En ce moment, je fais mon possible pour ne pas replonger. Les tentations ce font de plus en plus fortes. Tout simplement parce que j’ai envie d’oublier tout ce qui m’entoure. Oublier que Lennon ce complet avec un autre homme, oublier que mon frère est de retour et que ma mère me déteste. Je voudrais qu’on me laisse tranquille, je voudrais que Gabriel soit là, qu’il me secoue et surtout qu’il me dise quoi faire. Mais non. Personne n’est là pour me dire quoi faire et pour la première fois depuis quelques semaines, je me sens de nouveau incroyablement seul. La bouteille de whisky qui traîne chez moi, me fait de plus en plus envie. Je voudrais aussi m’allumer un joint. M’exploser la tête. Me faire planer. Rêver d’ailleurs. Mais j’ai promis. J’ai promis à Lennon que j’en avais finis avec tout ça et même si elle m’avait déçue je peux m’empêcher de respecter cette promesse. Et aujourd’hui j’ai décidé de me bouger un peu. Il faut absolument que je me trouve un boulot étant donner que celui que j’avais trouvé n’aura duré que deux semaines. Je n’étais pas assez fort physiquement pour réellement aider les hommes sur le chantier et un jour mon patron m’as demandé de prendre la camionnette pour aller chercher des matériaux, j’ai été obligé de lui dire que je pouvais pas, même s’il a compris lorsque je lui ai expliqué le comment du pourquoi, il a finis par me virer. Un jeune qui a peur de monter dans une voiture ça l’intéresse pas. Logique. Mais ce qu’il a pas compris ce que je vivais avec 20 dollars sur mon compte en banque autant dire que ce n’es pas assez pour me nourrir à ma faim et pourtant aujourd’hui je devais absolument aller au supermarché mes placards étant désespérément vide et mon estomac crie famine. Je prends rapidement une douche et sors de chez moi. Je déteste aller dans les endroits « populaires » de Town Square. Je sais que je vais finir par croiser des gens qui connaissent mon histoire et qui ne peuvent s’empêcher de commérer sur mon cas. Je vais entendre des rumeurs dans mon dos, le prénom de Gabriel sera plusieurs fois prononcé ainsi que celui de Lennon ou de ma famille. Mais j’ai pas le choix, je vais pas me laisser crever de faim.

Je finis par pénétrer dans le supermarché légèrement tendu avec seulement mes 20 pauvres dollars dans la poche arrière de mon jean. Objectif trouvé de quoi manger pour pas cher et si possible des trucs qui me tiennent au ventre. Cela fait des semaines que je mange des pâtes et j’avoue que j’en peux plus. J’erre quelque peu dans les rayons avant de m’arrêter devant des boîtes de conserves pas réellement appétissant mais bon… A mes côtés, une jolie brunette à l’air de galérer à essayer d’attraper un truc sur une étagère assez haute. « Besoin d’un coup de main ? » lui demandais-je en souriant quelque peu. Je ne l’avais jamais vu à Town Square auparavant, mais en même temps cela fait des semaines que je n’ai pas mis le nez dehors et que je ne sais rien de la vie de ma ville natale. Alors que je finis par l’aider, je lui dis : « Si tu crevais la dalle tu mangerais quoi ? » Question quelque peu idiote, mais bon, elle pourrait peut être m’aider qui sait.

