Sur la tête d’une petite femme ronde roulait doucement une petite sphère de couleur foncée. Millimètre par millimètre, poussée par le bout d’une petite cuillère en de petites impulsions délicates, le petit bonbon gagnait péniblement le sommet de la montagne de chocolat. Ce fut presque avec difficulté que cette pièce finale termina enfin sa course pour se dresser, avec fierté et orgueil, au milieu du chapeau.

Bryan se permit de reprendre une inspiration, laissant le chocolat refroidir maintenant que la pièce finale était fixée. Il se recula ensuite, levant ses mains au niveau de son visage et n’osant rien toucher de peur de tout casser. Il avait déjà expérimenté un geste brusque qui avait tout fichu en l’air plusieurs fois… Et aujourd’hui, il n’avait pas envie que ça se reproduise. Pas alors que la petite dame en chocolat au lait semblait se dresser fièrement et hautainement au milieu de son plan de travail.

Finalement, il eut un petit sourire et alla chercher rapidement son portable dans le but de prendre une photo avant que sa chère ne se volatilise. Il avait enfin réussit à la faire, après… une dizaine essais infructueux, au bas mot. Pourtant, ce n’était pas une pâtisserie digne des plus grands chefs, ne ferait même pas pâlir les religieuses de son boss. Mais mince quoi, sa petite dame n’avait pas finie la tête éclatée, la mousse de passion avait une bonne texture et un bon maintien et le chapeau, constitué d’une très fine barre de chocolat noir, tenait parfaitement sur la tête de sa ravissante demoiselle.

Un flash et la photo fut dans son portable. Bryan eut un sourire un peu plus large, tournant autour de sa petite œuvre avec la plus grande de toutes les fiertés. Dire qu’il n’était même pas capable de faire une sphère de chocolat à la boutique ! Le travail finissait enfin par payer… Même s’il avait réussit chez lui, bien à l’abri des regards et de la pression que lui foutait son boss, bien à l’abri du temps et du stress.

Parce qu’il ne fallait pas se leurrer… Travailler six heures sur cette petite demoiselle, ce n’était guère respectable… D’autant plus qu’il doutait du dosage des saveurs même s’il savait que la passion et le chocolat au lait s’accordaient parfaitement. Avait-il bien fait de mettre, au centre de sa crème, une petite boule de meringue ? Aurait-il du rajouter d’autres fruits qui iraient naturellement avec la passion, comme l’ananas ou la mangue ?

Il finit cependant par se redresser, posant finalement son téléphone pour pencher la tête de droite à gauche. Devait-il gouter de lui-même pour se faire une idée ? Enfin ça, il l’avait déjà fait dans les autres versions de son gâteau et c’était bien pour ça qu’il avait mit un cœur de meringue au milieu. Et au final, est-ce que son jugement seul serait suffisant ?

Avec une moue, il reprit son portable pour naviguer dedans et descendre sur le contact d’Alysson, sa petite sœur. Il pencha la tête, hésitant à lui demander de l’aide. Puis il finit par secouer la tête. Non seulement elle serait surement occupé à cette heure-là, mais en plus la demoiselle finirait dans les hanches de sa belle petite sœur et il ne pensait pas qu’elles en avaient besoin.

Il ricana de sa propre réflexion avant de descendre et de finalement soupirer. Son boss, certainement pas. Bryan était incapable de faire ça en boutique et il ne voulait pas lui montrer ce qu’il pouvait réellement faire avec autant de temps. Son patron, pas plus. Jayleen, beaucoup trop loin !

Finalement il rangea son téléphone et prit la cuillère. Il resta ainsi, à regarder sa belle demoiselle, n’arrivant pas à se décider à la couper. Pas alors qu’elle semblait avoir tant de fierté, tant de grâce et d’élégance. Non, il n’y arriverait pas.

Il se redressa alors et alla chercher une petite boite qu’il avait empruntée au magasin. Il transféra la pâtisserie dedans avec délicatesse, retenant sa respiration face à ses mains tremblantes pour finalement soupirer en voyant sa belle à l’intérieur. Il se releva alors pour la regarder une dernière fois avant d’éteindre sa musique, de prendre son MP3 et d’aller se changer.

