Vides.
Mes journées sont vides. Vides d’actions. Vides de paroles. Vides de sens… Cela va faire deux mois que je suis comme ça.
Perdue ? A l’abandon ? Seule…
Le tournage a été stoppé pour les deux mois estivaux.  Anna en était la réalisatrice. Je faisais mes premiers pas d’actrice, mais depuis Ce Jour, je ne me sens plus capable de rien. Le matin je me lève, je mange à peine. Je nourris mon Dalmatien : Eustache et ma Perruche : Zip,  je sors Eustache, quand j’en ai la force. Depuis l’accident, Crash passe tous les jours, pour voir si son filleul, Zip, est toujours en vie… Eustache aussi. Il faut dire qu’il passait déjà plusieurs fois par semaine voir le petit oiseau avant, mais depuis, il a bien vu que j’étais pas dans mon état normal. Et puis, je sais qu’avec Crash qui passe tous les jours, mes animaux auront toute l’attention qu’ils méritent, que je n’arrive plus à leurs donner. Ça me fait une chose en moins comme inquiétude, même si je ne peux m’empêcher de m’en vouloir, de les abandonner quelque part, un peu. Eustache le ressent qu’il y a un truc qui ne va pas. Il ne voit plus Anna rentrer, et il ressent ma tristesse et mon désarroi. Les animaux ressentent vraiment tout…
Enfin… mes journées se ressemblent, je les passe à l’hôpital, à côté d’Anna, dans l’espoir qu’elle se réveille. Je lui parle, lui raconte mes « folles journées », ce que je ne fais pas, que sans elle je ne suis rien. On dit que les gens dans le coma entendent tout. Quand c’est sa jumelle dans le coma elle devrait le ressentir aussi non ? Tous les jours je pleure, je m’endors à côté d’elle. J’ai besoin d’elle, j’ai besoin qu’elle se réveille, qu’elle soit là pour moi. Chaque jour la même chose… J’attends que l’infirmière vienne me dire que les visites sont finies. Je resterai bien avec ma sœur, car rentrer seule chez soi c’est trop dur. Elle est tout ce qu’il me reste. Nos parents sont restés en Angleterre ; Quant à notre petit frère, Jupiter, il est parti un jour, on ne l’a plus jamais revu. Mais Anna, c’est plus que la présence d’un mère, ou d’un père, plus que l’amour d’un frère… Anna c’est ma moitié, ma jumelle, sans elle je ne suis rien. Elle est ma sœur, elle fait donc partie de moi.

Le temps passe depuis ce 2 Juillet, et rien ne m’épargne…

Aujourd’hui, je me retrouve dans une salle d’attente de l’hôpital, complètement vidée. Ce deux juillet, j’ai été agressé par un Homme, touché au bas ventre, j’ai perdu beaucoup de sang, et on a du m’opérer. Mes organes vitaux ont été touchés. J’ai du attendre jusqu’à aujourd’hui pour savoir si ça allait avoir des conséquences sur ma fécondité. Je venais de passer une batterie de test : radios, examen gynécologique, … La tête contre le mur, les yeux fermés, j’attendais qu’on m’appelle. « Mademoiselle Saint-Jones. ». La chirurgienne qui m’avait opéré était devant moi, avec un sourire. Je me lève, et passe devant elle, je n’ai même pas la foi de lui dire bonjour, parce que je sais pertinemment bien que ça ne sera pas une bonne journée pour, pourquoi souhaiter une bonne journée aux autres alors ?  Elle me dit de m’asseoir, et commence à me sortir tout un tas d’explications, aussi incompréhensible les unes que les autres, jusqu’à la phrase tant attendue. « Vos ovaires ont été touchés, et ne fonctionnent plus aussi bien. Il y a de grandes chances pour que vous soyez devenue  stérile. » Je déglutis. Je n’ai pas envie de craquer devant elle, je veux sortir.  Je ne réponds même pas, et j’en oublie presque la fin du rendez-vous.