On ne pouvait pas dire qu'Ainsley avait réellement vécu à Town Square ces cinq dernières années. Elle avait beau eu faire ses études à l'université de la ville, elle vivait sur le campus. De plus, elle avait tant crouler sous le travail qu'elle n'avait jamais pris le temps de découvrir la ville, et il faut bien avouer qu'elle avait passé ses week-ends dans un avion pour San Diego dès qu'elle le pouvait, pour aller rendre visite à sa grand-mère. Cet été là, elle avait travaillé pendant six semaines dans le plus grand cabinet d'avocat de la ville, auquel elle avait envoyé environ dix-huit CVs pour qu'ils considèrent le fait de l'embaucher dès le mois de septembre, puisqu'elle avait enfin terminé ses études. Bien qu'il lui restait beaucoup à découvrir, Ainsley aimait bien cette petite ville en bord de mer, et elle s'imaginait très bien y vivre pour au moins quelques temps. Alors, quand ses vacances plus que méritées arrivèrent enfin, elle décida de passer tout son temps à Town Square. Jusqu'à présent, elle avait passé le plus clair de son temps à errer vers la plage et le port. Depuis la fin des cours, l'université avait autorisé quelques personnes à rester dans leur chambre universitaire le temps de trouver un logement. Seulement, en septembre elle devrait déménager pour laisser la place aux nouveaux étudiants pour la nouvelle année qui allait commencer. La jeune femme avait dû se mettre à trouver un appartement ou du moins une petite maison pour s'installer. Un petit studio dans un bâtiment rénové de la vieille ville avait tout de suite attiré son attention, et quelques jours plus tard, elle avait signé le bail. Et bien qu'elle vivait entre les cartons, étant trop flemmarde pour les déballer, elle ne pouvait évidemment pas faire l'impasse sur l'état de son frigo : désespérément vide. Quand elle y pensait, les petits plats que sa grand mère lui préparaient lui manquait. Alors, prise d'un élan de volonté, elle décida d'aller au supermarché pour remplir ses placards. Elle se doucha, puis sortit et parti pour le magasin.

Il n'était pas si tôt que ça, environ dix-sept heures peut être, et le parking n'était pas autant rempli qu'Ainsley s'y attendait. Elle se gara sans problème et, après avoir prit un caddie, pénétra dans le magasin. Elle erra longtemps entre les rayons sans savoir quoi acheter. Elle soupira. Ce n'était pourtant pas une question de prix, avec le stage qu'elle avait fait, elle n'avait pas vraiment à s'en faire. Finalement, elle passa dans le rayon des conserves et s'y arrêta. Elle regarda longuement les étagères, et se décida à attraper une boite de sauce tomate. Ces dernières étaient sur la plus haute étagère, et même sur la pointe des pieds, elle avait vraiment du mal à les atteindre. Un jeune homme s'approcha d'elle avec un léger sourire : « Besoin d’un coup de main ? » juste au moment où elle finit par attraper la boite. Elle la brandit alors en souriant. « Ca va, merci quand même ». Ainsley pausa la conserve dans son caddie et examina discrètement l'homme. Elle ne l'avait jamais vu auparavant, bien qu'elle ne sortait pas souvent et ne connaissait pas vraiment beaucoup de gens en ville. Elle s'apprêtait à changer de rayon quand il l'interpella. « Si tu crevais la dalle tu mangerais quoi ? » Ainsley se retourna et réfléchit en regardant se qui se trouvait en face d'elle : des légumes, des fruits au sirop, des sauces.. Elle ne trouvait pas que tout cela 'remplissait vraiment'. Elle avança alors son caddie vers le bout du rayon, et s'arrêta pour lui parler. « Des bananes. Le magnésium et tout ce qu'elles contiennent aident généralement à lutter contre la faim. Je pense que du riz et des pâtes sont indispensables.. » Elle regarda son caddie à la recherche d'idées, mais il était désespérément vide. « Du pain aussi, ça peut être bien. Des pommes et des aubergines pourquoi pas. » Ainsley lui sourit gentiment. Elle se demanda pourquoi il lui demandait ceci, mais le garda pour elle. Les mains du jeune homme étaient aussi vides que son caddie. « Vous allez probablement être chargé une fois que vous aurez pris tout ça. Vous voulez qu'on partage mon caddie ? »

Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas mis les pieds dans le supermarché de Town Square, dire que lorsque j’étais encore qu’un adolescent, on venait ici tous les week-ends avec Gabriel. On avait un peu besoin de fric et on aidait les grands-mères à faire leurs paquets aux caisses, parfois on leurs portait même jusqu’à leurs voitures. A l’époque, tout le monde m’appréciait en ville. J’étais le jeune Calloway, un gosse de bonne famille qui participait régulièrement à la vie de la communauté. Voilà, j’étais quelqu’un de bien et désormais tout le monde me déteste. Les gens ce retournent sur mon passage et la femme qui tiens l’accueil ne peut s’empêcher de me lancer un regard noir. Ce genre d’attitude m’énerve au plus haut point et me donne surtout envie d’hurler, mais je ne fais rien de tout cela. Je lui passe devant et lui adresse même un sourire. Joueur le petit Noam ? Légèrement. Je finis par errer dans les rayons comme un idiot. Je ne sais même pas quoi choisir. J’en ai marre de manger des pâtes, mais le moindre truc consistant coûte au minimum 3dollars et fait même pas un seul repas. Je sens que je vais rapidement me prendre la tête. Enfin. Au détour, d’un rayon, je croise une jolie brunette qui à l’air en difficulté, au final, je lui propose mon aide qu’elle décline. Petit échec. Subitement et sans réfléchir je finis par lui dire : « Si tu crevais la dalle tu mangerais quoi ? » J’avoue qu’il y a mieux comme première approche, mais c’est tout ce que j’ai trouvé. Au moins, ça a le don de la faire sourire. Alors qu’elle avance je la suis quelque peu et elle finit par me donner une liste incroyablement longue de truc. « Des bananes. Le magnésium et tout ce qu'elles contiennent aident généralement à lutter contre la faim. Je pense que du riz et des pâtes sont indispensables.. » ce qui me fait sourire. C’est dingue les femmes sont toujours douée pour ça. Je l’écoute encore déblatérer une autre liste tandis que je compte combien tout cela pourrait me coûter. Euh… Beaucoup plus que vingt dollars je crois.

« Vous allez probablement être chargé une fois que vous aurez pris tout ça. Vous voulez qu'on partage mon caddie ? » finit-elle par me dire. Ce qui me fait doucement rire. Je ne voudrais pas paraître impoli, mais je crois bien que c’est la première fois qu’on me propose quelque chose comme ça. « Merci de ton aide, mais je dois trouver de quoi manger pour le plus longtemps possible et tout ça pour moins de vingt dollars. » avouais-je tout en haussant les épaules. Mon aveu semble la surprendre et je me surprends moi-même. En général, je ne parle jamais de mes soucis d’argent, mais je sais pas. J’ai l’étrange impression qu’elle ne connaît pas mon passé et cela me fait vraiment plaisir. « Au fait, moi c’est Noam. » lui dis-je tout en lui tendant la main. Bah oui, j’aimerais bien savoir le nom de ma chère inconnue. Je finis par enfoncer mes mains dans mes poches et marche à ses côtés. « Je suis sûr que t’es pas d’ici, je me souviendrais d’un aussi joli sourire. » dis-je alors retrouvant mes vieux instinct de dragueur en quelques secondes.

