand ça s'infecte, on sait quand c'est grave. Bon, on peut se dire qu'il y a toujours pire mais il pourrait perdre un bras qu'il ne s'en rendrait pas compte mais quand même. Moi je sais ce que c'est que de se brûler et y a rien de pire comme sensation... alors j'ai toujours peur qu'il ait mal même si je sais que c'est impossible. Je le laisse récupérer son bras et je m'apprête à répondre un truc à propos de Nola mais il me contre et ça me coupe presque le souffle. Y a tout un tas de trucs dont je veux bien parler et il met le doigt sur le seul que j'ai pas envie d'aborder. Et j'essaie de pas me refermer comme une huitre mais c'est dur alors je bois une longue gorgée de ma bière et je fixe un peu le vide. Puis je me dis qu'il a abordé les cours et ça, je peux en parler des heures et des heures. Mais si j'ignore un bout de sa question alors il va savoir ce qui me gêne et je veux pas non plus. Du coup, dans la panique, je parle trop vite et je dis n'importe quoi. « Je vous la présenterai quand je serais sûr, c'est tout. » Et ça sonne tellement naturellement que je me surprends moi-même. Sûr de qui ? Et pourquoi elle ? Je déglutis difficilement. « Les cours ça va, c'est comme d'hab. Ça se complique mais c'est de mieux en mieux. Je pense que j'irais jusqu'au doctorat finalement... je disais que ça faisait long mais j'ai des idées de sujets de thèse et... » Je me stoppe avant de le perdre. « Et tu savais qu'ils avaient découvert une nouvelle étoile ? » J'affiche un petit sourire. Je me rends compte qu'en fait, ça faisait un moment que j'avais pas parler à quelqu'un pour de vrai, sans me soucier de ce que je pouvais dire ou non - et ça fait vachement de bien.

Des fois, je me demande comme nos parents sont restés sain d’esprit avec trois gosses comme nous. On n’était pas des monstres non plus, mais c’est vrai que niveau connerie on était quand même assez doué. Surtout Jordàn et moi. Sasha savait aussi faire des conneries, mais elle était un peu plus discrète que nous on va dire. Je me souviens que le pire pour maman c’est lorsque l’on jouait aux super héros. Parce que Jordàn savait faire attention pour ne pas ce faire mal, mais moi j’étais incapable de faire cela à l’époque. J’ai finis plusieurs fois à l’hôpital après ce genre de jeux et au final j’ai été puni pendant des mois même. Mais nos parents nous ont toujours laissé faire, parce que l’on a jamais fait d’énorme connerie. C’était juste des trucs de gosses. On a vieilli désormais et pourtant on ne peut s’empêcher de faire encore quelques conneries. Comme Jordàn l’as fait il y a quelques heures sans doute. Encore une fois, il a volé une boîte de chocolat à maman. Je n’avais jamais trouvé la cachette de maman et Sasha non plus. C’est notre petit frère du haut de ses trois ans qui a trouver ou notre mère cachait ces si bon chocolat et on en avait bien profité après cela et aujourd’hui encore. La réplique de Jordàn me faire rire. Il n’a pas perdu le nord le petit. C’est lui qui pique les chocolats, mais il a déjà prévu de me faire accuser plus tard quand maman finira par découvrir la vérité. « Je vois que t’as tout prévu. Je me fais avoir quoi ! » Je rigole à nouveau et rejoins mon frère dans le canapé. Maman va encore trouver une boîte vide et du haut de mes vingt-six ans je vais encore me faire engueuler comme un petit garçon, mais je m’en fiche. Cela fera encore des bons souvenirs à raconter plus tard à mon futur bébé.

On commence à discuter tous les deux et je finis par lui montrer ma dernière blessure en date. Il y a quelques jours, je cuisinais un repas et j’ai voulu attraper quelque chose derrière ma plaque de cuisson et bien entendu comme je ne sens rien, j’ai posé mon bras sur la plaque qui était en train de chauffer. Tout de suite, je remarque la grimace de douleur qui traverse le visage de mon petit frère. Je me souviens quand il était petit il ne comprenait pas trop ma maladie et il a mis un petit moment à comprendre que je pouvais vraiment me faire mal sans rien sentir. Maintenant tout comme Sasha il me surprotège et aujourd’hui encore il ne peut s’empêcher de me dire de bien surveiller ma blessure. Je sais qu’il ne pense pas à mal, qu’il fait cela pour mon bien être, mais plus le temps passe moins j’accepte ce genre de remarque. Pourtant je ne fais aucune remarque et lui offre même un petit sourire. « J’ai posé mon bras sur la plaque alors qu’elle chauffait, je voulais attraper un truc et j’ai pas fait gaffe. Mais je surveille ça t’inquiète pas et Nola surveille ça de près. » Oui parce que ma copine est une interne en médecine alors j’ai carrément une infirmière à la maison. J’espère que j’ai réussi à rassurer un peu mon petit frère. En attendant, je tourne le sujet vers lui. Je voudrais un peu rattraper le temps perdu avec lui. J’ai l’impression que cela fait des années qu’il n’a pas pris le temps de me parler. C’est comme si je ne connaissais plus rien de lui d’un seul coup et c’est quelque chose qui me rends réellement triste. Maintenant c’est maman qui m’explique l’évolution des études de mon frère et sa vie à la maison. On a déconnecté tous les deux et j’ai bien l’intention de me rattraper ce soir. Alors je l’interroge un peu sur ses études, sa vie et surtout pour savoir s’il a quelqu’un dans sa vie. Parce que je sais que mon petit frère plaît et il mériterait d’avoir quelqu’un avec lui. Je suis sûr qu’il doit être assez parfait en amour, il fait tellement attention aux gens qui l’entoure. Rapidement, le bouclé me dit qu’il nous présentera sa copine quand il sera sûr et cela me fait comme un choc. Alors il a une copine. Oh. Je m’attendais pas à ça quand même. « Oh mais y a quelqu’un alors ? » dis-je doucement avant de le regarder un peu plus. « C’est qui ? Je la connais ? » Jordàn a été le premier à savoir pour ma relation avec Nola et pourtant je n’étais vraiment pas fier de cela. Alors je me dis qu’il aura suffisamment confiance en moi pour m’en parler en premier aussi.

