6 mois plus tôt

Lorsque j'ai décroché le téléphone ce matin là, j'ai entendu à la voix de mon médecin que quelque chose n'allait pas. J'avais fait la veille une prise de sang suite à quelques malaises survenus la semaine précédente. Je n'étais pas rassurée quand il me demanda de le rejoindre à l'hôpital là où il consultait tous les jeudis et vendredis. Isaac dormait toujours quand je me suis préparée à rejoindre l'hôpital. J'ai alors déposé un baiser sur sa joue, et sur celle de Théa qui dormait elle aussi comme une princesse.

En arrivant à l'hôpital, j'ai demandé mon chemin à un jeune interne qui me renseigna rapidement. Une longue inspiration plus tard et j'entrais dans le cabinet du Dr Conners. Il ne lui fallut pas longtemps avant de m'annoncer la nouvelle. Nouvelle qui n'était pas bonne évidemment. Après avoir débité tout un tas de mots incompréhensibles, il pronnonça le mot en trop. "Leucémie". Je crois que j'aurai préféré "cancer". Ou pas en fait. Quoi qu'il en soit, j'avais un cancer du sang. J'ai eu du mal à retrouver l'usage de la parole, et d'ailleurs, c'est lui qui a continué à m'expliquer tout un tas de choses, qu'il fallait que je sois suivie, chimiothérapie, etc... Le stade de mon cancer était plutôt bien avancé, et ça allait être dur. Je n'avais que très peu de chances de m'en sortir, il me l'a dit clairement.

En sortant du cabinet, je me retrouvais errante dans le couloir. Je pensais à Issac, à Théa. Je les aimais plus que tout au monde. Mais je ne voulais surtout pas leur infliger ça, voir dans les yeux de mon petit ami de la pitié ou de la douleur chaque fois qu'il me regarderait, c'était au dessus de mes forces. Je rentrais dans un interne et m'excusais rapidement, je n'étais pas dans mon état normal. Je plongeais mon regard dans le sien et au moment où il me demanda «Ça va ?», j'explosais en sanglot, je ne tenais même plus sur mes jambes tellement cette nouvelle m'avait abasourdie.

Je n'ai pas mis longtemps avant de tout lui raconter. Je ne sais même pas pourquoi. Après tout, je le connaissais à peine. Mais j'avais besoin que ça sorte. En une heure il savait tout de ma vie, et je ne savais rien de lui, mis à part son prénom : Nathan. J'avais émis l'idée de partir loin d'ici pour ne pas infliger ça à Isaac, et même si Nathan avait tout fait pour m'en dissuader, il comprenait aussi pourquoi cette décision... Nathan était vraiment le genre de garçon a qui on a envie de se confier. Quelqu'un de tendre, attentionné, à l'écoute...

Et pendant toute la durée de mon traitement à Atlanta, Nathan était là, à distance certes, mais je savais que je pouvais compter sur lui, chaque fois que je ne comprenais pas un terme médical, je l'appelais, chaque fois que je me sentais mal, je l'appelais, chaque fois que j'avais besoin, je l'appelais. Petit à petit c'est lui qui s'est confié, on a construit une relation amicale de plus en plus forte les jours passant. Je lui devais beaucoup de choses. Avoir l'écoute de quelqu'un, c'est tellement important quand on est malade comme je l'étais...


Aujourd'hui

En arrivant à Town Square, c'est ma mère qui est venue me chercher. Je sais que ça n'a pas été facile non plus pour elle de savoir sa fille si loin et si malade. J'aurai pu ne jamais rentrer. Après un minuscule repas, j'ai couru jusque chez moi, enfin, chez Isaac, pour le voir, pour voir ma fille aussi. Et même si ça a été dur, ça m'a fait du bien de les voir. Je sais que ça va être long, je ne sais pas exactement si ça redeviendra comme avant, mais toujours est-il que de revenir ici, et les retrouver, me fait un bien fou.

En sortant de chez Isaac, je file à l'hôpital où je rejoins Nathan pendant sa pause. On marche un peu dans le petit parc de l'hôpital et je lui raconte un peu mon séjour à Atlanta, même s'il en sait déjà beaucoup. C'est marrant cette complicité évident qu'on a tissée tous les deux. Rien d'ambigu, mais j'ai l'impression de le connaitre depuis toujours, c'est assez étrange et à la fois très agréable. Je sais que je peux tout lui dire, et je peux aussi l'écouter comme il m'écoute. «Tu sais, ça m'a fait un bien fou de pouvoir t'appeler régulièrement, j'crois que sans toi j'aurai perdu pieds... je sais pas si je t'ai déjà remercié mais... merci. Vraiment.». Je lui offre un petit sourire timide. On s'assied tous les deux sur un banc et je lui demande alors des nouvelles de ses deux petits frères, il m'en a souvent parlé quand je lui demandais de me parler de lui. Ça arrivait souvent quand j'avais envie d'oublier ma maladie. Ils avaient l'air d'être de vraies petits monstres. «Faudrait que je les rencontre un jour quand même ! D'ailleurs si tu as besoin d'une nounou... tu sais en attendant que ça aille mieux avec Isaac, je vais devoir vivre chez ma mère, et comme je suis en arrêt maladie prolongé, je vais avoir du temps !!!». Je grimace légèrement. J'adore ma mère, mais vivre sous le même toit qu'elle me rappelle trop mon adolescence et je ne suis plus très apte à dormir chez elle pendant des mois le temps que ça se décante avec le père de ma fille. Et puis j'ai aussi besoin de bouger, de reprendre une vie un peu plus active que 6 mois couchée dans un lit...