Alors qu'elle parlait pour la première fois à quelqu'un qui avait l'air de vivre ici depuis un moment, Ainsley se félicita d'avoir réussi à se bouger aujourd'hui pour quelques courses. Ça lui faisait du bien de parler à d'autres personnes que des personnes qui étaient là pour lui crier ce qu'elle devait faire et d'aller chercher quatre cafés car ils étaient sortis toute la nuit et que ce dossier là était vraiment complexe. Quand elle y repensait, en venant s'installer ici, elle avait aussi choisi d'abandonner toute vie sociale. A son emménagement, elle n'était pas forcément dans l'optique de se faire des amis. Elle était surtout ici pour tourner la page, pour commencer à vivre quelque chose de nouveau. Elle le regrettait un peu à présent. Peut être aurait-elle dû essayer d'avantage? Elle n'aurait sans doute jamais la réponse à cette question, mais c'était quelque chose d'important pour elle. Il fallait qu'elle se ressaisisse. Elle ne pouvait décidément pas parler vaniteusement à chaque personne qui venait l'aborder. Elle l'avait d'ailleurs prouvé avec ce jeune homme dont elle ne connaissait rien. Il n'avait pas l'air bien méchant, si ? Cependant, si Ainsley ne s'inquiétait pas beaucoup qu'un homme apparemment pas très bon en diététique vienne lui parler, elle ne pût s'empêcher de remarquer les regards que les gens autour d'eux lui lançaient. En effet, dès le moment où il lui eût adressé la parole, un bourdonnement sourd vient aux oreilles d'Ainsley. Mais qu'avaient-ils ? Elle se retourna et observa les personnes qui parlaient. Ceux-ci la fixaient avec de grands yeux, et détournèrent le regard en voyant qu'elle les avait remarqué. Il y avait ces deux caissières au gilet rouge près des caisses, le vieil homme en treillis et une blonde d'âge moyen, et la dame de l'accueil au menton avancé. Ainsley haussa les épaules et n'y prêta plus attention. Alors qu'elle avait parlé, elle regardait l'homme en face d'elle. Ses sourcils froncés montrèrent que son cerveau était en plein ébullition. Elle se demanda à quoi il pouvait bien penser alors qu'elle se contentait de l'aider. Elle espéra alors secrètement que ce n'était pas un de ses malades qui tue et dépèce ses victimes avant de se faire un manteau de leurs peaux (ce qui pourrait bien expliquer le nombre de paires d'yeux braqués sur eux). Mais le rire du jeune homme lui rappela qu'un scénario comme celui-ci était quand même loin d'être possible après tout. « Merci de ton aide, mais je dois trouver de quoi manger pour le plus longtemps possible et tout ça pour moins de vingt dollars ». Ainsley haussa un sourcil, mais fini par hocher la tête. Elle se demanda pourquoi il lui raconta ceci, sachant qu'il aurait pu simplement faire le tri dans ce qu'elle lui avait proposé sans lui dévoiler sa vie. La jeune femme l'examina de plus près. Sa coupe de cheveux était légèrement défraichi et parsemée de mèches rebelles. Sa barbe avait l'air d'avoir trois bons jours. Ses vêtements étaient amples, voire même trop pour lui. Ainsley ne s'attarda pas plus que ça sur lui, ça paraissait particulièrement impoli. « Au fait, moi c'est Noam. » Quand il lui tendit la main, elle la lui serra. « Et moi Ainsley. Enchantée. » Elle desserra la main du jeune homme. « C'est assez atypique comme prénom Noam, je trouve. » Ils se remirent alors à marcher en quête de nourriture qui pourrait remplir l'estomac de Noam, et les placards d'Ainsley. En passant devant un rayon, elle y attrapa une boite d'haricots rouges : elle avait soudain envie de concocter un bon chili con carne. Elle n'en n'avait pas mangé depuis des lustres. « Je suis sûre que tu n'es pas d'ici, je me souviendrais d'un aussi joli sourire. » Elle haussa un sourire réprobateur, mais fini par sourire, amusée. « Je vis ici depuis cinq ans pourtant. Tu n'as pas bien dû regarder, je suis sûre que tu m'aurai trouvé sinon. » Elle lui fit un clin d'oeil avant de rajouter : « Plus sérieusement, j'ai joué l'hermite pendant toutes ces années. Je ne connais personne et je connais encore moins la ville. J'ai failli me perdre en venant de la vieille ville au supermarché. C'est pour dire. » Elle rigola un instant avant de secouer la tête. En y repensant, c'était vraiment dommage de ne pas avoir été plus curieuse que ça.

Il ne fallut que quelques minutes pour qu’elle remarque les regards qui nous fixent depuis que j’ai commencé à lui parler. Je ne voudrais surtout pas la mettre mal à l’aise. Après tout, elle ne doit rien connaître de mon histoire et si elle est nouvelle en ville je ne voudrais pas ternir sa réputation. Ce serait mauvais pour elle qu’elle soit cataloguée alors qu’elle vient juste de débarquer dans notre ville. Enfin. Je finis par lui expliquer que j’ai seulement vingt dollars en poche et que je dois pouvoir me nourrir le plus possible uniquement avec cela. Elle semble surprise de ma révélation, mais ne dit rien ce qui ma rassure. On oublie rapidement ce sujet et je me présente. C’est la moindre des choses après tout. « Et moi Ainsley. Enchantée. C'est assez atypique comme prénom Noam, je trouve. » me dit-elle en ce remettant en marche. Je ne peux m’empêcher de sourire. J’ai toujours eu l’habitude de mon prénom, mais à chaque fois que je rencontre quelqu’un de nouveau, il me dit que j’ai un prénom assez original et à chaque fois je me dis que mes parents ont fait forts entre Noam et Pryam. Il fallait le faire tout de même. « Mes parents aiment les choses atypique. » dis-je en hochant les épaules. Dire que cela fait deux ans que j’ai pas vu mes parents. Bref. On continue à errer dans les rayons en regardant instinctivement à droite et à gauche pour tenter de trouver quelque chose qui pourrait rassasier nos estomacs affamés. Elle jette son dévolu sur une conserve pendant que je me demande encore ce que je pourrais manger. Pour éviter d’y penser, je me concentre sur ma collègue de course. « Je suis sûre que tu n'es pas d'ici, je me souviendrais d'un aussi joli sourire. » J’avoue que c’est un peu léger comme approche, mais je suis un peu rouillé et puis de toute façon il n’y a rien de bien méchant dans ce que je viens de dire.