En attendant, il me parle de ses études. Jordàn est passionné parce qu’il fait. J’ai jamais vu quelqu’un comme lui. Il adore l’astronomie et je me souviens parfaitement du jour où papa lui a acheté un télescope. Il m’avait entraîné dans le jardin et m’avait demandé de rester avec lui dehors une bonne partie de la nuit juste pour voir quelques étoiles. Un sourire se dessine sur mes lèvres quand il me dit avoir des idées pour des sujets de thèse. Oui je suis un grand frère très fier et je ne le cache pas. « C’est vrai ? Dire que j’ai déjà du mal à retenir toutes celles que tu m’as appris, s’ils en rajoutent en plus je vais jamais y arriver. » dis-je en souriant quelque peu. J’aime voir la passion qui brille dans ses yeux quand il me parle des étoiles. « On devrait se refaire une soirée au fond du jardin pour que tu me montre toutes tes étoiles. » Je pense soudainement à un truc et me tourne vivement vers mon frère. « Tu me laisserais te dessiner si on se refait une soirée comme ça ? Ca me donne une idée pour un truc que je dois faire. » Mon frère est passionné par les étoiles, ma sœur pour le bio et le bien être des autres et moi par le dessin. Je passe ma vie à dessiner et c’est bien quelque chose que je n’abandonnerais jamais.

Je souris un peu avant d'hausser les épaules. « D'ici à ce qu'elle s'en rende compte, t'as encore de la marge. » Puis au fond, on sait tous les deux très bien qu'il se fera pas engueuler pour de vrai parce qu'elle le voit pas tous les jours et qu'elle va oublier ça... sauf si elle l'appelle ? Ahah. J'en sais rien. Elle n'est jamais énervée très longtemps même si je suis consciente qu'elle a vraiment dû en baver avec nos conneries de gamin. Bon, c'était jamais très méchant mais je comprends les ulcères qu'elle a pu se faire quand elle ne nous voyait pas rentrer et que je lui ramenais un Ezéchiel en sang - et mort de rire de la connerie qu'il avait faite. C'est vrai que pour lui cette histoire de brûlure c'est rien parce qu'il n'a pas mal, qu'il se soigne et puis c'est tout mais... on m'a tellement bassiné les oreilles avec sa maladie en insistant sur le fait que c'était grave et que c'était extrêmement dangereux que lorsque j'ai compris, j'ai commencé à m'inquiéter moi aussi. Et j'ai même trouvé de l'intérêt dans tout ça parce que c'était un moyen de veiller sur mon grand frère et de ne pas toujours être le bébé. Je sais que ça l'agace qu'on soit après lui mais je crois que c'est important pour moi. C'est pas une preuve d'amour de s'inquiéter, d'abord ? Moi je crois que si. Et c'est pas parce qu'on n'est plus aussi proche qu'avant que je l'aime moins, c'est juste que... j'en sais rien. J'ai pas trop envie de l'emmerder avec mes histoires d'identité ou... je sais pas. J'ai pas envie, c'est tout. Je crois que c'est mieux de garder ses problèmes pour soi et d'aider les autres tant qu'on le peut. Voilà tout. « Si Nola surveille alors... » J'affiche un sourire de circonstance. Ça me rappelle qu'il n'a plus trop besoin de nous, maintenant. Et je crois que c'est ça qui me fait le plus mal en fait : avoir l'impression de ne plus lui être utile, d'être juste un chouette souvenir. Mais je suis pas idiot, moi aussi un jour je ferais ma vie, c'est comme ça. On ne peut pas rester une famille pour toujours, il faut aussi fonder sa propre famille et vivre sa vie. Mais qu'est-ce que je ferais moi ? Je fonderai rien du tout. Sauf si je choisis de me mentir et de mentir à la Terre entière et d'avoir une femme et des enfants. Puis Ezéchiel me rappelle à l'ordre dans mon presque mensonge et j'ai pas envie qu'il me prenne pour un menteur. « Non.. c'est pas que y a quelqu'un.. c'est que je vous la présenterai seulement si j'en suis sûr... je veux dire que c'est pas maintenant ou.. » Je soupire. « Je vous présenterai pas n'importe qui. C'est ça que je veux dire. C'est tout. » J'ai l'impression d'être en stress total et je me fais vraiment de la peine. Mais c'est pas de ma faute s'il a mal interpréter ce que j'ai dit. « J'ai pas envie d'en parler de toute façon, c'est pas intéressant. » Et j'espère que comme ça, il comprendra. Y a rien à dire sur le sujet parce que je suis perdu et que j'ai pas envie d'en parler. C'est aussi simple que ça.