Je me retrouve dehors, je prends bus qui va me ramener dans la vieille ville. Mais je ne veux pas rentrer chez moi ce soir. J’envoie un texto à Crash pour qu’il sorte Eustache ce soir. En descendant du bus, je ne prends pas la rue à gauche, mais celle de droite. Ce soir, j’ai envie de voir une seule personne, avec qui je pourrais craquer sans complexe. Je toque à sa porte. Je sens déjà les larmes monter, et les plus rapides couler sur mon visage dans la foulée. La porte s’ouvre, je suis en larmes. « Je viens d’avoir les résultats de mes examens, je ne pourrais pas avoir d’enfants. » Les larmes se bousculent sur mon visage, tout ce que j’avais retenu à l’hôpital, tout ce que j’avais gardé en moi sortait brutalement. Avoir des enfants était une des choses qui me tenait le plus à cœur. J’avais un côté famille très développée, et je ne m’imaginais pas vivre sans avoir d’enfants. Sauf qu’aujourd’hui mon rêve était détruit… Jamais je ne verrai mon ventre s’arrondir au fil des mois. Jamais je n’aurais la possibilité de donner la vie…

« Monsieur Clarke a annulé sa séance prévue à treize heure. » m'informe la secrétaire. Je hausse légèrement les épaules. Ce n'est pas la première fois qu'un patient annule sa séance à la dernière minute. Avec le temps, j'ai fini par avoir l'habitude. Puis, ce n'est pas comme si cela me dérangeait réellement. Ce genre d'imprévu fait parti de la vie. Ce n'était pas dramatique, il y avait pire que ça. N'ayant aucun autre patient aujourd'hui, je me retrouve officiellement en congé pour le reste de l'après-midi. Je remercie la secrétaire d'un signe de tête avant de me diriger vers mon bureau pour prendre mon sac, ma veste et sans oublier mon précieux carnet, dans laquelle j'écris toutes mes notes. Des notes, bien souvent, en rapport avec mes patients. Je note la moindre observation, même la plus minime. Il m'arrive de les relire de temps en temps. Je dirais même que cela arrive souvent. Ça m'aide à voir les progrès accomplis au cours des séances. En quittant mon bureau, je ferme les lumières et je verrouille la porte à clef. Je passe devant l'accueil, je salue la secrétaire qui me sourit. « Bonne fin de soirée ! » Je lui souris en retour et elle me souhaite à son tour une bonne fin de soirée. Je marche jusqu'à ma voiture, tout me demandant ce que je ferais pendant le reste de la journée. J'aurais bien voulu appelle mon frère, mais je sais qu'il est parti en vacance en Italie. Il est parti la semaine dernière et il revient seulement dans trois jours. Je l'enviais un peu d'être partit dans un endroit aussi beau. Enfin, ce n'est pas comme si j'y étais déjà allée. Croyez-le ou non, je n'ai jamais voyagé de ma vie. Ce n'est pas l'envie qui manque, au contraire. C'est simplement que le moment ne s'est jamais présenté. Voyager ne faisait pas partie de mes priorités et aujourd'hui, ça ne l'ai toujours pas. La plage qui se trouvait à Town Square me suffisait amplement pour l'instant.

Une fois derrière le volant, je pris la route jusqu'à dans la vieille ville, où je loue un appartement depuis quelques mois. Un appartement bien modeste. On est très loin du palais royal, mais il me convient. Il est confortable, douillet et abordable. La seule chose qui me déplaisait de cet appartement, c'est que les animaux y sont interdits. Le propriétaire avait été assez clair sur ce point, quand je l'avais visitée la première fois. Ce détail ne m'avait pas empêché de le louer, bien que j'aurais bien voulu pouvoir avoir un chat pour me tenir compagnie. Mes parents n'avaient jamais voulu qu'on ait d'animaux et c'est probablement la seule chose que je regrettais de mon enfance. Arrivée devant chez moi, je gare ma voiture dans le stationnement, puis j'entre dans mon appartement. Je pousse un long soupir en allant m'effondrer sur le canapé. J'ai besoin de prendre une courte pause. Je me creuse la tête, à savoir ce que j'allais faire le restant de l'après-midi. Après quelques minutes, je décide d'aller prendre un bain chaud et de relaxer un peu. Je garde mon portable ouvert à proximité, au cas où il y aurait une urgence au cabinet. Même si je suis en congé, je reste disponible à toute éventualité.