« Je vis ici depuis cinq ans pourtant. Tu n'as pas bien dû regarder, je suis sûre que tu m’auras trouvé sinon. » me dit-elle tout en me faisant un clin d’œil. L’espace d’un instant, je me sens quelque peu idiot. Bordel cinq ans, cela veut dire qu’elle était déjà là avant que mon enfer ne commence. Je l’observe quelques instants et me rends compte qu’elle doit avoir a peu près le même âge que moi et qu’on a du fréquenter la même université enfin à l’époque où je fréquentais le campus. Bordel ça remonte. Je n’ai pas le temps de répliquer qu’elle ajoute : « Plus sérieusement, j'ai joué l'hermite pendant toutes ces années. Je ne connais personne et je connais encore moins la ville. J'ai failli me perdre en venant de la vieille ville au supermarché. C'est pour dire. » avant de rigoler doucement. J’ai l’impression qu’on vit un peu dans le même monde. Deux hermites qui ce rencontrent au supermarché c’est assez atypique quand même. Et la première personne que tu rencontre est la moins fréquentable de tout Town Square pensais-je tandis que nos regards ce croisent. « Je crois qu’on va bien s’entendre, j’ai un peu joué l’hermite ces derniers temps moi aussi… » avouais-je en baissant légèrement le regard. Je la suis alors qu’elle tourne dans un autre rayon. J’attrape un paquet de pâtes, le moins cher possible bien entendu et me le glisse sous le bras. « Mais moi je suis né ici alors si t’as besoin d’un guide hésite pas à demander. » dis-je en souriant de nouveau. On ce retrouve encore une fois devant des conserves et on s’arrête comme deux idiots en fixant les étagères qui nous font face. « Tu comprends toi pourquoi y a autant de marques différentes ? C’est quoi leur but, faire le plus de conserves possible ? » dis-je en riant.

À chaque parole, chaque geste, chaque demi-tour, le bourdonnement qu'elle avait remarqué plus tôt revenait à nouveau, et les personnes autour d'eux les fixaient avec cet étrange attitude qui montrait qu'ils pourraient les griller en un rien de temps. Ainsley essaya de ne pas y prêter attention plus longtemps, mais les regards jetés entre deux boites de conserves et au détour des rayons commencèrent à l'agacer sérieusement. Elle jeta un regard à Noam. Lui aussi avait remarqué les commères, mais ne semblait pas quoi faire pour lutter contre ça. La jeune femme s'agaça brusquement et se retourna pour fixer un groupe de plusieurs caissiers et autres : « C'est quoi votre problème à la fin, vous voulez ma photo ou quoi ?! » Ainsley n'était vraiment pas d'humeur à s'attarder avec des gens comme ça, mais elle ne supportait plus les murmures derrière eux. Elle leur jeta un regard noir et se retourna à nouveau pour continuer son chemin avec Noam. « Mes parents aiment les choses atypiques. » Ainsley sourit à cette remarque. C'est vrai que c'était bien la première fois qu'elle croisait une personne avec un nom comme celui ci, et ce n'était pourtant pas faute d'avoir voyagé au moins un petit peu en Californie. « Effectivement. » La jeune femme repensa alors à l'approche de Noam qui a parlé de son sourire. Elle n'était pas sortie depuis si longtemps, les techniques de dragues n'avaient pas évoluées en cinq ans ? C'est quand même étrange. Il y a des classiques, comme le fameux 'je te paye un verre', mais cette histoire de sourire n'était définitivement pas bien différente que ce qu'elle avait pu connaître quand elle sortait encore alors qu'elle n'avait dix-huit ans. Cependant, elle remarqua aussi qu'il était bien moins rentre-dedans que ces lourdingues de boites de nuit qui te harcèlent pendant trois heures jusqu'à ce que tu dises oui, ou alors jusqu'à ce que tu partes. Un frisson la parcourut à cette pensée. Et lui, sortait-il beaucoup ? Était-il ce genre de personnes qui t'agaçaient et essayaient de te souler pour qu'ils puissent te proposer de te raccompagner à une heure du matin seulement ? Ainsley n'en avait pas la moindre idée. Mais c'était plutôt un 'gentil' dragueur, alors elle arrêta de penser à ça.