Finalement, on dévie sur les étoiles et là c'est plutôt mon truc, mon visage se détend, ma main se décrispe autour de ma bière et mes muscles se relâchent. Je me demande depuis quand je ne suis plus à l'aise pour parler de tout et rien avec mon grand frère et ça me chagrine parce que j'ai l'impression que ça fait beaucoup trop longtemps pour que ce soit réparé un jour. « Si tu veux, oui. Y a des nuits bien plus intéressante que d'autre, en fonction des planètes. Je te dirais si tu veux ? » Et puis il me demande s'il pourrait me dessiner et je grimace en soupirant. « Oh nooon Ezii pas encoore ! » Et j'éclate de rire parce que quand j'étais petit, j'en pouvais plus de rester assis pendant ce qui me semblait être des heures - et c'était ma phrase fétiche. En plus je zozotais et je savais même pas dire son prénom du coup j'ai passé des années à l'appeler Eziel et puis ça s'est transformé en Ezi et puis quand je faisais mon foufou, pour l'embêter, c'était zizi. Mais une fois maman m'a entendu et vu la soufflante que je me suis pris, j'ai plus recommencé. En plus, c'était complètement débile. Mais les deux autres sont restés et c'est comme ça. Je reprends finalement mon sérieux avant d'hocher la tête. « Quand tu veux. Mais tu me fais pas un nez de cochon comme la dernière fois, je suis encore brusqué du resultat... » Et ça aussi, ça me fait rire. Il dessine tellement bien qu'il peut faire tout ce qu'il veut et c'était une blague vraiment trop naze.

Cela me fait réellement du bien de retrouver mon petit frère. On rigole et il ne cesse de sourire. Pourtant j’ai le sentiment que quelque chose ne va vraiment pas. Jordàn a l’air distant et je vois bien que dès que j’évoque Nola il se recule quelque peu. Pourtant il l’as connaît. Jordàn est le seul à avoir déjà vu ma nouvelle petite amie. Je n’ai pas vraiment encore eu le courage de la présenter au reste de la famille puisque mes parents savent parfaitement qu’elle était avec Thayer avant de se mettre avec moi. Enfin c’est quelque chose de complètement différent. Pour le moment, il faut que je me concentre sur mon frangin, parce qu’il est clair que quelque chose ne va pas en ce moment. Je n’arrive pas à savoir quoi, mais je n’ai pas l’intention de lâcher la grappe. J’ai laissé filer cela depuis trop longtemps et il est temps que je m’en occupe réellement. Je le vois grimacer à l’évocation de Nola et je finis par comprendre que je mets surement trop ma famille de côté ces derniers temps. Je n’aime pas le sentiment qui m’envahi d’un seul coup. Je me sens presque mal à l’aise et surtout très coupable. C’est vrai que depuis qu’on a chacun notre appartement avec Sasha, on a un peu moins le temps de s’occuper de Jordàn et il doit se sentir assez seul chez les parents. Au lieu de me lancer, je finis par changer de sujet. Je lui demande alors ce qu’il se passe dans sa petite vie et plus particulièrement dans sa vie sentimentale. Avant il me parlait de fille de temps en temps. On ne passait pas non plus des heures à parler de cela, mais au moins on en parlait un peu. Aujourd’hui on ne se dit plus rien et je vois bien que mon petit frère est totalement pris de panique lorsque je lui parle de cela. Il sous entends avoir une petite amie et la minute d’après il se rattrape en bafouillant que ce n’est pas le cas et qu’il ne nous présentera que quelqu’un de sérieux. Il se renferme tout de suite en me disant que de toute manière il ne veut pas en parler. « Je voulais pas te brusqué, désolé frangin. » Je me sens presque obliger de m’excuser alors que dans le fond je n’ai rien fait de mal.