Une heure et demi plus tard, je sors du bain et j'enfile des vêtements propres. Une tenue assez simple, étant donné que je n'ai pas l'intention de sortir ce soir. Alors que je me dirige vers à la cuisine pour me préparer à diner, j'entends frapper à la porte. Je fronce les sourcils. Je n'ai pas la moindre idée de qui ça peut être. Ouvrant la porte, je reste surprise en découvrant Beth en larmes sur le seuil. « Je viens d'avoir les résultats de mes examens, je ne pourrais pas avoir d'enfants. » Tout d'abord, je ne m'attendais pas à la voir ce soir, et maintenant, elle m'annonce qu'elle avait reçu les résultats de ses examens et ils n'étaient pas bons du tout. « Oh mon dieu... » Sans plus attendre, je l'invite à entrer et referme la porte derrière elle. Je la prends par les épaules, que je masse d'un geste rassurant, et l'encourage à s'asseoir sur le canapé. Je me précipite à la salle de bain et revient avec une boite mouchoir que je tend à mon amie. Je crois que c'est la première fois que je la vois dans cet état. J'attends qu'elle cesse un peu ses larmes avant de lui demander des détails. « Tu es certaine de ce que tu dis ? Les résultats le disent clairement ? » Je ne veux pas le croire. C'est impossible. Lorsque j'avais appris que Beth avait eu ce terrible accident, je m'étais fait beaucoup de soucis pour elle. Heureusement, elle s'était plutôt bien remise de ses blessures, ce qui avait été un grand soulagement. De très courte durée, par contre. Elle attendait de savoir s'il y avait des dommages internes plus graves. J'avais croisée les doigts pour que ce ne soit pas le cas. Il y avait un risque, mais je n'avais pas osé imaginer le pire.

« Oh mon dieu... » Dieu… s’il existait vraiment il ne m’aurait pas fait ce coup de Batard. Lui qui croit plus que tout en la vie, priver une femme de donner la vie, est-ce une bonne action ?
Delilah me prend par les épaules, et me dirige vers l’intérieur, je la suis, trop préoccupée à pleurer toutes les larmes de mon corps pour résister. Et puis si j’étais venue la voir, ce n’était pas pour rester sur le seuil de la porte. Je m’assois donc sur son canapé, et continue de verser des flots de larmes, j’ai l’impression que je ne pourrais pas m’arrêter. Je ressens tellement de tristesse, de haine et d’injustice, que tout s’exprime par mes larmes. Mon visage est inondé de larmes, je sens quelques mèches de mes cheveux se coller sur mon visage. Mais mains sont également trempées, avec mes manches, à force de m’essuyer les yeux. J’ai le sentiment d’être au bout de ma vie. Mon épée de Damoclès s’est décrochée et s’est planté en plein dans mes entrailles.
Je renifle. Je crois qu’après de longues minutes, je commence à être un peu à court de larmes. Je prends un mouchoir, et essuie mes larmes. Un autre,  pour me moucher.  Je dois ressembler a une tomate, rouge et gonflée par les larmes… « Tu es certaine de ce que tu dis ? Les résultats le disent clairement ? »  Si seulement la chirurgienne s’était trompée… Entre un vendeur et un chirurgien, il y a plus de chance que ce soit le vendeur qui vous mente plutôt que le chirurgien. Je sors de mon sac à main un dossier, assez conséquent… le mien, avec tous mes résultats d’examens, tout, depuis le jour où j’ai été admise aux urgences après l’agression. «  Tout est écrit dedans, noir sur blanc. « Suite a l’intervention chirurgicale du Deux Juillet Deux Mil Quatorze sur la patiente Beth Candice Saint-Jones après une agression, l’intervention sur les trompes de Fallope ayant été un échec,  la fécondité de la patiente se trouve être corrompue. », C’est on ne peut plus clair… » Je sens de nouvelles larmes couler sur mon visage. Cette phrase je l’avais lu, lu et relu dans le bus, des fois que mes yeux aient mal vu, que mon cerveau mal compris. On ne sait jamais. Cette phrase, je l’avais mémorisé contre ma volonté, mais elle était là, et elle résonnait dans ma tête comme une cloche. Un résonnement sourd et étourdissant.
Je prends ma tête dans ma main. «  Tout se casse la gueule autour de moi. J’ai l’impression que quelque chose s’acharne sur moi, me prive de toute famille. Mes parents sont en Angleterre, mon petit frère est je ne sais trop où, je ne sais même pas s’il est encore vivant ! Ma sœur jumelle est tombée dans le coma, parce que je me suis fait agresser. Et je ne peux plus avoir d’enfants… » Ma gorge se noue, à nouveau, et une nouvelle vague de larme déferle sur mon visage. « J e suis toute seule…j’ai tout perdu…Je vais faire quoi maintenant ? Toute seule…sans famille…je ne peux pas y arriver… »  Dis-je en balbutiant.