Direction la rue. Puisqu’il n’avait personne –non, puisqu’il n’avait pas envie de déranger sa sœur- il trouverait quelqu’un pour l’aider. Un avis extérieur qui ne serait pas influencé par ce qu’il avait pu faire dans le passé, un avis extérieur qui ne lui demanderait pas trop. C’était toujours bien, un avis extérieur.

Il revient quelque temps plus tard, prêt pour sortir, et vérifia sa belle demoiselle. Toujours droite, elle regardait sa boite avec un soupçon d’hautaineté qui le fit rire. Il ferma alors l’emballage après avoir mit une longue cuillère propre à l’intérieur pour la personne qui allait manger sa belle pâtisserie. Il rattrapa au vol son portable au cas où et prit la boite entre ses mains, la tenant avec la plus grande de toutes les délicatesses, avant de finalement sortir.

Il se félicita cependant de ne pas avoir mit la musique qu’il aimait tant à l’instant même où il passa le perron. Il y avait un bruit monstre dans la cage d’escalier, comme s’il y avait un bœuf qui montait les étages en trainant sa charrette de blé. Curieux, Bryan se pencha au-dessus de la rambarde pour percevoir la chevelure blonde responsable de ce bouquant. Évidemment. Madame Molly.

Cette charmante femme, locataire de l’appartement en dessous du sien, avait un caractère de chien. Un sale caractère de chien. Sans doute parce qu’elle ne trouvait personne qui ne soit attiré par le type sumo/buffle/bulldog comme elle. Ce qui n’était guère étonnant, du point de vue du jeune homme.

Molly était son prénom. Bryan n’avait même pas prit la peine de retenir son nom trop long. Il ne l’aimait pas, elle ne l’aimait pas. Et ce, dès le jour de son arrivée, où elle lui avait sauté à la gorge pour avoir eu le malheur d’emménager lors de sa séance de méditation, à 14h45 le mercredi.

Le pâtissier finit alors par s’accouder à la rambarde, regardant la voisine beugler des ordres secs aux pauvres personnes qu’elle avait engagées pour monter un assez gros carton. Pauvres employés, ils ne méritaient pas ça… Bryan compatissait tellement avec eux…

Néanmoins, il préféra attendre qu’ils soient arrivés à destination avant de s’engager dans l’escalier, histoire que sa belle demoiselle ne finisse pas sa course au sol ou, pire encore, dans l’horrible ventre de Jabba. Il descendit alors rapidement, même s’il tomba tout de même nez à nez avec le Hutt qui le regarda avec un air mauvais.

- Qu’est-ce que tu fais la, toi ? L’agressa-t-elle avec une grimace. T’as rien de mieux à faire que d’essayer de me reluquer ?

Il retient alors une grimace à l’entente de cette si jolie voix tout en chassant les HORRIBLES images mentales qui lui vinrent à l’esprit. Finalement, il lui donna un sourire poli bien qu’extrêmement forcé tout en se dirigeant vers la sortie

- Vous avez raison Molly, il est temps que je saute le pas et que je me décide à aller voir des clubs de strip-tease. Au moins, ces demoiselles gagneront leur vie grâce à moi, même si j’aurais beaucoup moins à voir, maintenant… rajouta-t-il sur un ton trop dramatique pour être vrai avant de filer dans les escaliers pour fuir la conversation et sa voisine.

Le souvenir de ces dernières étant encore trop frais et trop traumatisant dans son esprit, il mit du temps à se concentrer sur sa tâche première. Celle de trouver une bonne âme à qui faire goûter sa belle demoiselle. Il s’assit donc sur un banc du parc pour souffler un peu et chasser le reste de ses sueurs froides, profitant de sa musique entrainante pour chasser cette vision.

Lorsqu’enfin Molly n’était qu’un lointain souvenir, il se redressa et reprit délicatement sa demoiselle. Il marcha un petit moment dans le parc avant de finalement se décider à aborder une jeune femme qui passait par là. Une jeune femme qui avait l’air charmante et qui n’avait pas trop l’air pressé.

- Excusez-moi de vous importuner, jeune demoiselle. Auriez-vous un instant à m’accorder ? Demanda-t-il poliment avec un sourire amical. Ce ne serait pour avoir un avis à propos d’une pâtisserie que je viens de réaliser. Si vous voulez bien gouter…