On arrive tout de même par changer de sujet pour aborder quelque chose de bien plus léger. On en arrive à parler des études de Jordàn et je sais parfaitement qu’il adore cela. D’ailleurs en quelques secondes seulement il retrouve son beau sourire, je n’ai même pas besoin de tourner la tête pour apercevoir sa fossette. Il me parle de manière passionner et je finis même par lui proposer de nous refaire une nuit au fond du jardin des parents pour observer les étoiles. Je cherche uniquement à lui faire plaisir en proposant cela et visiblement j’ai pas trop manquer mon coup. Et quand je lui demande si je pourrais le dessiner il commence à grimacer et je ne peux m’empêcher de rigoler quand il me donne ce vieux surnom. « Allez frangin s’iiiiiiil te plaiiiiiit. » Il parle d’un ancien dessin que j’avais fait de lui ou je m’étais légèrement amuser à modifier ses traits et cela ne lui avait pas réellement plût dans le fond. Je rigole de nouveau et me penche vers lui en lui faisant mon plus grand sourire. « Promis je te ferais pas des traits bizarres. J’ai un projet à rendre et tu serais le sujet parfait avec tes bouclettes et tes étoiles. » dis-je en souriant quelque peu. Je sais que de toute façon il va finir par accepter, parce que je sais toujours comment faire craquer mon frère ou ma sœur.

J’allais recommencer à le supplier, mais je me fais interrompre par le bruit de la sonnette. Je me relève rapidement et vais ouvrir au livreur pour récupérer nos pizzas. Je paye le livreur et rejoins rapidement Jordàn. « Bon je sais c’est pas les bons petits plats de Sasha, mais je voulais pas risquer de t’empoissonner, alors… » Je finis par ouvrir le carton de pizza face à lui. J’ai pris sa préférée alors j’espère qu’il va aimer. Je vais chercher des services et finis par revenir m’installer à côté de lui alors qu’il zappe déjà sur la télé pour essayer de trouver un programme intéressant. On commence à manger dans le silence et je l’observe en coin. J’aimerais tellement savoir ce qui le tracasse dernièrement, mais je ne sais vraiment pas comment aborder le sujet. Je soupire un peu pour me donner du courage et finis par poser mon assiette sur la table basse. Je me tourne un peu vers Jordàn et soupire une nouvelle fois. « Tu me le dirais si quelque chose n’allait pas non ? » demandais-je alors de manière très timide.

Je secoue la tête parce que je m'en veux de presque l'envoyer balader et j'ai envie de prendre une grande inspiration et de tout lui balancer sans me soucier de son regard sur moi ou des conséquences que ça pourrait avoir mais... j'y arrive pas. « C'est rien. » J'ai pas envie qu'il soit déçu de moi. C'est idiot d'ailleurs parce que j'aurais suivi les traces de Sasha et qu'il n'a jamais eu de problème avec ça mais... j'en sais rien. C'est lui mon héro, c'est à lui que j'ai toujours eu envie de ressembler, et j'ai pas été foutu d'y arriver. C'est un véritable échec et je crois que c'est ça que je digère le moins. « Tu sais ce que c'est, les histoires de coeur, c'est compliqué. » Et voilà. On va dire que c'est ça et là au moins, je suis certain qu'il peut me comprendre. Il est passé par tellement de sales situations depuis qu'il est tombé amoureux de Nola que je me demande comment est-ce qu'il y arrive encore. Et d'ailleurs, je ne l'aime pas, cette Nola. C'est pas son caractère ou n'importe quoi d'autre.. c'est juste qu'elle me pique mon frère et qu'elle m'agace avec sa gentillesse à longueur de temps. Au début je m'étais mis en tête de trouver un défaut chez elle et puis en fait, y en n'a pas alors je suis condamné à reconnaître que je suis jaloux d'elle - et c'est vraiment très chiant. Mais elle rend Ezéchiel heureux et c'est ce qui compte.

J'ai enfin l'impression que la lourde ambiance qui nous entoure s'envole quand on se met à rire et ça me fait du bien. Je retrouve mon grand frère et cette idée de projet me convient parfaitement parce que ça voudrait dire qu'on aura très bientôt un autre moment tous les deux - et peut-être que d'ici là, je deviendrais assez courageux pour tout lui avouer. Mais pas maintenant ; maintenant on va manger une pizza. Et quand je découvre ma pizza favorite avec le supplément fromage et olive que ma mère oublie toujours de commander, mes yeux se mettent à pétiller. « Tu vois, grâce à cette pizza, si on me proposait de changer de frère, je dirais non... » Et je me mets à rire en prenant une part déjà découpée. Et puis sans vraiment le vouloir, un silence s'installe. Pas lourd, ni rien. Juste un silence. Mon regard se perd dans le vide et c'est le bruit de l'assiette d'Ezéchiel sur la table qui me ramène à moi. Il a l'air tellement préoccupé que ça me fait mal au coeur mais j'affiche malgré tout un faible sourire. « Est-ce que tu pourrais penser du mal de moi, un jour ? » Parce qu'au fond, c'est ça qui me fait peur. Je ne supporterai pas que mon grand frère me tourne le dos.

