are you kidding me ?

 

J'aime beaucoup le samedi matin quand je ne suis pas en mission. Pourquoi ? Parce que le samedi est le seul jour de repos assuré que j'ai, le seul jour où je n'ai pas à me rendre à la base pour les deux heures d'entraînement minimum quotidiens. La plupart du temps, j'en profite pour dormir, mais de temps en temps, je décide de me lever tôt pour profiter de Town Square le matin. C'est vrai que j'ai rarement l'occasion de vagabonder tôt dans notre ville pourtant si belle, et j'en profite toujours pour flâner dans les différents magasins et pour aller rendre visite à des amis. Mais aujourd'hui, je n'ai personne à voir. Je sais que Siloë a une séance photo très importante et donc que je ne peux la traîner faire du shopping ou s'asseoir sur un banc pour critiquer les gens sans grande méchanceté toute la journée. J'irais bien voir Isaac, mais je sais qu'il ne travaille pas aujourd'hui et qu'il va sûrement vouloir profiter de moments tranquilles avec sa petite fille. Dans ces moments-là, c'est vrai que je me sens en décalage avec les gens de mon âge : certains sont casés depuis un moment avec un bébé sur les bras, et s'ils ne le sont pas, ils ont au moins des projets de mariage déjà dans l'esprit. Je suis un ovni sur cette planète. Je repense à Siloë qui m'a fait rencontrer une demi-douzaine de beaux jeunes hommes dans le seul but de m'arracher à ma solitude. Quand les gens comprendront-ils qu'on a pas besoin de quelqu'un dans les pattes pour survivre ? Ma carrière me prend déjà assez de temps, et le temps qui me reste, je l'octroie à ma famille et à mes amis de longue date. Si je dois trouver quelqu'un, ça me prendra du temps. Beaucoup de temps, parce que je n'accepterais pas n'importe quoi. Pas comme Kenneth.

Oui, mon colocataire, lui, a une propension assez incroyable à prendre tout ce qui lui passe sous la main, dans les deux sens du terme. J'ai commencé à le comprendre quelques semaines après que nous ayons emménagé ensemble, il y a maintenant deux mois et demi. J'ai d'abord rencontré une première nana, qui est sortie de sa chambre en plein après-midi. J'ai bien cru qu'elle était sa petite amie, mais après discussion, j'ai compris : non, Kenneth, les petites amies, il connaît pas. C'est un mot perdu dans la nébuleuse du vocabulaire de notre langue, visiblement. Je regarde le réveil à côté de moi : il indique neuf heures. Bon, debout Kiara. C'est d'un pas nonchalant que je vais dans la douche et me prépare lentement, le bonheur du samedi. Puis, une fois préparée, je vais dans la cuisine avec mon ordinateur, et me prépare un thé vert à la menthe en le regardant s'allumer. Il y a un grand soleil, et je ne peux pas être plus heureuse. Cet après-midi, je vais pouvoir faire un super footing. Un bruit derrière moi me sort de ma rêverie. Alors que je pense me retrouver face à mon colocataire, c'est une jeune femme blonde qui me sourit d'un air gêné, et qui remet sa veste en jean à la hâte. « Hum... Bonjour. » me dit-elle, tandis que je lève les yeux au ciel. Comment n'ai-je pu rien entendre. Je la salue avec froideur d'un signe de tête. « Et bien.. Au revoir.. » finit-elle par ajouter, son sac sur l'épaule, en quittant l'appartement précipitamment. « C'est ça, au revoir. » Je pose mon thé et soupire. Et encore une, je devrais presque faire une liste. « KENNETH PHOENIX !! » Je crie à travers l'appartement.

are you kidding me ?

 

Ce que tu pérfère dans une semaine, souvent, c'est le week-end surtout quand t'es sortis la veille et que tu te réveilles de bonne humeur en charmante compagnie. Si toi t'es un bon amant qui n'aimes pas passer la nuit entière chez quelqu'un c'est malheureusement le cas de tout le monde. Naturellement t'es rentré tard hier et tu t'es couché très tard aussi, si tard que vous n'avez pas penser à fermer les volets de la chambre, les rayons du soleil te tirent de ton sommeil de plomb, c'est moche de se dire qu'une explosion ne t'aurait pas réveillé mais le soleil lui a réussit. Tu ouvres difficilement les yeux, tu déteste te sentir agressé, ça te mets de mauvaise humeur et la barre qui t'as poussée dans la tête durant les quelques heures durant lesquelles tu as dormis ne t'aide pas à améliorer la situation alors tu te redresses en plaquant tes mains sur ton visage un instant avant de pousser ta compagne d'une nuit du lit. T'es un gentleman, enfin quand tu le veux bien et là ta gueule de bois te supplie de rester tranquille pour la journée. Habille-toi, c'est l'heure de partir. elle râle en se frottant la tête, cette débile s'est cognée enfin c'est surtout à cause de toi ça et puis après tout tu as toi aussi mal partout et vous avez retournés ta chambre, ça ça te dégoûte bien aussi. Allez, on a pas toute la journée.Tu te lèves de ton lit et tu la regarde sortir, On s'appelle Caroline ! lance-tu faussement sincère mais elle te réponds : Moi c'est Emily, connard ! elle ferme rageusement la porte alors que toi tu prends le temps de te vêtir, t'enfiles un caleçon et un marcel. En plus de ça, c'est pas clair pour toi, tu ne sais pas si ta charmante coloc' est rentrée ce week-end, l'alcool ça te réussit vraiment pas.

