Eden n’était plus là pour mettre les mots sur leur relation qui devenait de plus en plus étrange. Amy l’avait traité tout d’abord comme un patient rebelle, puis, elle s’était sentie en danger. Maintenant... Maintenant il était carrément nu dans son lit et pire encore, elle venait de s’offrir de lui. Cette fois, elle n’avait pas l’excuse de l’alcool, la seule qu’elle pouvait blâmer, c’était elle-même. Elle déglutit alors qu’elle mouillait ses cheveux.  Oui, Eden n’était plus là pour leur dire que toutes leurs idées étaient bidons et qu’ils se cachaient l’un comme l’autre derrière une liberté en toc pour se protéger.  Et il y avait sa mère. Qui venait d’appeler et de laisser un message sur son répondeur :« Amy je me fais un sang d’encre ! Est-ce que tu peux me rappeler ? Ton père me dit qu’il doit être 10h passées là où tu es et tu n’as jamais fait de grasse matinée sauf... Es-tu avec un homme ? Oh ce serait si merveilleux ! Depuis que tu as rompu vos fiançailles .... Oh j’en ai le coeur qui palpite encore ! Je veux TOUT savoir sur cet homme ! Envoie moi une photo par email ou bien laisse moi lui parler il y a deux ou trois choses qu’il doit absolument savoir...  Henry est passé l’autre jour pour prendre de tes nouvelles. Je ne lui ai absolument pas dit où tu étais rassure toi, mon coeur. Mais il est très inquiet pour toi alors j’espère sincèrement que tu n’es pas en train de folâtrer avec un abruti quand un homme de sa stature veut te récupérer ! Il dit que tu lui as brisé le coeur, pauvre chaton ! Il m’a fait vraiment beaucoup de peine. Bref, rappelle moi, il était sincère et regrette profondément. Ton père aussi a fait ce genre d’erreur et nous sommes toujours ensemble alors bats toi. Sauf si bien sûr tu as rencontré le fils du président... Là je t’encourage à te marier avec lui ! Au revoir Sweetheart. »

Ce message, Amy n’en entendit rien du tout, le bruit de l’eau masquant totalement le son de la voix suraiguë de sa mère, qui avait dû se répandre dans tout l’appartement. Le médecin repensait aux derniers mots du pompier. Une collection de petites culottes... Tsss. Idiot. Et encore pire... «  Je n’accepte la manière forte que lorsqu’elle part d’une envie de se faire plaisir. » Des mots... S’ils n’avaient pas eu un accord, elle aurait pensé qu’il était en train d’essayer de la séduire... Et puis il entendait quoi par là ? Fronçant les sourcils, elle tentait de comprendre le sens caché des mots employés. Il était dans un trip SM ? Au secours. Elle n’était clairement pas dans cet esprit et n’aimerait jamais vivre ces expériences qui lui semblaient... Non. Ou bien était-ce un violeur en série ? Non autrement il ne serait jamais entré dans son lit de cette manière là.

Attrapant son shampoo, Amy commença à se frotter vigoureusement le crâne histoire de chasser toutes ces idées folles qui lui traversaient l’esprit. Puis, elle rinça soigneusement ses cheveux et vérifiait une pointe quand elle sentit tout d’un coup des mains sur elle. Sursautant, elle reconnut pourtant les mains d’Alec sur son ventre. Pivotant, elle eut le réflexe de vouloir le foudroyer du regard avant de se souvenir qu’elle avait laissé la porte ouverte et qu’elle avait envisagé cette possibilité. Avalant sa salive, elle était face à une vérité mais... Il parla. Excitant... Il voulait juste tenter une autre expérience ? Penchant la tête, elle sembla réfléchir quelques secondes avant de hocher la tête. « Oui, ça pourrait l’être ». Elle frissonna et décida de s’appliquer à faire la même chose que lui. L’entreprise n’était pas forcément aisée parce qu’ils allaient sûrement se gêner mutuellement mais elle n’avait pas envie d’être inactive. Lui prenant la bouteille des mains, elle versa du gel douche dans sa paume et vint l’étaler sur son torse. « Désolée si l’odeur n’est pas très masculine... ». Oui, le pauvre allait sentir le pamplemousse rose toute la journée.  Elle gloussa légèrement. « La prochaine fois, je veillerai à ce que tu aies ce qu’il faut. » Le fixant droit dans les yeux, la jeune femme était en train de passer ses mains sur ses épaules et lui fit signe de se tourner. Elle pourrait ainsi s’occuper de son dos et... Rendre le tout plus « excitant ». Ou pas... Et si elle frustrait un peu ? C’était un bon plan. Elle irait lui offrir à manger et ils en resteraient là. Il devait partir. Parce que plus il restait, et plus elle avait l'impression de faire une connerie.

