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Livia & Crash

I feel like I'm frozen in time.

Le vent soulevait sa chevelure avec une légèreté taquine. Espiègle, la jeune fille arqua un sourcil devant son patron. Ils étaient deux personnes au milieu du Zoo, discutant sans se soucier de l’air qui s’était refroidit en ce mois de décembre. L’homme avait la cinquantaine, le temps ayant marqué les traits de son visage. Il tentait un air solennel, recourbant son sourire qui tentait de s’exprimer à chaque seconde. Cet homme était étrange. Si elle lui prêtait une once d’attention, elle apprendrait qu’ils étaient peu à la direction du Zoo et que tous les autres avaient décidé de prendre leur congé pour les fêtes. Elle apprendrait qu’il n’avait pas de famille avec qui profiter de Noël, et qu’il était dévoué envers ses animaux. Mais qui c’est, ce gars, au juste ? Il continuait sa tirade. Elle ne l’écoutait pas. Ses yeux, couleur émeraude boisée, se perdirent dans le ciel blanc. L’air était sec, froid, dépourvu de flocons. Elle resserra les pans de sa veste crème en laine autour de son corps et soupira nonchalamment, se demandant combien de temps il allait encore passer à tergiverser de la sorte. Livia avait débarqué à Town Square la semaine précédente. Le Zoo était le premier lieu où elle avait daigné se rendre. Ce qu’elle voulait, c’était rencontrer ses nouveaux amis marins, repérer les zones clefs de son insertion, et revenir le lendemain pour débuter son travail. Au lieu de ça, elle se retrouvait au beau milieu des chemins, entre les éléphants et les girafes, coincée avec un fou. Voilà qu’il commençait à lui parler de sauterelles mutantes, maintenant. Elle soupira impoliment, le regardant droit dans les yeux. Rien à faire, il ne comprenait pas.
Un lieu semblable, et pourtant, tout change. Frissonnant à cause de son immobilité, elle songea à quel point l’Australie lui manquait. Le soleil, la chaleur constante, ses robes qu’elle ne lâchait pour rien au monde. Elle avait troqué sa vie d’été pour une vie d’hiver. Et si la partie enfantine en elle était impatiente de voir enfin des flocons tomber du ciel, la nouvelle Livia préférait son mécontentement actuel. Après ce qui lui sembla être une éternité, il prononça ces mots qui focalisèrent son attention sur lui pour la première fois depuis de très longues minutes. Elle allait visiter le Zoo. Et mieux encore, il avait demandé à un de ses collègues de le faire à sa place. Elle ne put que sourire à cette annonce alors qu’il l’invita à le suivre.  Ils marchaient dans les allées dédiées aux touristes, totalement vides en ce jour de fermeture. Il repartit dans un récit romanesque et sans intérêt pour la jeune femme. Elle soupira une nouvelle fois, et s’imagina à quoi pouvait bien ressembler son collègue. Elle ne connaissait personne, ici. Envolée pendant sept ans, elle n’avait gardé contact avec personne. Elle s’était volatilisée du jour au lendemain. Sept ans qu’elle n’avait pas revu Crash et Micah. Elle redoutait leurs retrouvailles, et il lui arrivait souvent de se demander ce qu’ils avaient bien pu devenir, ou encore comment ils réagiraient en la voyant après tout ce temps. Elle s’était métamorphosée, chose sûre. Mais eux ? Elle s’était dit qu’ils se recroiseraient peut être au marché, à l’université s’ils avaient continué leurs études, peut-être même à la pizzeria. Avoir le courage de provoquer son destin était acquis pour Livia, mais était-elle prête à reprendre sa vie où elle l’avait laissée ? A replonger dans cette ville où avait vécu Aaron ? Elle était parvenue à se sentir proche de lui en passant ses journées dans l’eau. Serait-ce différent, ici plutôt que là-bas ? Plus vite qu’elle ne le pensa, ils rejoignirent le collègue en question. Son boss l’interpella, lui indiquant que la rouquine était la petite nouvelle à qui il devait faire la visite du Zoo. Elle tendit sa main et revêtit son plus grand sourire. « Enchantée, moi c’est Livia, et… » Elle s’interrompit. La personne qui venait de se retourner vers elle, celle dont elle vit le visage, cette personne, c’était Crash. Son Crash. Son meilleur ami. Elle écarquilla les yeux. Elle s’était imaginé leurs retrouvailles de nombreuses fois. Chaque fois, elle se voyait lui sauter dans les bras, lui lancer une blague, faire quelque chose. Mais le retrouver ici, dans cet endroit où elle ne l'aurait jamais imaginé passer ses journées la prenait de court. Elle resta figée. Statue de glace, inanimée pendant quelques secondes.

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Livia & Crash

I feel like I'm frozen in time.

