« Non mais ça j’aime pas. » Deux heures. Cela fait déjà deux heures que l’on se prend la tête sur la décoration de la salle pour notre mariage. Maintenant que Shanae va mieux, on a enfin lancer les préparatifs. On a trouver l’église, Shanae est en train de regarder pour sa robe et moi je vais devoir aller m’acheter un costume. On a réussi à se mettre d’accord sur les fleurs, maintenant il va falloir se mettre d’accord sur la décoration. J’aime ma future femme, mais la décoration princesse je ne veux pas. Je sais qu’au final, il y aura plus de monde de son côté. Personnellement il n’y aura que ma petite sœur et ma meilleure amie qui seront là pour moi ce jour-là. Le reste c’est uniquement la famille de Shanae. Bizarrement c’est beaucoup de filles. Alors forcément elles ont toutes donner des idées à ma chérie et maintenant elle essaye de me les faire accepter. « Le rose c’est too much non ? Tu ne veux pas faire un truc un peu plus soft. Un peu moins plume et princesse ? » Je sais que quand je l’ai demander en mariage je lui ai promis un véritable mariage de princesse. Aujourd’hui je me rends compte que j’aurais mieux fait de me taire ce jour-là. Parce qu’il paraît certains qu’elle n’as pas oublier ce petit détails et surtout elle sait que je suis incapable de lui dire non. Depuis qu’elle va mieux, on a finis par se retrouver tous les deux. Elle ne me rejette plus et j’ai enfin l’impression que nous sommes une vrai famille tous les quatre. D’ailleurs en parlant de famille, Aeden est en train de s’agiter dans son transat, ça va être l’heure de son biberon. Théa quant à elle, elle boude. Je lui ai dit de ne pas jouer avec les papiers que sa maman à sorti pour me parler de la décoration et ma petite puce n’as pas trop apprécier. Elle commence vraiment a voir son caractère en grandissant et quand quelque chose ne lui plaît pas, elle sait nous le montrer. Je me lève et commence à préparer le biberon de mon fils tandis que Shanae tente encore une fois de me vendre son idée. « Mais c’était bien ce que je t’ai dit avant non ? On met juste quelque truc par-ci par-là et ça suffit non ? » En fait, je n’ai pas envie de me prendre la tête pendant des jours pour faire la décoration, parce que je suis persuader qu’une fois que l’on aura choisi, je vais être celui qui devra s’y coller. Je finis de dosser le biberon et Shanae reviens me coller ses photos sous le nez. « T’en démords pas hein. T’es têtue quand même ! » Et voilà qu’elle me fait ses yeux de biches. Argh. J’aime pas quand elle commence à me prendre par les sentiments. Voilà qu’elle va chercher Aeden en plus. Je vais avoir le droit à un ‘même ton fils est d’accord avec moi’. « Dit à papa toi que c’est bien les idées de maman. » Qu’est-ce que je disais. Je lève les yeux au ciel et prends mon petit garçon dans mes bras pour lui donner son biberon qui vient de finir de chauffer. « Aller fait ce que tu veux, je m’en fiche ! » J’ai pas envie d’argumenter avec elle plus longtemps. Qu’elle fasse comme elle a envie au final.

Shanae allait repartir dans les arguments, les idées et je ne sais quoi encore, mais elle est couper par la sonnerie du téléphone. Comme souvent depuis quelques jours, Théa se lève du tapis où elle était en train de jouer pour aller courir vers le téléphone. Elle ne parle pas encore ou seulement quelques mots, mais le téléphone c’est son truc. Elle croit toujours que c’est Lana qui nous appelle en plus, c’est mignon à voir. Mais cette fois Shanae est plus rapide qu’elle et Théa se dirige alors vers moi. Bien entendu elle tente de monter sur mes genoux alors que son frère prend déjà toute la place. Je fais de mon mieux en calant Aeden et son biberon dans un bras et en aidant ma fille à monter pour se blottir contre moi. Petit câlin avec mes amours. Shanae à dû s’isoler pour discuter tranquillement parce que je ne l’entends plus. Quelques minutes plus tard, la revoilà dans la cuisine, elle a les yeux rouges et ses lèvre tremblent. Je n’aime pas ça. J’aide Théa à descendre de mes genoux et lui fais un petit bisou. « Va jouer avec ta poupée ma chérie, papa il viendra après. » Elle me fait un bisou et repars à ses jouets. Aeden n’a pas finis son biberon mais je me lève pour aller voir Shanae. « Qu’est-ce qui se passe ? » Je dois dire que j’ai un peu peur de ce qu’elle va pouvoir m’annoncer…