KENNETH PHOENIX !! un sursaut de surprise te tire immédiatement de tes pensées et répond à la question que tu te posais. T'avales ta salive en grimaçant, tu craint le pire, si t'es un ours le matin faut savoir que t'es pas le seul. Kiara, ta coloc' elle non plus n'aime pas se faire emmerder et encore moins le matin. T'enfile ta robe de chambre trop courte et tu pousse la porte de ta chambre tout sourire, bien évidemment, forcé. La barre dans ta tête n'a pas bougée, elle est encore bien présente et risque même de se transformer en casque, tes articulations te font mal mais tu gardes la tête haute. Tiens, Kiara, bonjour ! dis-tu d'un air enjoué comme pour ne pas te faire disputer. Tu la salue de la main, façon militaire et tu vas te servir ta petite tasse de café pour te réveiller. J'ignorais que tu rentrais ce week-end, c'était bien... L'armé ? lui demandes-tu en venant t'installer non-loin de la jeune femme, t'essaye de rester naturel mais tu luttes, tu traînes ta jambe comme un pendu et tes gestes sont comme incertains et très peu précis. T'arrive à peine à ne pas mettre du café partout sur le plan de travail de la cuisine en t'en servant, t'as même les mains qui tremblent. Tu te poses mille questions, tu te demande si tu n'as pas fais trop de bruits en entrant hier et même une fois entré, si vous n'avez pas fait trop de bruits, t'as vraiment aucune envie de l'avoir dérangée. Et si non, t'as bien dormis ?

are you kidding me ?

En attendant qu'il se décide à débarquer, je prépare un verre avec de l'aspirine. De toute manière, c'est pas comme si je me trompais. Il est quasiment évident qu'il a la gueule de bois. Quand il est resté sobre -ce qui est relativement rare- il ne ramène en général personne. J'ai même le temps d'ouvrir mon logiciel de mails avant qu'il débarque dans la cuisine, avec sa sempitrenelle robe de chambre trop courte, et je lève les yeux au ciel. Il a beau essayer d'avoir un air totalement normal et la tête haute, on peut littéralement lire sa nuit sur son visage. Il a les yeux complètement cernés et les lèvres gonflés. Voilà deux caractéristiques qui ne trompent jamais. « Tiens, Kiara, bonjour ! » me fait-il en s'efforçant d'être enjoué. Mais la cerise sur le gâteau, c'est ce salut militaire raté qu'il m'offre avant d'aller chercher sa tasse de café. S'il croit que ça va l'excuser... « J'ignorais que tu rentrais ce week-end, c'était bien... L'armée ? » Il s'asseoit à côté de mon ordinateur pour se servir du café, et j'éloigne l'appareil avant qu'il fasse des bêtises, étant donné qu'il commence déjà à en renverser un peu partout. Complètement à côté de la plaque, comme je l'ai bien soupçonné. « Et sinon, t'as bien dormi ? » Je contourne le bar pour être bien en face de lui et jette mon sachet de thé qui a fini d'infuser. J'attrape le verre avec l'aspirine, qui est totalement diluée dans l'eau, et le lui mets devant le nez, avec un sourire hypocrite. « Je pense que tu vas avoir besoin de ça. Pas besoin de me remercier. » Je lâche un peu plus sèchement que je ne l'aurais voulu. Son comportement ne me plait pas, certes, mais je ne le condamne pas non plus. Chacun fait sa vie comme il l'entend, mais tout de même, il y a des limites... « Contente que mon arrivée te réjouisse à ce point. Je suppose que Mary, Cornelia, Meredith ou je ne sais quel est son nom a aussi été très heureuse de me voir ! » Quelque part, j'étais assez amusée par le fait que ces nanas me croisent le lendemain. Certaines devaient sûrement penser que nous étions un couple en relation libre, et voir l'expression de leurs visages était ce qui me faisait le plus rire. « Et puisque tu le demandes, oui, l'armée, c'était vraiment super, on a un nouveau supérieur qui a beaucoup d'expérience, c'est vraiment génial. Et j'ai très bien dormi, merci. T'as eu de la chance. Si vous aviez fait du bruit, qui sait, j'aurais pu ne pas penser que tu avais une fille à la maison et vous surprendre ! » J'esquisse un sourire. J'imagine le genre de situation embarrassante pour eux que ça aurait entraîné. Moi, je n'en avais strictement rien à faire, j'aimais beaucoup embêter Kenneth, surtout sur ce sujet. « Bon par contre, si tu pouvais demander à ton harem de se remaquiller et se recoiffer un peu avant de partir, j'apprécierais. La vue d'épouvantails le samedi matin a tendance à gâcher ma journée. » J'ai décidé de ne pas trop être méchante, ce matin. Mais ça ne veut pas dire que la situation ne me tape pas sur les nerfs. Si je pouvais transformer Kenneth en mec responsable d'un coup de baguette magique, je n'hésiterais pas à le faire, croyez-moi. Il a intérêt à être intelligent, ce matin, sinon je sens que je vais vite perdre patience. C'est dans ces moment-là que je me dis que je ferais sûrement mieux de me trouver un endroit où dormir le vendredi soir quand je rentre de l'armée, un endroit sûr, où je suis sûre de ne pas croiser des petites mannequins en herbe qu'il vient de décevoir.