Maintenant je suis vraiment seule, sans aucune porte de sortie en ce qui concerne mon avenir familial. Mes parents sont de l’autre côté de l’Atlantique. Mon frère fait le mort depuis plusieurs années. Ma sœur jumelle est dans le coma depuis un mois. Et je ne peux plus donner vie à un autre Saint-Jones. D’un coup… j’ai comme le sentiment d’avoir jeté une malédiction sur ma famille. Mes parents n’auront pas de petits enfants, notre branche de Saint-Jones s’arrêtera avec moi, si Anna ne se réveille pas…
Je me sens mal. J’ai l’impression de n’avoir rien fait comme il fallait. Tout est de ma faute. «  Tout est de ma faute… Si je n’avais pas eu se rendez-vous, si je n’avais pas vu cet homme, si je n’avais pas appelé Anna en panique, elle ne serait pas venu me chercher. C’est de ma faute en fait… » Je regarde Delilah. Il n’y a qu’avec elle que j’aurais pu vidé mon sac ce soir. Elle est celle a qui je peux me confier sans retenue depuis l’accident. Rose, j’aurais pu allé la voir, mais parler de son incapacité à avoir des enfants à une femme fraichement enceinte… Je me serais enfoncé un couteau dans le pied toute seule… Parler de ça à un homme, comme Crash ou Micah, ils n’auraient pas compris. Delilah était la mieux placée. Je lui pourrissais sa soirée, mais j’étais contente qu’elle n’ait laissé entrer.

Mes larmes quant à elles, ne cessent de couler. Je crois que je suis en train de laisser sortir tout ce que je refoule en mois depuis un mois et demi…