« Non mais ça j’aime pas. ». Deux heures, deux heures que je bataille avec Isaac pour arriver à lui exposer mes idées et mes envies pour notre mariage. Depuis que je vais beaucoup mieux, nous avons repris les préparatifs du mariage. Jusqu’à présent, nous étions d’accord sur tout, même les invités. Bon pour les témoins, du côté d’Isaac ce n’était pas compliqué : sa soeur et sa meilleure amie. De mon côté, ce sera ma mère et Nathan. D’ailleurs, il est prévu que nous aillions choisir ma robe avec ma mère dans quelques jours. Avec Théa et Aeden dans les pattes ce ne sera pas de tout repos, mais je suis excitée comme une puce à l’idée d’enfin pouvoir me voir dans ma robe de mariée. « Le rose c’est too much non ? Tu ne veux pas faire un truc un peu plus soft. Un peu moins plume et princesse ? ». «Mais chéri tu m’avais dit que je pourrais avoir le mariage de princesse que je voulais !». Je lui fais ma bouille de chat potté à laquelle d’habitude il ne résiste pas. Mais, têtu, il continue de résister. «Bon ok. Pas de rose, du blanc, et... du fushia ! Ça change, c’est plus gai ça fait moins barbie !». Il lève les yeux au ciel, et ça commence à me fatiguer cette histoire de déco. Si on avait les moyens, j’aurai donné ce boulot à une wedding planner et ça aurait été vite vu.

Aeden réclame se biberon et Isaac en profite pour s’éclipser et aller préparer le biberon de notre fils. Nos enfants grandissent à vu d’oeil, ça fait presque peur ! Je le suis avec mes photos et mes magazines dans les mains, continuant de le bassiner. «Mais regarde ! Ça ça peut être super joli, ça fait un peu moins princesse ! Bon ok c’est encore du rose mais c’est beau non ? Et puis si on fait une belle arche avec des fleurs et une allée avec plein de rubans, et des ballons assortis sur chaque chaise. Non ?» « Mais c’était bien ce que je t’ai dit avant non ? On met juste quelque truc par-ci par-là et ça suffit non ? ». Je soupire. «Regarde, comme ça, c’est pas trop, et c’est beau !». Je lui montre les photos des magazines de mariage, mais il commence à en avoir marre. « T’en démords pas hein. T’es têtue quand même ! ». Je le regarde avec mes petits yeux malicieux et mon sourire qu’il adore et qui le fait toujours craquer. En plus de ça, je récupère Aeden dans son transat et lui dis « Dis à papa toi que c’est bien les idées de maman. ». Isaac lève les yeux au ciel et récupère Aeden après que j’ai pu lui faire un bisou. « Aller fait ce que tu veux, je m’en fiche ! ». Je soupire très largement. Il m’énerve quand il fait ça. C’est comme quand on s’engueule et qu’il finit par dire ‘aller c’est bon t’as raison’.

