reading is sexy

« Kiara, tu devrais pas te laisser aller comme ça. » J'envoie un regard offensé à mon frère Taylor, qui est venu habiter chez moi depuis deux semaines, parce que c'est sa période de révisions. Il passe son temps à dire qu'être à Town Square est mieux pour lui, qu'il y étudie mieux qu'à Rhode Island, mais je n'en suis pas si sûre : il passe son temps à être déconcentré par la télé, par le frigo, ou même pas la contemplation d'un filet de poussière au dessus d'un meuble. Tout est prétexte à ne rien faire. Pourtant, il est dans les études supérieures depuis un bon moment maintenant, il devrait savoir à quel point il est important de réviser. Avoir vingt-sept ans et avoir le nez toujours planté dans les livres de science, ce n'est pas donné à tout le monde. Il sera difficile de faire plus diplômé que lui, ça c'est clair, et ce n'est pas plus mal : il a déjà des quasi-promesses d'embauche dans des centres de recherches qui d'habitude, ne recrutent pas. J'ignore sa remarque et plante une nouvelle fois ma cuillère dans le pot de glace au caramel au beurre salé. Je me fiche totalement de me laisser aller, de toute manière, je perds en général trois kilos quand je retourne à la base de Salem, il faut bien que je me remplume à chaque fois sinon bientôt, je ne serai plus qu'une Kiara microscopique, et ce n'est pas en pesant vingt kilos que je vais continuer à piloter des avions. « Je bouge, tu ferais bien de faire pareil. » Il lève des yeux heureux vers moi et avec un sourire enthousiaste, attrape son manteau et referme son livre « Ouais, on va manger des glaaaaaaces. » On dirait un gamin. Il a bientôt trente ans et il est encore plus gamin que moi. Mais qu'allions-nous faire de lui. Je lui ris au nez : « Nan nan, toi tu vas à la bibliothèque au calme, pour n'avoir AUCUNE distraction, et moi je vais à la librairie. »

Je ne sais pas comment j'ai réussi à convaincre mon frère d'aller s'enfermer à la bibliothèque de Town Square pour travailler, mais j'ai réussi, et c'est le principal. Me voilà désormais seule en route pour la librairie, sous le soleil éclatant. On dit souvent qu'il pleut dans notre région, mais je dois reconnaître que c'est faux. Quand je viens me reposer dans mon village d'enfance, il fait toujours beau, et il y fait toujours bon vivre. Je pousse la porte de la librairie et la sonnette émet un petit son de cloche. Je ne suis pas revenue là depuis le décès de maman, il y a trois mois, de son cancer. Mais j'ai décidé, après avoir repoussé tous les films et livres qui étaient susceptibles de parler de maladie ou de choses sombres, de reprendre mes lectures, parce que me plonger dans ce deuxième monde me manque plus que tout. J'adore la librairie de Town Square : c'est un endroit chaleureux où je me sens toujours à ma place. Si je n'avais pas autant aimé les avions, j'aurais sûrement eu un métier qui a un rapport avec les livres. J'entends du bruit au fond de la boutique. Ce doit sûrement être la nouvelle propriétaire, Saramea, avec qui j'ai sympathisé avant mon absence prolongée due aux obsèques et aux missions avec l'armée. Si je me souviens bien, elle débarque tout droit de Russie. On a du mal à croire que quelqu'un d'un pays si lointain vienne se terrer dans une ville sans prétention comme Town Square. J'aurais plutôt tendance à penser que les étrangers préfèrent les capitales ou les grandes villes. A sa place, j'aurais sûrement cherché à m'installer à Salem. Elle devait avoir une bonne raison d'être ici, ou alors l'envie de se poser pour de bon. Je scrute la table sur laquelle sont posés les nouveaux livres de la semaine, et parcours les titres avec avidité. Ma passion pour les livres ne m'a jamais quitté, et après avoir lu des quatre résumés, j'ai déjà envie d'acheter tout ce qu'il y a sur la table. Je vois la jeune Saramea qui revient du fond de la boutique ! « Bonjouuuur. » Je dis avec un sourire. « Il a plu des livres durant mon absence ou je rêve ? » J'ai franchement l'impression que le magasin contient deux fois plus de bouquins que la dernière fois que je suis venue.

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« Bonjour ! Oui, vous avez raison, j'ai reçu beaucoup de nouveautés au cours du dernier mois. » fait la jeune russe tandis que j'effleure la couverture d'un des livres aux couleurs chatoyantes. Au cours du dernier moi, elle a reçu beaucoup de nouveautés... Quand on considère que je ne suis pas venue depuis trois mois, c'est sûr que j'ai du en louper, des choses. « Vous êtes Kiara n'est-ce pas ? Comment allez-vous depuis tout ce temps, cela fait longtemps n'est-ce pas? » me demande la jeune femme. Je pose le livre que j'ai entre les mains et m'appuie contre la table des nouveautés. « Eh bien, j'ai été en mission avec l'armée pendant trois mois, je n'ai par conséquent pas vraiment eu de temps pour lire... » Je souris. « C'est un vrai calvaire » Quand je suis en mission, je n'ai vraiment pas de temps pour lire : les journées sont pleines, longues... et surtout très intenses. Le soir, quand nos supérieurs nous laissent enfin rentrer aux dortoirs, nous sommes tous tellement morts de fatigue que les repas se font en silence, et qu'une fois dans nos lits, nous nous endormons instantanément. Or, le moment où je préfère lire est celui-ci : juste avant de dormir.

