Le professeur de civilisation anglaise blablatait son cours pendant que nous prenions tous note. Le cours aurait pu être intéressant si le professeur n’était pas aussi barbant. En effet, le professeur en question était une femme, âgée d’une cinquantaine d’années peut-être, à la voix molle et monotone. Un régal ! Ah, si seulement tous les profs pouvaient être comme celui que j’ai en cours de littérature anglaise... Un jeune homme à qui je donnerais une petite trentaine d’années, dynamique, qui sait rendre son cours intéressant grâce à sa pertinence et à son interactivité. Je crois qu’il y est grandement pour quelque chose si ce cours est aujourd’hui mon préféré.
Dans un soupir, et pas vraiment concentrée sur ce que nous faisions, je tournai la tête vers l’extérieur. Ca a du bon parfois d’être placée juste à côté de la fenêtre. Le soleil brillait. Ca me donnait envie de sortir. D’ailleurs, ce cours étant mon dernier de la journée, j’avais prévu juste après de filer directement au bord de la plage pour m’aérer le corps et l’esprit. J’aurais pu profiter du fait de finir tôt pour m’avancer un peu, certes, mais parfois, ça fait du bien de se déconnecter de tout. Non ?

La sonnerie me fit sortir de mes rêveries. Mes camarades rangèrent leurs affaires et je les imitai avant de sortir de la salle. Enfin… Avant que je ne m’apprête à sortir de la salle plutôt. En effet, la professeur, Mrs Woolf, m’interpella: “Eh bien Miss Collins, vous n’étiez pas avec nous aujourd’hui”. A croire que je n’a pas le droit à quelques minutes d’égarement. “Je suis désolée, c’est juste que je suis fatiguée. Ca ira bien mieux demain”, rétorquais-je avant de lui adresser un léger sourire, de remettre mon sac bien comme il faut sur mon épaule droite et de sortir de la salle sans lui laisser le temps de me répondre.

Je rejoins en quelques minutes le parking réservé aux étudiants où m’attendait ma petite voiture. Etant assez mauvaise conductrice, j’évitais le plus possible de la prendre, préférant me contenter des transports en communs, même s’ils ont aussi leurs inconvénients, il est vrai. Pourquoi je me qualifiais moi-même de mauvaise conductrice ? Parce qu'au volant, je suis quelqu'un de stressée, nerveuse et pas vraiment attentive, ce qui fait que parfois, je fais un peu n'importe quoi. Mais bon, je n'ai encore tué personne.... Trève de plaisanterie. Si aujourd'hui, j'avais pris ma voiture, c'est tout simplement parce qu'avant de venir en cours, j’avais eu à acheter deux ou trois bricoles pour mon appartement dans lequel je m’étais récemment installée et que j'adorais décorer et redécorer par divers objets selon mes goûts, mes couleurs et mes envies. Mais bref, je démarrai la voiture et pris la route en direction de la mer.  
 
Arrivée là-bas, je fus désagréablement surprise de voir que le parking le plus proche du bord de mer était bondé et que les places encore libres se faisaient rares. Je fis plusieurs tours avant de m'avouer que je n'avais plus vraiment le choix: je devais me garer en créneau si je voulais profiter d'un grand bol d'air frais. Le créneau... En voilà un bel exemple de ce qui me stresse en voiture ! Prenant alors mon courage à deux mains, je commençais à faire plusieurs manœuvres pour arriver à ma fin... En vain. Je lâchai un juron, chose qui ne m'arrive que rarement, même si je suis une grande râleuse, sentant que l'agacement montait doucement mais sûrement en moi. Toutes mes tentatives échouèrent les unes après les autres. Après avoir calé une seconde fois, j'aperçus, à travers mon rétroviseur, un jeune homme qui semblait intrigué par ce que je faisais. Pour moi, ce fut la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Etait-il en train de se moquer ? Pour moi, c'était tout comme ! Agacée, et sans vraiment réfléchir, je descendis de la voiture et fit quelques pas vers lui: "Prends un appareil photo, je t'en prie !" lui aboyais-je avant de tourner les talons.