« Mais tu sais bien que c'était un plaisir pour moi. Un contact humain autre que professionnel ou celui des deux terreurs ça ne fait pas de mal. Tu me sors un peu de mon trou alors c'est moi qui devrais te dire merci. » Non, je ne crois pas. C'est lui qui m'a été d'une grande aide. Sans doute que je l'ai fait penser à autre chose, mais le soutien moral pour ma guérison, c'est lui qui me l'a apportée, et rien que pour ça, je lui en serai éternellement reconnaissant. Je continue de marcher près de lui et le regarde de temps en temps. Il y a six mois je n'avais pas remarqué comme il était beau, trop aveuglée par ce qui venait de me tomber dessus. Là je pouvais enfin détailler son visage, regarder ses traits. Ça me fait un bien fou d'être là, avec lui, et savoir que je suis guérie. Enfin pour l'instant. J'ai l'impression de respirer un autre air, quelque chose de plus pur, plus profond, de pouvoir profiter beaucoup plus du temps qui passe, sans me soucier de l'avenir ou du passé. Juste le présent. Et le présent, c'est ici avec Nathan. C'est fou comme on peut tisser une forte amitié, partant de rien, un seul minuscule instant, se croiser dans un couloir, un regard. Quelque chose de plus fort encore que la maladie. C'est fou quand on y pense.

Assez rapidement je lui parle de ses petits frères dont il m'a souvent parlé, et lui fait part de mon désir de les rencontrer. J'en viens même à lui proposer de faire la nounou s'il a besoin. J'ai juste besoin de changer d'air, ne pas rester chez ma mère, ne pas ruminer sur mon histoire avec Isaac qui me mène je ne sais où. « Vraiment ? » Je hoche la tête vivement avec un petit sourire au coin des lèvres. Non, ce n'est pas une blague. « Je dois avouer que c'est tentant... Ma tante ne s'en sort vraiment plus avec eux mais... Mais tu sais je peux rien t'offrir et crois moi c'est pas des cadeaux. Je me sentirais mal que tu t'occupes d'eux en ayant rien en retour ? » «Mais j'ai pas besoin que tu me donnes quelque chose en retour ! J'ai besoin de m'occuper, et au moins avec eux je verrai pas le temps passer !» Je lâche un petit rire amusé et le regarde réfléchir. Il est marrant quand il réfléchit, ses petits sourcils froncés et ses yeux plissés. Je souris de nouveau.

« Tu loges où maintenant que tu es rentrée ? Je sais que tu m'avais dit ne pas être emballée à l'idée de retourner chez ta mère ? Je te préviens je m’apprête à te faire une proposition un peu indécente » J'éclate de rire jusste au mot "indécente", je ne sais pas trop à qoi m'attendre mais je le connais suffisamment pour savoir que sa proposition n'aura rien d'indécente.« Et si je t'offrais le gîte et le couvert ? Je suis pas un cuisinier du tonnerre mais je me débrouille et comme ça je gagne un peu d'aide avec les terreurs. La chambre d'amis est libre et si pour le moment elle est encombrée d'action man et autres jouets en tout genre ça devrait pas être bien difficile de remédier à ça » . Je m'arrête net et me pose devant lui. «T'es sérieux là ?». Il hoche la tête et je me contente de lui sauter dessus, entourant son cou de mes petits bras menus. Je lui colle un baiser sur la joue avant de retoucher terre. «Merci ! Tu peux pas savoir à quel point ça me sauve la vie ! J'adore ma mère, mais je vais pas la supporter H24 !». Je trépigne presque d'impatience de m'installer avec eux et rencontrer les garçons. Je sais que je ça ne va pas être de tout repos, mais qu'importe, je dois reprendre ma vie en main, et ça commence maintenant. « Par contre avant que tu répondes tu dois me promettre quelque chose. » Je le regarde attentivement, le laissant me demander ce qu'il a a me demander. « Si tu dis oui... Tu me promets que tu ne te laisseras pas déborder. Les jumeaux sont des piles sur patte et tu sors tout juste de l’hôpital, il te faut te repose c'est pas pour rien que tu es en arrêt. Je veux pas que tu te surmènes avec eux. Pas de nounou à plein temps mais juste un peu d'aide si tu veux bien ? ». Un petit sourire au bord des lèvres, je hoche la tête doucement. «D'ac doc. Je ferai attention, toute manière si t'es dans les parages, je sais que je risque rien, et que j'me ferai taper sur les doigts si j'en fais trop. Alors j'me fais pas trop de soucis pour ma santé.». Je lui rends le sourire qu'il est en train e m'offrir. Mon retour à Town Square commence à prendre forme et ça me plait. J'espère que tout ira vite mieux avec Isaac, c'est ce qui m'importe le plus.

Je suis excitée comme une puce et je lui demande, en sautillant légèrement comme une enfant. «J'peux v'nir quand ? Hein ?». Il rit légèrement et avant de me répondre je lui avoue : «J'ai juste besoin d'aller voir une amie, je lui avais pas dit non plus pour mon départ alors elle doit m'en vouloir. Mais après ça, je peux venir quand tu veux. Je sais que tu bosses pas mal et du coup ça pourrait éviter à ta tante d'être surmenée !».

J'enfouis mes mains dans les poches de mon jean et prends quelques secondes pour regarder le soleil, les arbres, les couleurs, les gens. J'ai besoin de tout ça, de voir la vie autour de moi, ça me fait me sentir plus vivante que jamais. Je me tourne rapidement vers Nathan et lui demande : «Dis, toi... on n'en a jamais parlé vraiment mais... avec ta gueule de beau gosse, t'as une nana dans ta vie ?». Si je savais..