Étonnée. C’était une bribe de son passé qui refaisait surface, un rêve enfoui de revivre d’anciennes expériences. C’était son meilleur ami, âgé de sept ans de plus, arborant le sourire qu’elle lui connaissait. L’émotion qu’il portait sur son visage, c’était tellement lui. Une partie d’elle avait toujours appréhendé la réaction de ses amis lors son retour. Et celle de Crash, qui était la plus chère à ses yeux, était de loin la meilleure. « MON DIEU LIVIA ! » Son cri la propulsa dans la réalité. Comme si l’on remettait le courant dans une salle où sont accrochées des milliers de guirlandes. Comme si elles se mettaient à clignoter toutes ensemble, qu’un orchestre se remettait à jouer, que tout le monde parlait de nouveau. Elle se jeta dans ses bras presque au même moment. La rouquine ne sentait plus le sol sous ses pieds, ni l’air dans ses poumons ; elle n’avait jamais autant aimé cette sensation. « Tu… ? Toi ? Town Square ? T’étais pas ? » Elle laissa échapper un rire de son sourire éclatant qui ne semblait jamais vouloir s’effacer. Même lorsqu’il mentionna Micah et que, parallèlement, le prénom d’Aaron résonna en écho dans sa tête.

Crash discutait avec l’homme dont elle connaissait désormais le nom, de façon tellement enjouée et inadaptée à l’état totalement blasé de son interlocuteur. « Ça va aller, monsieur, je suis entre de bonnes mains ! Et je ne risque pas de tomber dans le bassin des crocodiles. Du moins, ça ne sera pas de sa faute ! » L’homme soupira, comme désespéré de se retrouver avec ces deux spécimens sous sa direction. Ils étaient comme deux enfants qui reçoivent le vélo de leur rêve pour Noël. La remarque de Crash concernant son augmentation la fit rire une nouvelle fois. Si la folie était un motif pour ne pas avoir d’augmentation, elle ne risquait pas d’en avoir. Chose inconcevable, lorsque l’on avait une idée de toute l’ambition que ce seul corps pouvait contenir. Si elle voulait une augmentation, elle l’aurait, quoi que l’on puisse dire. « Inutile d’appeler Micah, je préfère être celle qui lui annonce mon retour. » Elle n’aimait pas mentir, surtout à Crash, mais elle ne voulait pas qu’il comprenne ce qui la poussait à ne pas vouloir revoir Micah dans l'immédiat. Et puis s’il la connaissait un minimum, il saurait qu’elle aime faire les choses d’elle-même, ce qui devrait assurer son mensonge. « Wow doucement, une question à la fois ! » Hilare, elle était presque aussi enthousiaste que lui. « Ça te dit de commencer à marcher, pendant que je te dis tout ce que tu veux savoir ? »

Un sourire charmeur, et Livia s’élance à ses côtés à travers les grandes allées pavées du Zoo. Pour appartenir à une petite ville, il n’en reste pas moins fabuleux à ses yeux. Peut-être était-ce les souvenirs de famille qui remontaient, peut-être était-ce simplement le lieu qu’elle trouvait magique. La dresseuse trouvait étrange de se retrouver seule avec son meilleur ami après tant d’années. Pourtant, elle avait l’impression de ne l’avoir quitté qu’un mois, comme si elle s’apprêtait à raconter comment s’étaient passées ses vacances. Mais c’était bien plus compliqué que ce qu’ils pouvaient imaginer. D’autant plus que bien que très reconnaissable, Crash était devenu un homme. Il était même devenu sacrément canon. Elle se demandait même comment pouvait bien être rempli son « tableau de chasse ». « Non, ce n’est pas une blague, je vais vraiment travailler ici ! Je serais même très souvent dans le coin, sauf pendant mes horaires de cours. Et oui, je suis vraiment revenue ! À moins qu’on ne me prouve le contraire, il me semble bien être dans mon corps ! Quand : Il y a bientôt deux semaines. Comment : En avion, je n’avais pas très envie de faire le chemin à la nage. » Elle était consciente qu’il n’était pas au courant de son escale en Australie, et qu’il ne devait même pas penser qu’elle ait quitté le continent. Or c’est ce qu’elle avait fait, et pas qu’un peu ! Livia regarda son ami. D’eux deux, c’est lui qui semblait fraichement débarqué d’Australie. Elle, elle avait dû être en concubinage avec son écran total. « Mais toi, alors ? Qu’est-ce que tu fais ici, au Zoo ? Quel poste est-ce que tu tiens ? Comment est-ta vie à Town Square ? ».

L’étudiante en sciences politiques était impatiente de tout savoir sur lui, sur celui qu’il était devenu. Tout semblait avoir changé, mais elle comptait bien rattraper le temps perdu. Si son départ avait été précipité et imposé, elle s’était  efforcée de ne pas penser à tous ceux qui continuaient leurs vies sans elle. Ces idées contribuaient à alimenter son besoin de savoir.

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