Ainsley, pendant un moment, n'en revenait pas de ce qu'elle venait de dire à cet inconnu qui était venu lui parler entre les conserves et les fruits et légumes. En plus de s'être à moitié ridiculisée, elle racontait sa vie au premier venu. C'est qu'elle devait vraiment se sentir seule. Elle ne l'avait juste pas tant remarqué que cela jusqu'à présent. Ce n'était pas de la faute de Noam non, mais par principe, on ne raconte pas sa vie en trois mots à quelqu'un qui ne nous a même pas offert un verre. Ainsley tâcherait de s'en rappeler. Elle rougit légèrement puis balaya son esprit d'un mouvement de tête. Elle se concentra à nouveau sur le jeune homme à côté d'elle qui lui parlait toujours. « Je crois qu'on va bien s'entendre, j'ai un peu joué l'ermite ces derniers temps moi aussi. » La jeune femme leva alors les yeux vers lui, et leurs regards se croisèrent un moment. Tout à coup, elle se sentit nettement moins stupide. A priori, elle n'était pas la seule à partager sa vie avec le ou la première venue. Mais alors que Noam détournait les yeux, Ainsley regretta presque d'avoir abordé le sujet. Il ne paraissait pas des plus heureux d'avoir, lui aussi, laissé tomber sa vie sociale pour une raison que la jeune femme ignorait. Apparemment, cela était un sujet tabou pour le jeune homme, et elle essaya de mémoriser cela afin de s'en souvenir s'ils étaient amenés à se recroiser un jour.

Noam attrapa soudain un paquet de pâtes et le glissa sous son bras tandis qu'ils marchèrent toujours. « Mais moi je suis né ici, alors si tu as besoin d'un guide, n'hésite pas à demander. » Ainsley lui fit un petit sourire. « Oh, c'est gentil, merci. » Elle s'arrêta à son tour et fixa les lignées d'étagères qui leur faisaient face. Elle aperçut alors un coin où les paquets de riz s'entassèrent les uns sur les autres. Elle regarda vaguement les étiquettes, et jeta son dévolu sur un lot de trois paquets de un kilogramme. Ce ne serait sans doute pas facile à transporter, mais ça lui éviterait de revenir tous les deux jours ici, pensa-t-elle. Le personnel l'agaçait profondément. Le rire de Noam la sortit de ses pensée : « Tu comprends, toi, pourquoi il y a autant de marques différentes ? C'est quoi leur but, faire le plus de conserves possibles ? » Ainsley ria à son tour et hocha la tête. « On pourrait penser ça oui, mais en fait, c'est surtout une logique marketing. Si tu compares les prix, tu verras que deux paquets à peu près identiques peuvent avoir une dizaine de centimes de différentes pour un ou deux grammes de plus ou de moins. Puis, il y a les marques aux prix discounts. Ils sont obligés de proposer autre chose que des grandes marques, sinon les gens qui n'ont que vingt dollars en poche pour faire leur courses ne viendraient pas les faire ici. » Elle jeta un œil vers le jeune homme et espéra qu'elle ne l'eût pas vexé. « Il y a les offres en gros aussi, c'est ça que tu devrais prendre. » Elle attrapa le même lot qu'elle venait tout juste de poser dans son caddie, et lui tendit. « C'est plus de nourriture, pour moins d'argent. » Puis elle lui sourit à nouveau.