Mon petit frère à l’air tellement mal à l’aise lorsque je l’interroge un peu sur sa vie amoureuse. Je ne voulais pas le mettre aussi mal, je pensais juste faire un peu la conversation. Je voulais juste discuter avec lui et au final j’ai l’impression de faire n’importe quoi. Mais qu’est-ce qui nous arrive bordel ? On n’a jamais été aussi éloigné qu’en ce moment. J’ai l’impression que plus le temps passe, plus Jordàn deviens un inconnu pour moi et c’est quelque chose que je déteste. Oui on a six ans de différence, mais ce n’est pas si énorme que cela au final. Il est encore étudiant, mais je suis passé par là moi aussi. Je me suis pas lancer dans des études aussi longues que les siennes, mais je sais ce que sait d’être étudiant et un peu perdu. On sait pas vraiment ce que l’on veut faire pour le reste de sa vie, Jordàn vit encore chez nos parents et je me dis aussi qu’il va finir par vouloir prendre son envol, il doit se poser pas mal de questions et pourtant il ne vient plus me voir pour me demander des conseils. Je vois bien que quelque chose cloche, mais je veux pas le pousser à bout. Je veux pas qu’il se braque et que l’on se dispute. Alors je laisse couler et il s’excuse. Un petit sourire se dessine sur mes lèvres. D’un seul coup, j’aurais presque envie de le prendre dans mes bras pour le rassurer, mais je fais rien. Parce qu’on c’est jamais réellement fait des câlins tous les deux. Il me fait une petite remarque et un rire nerveux s’échappe d’entre mes lèvres. « Oh oui je sais ce que c’est. » dis-je alors un peu amèrement au final. Je sais parfaitement que mon frère n’aime pas Nola. Il ne l’a jamais dit très clairement, mais je vois bien comment il agit avec elle pour le peu qu’il a déjà pu la voir. J’ose même pas lui dire que la demoiselle est enceinte, Sasha est au courant et je sais qu’elle ne lâchera pas le morceau tant que je n’aurais pas décidé de le dire à toute ma famille. Enfin. C’est encore une toute autre histoire.

Petit à petit l’ambiance ce détends quelque peu. Je lui parle de mon projet et je lui dis qu’il serait le sujet idéal. Je dois dessiner plusieurs choses en rapport avec le rêve et mon petit frère est un véritable rêveur. Je sais déjà ce que je pourrais faire, juste avec ses traits et les étoiles. Je me dis qu’il faut absolument que je pense à un moment pour que l’on se retrouve une nouvelle fois pour mettre cela en place. Je me fais couper dans mes pensées par le bruit de la sonnette. Je récupère rapidement la pizza et la présente à mon petit frère. Tout de suite je vois ses yeux s’illuminer et je ne peux m’empêcher de rire un peu. On dirait que je viens de lui faire le plus beau cadeau du monde. Oui parce que moi contrairement à maman, j’ai pas oublier le supplément qu’il réclame à chaque fois. La remarque de Jordàn me laisse un peu sans voix. « Ah parce qu’on t’a déjà proposé de changer de frère et t’as été tenté de dire oui ? » demandais-je alors malicieusement. Au moins, je sais que mon petit frère m’aime même si tout cela est pour une pizza. Mon rire se joint au sien et au final je reprends place à côté de lui pour commencer à manger.

Tout cela ce fait dans le silence le plus total et tout en observant mon frère du coin de l’œil, je commence à me reposer tout un tas de questions. Je me fais réellement du souci pour lui. C’est plus fort que moi, il est mon petit frère et je veux juste qu’il se sente bien. C’est timidement que je finis par le questionner de manière assez discrète. Pourtant il comprend bien vite et tout de suite il perd son sourire. J’ai peur que tout tourne mal, mais je me dis que je vais réussir à gérer la conversation pour que l’on en arrive pas à la dispute. Sa question me déstabilise plus que jamais. Bordel. Mais qu’est-ce qu’il arrive à mon petit frère pour qu’il en vienne à me demander cela. Je lâche tout ce que j’avais dans les mains et me tourne vers lui. « Pourquoi tu me demande ça ? » La réponse est plus logique que jamais pour moi, mais je vois bien que mon petit frère a besoin de l’entendre. « Jamais, tu m’entends ? » Il fixe un point face à lui et doucement je pose ma main sur son genou. « Hé Jordàn, regarde-moi… » Il tourne doucement la tête et je lui offre un sourire rassurant : « Tu pourrais tuer quelqu’un que je t’aiderais à cacher le corps. T’es mon petit frère, je pourrais jamais penser du mal de toi. Je suis fier de toi tu sais, je te le dis pas souvent, mais je suis fier de toi. » Je serre un peu ma main sur son genou et une fois encore j’essaye de le rassurer avec un petit sourire. « Qu’est-ce qui t’arrive petit frère ? »