Je jette les magazines sur la table et avant que je n’ai eu le temps d’ouvrir la bouche, le téléphone sonne. Théa se précipite vers le téléphone pour me devancer, mais je suis plus rapide. Je lui tire même la langue en souriant, et là revoilà qui boude. Pour ça, elle tient de son père ! En même temps, avec nos 2 caractères forts, elle a de qui tenir la pitchoune. Du coup, elle va se fourrer dans les bras de son père, pendant que je m’éclipse pour répondre au téléphone. au bout du fil, un médecin qui m’apprend que mon père est à l’hôpital. Il est mourrant. Mes yeux commence à s’embuer. Le médecin débite un nombre incroyable de mots incompréhensibles, et je n’entends plus rien. Mon ouïe se brouille, mes yeux voient trouble. Je le coupe rapidement «Je vais venir le voir. Dites lui que je viens au plus tôt.». Comme si ça ne suffisait pas, il me demande de me dépêcher, il n’est pas sûr que mon père tiendra encore longtemps. Lorsque je raccroche, j’ai envie de hurler. Pourtant, je garde cette grosse boule dans ma gorge. Mais quand je reviens dans le séjour, Isaac ne met que quelques secondes pour voir que quelque chose ne va pas. « Qu’est-ce qui se passe ? ». J’avale difficilement ma salive, et lève les yeux au ciel quelques secondes comme pour ravaler mes larmes. «C’est mon père. Il est à l’hôpital dans un état critique. Il va bientôt mourir, selon les médecins...». Mettre le mot ‘mort’ dans la même phrase que ‘père’, c’est trop dur, et une larme coule maintenant sur ma joue. Je l’essuie d’un revers de manche. «Il faut que j’aille le voir, j’peux pas le laisser partir sans lui avoir dit au revoir.». J’espère qu’Isaac comprendra. C’est mon père, c’est lui qui m’a aidée quand j’étais malade, je ne peux pas le laisser mourir seul, à Atlanta. Je ne sais pas comment tout ça va se goupiller, mais je sais une chose, je dois y aller.

C’est une nouvelle qui tombe comme ça, sans prévenir, comme si je devais me méfier chaque jour de ce que peut m’apporter la vie. Maintenant que je suis guérie, voilà qu’on m’apprend que mon père va mourir. Ça va s’arrêter quand putain ? Au téléphone, je commence à trembler, des images se succèdent dans ma tête, mes yeux se ferment et une boule naît dans ma gorge. Je n’arrive même plus à répondre à l’infirmière qui vient de m’appeler pour me dire ce qui se passait. Mon dieu, mon père va mourir, il n’a plus longtemps à vivre. Je me sens désemparée. Lorsque je raccroche, je reste là quelques secondes, sans bouger, sans rien dire, avant de me diriger toute penaude dans la cuisine où se trouve Isaac. Je lâche la nouvelle, d’un ton complètement neutre, froid. Je ne sais pas si je me rends vraiment compte de ce qui se passe. Je ne peux pas rester là à rien faire, il faut que j’aille le voir, je ne peux pas le laisser mourir seul, sans personne qui lui tiendrait la main.

Isaac s’approche de moi et m’entoure de son bras libre. Je suis incapable de bouger, je suis pétrifiée. « Je suis désolé ma puce… » Les yeux dans le vague, je suis sur une autre planète. Mes jambes tremblent, il faut que je m’asseye. « Tu reste avec les enfants et je m’occupe de te trouver un billet d’avion d’accord ? » Je me contente d’hocher la tête, alors qu’il dépose Aeden dans son transat. Il faut que je me reprenne, je ne peux pas me permettre de devenir un fantôme, je dois rester forte, pour mes enfants. Et dire qu’il ne les a jamais rencontrés, qu’il n’a jamais vu ses petits enfants. C’est horrible. Isaac s’approche de moi pour venir me serrer contre lui. C’est exactement ce que j’avais besoin à cet instant précis. Je l’entoure de mes bras et je sens les larmes monter doucement, alors que j’essaie de les ravaler du mieux que je peux. « Tu veux que l’on vienne avec toi ? ». J’ai du mal à rassembler mes forces pour aligner quelques mots, alors d’une voix faible et serrée, je lui réponds simplement «Je sais pas» dans un souffle incertain. Son dos caressant mon dos me fait sentir que je peux me laisser aller. Après tout, c’est mon futur mari, si je ne peux pas pleurer en sa présence, avec qui le ferais-je ? Je laisse donc les larmes inonder mes joues et quelques sanglots les accompagnent. Ce que je craignais arrive pourtant, Théa vient se coller à ma jambe «Maman ?». Elle ne parle pas encore vraiment, mais elle sait très bien comprendre et se faire comprendre. J’essaie de sécher rapidement mes larmes avant de quitter les bras d’Isaac pour prendre Théa dans mes bras. Dans ses yeux, je peux lire la détresse de voir sa maman aussi triste. «T’inquiètes pas ma princesse, tout va bien, d’accord ?». Dans ma tête, je rajoute juste ‘Tu ne connaîtras pas ton grand père mais sinon tout va bien.’ A cette pensée, une nouvelle vague de larmes frappe à la porte de mes yeux. Ne pas craquer. Ma fille entoure ses petits bras autour de mon cou, et là c’est pire que tout. J’adresse un regard à Isaac, complètement désemparée, mais mine de rien, le câlin de Théa me fait un bien fou. Je la serre doucement contre moi, et elle plaque un bisou trop mignon sur ma joue.