Je suis sous le choc. Ce qui est plutôt rare. Généralement, j'arrive facilement à encaisser les mauvaises nouvelles. Avec toutes les histoires que j'ai la chance - et la malchance - d'attendre dans mon bureau, plus rien ne devrait me surprendre. Et pourtant. On n'est pas préparé à attendre ce genre de nouvelle. Si cela me mets dans un tel état, imaginez comme se porte Beth en ce moment. Ce n'est pas compliqué, il suffit qu'à regarder son visage pour y lire toute la peine, la colère, la frustration que cette nouvelle lui apporte. C'est très compréhensible. Cela prouve que la vie peut se montrer très injuste. Bien souvent avec les personnes qui méritent, au contraire, que le meilleur de ce que la vie a offrir. Pouvoir enfanté en est une. Le problème est qu'on vit dans une société qui ne prend pas cela comme une chance pour une femme de pouvoir donner la vie. C'est une chose normale. Pour certain, ce n'est même pas un projet ou quelqu'un qu'on planifie. C'est fou quand on voit des centaines de filles avortées chaque jour dans le monde. Bon d'accord, peut-être pas autant, mais il y en a beaucoup. Et à l'inverse, il y a des femmes partout dans le monde qui donnerait n'importe quoi pour être mère et qui ne le pourront jamais. Je ne peux pas croire que cela soit le cas de Beth. Je l'a connais depuis plusieurs mois. Je connais son désir de fonder une famille. C'est très important pour elle. C'est ce qui fait qu'on s'entend aussi bien elle et moi. On a des visions similaires sur beaucoup de choses. Je me dis qu'il doit y avoir eu une erreur. Peut-être que son dossier a été inversé avec celui d'une autre. Ce genre de choses arrive à l'occasion. « Tout est écrit dedans, noir sur blanc. « Suite a l'intervention chirurgicale du Deux Juillet Deux Mille Quatorze sur la patiente Beth Candice Saint-Jones après une agression, l'intervention sur les trompes de Fallope ayant été un échec, la fécondité de la patiente se trouve être corrompue. », C'est on ne peut plus clair... » Voilà qui anéantirai tout doute possibles. On se dit toujours que cela n'arrive qu'aux autres, jusqu'au jour où cela nous tombe dessus. Je regarde par moi-même et relis la même chose qu'elle vient de me dire. Je m'enfonce profondément dans le canapé, accablée par la nouvelle. Je vois à nouveau le visage de mon amie se remplir de larmes. Bon sang que je déteste la voir comme ça. Même si depuis que je l'a connais, je ne l'ai jamais réellement vu sourire. Du moins, pas d'un sourire sincère et heureux. Je continue à l'écouter, je n'ose pas l'interrompe. De plus, je ne sais pas quoi lui dire. C'est comme si les mots me manquent. Je sens qu'elle en a gros sur le coeur et je sais que si elle est venue me voir, c'est pour se confier à moi. « Tout se casse la gueule autour de moi. J'ai l'impression que quelque chose s'acharne sur moi, me prive de toute famille. Mes parents sont en Angleterre, mon petit frère est je ne sais trop où, je ne sais même pas s'il est encore vivant ! Ma sœur jumelle est tombée dans le coma, parce que je me suis fait agresser. Et je ne peux plus avoir d'enfants... » Car oui, l'agression n'est pas le seul malheur qui l'a frappé. Le karma, s'il existe vraiment, est du genre très coriace avec elle. Il faut dire qu'il ne l'a pas épargnée. En particulier récemment. J'essaie de comprendre pourquoi elle sent le besoin de se reprocher ce qui est arrivé à sa soeur. Il est évident que ce n'est pas de sa faute. Elle fit une courte pause et j'en profite pour lui tendre un mouchoir pour sécher ses nouvelles larmes. « Je suis toute seule...j'ai tout perdu...Je vais faire quoi maintenant ? Toute seule...sans famille...je ne peux pas y arriver... »