Je profite de ce moment de légèreté pour rire - peut-être un peu trop fort - mais je crois que j'ai besoin de ça ; j'ai besoin de sentir que mon frère est toujours mon frère et que le lien qui nous a toujours uni n'est pas complètement mort. C'est égoïste mais j'ai envie qu'il soit là rien que pour moi de temps en temps et c'est sans doute trop en demander parce qu'il a sa vie d'adulte maintenant mais je n'arrive pas à accepter de ne plus avoir de place. Alors quand j'ai l'impression d'avoir toute son attention, j'en profite au maximum. Je lève les yeux au ciel avec un sourire faussement innocent, juste histoire de le faire miroiter un instant. « Bah non... mais on sait jamais. Si jamais on t'échangeait contre un voyage dans l'espace ou le secret de la téléportation, je devrais y réfléchir à deux fois, tu comprends ? » Je ris doucement. « Question de bon sens. » Mais sincèrement, il pourrait faire toutes les erreurs du monde, jamais je n'aurais voulu avoir un autre frère que lui. Il compte trop à mes yeux et il m'a beaucoup trop apporté pour que je puisse prétendre ne plus avoir besoin de lui. Et c'est dur d'être là, de le regarder se faire du souci pour moi alors que je vais bien. Et c'est vrai, je vais très bien ; je suis juste un peu malheureux en ce moment et c'est là toute la nuance. Et malheureux de quoi, même ? De ne plus être certain de savoir la personne que je suis ? Ouais. C'est certainement ça. Je suis en train de me perdre et de ne pas le faire à moitié mais je vais bien et tant que je reste à flot alors il n'y a aucune raison de s'inquiéter.

Et puis je ne sais pas comment on en arrive là. Je ne sais pas comment j'en arrive à me poser cette question mais surtout, pourquoi est-ce que j'ose la poser à haute voix et directement à mon frère. Il est carrément choqué et je crois même que je lui ai fais de la peine. Et ça me fait mal à moi aussi. Parce que j'ai pas envie de lui causer du soucis mais c'est pas de ma faute si j'ai l'impression que je vais le décevoir. Il me rassure et j'ai tellement de mal à le regarder lorsqu'il me le demande que je fini par baisser les yeux. J'esquisse un sourire quand il m'avoue qu'il m'aiderait à cacher un corps si c'était nécessaire et ça main sur mon genou ne m'aide pas à me sentir moins coupable d'être incapable de cracher le morceau. Alors c'est tout, ce sera pas pour ce soir. « Je vais bien, Eziel, je t'assure. Je me demandais, c'est tout. » Et j'affiche un vrai sourire - ceux qui laissent entrevoir mes fossettes, ceux qui ne mentent pas. « C'est juste que je me pose des questions et j'ai pas de réponse et ça tourne dans ma tête jusqu'à en faire des montagnes. Mais j'ai toujours fait des montagnes de rien, tu le sais. Alors ça va. » Et j'espère que ça le rassurera au moins un peu. « On lance un jeu ou quoi ? Que je vois à quel point tu te ramollis en vieillissant. » Et ça me fait rire parce qu'en fait, ça m'arrange bien ; j'ai jamais été très doué aux jeux vidéos.

Sans même se défiler Jordàn est littéralement en train de me dire que si on lui proposait quelque chose de véritablement intéressant, il serait bel et bien capable de m’échanger. Il me fait rire. Quand on était petit il disait toujours qu’il voulait jamais changer de grand frère et puis il a commencé à grandir, on a commencé à se chamailler un peu comme tous les frangins du monde et voilà que maintenant après vingt et un ans de vie commune, il a envie de m’échanger. Je rigole à sa remarque et bien rapidement le rire de mon petit frère se mêle au mien. Je crois que cela fait bien trop longtemps que l’on n’avait pas pris le temps de se titiller comme cela tous les deux. Il faut vraiment que l’on recommence a passer plus de temps ensemble, ça ne peut plus durer comme cela. En tout cas, Jordàn en rajoute une couche et je ne peux m’empêcher de lui lancer un air indigné. « Question de bon sens bien sûr… » répétais-je tout en boudant tel un enfant de trois ans. C’est bon de redevenir insouciant l’espace de quelques minutes, de juste se chamailler un peu sans ce soucier du reste. D’ailleurs ce sujet me rappel un bon vieux souvenir qui me fait rire. Vu le regard que me jette Jordàn, je finis par me tourner vers lui pour lui relever tout cela. « Remarque quand tu es né je voulais te donner à Thayer, parce qu’il arrêtais pas de dire que c’était super cool que j’ai un petit frère alors que lui il en avait pas. Comme j’avais déjà Sasha, j’étais prêt à t’échanger contre son goûter pendant un mois. » J’ai un petit pincement au cœur en pensant à mon meilleur ami, mais je finis par rire tout de même un peu, surtout en voyant la tête de mon petit frère. « Heureusement que j’ai pas céder à la tentation, parce que j’aurais été bien con de vouloir me séparer de toi ! » Oui c’est vrai au début j’étais pas très heureux d’avoir un petit frère, mais maintenant je ne le regrette vraiment pas. En fait, j’en ai voulu à la terre entière pendant deux petites semaines, puis un jour maman m’as demander de l’aider pour s’occuper de Jordàn parce que j’étais devenu le grand de la famille et ça m’as plut. Après ça j’ai jamais plus voulu l’échanger contre quoique ce soit.

