Course sauvage
Il n'avait pas fallu longtemps à Declan pour voir arriver le message décisif, le fameux texto ô combien désiré. Cette course restait dans ses pensées, il ne pouvait tout simplement ignorer cette fabuleuse opportunité que lui avait rapportée Valentina, la jeune femme à la Kawasaki. Le chauffeur n'en était pas resté pendu à son téléphone pour autant. Attendre fébrilement quoi que ce fût de la part de quelqu'un d'autre n'était pas vraiment dans ses habitudes. On est jamais mieux servi que par soi même comme dirait l'autre. Néanmoins, Valentina venait de prouver qu'elle était une personne de parole. Quelqu'un en qui il pourrait avoir une totale confiance ? Non. Declan ne faisait confiance à personne. Pas encore... Et peut-être jamais.
Le jour de la course était tombé en même temps que le message. Et puis le rendez-vous. Un rendez-vous assez tardif, forcément. On ne s'amusait pas à faire joujou avec des autos boostées et trafiquées jusqu'à la boîte à gants sur une petite route communale à midi moins le quart. A moins bien sûr d'avoir un besoin très urgent de rejoindre un grand ami taulard, qui sait ? Rien d'étonnant, non, plus rien ne pouvait étonner Declan concernant la race humaine.
Pour changer, le chauffeur avait consenti à faire un effort esthétique. Se rendre plus... présentable au commun des mortels. Cela ne le dérangeait pas, lui, le regard des autres. Mais en l’occurrence et pour ce genre d'occasions, Declan éprouvait une forme de satisfaction à être à son avantage et faire bonne impression. Tout du moins, ne pas passer pour un misérable zonard sorti du fin fond d'un joyeux endroit appelé "le trou du cul du monde" ou plus communément "nulle part". Il était toujours plus agréable d'être pris au sérieux.
Après avoir trimé toute la journée durant au garage, Declan s'était rendu à son appartement - ce lieu étrange et méconnu - en début de soirée. Douché, rasé de près, coiffé, il avait enfiler une veste en cuir sur son T-Shirt bleu nuit.
Ce soir, Declan se sentait excité comme un gosse la veille de Noël. Il avait sorti du garage sa Chevrolet Camaro grise le vendredi pour tâter un peu de bitume, tester ses réglages. Le résultat dépassait ses espérances, et c'est dans sa voiture argentée qu'il était retourné à son garage à 22 heures, avec surement une ou deux minutes de retard. Pas plus, Declan était habituellement très ponctuel. Il descendit silencieusement de la Camaro, Valentina lui tournait le dos, du moins en avait-il l'impression. Il distinguait simplement sa silhouette sombre se détachant sur la porte du garage, et sa moto verte.
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Bonsoir, dit-il simplement en enfonçant les mains dans ses poches.
Il s'adossa à la Chevrolet, ses yeux bleus azur cherchant à percer l'obscurité.
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L'attente n'a pas été trop longue au moins ? s'enquit-il dans un souffle.
Un nuage de buée s'échappa de sa bouche.
Non. Bien sûr que non, il ne s'était pas fait attendre. Simple politesse, un peu dépourvue d'intérêt à vrai dire. Simplement pour détendre un peu l'atmosphère malgré la sombre nuit froide.