«Tu crois que tu pourrais me trouver un avion pour demain matin ?». Isaac hoche la tête et sort de mon champs de vision pour se précipiter dans le bureau sur l’ordinateur. De mon côté, j’essaie tant bien que mal de me retenir de pleurer. Je dois rester forte. Je garde Théa dans mes bras et récupère le transat d’Aeden pour le poser sur la table basse du salon alors que je m’assois avec ma fille dans le canapé. «Tu veux qu’on regarde un dessin animé mon ange ?» Elle hoche a tête et je la laisse choisir, alors qu’Isaac refait rapidement son apparition. Je ne sais pas encore si je veux qu’il vienne, ça fait beaucoup d’organisation, les enfants, tout ça, il vaut peut être mieux que j’y aille seule, même si je sais par avance que ça être très dur de vivre ça sans ma famille.

Assise là sur le canapé, je reste les yeux rivés sur la télé, que je ne regarde pas. Le regard dans le vague, l’esprit complètement ailleurs, je passe ma main machinalement dans les cheveux fins de ma fille qui est venue s’installer contre moi. Je ne comprends pas, je ne comprends pas ce que j’ai fait pour mériter de tels drames dans ma vie. Ma maladie, maintenant celle de mon père qui va sûrement me l’enlever. Je ne veux pas qu’on touche ni à mes enfants ni à mon futur mari, j’en mourrai. Je suis complètement désemparée, je ne sais plus où donner de la tête, je me sens perdue, j’aimerai m’endormir et me réveiller pour que tout aille mieux, que mon père soit guéri, que je n’ai jamais eu cette maladie, que tout se passe pour le mieux. Je pense l’avoir mérité après tout ce que j’ai vécu non ? Il faut encore qu’on m’enlève quelqu’un de proche. J’ai envie de hurler, de frapper dans un sac de sable, de courir sans m’arrêter, de plonger dans un bain d’eau glacée...

Je reprends plus ou moins mes esprits au moment où Isaac passe ses bras autour de mes épaules. « Je t’ai trouvé un billet pour demain 08h. » Je hoche la tête. «Huit heures, huit heures c’est très bien.» Je suis presque dans un état second, je ne sais plus où j’habite, j’ai l’impression d’être sur une autre planète. Mon fiancé fait le tour du canapé et vient s’asseoir près de moi. « On peut tous venir avec toi si tu veux. Je m’occuperais des enfants. Ton père pourrait les voir, ça pourrait lui faire plaisir… » J’y ai pensé, parce que ça me fend le coeur de devoir partir loin d’eux, et de les laisser seuls avec Isaac, qui doit gérer avec le bar et tout le reste. Je suis hésitante, pendant quelques secondes, peut être même quelques minutes, je suis dans un autre espace temps. «Je sais pas, oui, peut-être.» Je crois qu’il me faut le temps de digérer un tant soit peu la nouvelle. « Tu veux que je te prépare un sac ? » Je hausse les épaules d’un air nonchalant, alors que la voix de l’infirmière me revient en tête. Mon père va mourir. De nouvelles larmes coulent sur mes joues, je n’arrive pas à les contrôler. Isaac me prend dans ses bras et c’est pire encore. « Je suis tellement désolé mon amour… Tu pourras rester là-bas aussi longtemps que tu veux, je vais gérer ici. Fait comme tu le sens, prends les enfants ou pas. Je suis là aussi tu sais, je viendrais avec toi si tu le veux. » Le fait qu’il me mette aussi à l’aise me touche du plus profond de moi, mais je ne sais tellement pas ce que je veux à cet instant précis.