Je pensais que les tensions étaient enfin redescendues et que l’on allait enfin pouvoir rire d’un rien et passer une bonne soirée comme je l’avais prévu, mais en quelques secondes Jordàn chamboule tout en me posant une question plus que bizarre. Une question auquel je ne m’attendais pas du tout : il me demande si je pourrais penser du mal de lui un jour. Cette question me blesse plus que je ne l’aurais jamais imaginé. Je me demande pourquoi il se pose ce genre de question, mais je fais de mon mieux pour le rassurer, parce que je ne veux surtout pas qu’il pense cela. Il est mon petit frère, ma fierté et il n’y a rien que je ne ferais pas pour lui, tout simplement. Cela m’inquiète réellement, mais Jordàn a le don de changer de sujet rapidement. Il me dit que ça ira, qu’il se pose juste un peu trop de questions en ce moment et finis par m’offrir un grand sourire. Je ne vais pas insister. Je sais que je si je cherche trop il va se braquer et il va partir. Alors sans rien dire je lui sourit en retour et le prends dans mes bras l’espace d’un instant. « Te prends pas trop la tête petit frère. » lui dis-je doucement avant de le relâcher. « Et ne pense plus jamais un truc comme ça ! »

Une nouvelle fois on décide d’enfin se détendre un peu et Jordàn me défie aux jeux vidéo. Je me lève presque dans un bond et finis par allumer la télé et ma vieille console de jeux. On se lance dans un jeu auquel j’ai pas joué depuis des années et il ne faudra pas longtemps à Jordàn pour me ratatiner et il gagne la seconde manche en plus. Au bout de la troisième j’abandonne en riant. « Okay je sais pas où t’as appris à jouer comme ça, mais je te nomme vainqueur ! » Je soupire et lâche la télécommande sur le canapé. Mon téléphone vibre sur la table basse et je remarque que Nola viens de m’envoyer un message, un petit sourire apparaît sur mes lèvres et je lui réponds rapidement avant de reporter mon attention sur Jordàn. « Ca te dit qu’on se barre un weekend avec Sasha avant que… » Avant que quoi Ezechiel ? Je peux pas lui balancer comme ça que je vais devenir papa. Non pas maintenant. « Enfin. Avant que l’hiver arrive. » dis-je en bégayant un peu. Je me mords la lèvre en espérant qu’il ne relève pas. « On pourrait aller à la plage ou un truc dans le genre. »

Alors qu'Ezéchiel m'avoue que pendant un mois, il a voulu m'échanger contre un goûter - une simple GOÛTER ! - ma bouche s'ouvre lentement et je prends un faux air choqué. « T'es trop un monstre. J'étais qu'un bébé sans défense... » Je reste sérieux quelques secondes mais je finis par éclater de rire. Sa conclusion m'arrache un sourire sincère parce que moi aussi, j'aurais été bien embêté de ne pas avoir ce frère-là. Je veux dire... c'est le meilleur qu'on aurait pu rêver d'avoir. C'est pas tous les frères qui se levaient la nuit pour faire un carnage dans la cuisine, poster nos jouets dinosaures à des endroits stratégiques et me faire croire le lendemain qu'ils s'étaient levés la nuit pour aller manger toutes nos provisions. Et j'y ai longtemps cru parce que mes parents ne l'engueulaient jamais devant moi pour entretenir le mythe. J'aime ma famille. Tellement que ça me fait mal de voir qu'avec le temps, on se disloque, on s'éloigne. Je veux pas ça mais c'est de ma faute, c'est moi qui construit un fort et qui éloigne tout le monde. Et j'essaie de ne pas le faire mais je n'y arrive pas. Ils ont autre chose à faire que de me rassurer sur mon Moi qui se fait tranquillement la malle. Et puis je me dis que je ne suis pas obligé de dire toute la vérité ? Juste un peu. Peut-être que ça lui montrerait qu'on est toujours aussi proche et que j'ai pas envie de le perdre ? J'en sais rien.