Sa tristesse me fend le coeur. J'essaie de me mettre à sa place, je veux la comprendre, mais je ne le peux pas. Je n'ai pas la moindre idée de ce que ça fait d'être délaisser par sa famille. Mes parents vivent à quelques rues de chez moi, mon frère me parle pratiquement tous les jours et je vois le reste de ma famille au moins une fois par année. J'ai beau vouloir la comprendre, c'est impossible. Je me sens presque désoler d'avoir autant de chance d'avoir ma famille près de moi. Je me sens tellement impuissante face à la peine de mon amie. C'est dans ses cas-là que j'aimerais pouvoir avoir un bouton magique qui efface tout le mal que je ne peux pas guérir. Vous savez, un genre de gros bouton que dès que tu appuie dessus, le monde se transforme en celui des bisounours avec des arc-en-ciels et des licornes partout. Si seulement ça pouvait être comme ça ! Je me redressais du canapé pour la regarder dans les yeux. « Tu n'es pas seule. Je ne suis pas ta famille, je ne suis pas ton frère et encore moins ta jumelle, mais je suis là. Je serais toujours là pour toi. J'avoue que je suis très prise au cabinet, ses derniers temps. Mais tu peux compter sur moi. » Sans trop réfléchir, je pris ses mains dans les miennes pour les serrer. Par ce geste, je veux lui montrer qu'elle n'est pas seule. Elle ne le sera jamais avec moi. Je ne partage pas sa peine, je ne peux pas comprendre la douleur qu'elle doit ressentir. La seule chose que je peux faire pour elle ; c'est d'être là. Ça peut avoir l'air bête, mais parfois ça peut faire une grande différence. Les gens se demandent pourquoi certains se tournent vers le suicide et après, tu découvres que ses personnes n'avaient plus personne sur qui compter. Je ne crois pas que Beth aurait envie de mettre fin à ses jours de sitôt. Seulement, je sens qu'elle a désespérément besoin de quelqu'un à ses côtés. Juste une personne pour l'écouter. Je veux qu'elle sache que je peux être cette personne. Je peux être son phare qui va la guider, pour ne pas qu'elle se perde dans le brouillard dans lequel elle nage depuis le coma de sa soeur. t maintenant avec la découverte de son infertilité, je peux sentir que ce brouillard s'est assombri. « Tout est de ma faute... Si je n'avais pas eu ce rendez-vous, si je n'avais pas vu cet homme, si je n'avais pas appelé Anna en panique, elle ne serait pas venu me chercher. C'est de ma faute en fait... » Et voilà qu'elle s'y remet. On échange un regard, puis je soupire. « Cesse te blâmer pour ce qui est arrivé à ta soeur ! Même si tu le crois, rien n'est de ta faute. C'est tragique ce qui est arrivé. À toi. À Anna. Mais Beth... c'était un accident. Tu ne savais pas que tu allais te faire agresser. Personne n'aurait pu prévoir ce qui allait arriver ce soir-là ! » Je refuse qu'elle croit avoir un rôle à jouer dans le sort de sa soeur. Je veux que ça lui entre dans la tête. Elle n'a pas à mettre ça sur son dos comme elle le fait. Rien de tout ce qui est arrivé est de sa faute. Elle n'a pas a prendre une part de responsabilité là-dedans. Des choses terribles de ce genre arrivent parfois pour aucune raison. Malheureusement, la vie est ainsi faite. Je m'efforce de voir le positif en toutes choses. Peut-être par entêtement ou par déni, mais dans un sens, ça m'aide à garder la tête haute. Les gens me demandent comment j'arrive à ne pas me laisser décourager. C'est simplement que je désire être forte. Avant tout pour les autres, mais aussi pour moi. Ses larmes n'arrêtent pas de couler le long de ses joues. Avec moi, j'ai le sentiment qu'elle lâche prise et c'est bien. Il n'y a rien de mal à pleurer. Au contraire, après, on a l'impression de se sentir mieux. Comme libérer d'un énorme poids. Je sens qu'elle vient de perdre espoir. On dit qu'il y a toujours une lueur au bout du tunnel et c'est le cas. Il y a encore de l'espoir pour elle. « Si tu veux des enfants, il y a d'autres alternatives qui existent. Comme la fécondation in vitro. Je conçois que ce n'est pas l'idéal et ce n'est pas garantie que ça réussisse du premier coup, mais il y a une chance. Tu ne dois pas te laisser abattre à cause de ce stupide bout de papier. » ai-je conclu, pointant du doigt la feuille de résultats qu'elle tenait entre ses mains. Et si ça ne marche pas, il lui reste encore l'option de l'adoption.