D’un coup, Isaac me propose une nouvelle chose. « Ma puce… Tu… Tu veux avancer le mariage ? Pour que ton papa soit là ? » Il est adorable. Je secoue la tête doucement avant de dire d’une voix presque inaudible, éteinte par les larmes et cette boule dans ma gorge. «Il ne peut pas sortir de l’hôpital. Ça servirait à rien.». Je me love dans ses bras, j’ai besoin de sentir son étreinte. «Je veux bien que tu viennes avec moi et les enfants, au moins un jour ou deux, qu’il puisse les voir une fois. Et peut être que je te laisserai rentrer avec eux, pour que je puisse rester avec mon père un peu plus longtemps.» Je ne sais pas si c’est ce qui l’arrange le plus, mais c’est ce dont j’ai le plus envie, après réflexion.

«Je vais faire le sac des enfants, ça va peut-être me changer un peu les idées.» Je me sens étrange, j’ai une telle colère au fond de moi que j’ai presque même du mal à rester près d’Isaac. Je l’aime démesurément, mais parfois j’ai besoin d’un peu d’espace autour de moi, pour reprendre mon oxygène, pouvoir tout lâcher, sans qu’il ne soit là pour me voir. Je crois qu’il m’a vue assez vulnérable pour toute notre vie. Je n’ai plus envie d’être la petite chose fragile qu’on prétend que je sois. Je dépose un baiser sur les lèvres de mon fiancé et me lève, fébrilement, pour monter dans la chambre d’Aeden et lui préparer ses affaires. Je finis par m’installer, fatiguée, dans le fauteuil qui se trouve dans la chambre de mon fils, et me remet à pleurer à chaudes larmes. Je ne veux pas perdre mon père.

Je ne sais pas combien de temps je reste là, mais j’entends les pas d’Isaac dans les escaliers. J’essaie de sécher mes larmes au maximum, mais les restes de sanglots sont toujours là. Il s’approche de moi et pose ses mains sur mes cuisses, s’acroupissant devant moi. «T’inquiètes pas chéri, ça va aller, c’est juste que... c’est dur, et j’avais besoin de craquer mais je voulais pas le faire devant Théa... elle... elle commence à comprendre beaucoup de choses.»

Assise, seule dans la chambre de mon fils, je recroqueville mes genoux contre ma poitrine et laisse couler mes larmes. J’en ai besoin, ça me semble vital. Il faut que je lâche toute la pression que je garde en moi, et je ne veux surtout pas que ma fille me voit dans cet état. Isaac me connait par coeur et il se doute bien que je suis montée pour une raison bien particulière, mais je dois protéger Théa au maximum de ma tristesse. Elle grandit à une vitesse folle et elle est de plus en plus intelligente. Je laisse les larmes couler sur mes joues pendant de longues minutes, je dois avoir l’air fine. De multiples images de mon père me reviennent, ça me fait mal qu’il ne connaisse même pas mes enfants. Il a été là pour moi quand j’ai été malade, je me dois d’être là pour lui maintenant qu’il est malade à son tour.

Lorsqu’Isaac fait son apparition dans la chambre, je passe une manche sèche sur mes joues humides et essaie de le rassurer comme je peux. Il s’accroupit devant moi et passe une main délicate sur ma joue. Je crois que je pourrai mourir s’il n’était pas là. Je ne sais pas ce que je ferai sans lui. « Pour le moment elle est très occupée à changer son petit frère en princesse. ». Sa phrase me fait lâcher un petit rire, sûrement nerveux. Mais j’imagine mon fils avec une couronne sur la tête et ça me fait rire. Il embrasse mon front avant de me dire « Prends tout le temps que tu veux, je vais donner le bain aux enfants. » Je hoche la tête en le regardant, prenant une grande inspiration comme pour essayer de calmer les soubresauts de ma crise de larmes. Je respire son odeur pendant qu’il me serre dans ses bras, et le laisse repartir. Au pas de la porte il se retourne et me dit « Je t'aime! ». J’esquisse un sourire et lui répond avec mon regard, que je l’aime tout autant, voire plus encore.