“Je n’en ai pas sous la main, dommage…” Voilà ce qu’il me répondit. Il se moquait ouvertement de moi, sous mon nez, et ne faisait ainsi qu’augmenter un peu plus mon agacement. J’ouvris la portière de ma voiture et tournai la tête vers lui pour lui lancer un regard noir comme je savais si bien les faire. Je ne le connaissais pas, mais déjà, je ne l’aimais pas. Pour qui se prenait-il exactement ? Il semblait si sûr de lui, si méprisant... Pire que moi ! Préférant stopper le dialogue ici, enfin si on peut vraiment appeler ça un dialogue, je rentrai dans ma voiture et claquai la porte, encore plus énervée que lorsque j’en suis sortie. Je soufflai longuement, et décidai d'allumer la radio. Un peu de musique ne pouvait me faire que du bien. Après quelques longues secondes de calme, mais en musique, je repris mes manoeuvres, essayant d'être la plus sereine possible, même si à l’intérieur, je bouillonnais encore. En jetant un coup d’oeil dans le rétroviseur, je vis toujours le jeune homme qui n’avait pas bougé d’un pouce et qui semblait profiter du spectacle que j’offrais, bien malgré moi. J’essayai d’y faire abstraction et de me concentrer pour enfin réussir mon créneau. Après avoir détourné un instant mon regard du pare-brise, je reposai mon regard vers l’avant et eus un léger sursaut en voyant le jeune homme juste devant mon véhicule. Je ne l’avais même pas vu bouger… Je fermai les yeux et soufflai doucement. Quand je dis que je suis nerveuse en voiture !

Je le fixai, presque comme si j’étais en train de le défier du regard. Il s’avança jusqu’à se planter juste à côté de ma portière. Il me fit signe de baisser ma vitre mais je ne fis rien. Si c’était pour entendre une de ses remarques cinglantes, ou pire encore, une quelconque phrase qui me ferait sentir plus basse que terre, à laquelle il avait pu réfléchir en me voyant peiner, ce n’était pas la peine. Vraiment pas la peine. Ne voyant aucune réaction de ma part, il insista, et dans un soupir, je baissai à moitié la vitre avant d'éteindre la radio. Mon regard était tourné vers l'avant, évitant ainsi soigneusement le sien, pour bien lui faire passer le message de mon mécontentement. “Tu veux un coup de main ?”. Sa réponse me fit sourire doucement et je posai mon regard sur lui. "Pourquoi ? J'te fais autant pitié que ça ?". Je coupai le contact et lui demandai, d'un ton plutôt sec, de se pousser pour que je puisse ouvrir la portière sans le heurter. Je descendis du véhicule et le regardais. "T'as pas intérêt d'en profiter pour te barrer avec ma caisse". Je préfère avertir, on sait jamais après tout. Je n'aime pas beaucoup conduire mais j'avoue avoir besoin de ma petite voiture pour les tâches quotidiennes, comme faire les courses. Mais il faut dire que je n'ai tellement pas l'habitude qu'on me propose de l'aide, encore moins venant d'un parfait inconnu que je trouvais ça presque louche comme proposition. Attendait il quelque chose en retour ou faisait il ça par pure générosité ? Ou peut-être était-ce la seule chose qu'il avait trouvée pour se montrer supérieur à moi. Bizarrement, cette dernière solution me semblait la plus plausible. Restant méfiante, je fis quelques pas pour lui permettre de prendre place dans ma petite voiture. J'en profitai pour faire le tour et vérifier qu'il n'y ait pas trop de dégâts suite aux quelques légers percutements que j'avais pu avoir en essayant de me garer. Je jetai un coup d'oeil rapide aux autres voitures pour voir si elles n'ont plus n'avaient pas quelques égratignures, même si j'avoue que ça, c'était le cadet de mes soucis. Ce que je voulais réellement, c'était en terminer rapidement avec ce créneau et que je puisse enfin profiter pleinement de l'air marin. Je me poussai enfin pour lui permettre de prendre place dans le véhicule et de garer ma voiture.