On se met à jouer et mon esprit me lâche enfin la grappe et se détend. Ce qu'il y a de bien avec mon frère c'est que, même si je suis nul aux jeux vidéos, il est pire que moi. Puis je constate que c'est pire avec le temps. Mais... on s'amuse quand même. On joue toujours à FIFA alors que j'aime même pas le foot. Mais qu'est-ce que vous voulez... y a des trucs qui s'expliquent pas. On a bien essayé de s'acheter d'autres jeux mais c'est toujours celui-ci qui retourne dans la console. On change rarement d'équipe et je crois que nos habitudes sont aussi un moyen de se rappeler de nos nous d'avant. Ce qui ne se demandait pas ce qu'ils allaient faire de leur vie. Quand il arrête le jeu, j'ai la tête dans la lune et j'entends bien qu'il me parle mais je n'écoute pas. C'est pas de l'impolitesse, c'est juste que je sens que c'est le moment. Et du coup, j'entends plus rien parce que mon coeur bat vite et qu'il me résonne jusque dans les oreilles. « Si jamais c'était pas une fille que je vous ramenais. Si jamais c'était un garçon. Qu'est-ce que t'en penserais ? »

Je ne cache même pas à Jordàn que j’ai voulu l’échanger contre un simple goûter alors qu’il était qu’un petit bébé âgé de quelques mois seulement. Je ne l’ai jamais réellement caché que l’arriver de mon petit frère a été une épreuve assez difficile. J’avais facilement accepté l’arriver de Sasha, mais je pense que c’est parce qu’elle était déjà grande en quelque sorte. Au final pourtant je n’ai pas boudé longtemps après la naissance de Jordàn. Juste le temps que maman rentre de la maternité en fait. Mes parents ont eu la bonne idée de tout de suite me responsabilité face au nouvel arrivant de la maison et je n’ai jamais été aussi fier que le jour où j’ai donné le biberon à Jordàn pour la première fois. Depuis j’essaye d’être le meilleur grand frère qui puisse exister. On a eu des moments de crises c’est vrai. Pendant mon adolescent quand je ne voulais pas être collé par les plus petits, pendant la période assez noire où je n’acceptais plus du tout ma maladie, quand Sasha n’allait pas bien parce que l’on ce moquait d’elle et de ses origines. Au final, il n’y a que Jordàn qui n’a jamais traverser de période difficile et j’ai comme l’impression que c’est en train d’arriver. C’est sournois, presque vicieux, mais je vois bien que mon frère est en train de sombrer dans quelque chose qu’il ne maîtrise plus vraiment. Tout le monde s’en ai rendu compte. Sasha, mais les parents aussi. Je me souviens parfaitement de ce que maman m’as dit à la fin du dernier repas de famille que nous avons fait. Cela ne lui a pris qu’une minute. Elle m’a attrapé dans la cuisine alors que je faisais les cafés et elle m’a tout simplement dit de faire attention à mon petit frère. C’est tout. Rien de plus. Je peux vous dire que j’ai retourné cela dans mon esprit pendant des semaines et ce soir finalement j’ai trouvé le temps de faire attention à Jordàn. Pourtant je n’insiste pas lorsque je finis par comprendre qu’il n’as pas vraiment envie de s’étaler sur sa vie privée. Après tout je ne peux pas le forcer non plus. Oh non. Je n’ai surtout pas envie de me prendre la tête avec lui. Alors on retrouve nos âmes d’enfants. On met en route la console de jeux et on galère comme des abrutit. Cela fait des années qu’on essaye et pourtant on y arrive pas tant que cela. Avant je jouais avec Thayer. On pouvait y passer des heures et cela finissait toujours par un fou rire. Cela me manque… Enfin. Je crois que ce n’est pas le moment de penser à cela. Je dois passer une bonne soirée avec mon frère et je dois penser à lui avant tout. J’aurais bien le temps de voir pour le rester.

On joue encore pendant quelques minutes et je finis par mettre le jeu en pause lorsque je finis par remarquer que Jordàn est totalement dans la lune. J’essaye de lui parler, je lui propose même de se refaire un weekend seulement entre nous et avec Sasha, mais c’est à peine s’il répond. Je crois qu’il m’a même pas entendu. Je le laisse un peu dans son monde, parce qu’après tout il a toujours été un rêveur puis je soupire un peu. Finalement Jordàn se tourne vers moi et j’ai seulement besoin de croiser son regard pour comprendre qu’il va finir par me dire quelque chose d’important. Je stoppe tout et me concentre uniquement sur lui. Et après quelques secondes il me demande ce que je penserais s’il nous ramenait un garçon à la place d’une fille. Je reste un peu surpris et pourtant je me reprends bien vite pour ne pas blesse mon petit frère. « Jordàn… J’ai tout de suite accepté l’homosexualité de Sasha, pourquoi ce serait différent avec toi ? » Oui c’est la première réponse qui m’es venu à l’esprit, mais ce n’es que la strict vérité après tout. Il a l’air tellement mal à l’aise quand j’ai finis par prononcer ces quelques mots. C’est compliquer de le voir dans cet état. J’ai tellement peur de faire quelque chose de travers. « Tout ce qui compte pour moi c’est que tu sois heureux, d’accord ? Si c’est un homme qui peut le faire, alors je serais content d’avoir un beau frère. Je ne te jugerais jamais là-dessus petit frère, jamais je n’oserais. Et personne ne le fera dans la famille tu sais. On veut juste te voir heureux avec un homme ou une femme on s’en fiche. » Doucement je pose ma main sur son épaule et la serre un peu juste pour lui montrer que je suis là pour lui et que je l’aime plus que tout.