Il faut que je me trouve une situation professionnelle. N’allons pas nous méprendre, vivre avec mon frère aux frais de la princesse est très agréable. Je n’ai même pas encore vu son fils depuis que je suis arrivée, il sait cuisiner contrairement à moi et la vie en communauté se passe presque bien. Mais c’est un homme, un être du sexe opposé qui partage mon sang, ce qui signifie aussi que je ne peux pas franchement vivre ma vie comme je l’entends alors que je suis chez lui. Et ma vie commence à me manquer un peu ; je n’étais pas habituée, au cours de mes études de médecin, à partager ma maison dans l’abstinence, même si je n’ai jamais été fille à coucheries – ce qui était précisément censé changer une fois aux USA, non ? Je soupire et feuillète un magazine de mode où on explique en long, en large et en travers quelles sont les dernières tendances et pourquoi la taille 36 n’est plus à la mode. Formidable, une fois que j’aurais un appartement, je pourrais même manger des plats préparés et du fast food tous les soirs sans craindre de finir seule et rejetée même si je prends douze tours de taille. A ce propos, je pioche justement dans le paquet de chips que j’ai dérobé dans un placard de la cuisine et en mange gracieusement. Ce magazine m’ennuie, en réalité, quoi que… Oups. Je manque de m’étrangler avec mes chips en tombant sur une page qui titre, en énorme et très, très voyant « COMMENT J’AI DECIDE DE DEVENIR UNE CALL-GIRL ». Uh. Je fronce le nez, et comme ma mère l’aurait très certainement fait à ma place, lève les yeux au ciel pour tenter de capter si Dieu m’envoie un signe, quelque chose du genre. Call-girl, seriously ? Il y a des gens qui font ce métier et qui s’en vantent ensuite dans un magazine de mode grand public ? Je tourne les pages en levant les yeux au ciel de nouveau, mais d’agacement cette fois. Franchement, quelle perte de temps. Il faut que je me trouve un boulot sympathique dans un joli bureau. Ensuite un mari, des enfants, une grande maison, trois chiens et…

Je sursaute un peu en entendant le bois qui grince et me sors de mes pensées. C’est cette vie-là que je viens de fuir – cette vie-là et ma mère – à quoi bon se battre maintenant pour y retourner ? Depuis que je suis arrivée ici, je n’ai trouvé que des offres de l’emploi soit pour lesquels j’étais clairement surqualifiée – du genre femme de ménage, est-ce que vous m’imaginez devoir gérer une maison toute seule toute la journée, sérieusement ? – soit pour lesquels je n’avais pas la moindre motivation – moi derrière un bureau dans une banque, sérieusement ? J’ai toujours été douée en maths et en sciences en général, mais à quoi bon ? A bien y réfléchir, ce qui me plaisait dans le métier de médecin, c’était surtout le contact avec les gens… Non, je ne suis pas en train de penser à ça. Non. Pourtant, mes doigts filent sur les pages et je retrouve l’article, me mordant la lèvre, prise de culpabilité tandis que mes yeux en balayent les premières lignes. La fille explique qu’en plus d’être très bien payée et traitée comme une reine, son expérience lui a aussi permis de changer radicalement de comportement, passant d’une vie tranquille et rangée à une vie trépidante, fait d’excitation et de grands moments. Je vous passe les détails sur le bonheur florissant de sa vie sexuelle et sur l’ouverture d’esprit, hm. Je lis avec passion, sans m’arrêter, et une fois l’article terminé, décide de poursuivre mes recherches sur internet. Après avoir filtré les nombreux sites porno – ew – que j’ai l’immense bonheur de trouver, je tombe sur quelques adresses utiles et sites qui attirent mon attention, mais avant que je ne puisse approfondir davantage ma recherche, la porte d’entrée de la maison claque et je sursaute, fermant tout sous l’impulsion de la panique. Je m’écarte du pc comme si c’était un corps que je venais de laisser là, assassiné, et planque le magazine sous le canapé. « Y'a quelqu'uuuuuunnnnnn ???? On a un invité !!!! » J’hausse les sourcils, inspire pour reprendre le contrôle de mon rythme cardiaque et de mes pensées, et me précipite dans l’entrée, m’armant d’un sourire radieux en découvrant le petit Lohan qui accompagne son père. Oublier cette histoire de call-girl, vite, oublier, awkward seigneur. « Oooh ! Lohan ! Quelle surprise ! » J’embrasse Arthur sur la joue et m’abaisse au niveau du petit garçon pour le prendre dans mes bras. « Tu as tellement grandi ! » Je souris et l’embrasse lui aussi, me redressant au bout de quelques secondes. « Vous allez bien tous les deux ? »