Fronçant les sourcils, elle pencha la tête. Vraiment ? Henry lui aurait certainement fait une scène et lui aurait demandé de veiller à ce qu’elle ait un gel douche masculin pour lui dans sa salle de bain. Il avait parfois des préjugés qui laissaient la blonde plutôt dubitative. Le parfum ne restait jamais vraiment longtemps de toute façon et à priori, ses patients étant endormis, ils n’allaient pas se rendre compte que leur chirurgien se lavait au pamplemousse rose... Ou n’importe quelle autre odeur de gel douche féminine. Baissant les yeux sur son torse, elle fit un petit mouvement de tête. Alec s’en fichait. C’était naturel mais la réaction la surprenait. « Oh... Bien. Mais si jamais tu le souhaites, je le ferai... ». La prochaine fois. Les mots avaient glissé naturellement, révélant là des choses qui devaient pourtant être gardées sous silence. La question d’Alec lui fit soulever le menton et c’est avec un rire cristallin qu’elle lui tartina le visage de mousse. « Oui. Parce que nous le ferons ici. ».

Tout était déjà planifié dans sa tête. Son sourire charmeur n’y devait rien, même si elle craquait devant. Elle n’en montra pas grand chose, à part des yeux pétillants. L’hôpital était son lieu de travail et là bas, elle ne montrerait absolument aucun signe d’intérêt pour lui. Elle ne voulait surtout pas connaître des rumeurs supplémentaires à son sujet. Chez lui : hors de question d’y aller. Il était un homme, un pompier de surcroît, et on savait tous que les hommes étaient rarement maniaques. Elle ne voulait pas se choper une mycose en posant un orteil au mauvais endroit. Il ne restait donc que son appartement, environnement qu’elle maîtrisait et connaissait. Amy avait besoin de tout contrôler.

Le sentant frissonner, elle le taquina un peu jusqu’à s’occuper de son dos. Mais là... Partager une douche... C’était un peu trop couple, non ? C’était une chose qu’elle adorerait faire avec son boyfriend pas son sexfriend. Fronçant les sourcils, la jeune femme ne se voyait pas le mettre dehors. Alors, elle fit autrement. Une fois savonné, elle sortit de la douche et attrapa un drap de bain dans lequel elle s’enroula. « Je vais préparer du café. Tu peux prendre ton temps, mais tu le veux comment ? »

Une fois qu’elle obtint sa réponse, le médecin s’éclipsa et attrapa de quoi s’habiller rapidement avant d’aller dans la cuisine. Là, elle chercha le café et mit la machine en marche. Bientôt, l’odeur vint à remplir tout son appartement. Elle prépara un petit déjeuner à l’anglaise. Quelle différence ? Pas de pancakes, pour commencer, mais des toasts avec de la confiture, des oeufs brouillés, du bacon, des saucisses grillées, tomates et des galettes de pomme de terre. Déposant tout à tour de rôle dans la poêle, elle déposait les ingrédients à un un dans leurs assiettes. Elle termina de servir le café. Levant la tête, elle vit alors le bouton rouge lui signaler un message. Elle consulta son téléphone portable : rien. Bon, au moins, ce n’était pas l’hôpital. Rassurée, elle s’installa sur un tabouret et attendait son invité. Un invité qui allait devoir apprendre à partir.