Je finis par préparer les affaires d’Aden, et je prends mon courage à deux mains pour me mettre un coup de fouet et je vais jusque dans la salle de bain où Isaac est en train de donner le bain à nos enfants. Être là et les regarde tous les trois me donne du baume au coeur. Ils sont toute ma vie. Perdre un père est une épreuve difficile, mais je ne supporterai pas de perdre mon futur mari, ou pire mes enfants. « Maman ! » Elle me montre la barbie qu’elle a mise dans l’eau et je lui souris. « Papa a finalement dit oui pour la mettre dans l’eau celle là ? » Ça fait plusieurs jours qu’elle veut mettre sa poupée neuve à l’eau, et que je préfère éviter, mais papa a cédé, comme souvent, et ça me fait sourire. La soirée se termine assez rapidement, la fatigue étant bien présente, et on se lève tôt demain matin. Je m’endors sans trop de soucis, dans les bras d’Isaac.

***

Je n’aime pas cette ville. Je ne l’aime pas parce qu’elle me rappelle mon premier cancer. Quand j’ai atterri ici mon père était venu me chercher et il m’a prise dans ses bras pour me rassurer. Aujourd’hui, c’est moi qui viens vers lui parce que c’est lui qui est malade. C’est dur, mais je reste forte, du moins j’essaie. Aeden est dans mes bras, il est fatigué, et Théa reste dans les bras de son père. Dans le taxi, je regarde filer le paysage, le coeur lourd. J’ai peur, j’ai peur de voir mon père affaibli, souffrant, mourant. J’essaie de ne pas trop y penser mais c’est de plus en plus difficile. Après avoir déposé nos affaires à l’hôtel, nous arrivons à l’hôpital et mon coeur se serre un peu plus à chaque pas que je fais. Je demande la chambre de mon père et une fois devant, je me retourne vers Isaac. « Tu veux y aller toute seule d’abord ? ». Je soupire doucement. Je ne sais pas quoi faire. Il dépose un baiser sur ma tempe et je plonge mon regard dans le sien comme pour prendre un eu d’énergie. « Oui, je vais aller voir comment il se sent, et si on peut entrer à 4, je fais vite et je viens vous chercher ! ». Je l’embrasse et réduit les quelques mètres qui me séparaient de la chambre d’hôpital où est allongé mon père. « Bonjour monsieur Moore ! » Il tourne la tête dans ma direction et un sourire apparaît sur son visage, sourire que je lu rends rapidement. « Ma fille chérie ! » Je me jette presque sur lui, me fondant dans ses bras qu’il me tend. « Comment ça va mon petit papa ? » Il hausse les épaules. « J’ai connu mieux, mais je vais m’en sortir ! ». Je l’espère tellement. Je passe une main sur sa joue et lui sourit, même si une boule stagne dans ma gorge. « Tu es venue toute seule ? Ton fiancé n’est pas avec toi ? » Je hoche la tête. « Si, il est dehors, je voulais pas que ça fasse trop d’un coup. » « Mais fais le entrer le pauvre ! ». Je lâche un petit rire. « On a quelqu’un à te présenter… ». Je lâche sa main et sors de la chambre pour faire signe à Isaac d’approcher, et je prendre Aeden dans mes bras, et Théa par la main.

Lorsque j’entre de nouveau dans la chambre, je vois le regard de mon père changer. Théa me regarde interrogative. « Chérie regarde, c’est papi ! » Isaac la porte pour qu’elle soit à hauteur de son grand père, et il passe une main rugueuse sur sa petite joue timide. « Théa, et voilà Aeden. » dis-je fièrement en présentant notre fils. « Ils sont encore plus beaux que sur les photos ! » Si seulement mes enfants pouvaient être une thérapie pour lui, pour nous le laisser en vie… « Vous avez fait du bon boulot mes enfants.. Isaac ! » Il tend sa main fébrile vers mon homme, qui la serre rapidement pour le saluer. « On va rester quelques jours papa, et Isaac rentrera sûrement avec les enfants pendant que je resterai un peu plus ici… ». Je sens qu’il est ému, ça a l’air de lui faire du bien. Je suis un peu rassurée.

On ne reste pas là très longtemps, je ne veux pas trop le fatiguer, on reviendra demain. Le trajet pour rentrer à l’hôtel est silencieux, les enfants s’endorment quasi immédiatement, juste après le repas. J’en profite pour me serrer contre mon homme. « Merci d’être venu avec moi, ça m’aide beaucoup… »