« C'est quoi votre problème à la fin, vous voulez ma photo ou quoi ?! » lança Ainsley en faisant face aux personnes qui nous entourent et qui ne cesse de jaser à notre sujet enfin plus particulièrement sur moi. Instinctivement, je pose ma main sur son bras ce qui attire la fait sursauter. Rapidement je retire ma main et la passe sur ma nuque. « C’est pas la peine, c’est après moi qui en ont… » dis-je en baissant les yeux. Je déteste ces gens. Je voudrais leurs hurler ma colère, leurs jeter au visage mon désespoir et le mal que toutes leurs rumeurs me fait. Je ne me suis jamais soucier du regard des gens sur moi, mais depuis le décès de Gabriel tout est différent. Pour tous les habitants de cette ville, je suis celui qui a tué le gentil petit Gabriel Ainsworth et qui a rendu sa famille plus malheureuse que jamais. J’ai bien l’impression que quoique je fasse, ils me reprocheront toujours ça. Comme si ma culpabilité ne me suffisait pas. Face au regard interrogateur d’Ainsley, je me sens obligé d’ajouter : « Une vieille histoire… » Je la connais à peine et je me vois mal lui parler de mon meilleur ami. Pour la première fois depuis très longtemps, je réussi à parler à quelqu’un dans cette ville sans que celui ci soit au courant de mon passé, alors pourquoi tout gâcher ? Nous continuons à déambuler dans les rayons et je finis par lui avouer que j’ai également été coupé de la vie sociale pendant un moment. Chacun de notre côté nous nous regardons et le sujet change une nouvelle fois. Mais je continue à l’observer en silence. Il y a encore quelques mois, j’abordais une fille uniquement pour la mettre dans mon lit, mon attitude d’aujourd’hui me surprends quelque peu. Et je ne peu m’empêcher de penser à Lennon. Je voudrais qu’elle soit là, qu’elle voit que je suis capable de revenir doucement vers une vie normale. Je secoue quelque peu la tête pour chasser mes pensées et en riant lui parle des conserves.

« On pourrait penser ça oui, mais en fait, c'est surtout une logique marketing. Si tu compares les prix, tu verras que deux paquets à peu près identiques peuvent avoir une dizaine de centimes de différentes pour un ou deux grammes de plus ou de moins. Puis, il y a les marques aux prix discounts. Ils sont obligés de proposer autre chose que des grandes marques, sinon les gens qui n'ont que vingt dollars en poche pour faire leur courses ne viendraient pas les faire ici. » me répondit-elle, son éternel sourire collés aux lèvres. Auparavant, je me serais énerver sur sa remarque, je lui aurais fait comprendre que cela ne la regarde en aucun cas, mais aujourd’hui j’ai pas envie de monter dans les tours. Je sais pas pourquoi. Je l’aime bien cette brunette. Alors je lui souris également. « Merci les marques discounts, grâce à vous je peux me nourrir ! » lançais-je alors en regardant une affiche publicitaire pour des paquets de riz moins cher. Mon Dieu je suis ironique maintenant. C’est la journée des grandes premières dit dont. Finalement elle me met l’un de ces paquets dans les bras en me faisant comprendre qu’avec ça je pourrais me nourrir pour pas cher. « Merci. » lui dis-je alors tout simplement. Je l’ai abordé bêtement et sans réellement me connaître elle continue à discuter avec moi sans me rejeter. « Heureusement que j’ai croisé ton chemin, comment j’aurais fait sinon ? » ajoutais-je en riant quelque peu. « Ainsley la reine des courses. » dis-je tout en la suivant de nouveau alors qu’elle me faisait un signe de tête.

« En fait, tu sais quoi, je partagerais bien le caddie. » dis-je en posant mes deux pauvres paquets dedans. J’ai toujours pas fait de musculation et je dois dire que ça devrait devenir ma priorité. Avant j’étais musclé, je passais mes journées à faire du sport et les filles adoraient mes abdos, maintenant ce n’est plus vraiment le cas, enfin faut aimer le côté « je suis tellement maigre que mes côtes ressortent ». Finalement je pose mon regard sur la jolie brunette. « Je te proposerais bien de t’offrir un verre un de ses soirs, mais faudrait que je trouve du boulot d’abord… » avouais-je bêtement en sortant mon pauvre billets de vingt dollars de ma poche. « C’est pathétique comme « technique de drague » non ? » dis-je tout en imitant des guillemets. Je ne veux pas non plus qu’elle croit que je suis ici uniquement pour la draguer, parce que j’en connais eu qui me ferait une crise juste pour y avoir pensé…

