Noah porta sa bouteille à ses lèvres alors que de son autre main, il essuie la sueur qui glissait sur son front. Il n'arrêta pas pour autant de courir. Le jeune homme ne savait pas depuis combien d'heures il était entré dans la salle de sport, mais il savait qu'il arrivait à ses limites. Que ce soit celle de sa colère ou de son corps.
Le mannequin aimait venir dépenser son énergie, il n'avait jamais considéré l'obligation de maintenir un corps et une forme physique optimale comme une partie difficile de son travail. Seulement ce soir-là, il courait plus pour évacuer sa colère, que pour son plaisir personnel.

Thérapeutes à la con, avec leurs grands mots et leurs discours inutiles, pour les progrès que ses séances me font faire je pourrais bien garder mon fric. Arnaqueurs de merde.

Noah pensait de plus en plus à arrêter d'aller à New York pour ses séances et de tout simplement prendre rendez-vous à l'hôpital de Times Square. Pour la différence que cela ferait, il pourrait au moins s'éviter les frais d'avion.

Augmentant la cadence du tapis de course sur lequel il se trouvait, il se lança dans une dernière accélération avant de soupirer et de baisser le rythme de la machine à celui de la marche. Continuant une dizaine de minutes à ce rythme, histoire de laisser son corps se calmer en douceur, Noah sentit la rage le quitter. Comme si celle-ci venait s'échapper hors de son corps en même temps que la sueur, le laissant résigner, comme après chaque nouvel échec de communication.

Dégoulinant, Noah éteignit l'engin avant d'en descendre et de saisir sa bouteille une nouvelle fois. Du coin de l’œil, il aperçut la rouquine qu'il voyait à chaque passage dans la salle, elle travaillait probablement ici ou alors c'était une régulière comme lui. Polie, Noah la salua de la tête, avant de commencer à rassembler ses affaires.

Aujourd'hui, la salle de sport dans laquelle je travaille n'est pas très remplie. Je dois avouer que je préfère largement quand c'est comme ça. Parce que quand il y a trop de monde, c'est difficile de garder un œil sur tout le monde en même temps. Que ce soit des personnes qui ont payé un supplément pour avoir un coach privé, ou des personnes qui viennent se débrouiller comme des grands, tout seul en tête-à-tête avec leurs machines, il est de mon devoir de garder un œil sur tout ce petit monde et de veiller à ce que chacun ne surestime par leurs capacités. Je ne peux pas non plus arrêter quelqu'un qui tente de repousser un peu ses limites, du coup je dois être très vigilante. Avec le temps, c'est devenu un peu plus facile, je reconnais le tempérament de certaines personnes. Et puis connaître le caractère et les envies d'autres aide aussi. C'est pourquoi j'aime bien aussi quand on m'interpelle alors que je n'ai rien d'autre à faire de veiller sur les sportifs de la salle. J'aime échanger et transmettre ma passion tout en donnant de précieux conseils pour que chacun puisse trouver le rythme qui lui convient. Mais encore, on ne peut pas vraiment s'attarder avec les uns quand il y a trop de monde et qu'on doit constamment surveiller. C'est pourquoi, j'aime bien comment c'est aujourd'hui.

Il n'y a pas que le fait de faire du sport qui me motive dans la vie. En tant que coach sportif et vu le nombre de personnes qui payent pour venir ici, les employés – dont je fais partie – ont le droit eux aussi de se servir du matériel à disposition. Ceci étant, ce n'est pas à faire pendant les horaires où normalement on doit être en train d'accompagner une autre personne venu demander nos services. On ne peut se concentrer et donner nos instructions et conseils en même temps, ça n'est pas possible. Et même quand il y a beaucoup de monde, on peut le faire, mais ça n'est pas très super non plus. Pas du tout même si des collègues sont aussi présents. Plusieurs personnes averties en valent mieux qu'une. Mais là, encore, je pourrais me laisser à une envie soudaine par exemple d'aller traîner sur les tapis. Nous sommes suffisamment nombreux en termes de personnels et peu en nombre de clients que c'est tout à fait correct si j'ai envie de céder à une envie, juste comme ça. Et j'aurais pu le faire, mais un homme à attiré mon regard justement dans ce coin là. Je l'ai déjà vu quelque fois mais je ne le connais pas particulièrement. Je ne lui ai même jamais parlé pour faire court. Juste observer comme j'observe tout le monde. Sauf qu'aujourd'hui il m'a intrigué. Il me salue d'un mouvement de tête et je vois là une occasion parfaite.

« Ce n'est pas la colère qui court mais les jambes. Le sport on dit que ça change les idées, à condition de faire un minimum pour. » Dis-je en m'approchant. « Vous aviez l'air en colère tout à l'heure et vu que ça ne semblait pas se calmer, j'en ait déduit que l'effet escompté n'était peut-être pas au rendez-vous. »

Parler sans savoir est une chose qui m'arrive souvent de faire. Cependant, comme je suis du genre à me généraliser dans mes propos, en restant vague pour ne pas cibler ce qui se passe trop vite au risque de me tromper et passer pour une parfaite idiote. Avouons que dans la propre salle de sport où on travaille, ça craint quand même pas mal. Et d'après les traits tirés de cet homme, je ne pense pas mettre trompé en disant qu'il était en colère. Il y avait l'effort mais pas que, j'ai vus assez de personnes dans ma vie entrain de faire du sport pour faire des différences là ou d'autres voient les même choses. Et donc je viens dans l'espoir de dispenser mes conseils pour faire en sorte que la personne qui vient pour se dépenser puisse repartir avec le sourire du centre. Je ne fais que mon travail, cette fois ce n'est même pas ma manie à me mêler de ce qui ne me regarde pas, qui parle.

Noah avait toujours pris grand plaisir à courir, le sport de manière générale avait toujours fait partie de ses activités favorites. Et la plupart du temps, une bonne heure sur le tapis lui permettait de se débarrasser de la plupart de ses idées noirs, mais pas aujourd'hui. Pas depuis "l'accident" en réalité.
Et honnêtement, il n'était pas vraiment de recevoir une leçon de morale ou même un conseil. Il venait de passer l'après-midi entière à recevoir des pseudos-conseils d'un pseudo-professionnel et il avait plus qu'assez. Tout ce qu'il voulait, c'était rentrer chez lui, prendre une bonne douche et s'écrouler sur son lit pour une longue, longue nuit de sommeil.

Cependant, Noah était presque sûr que la jeune rouquine, qui venait de l'interpeller, travaillait dans la salle de sport. Le mannequin aimait cet endroit et ne voulait pas en être chassé pour impolitesse envers une employée. C'est pourquoi, rassemblant ses dernières affaires, il se contenta de hausser les épaules avant de s'éponger à nouveau avec sa serviette. Il n'avait pas de shooting prévu pour le lendemain et Noah s'imaginait déjà avec une bonne tasse de café et un livre, tranquille, ses écouteurs délivrant musique et le coupant du reste du monde.
Il regrettait d'avoir laisser son Ipod chez lui, l'empêchant de se séparer du reste de la salle de sport. C'était fou à quelle point porter une paire d'écouteurs semblait toujours décourager nombre de personne de tenter d'engager la conversation.