Quand elle le vit, elle sourit et l’invita à venir s’assoir. « Si tu n’aimes pas, tu peux laisser... Je ne me vexerai pas. » Oui, après tout, même si les américains mangeaient à peu de choses près la même chose, elle avait une patte ici toute anglaise qui pourrait ne pas convenir. Attrapant sa fourchette, elle entreprit de manger son plat sans attendre. Elle ne savait pas trop quoi lui dire alors elle gardait le silence. Etrangement, elle se faisait à nouveau plus distante. Bon, il fallait aussi éviter de manger ensemble la prochaine fois. Là, ils avaient vraiment l’air d’un couple. Et ce message... Elle fixait le répondeur, curieuse de savoir de qui il pouvait être. Et en même temps, elle espérait que ce soit arrivé pendant qu’ils étaient ensemble sous la douche car si jamais il s’agissait de sa mère... Alec fuirait. Sa mère avait ce don pour faire fuir la plupart des gens. Elle n’était pas foncièrement intelligente, plutôt bavarde et vraiment trop intrusive. Amy l’aimait bien sûr mais elle était aussi plus qu’exaspérée qu’elle parvienne encore à vouloir diriger sa vie à distance.

Alors qu’elle déposait un peu de mousse sur le visage, elle l’entendit lui avouer qu’il voulait déjà revenir. Riant à son regard malicieux, elle aussi se montrait plutôt espiègle à ce moment là. Complètement naturelle, bien loin de son image de médecin coincée et sérieuse, elle se rendit compte que son geste était un peu trop tendre. Craignant d’envoyer le mauvais message, elle prit la décision de briser ce moment. Non, il n’aurait pas de mains baladeuses, Amy pensait avoir été suffisamment comblée et surtout voulait qu’il parte. Avant qu’ils n’aient d’un vrai couple, chose qu’elle ne voulait pas. Elle ne se sentait pas prête à vivre une nouvelle relation et surtout elle craignait de faire souffrir un homme dans l’histoire. Ou même elle-même. Non, elle se refusait à vivre dans l’illusion d’un mensonge, dans quelque chose de superficiel. Elle n’avait pas besoin de béquilles pour son coeur, juste de colle histoire de rassembler les morceaux.

Du coin de l’oeil, elle vit son regard merlan frit mais ce fut avec une froideur dissimulée qu’elle y resta totalement insensible. Elle quitta la salle de bain enroulée dans son draps de bain et alla s’habiller puis préparer un solide petit déjeuner anglais. Le pompier avait réclamé son café serré. Elle s’exécuta donc.

Quand il arriva, le médecin ne manqua pas de voir son regard impressionné sur la table. Fière, elle l’invita à s’assoir et à manger. « Mais de rien ! ». Après tout, il fallait bien qu’il ait le ventre bien rempli pour bien faire son travail ! Cependant, elle devait bien avouer avoir quelques craintes. Peut-être qu’il n’aimerait pas cet assemblage et qu’il resterait américain jusqu’au bout avec ses pancakes et son sirop d’érable ou son beurre de cacahouètes ? Plutôt bonne cuisinière... Fronçant légèrement les sourcils, elle préféra passer l’éponge là dessus et le mettre sur le coup d’une maladresse. « J’imagine oui... ». Elle sourit poliment. Sans blague. Ce devait être la première fois qu’il testait ça...

Mangeant avec appétit, Amy terminer de boire sa tasse de thé quand il annonça son départ. Hochant la tête, elle le rassura. « Je comprends, oui. Il ne faudrait pas que tu sois en retard et tu as sûrement d’autres choses à faire avant alors... ». Baissant les yeux un instant, Amy sourit. « De rien, pour le petit déjeuner. » Il était si mignon. Comprenant où il voulait en venir, la jeune femme tint à confirmer la solidité de leur contrat. « J’ai un planning assez chargé cette semaine mais je suis certaine que nous trouverons toujours un moment... En dehors de l’hôpital. D’ailleurs... J’aimerai qu’on ne se montre pas trop familier là bas... Les rumeurs vont vite et je n’ai pas envie de les subir encore... ». Elle avait lâché ça, comme ça. Brisant certainement tout espoir de relation secrète. Oh elle serait bien secrète, mais ça restait purement sexuel.

Elle le vit partir dans le salon. Elle le suivit quelques secondes après, il lui tendit son numéro. Attrapant le post-it, Amy hocha la tête en lisant les chiffres. « Je le ferai. » Souriant à nouveau, elle lui souhaita également une bonne journée. « Toi aussi, sois prudent au travail ». Elle ferma la porte derrière lui, un petit soupir au coeur et courut jusqu’à la fenêtre. Là, elle repéra sa silhouette. Elle le regarda s’éloigner. Si seulement elle n’était plus sous l’emprise toxique d’Henry...