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« Et alors ? C'est une raison pour nous dévisager comme si nous, ou tu, étions des monstres ? Je suis pour le principe que l'on ne doit pas détester quelqu'un à cause de ce qu'il pense, mais je ne cautionne pas le jugement sans limite, ça non. » me dit-elle emporter par son élan. Je sais qu’elle ne pense pas à mal, elle doit être une de ces personnes qui ne supporte pas les injustices et je dois avouer que cela me fait plaisir, mais elle ce bat pour quelque chose qui est perdu d’avance. Personne n’arrêtera de me juger, jamais. Je lui sourit quelque peu et plante mon regard dans le sien. « Et selon toi on peut détester quelqu’un pour ce qu’il a pu faire ? » lui demandais-je alors sans réfléchir. Je n’ai jamais parlé de tout cela avec quiconque. C’était mon sujet tabou par excellence et voilà que je m’ouvre totalement à une fille qui m’es totalement inconnue. Après tout, je l’ai rencontrée il y a moins de cinq minutes entre quelques boîtes de conserves. Cela en est presque hallucinant, mais je sais pas, j’ai presque confiance en elle. Elle est chaleureuse et accueillante et je me dis qu’avec elle je peut parler librement. Enfin. Finalement, nous continuons notre chemin, elle en poussant son caddie, moi les mains enfoncés dans les poches. C’est bien la première fois que je suis une femme dans un supermarché. Quelle journée paradoxale tout de même. Nous continuâmes donc notre chemin entre les rayons et elle ce mis alors à disserter sur les biens faits des promotions grouper. Elle me vanta donc les biens faits du riz et d’autres produits en tout genre ce qui me faisait sourire. Elle semblait presque vivre dans un autre monde, ou tout est presque trop bien pour être vrai.

Elle finit par me dire qu’elle avait fait les courses une bonne partie de sa vie et que c’est sans aucun doute pour cela qu’elle était tellement douée à comparer à moi. Elle ne cessait de me vanner et pourtant je ne prenait pas cela mal. Habituellement je l’aurais rembarré, j’aurais récupérer mon paquet de riz et je serais retourné vivre ma vie, sans lui poser des questions. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui je me sens tellement seul que j’ai besoin d’une compagnie et que la sienne est sans aucun doute la meilleure que je suis puisse trouver dans les environs. Enfin. Nous continuons notre bonhomme de chemin et je finis par lui dire : « Je te proposerais bien de t’offrir un verre un de ses soirs, mais faudrait que je trouve du boulot d’abord… C’est pathétique comme « technique de drague » non ? » Ce qui l’as fit immédiatement rire. Bon c’est vrai c’est totalement pathétique, mais en même temps je n’ai jamais fait ça auparavant. Je sais même pas si cela ce fait de draguer dans un supermarché, il faut avouer que cela n’est pas réellement ordinaire, voir pas du tout en fait. Mais bon. Je tentais ma chance. Enfin. En réalité, je n’ai pas envie de la draguer, enfin pas totalement. Juste de faire connaissance comme ça, sans forcément finir dans le même lit quoi. Elle finit par me dire que je devais pas me sentir obligé de quoique ce soit et je lui réponds par un simple sourire tandis qu’elle ajoute : « Mais si tu viens m'aider à manger tout ça, ça sera tout comme. » tout en indiquant ce qu’elle avait déjà mis dans son caddie. La proposition est plutôt alléchante, pas uniquement pour la bouffe, mais parce que j’apprécie déjà cette jeune fille. « Ah je crois pouvoir t ‘aider pour ça oui. » lui répondis-je alors tout en lui souriant de nouveau. Qui sait, ce serait peut être une bonne soirée en perspective, sans prise de tête ni rien.

« Tu n'as pas de petite amie au lieu de draguer les filles dans les supermarchés ? » finit-elle par me demander, ce qui me fit légèrement rire. Je ne voulais pas me moquer d’elle, mais m’imaginer avec une fille en couple c’était tout de même un concept assez particulier. La pauvre, elle devait ne rien y comprendre. « Je suis pas réellement doué pour les relations de couple, donc non pas fille dans ma vie. » lui dis-je alors tout en attrapant une conserve sur un rayon. Je finis alors par me tourner vers elle. « Et toi alors, pas d’homme dans ta vie pour te laisser draguer par un idiot comme moi dans un supermarché ? » lui demandais-je avec ironie.