Je connais peu Saramea, elle n'est pas depuis si longtemps à Town Square, et en dehors de la librairie, j'ai eu peu l'occasion de la fréquenter. Elle est bien plus jeune que moi, et malgré notre amour pour les livres, nous n'avons pas grand-chose en commun. « Et vous, vous allez bien ? Les affaires vont bien ? » Maintenant que je suis revenue à Town Square, autant en profiter pour faire connaissance avec les gens qui y habitent. Je sais que beaucoup de militaires, à cause de leurs missions, se terrent dans leurs maisons et font le choix de ne pas rencontrer les gens qui vivent autour d'eux, du moins durant leur carrière. Je sais que quelques-uns de mes collègues, en tous cas, ont fait ce choix, et se contentent d'avoir des amis militaires. Moi, j'ai décidé de ne pas être égoïste. Ma famille est appréciée dans cette ville, et je ne voudrais pas ternir la réputation de mon père. Je me suis fait des amis ici, je connais beaucoup de monde à Town Square. La seule chose que je me suis interdite ? Avoir quelqu'un dans ma vie. Pourquoi ? Parce que quand on a quelqu'un à qui penser, on est plus le même, on manque de concentration, et on peut vite perdre pied. Je le sais, et ce sont les livres et les gens autour de moi qui me l'ont appris. Je me contente d'avoir des amis, des connaissances... C'est déjà beaucoup pour la solitaire que je suis. « J'ai envie d'un roman très léger, pourquoi pas une histoire d'amour épique... Vous pourriez me conseiller ? » Je demande à la libraire avec un sourire. Oui, ne pas vouloir de l'amour n'est pas pour autant une raison pour ne pas lire de belles histoires.

Deux passionnées de lecture réunies dans une librairie, que de belles retrouvailles au paradis

Elle était donc dans l'armée, cela Saramea ne le savait pas. Elle avait l'habitude de bien connaître ses clients. Enfin, somme toute, elle était ravie de revoir la demoiselle au sourire si chaleureux. Elle l'aimait bien et avait été déçue de ne pas la revoir plus souvent. De cette façon, elle l'écoutait attentivement, elle ne pouvait faire autrement, elle se trouvait nez-à-nez avec une demoiselle qui adorait la lecture à ce qu'elle pouvait en comprendre. C'est ainsi qu'elle lui sourit délicatement avant de répondre à l'interrogation de celle-ci: Oui les affaires n'ont jamais mieux été. Fit-elle les yeux remplie d'étincelles. Il faut croire que beaucoup de gens sont passionnée de lecture rajouta-t-elle en riant quelque peu les yeux pétillant d'animation. Elle était enthousiasme de pouvoir parler avec quelqu'un qui semblait engager un dialogue non pas unilatéral, mais bien intéressé et intéressant. Il n'était pas rare que Sara puisse échanger avec les clients, mais bien souvent, elle était timide et ne se sentait pas bien accueillie  dans l'esprit des gens advenant son accent Russe. Quoiqu'à présent, elle s'exprimait à merveille en anglais.

Ainsi, lorsque Kiara lui demanda un livre d'amour, elle se dirigea tout de suite en arrière du comptoir. En lui faisant signe d'attendre un instant en lui souriant angéliquement et en ne la quittant point des yeux. Puis, elle se pencha de sorte a en relever un carton, néanmoins lourd, mais qui ferait le bonheur de l'invité en ces lieux. Saramea en ouvrit le contenu et en y retirant les papiers sur le dessus afin de protéger les libres, un quantité astronomique du même livre apparue sous leurs deux pairs de yeux. Une couverture aux allures mystérieuse faisait effigie d'un roman d'amour nouvellement sorti et arrivé au contré de Town Square.

Je vous conseil donc La parure des hauts d'hurle vent. C'est la suite au classique de Emily Bronte. Un chef d'oeuvre en soi. C'est une nouvelle auteur du nom de Brigitte Beauclair qui l'a écrit. L'original est parue en français il y a quelques mois et à fait des ravages. Je l'aie moi-même lu à deux reprise le mois passé lorsque j'ai reçu la confirmation de commande via email. Enfin, je vous le conseil, bien que je n'ai pas lu la traduction en anglais, mais je vais m'y mettre. J'ai d'ailleurs commencer.

Enfin c'était le genre de roman assez romantique et haletant pour y verser quelque larme et en plus il était certainement curieux et fort enrichissant de lire l'essaie d'une telle suite. C'est alors que Saramea tandis un exemplaire à la demoiselle, puis elle rajouta:
Enfin je sais aussi qu'elle compte en écrire un deuxième, alors ça ne doit pas être si mauvais, fit-elle en affichant un sourire timide, mais certes délicat. Elle retourna alors auprès de KIara de sorte à se faire plus familière avec celle-ci. Elle prit ainsi soin de ne pas se heurter au comptoir elle qui était maladroite. Elle se posa donc à la gauche de celle-ci les mains derrière son propre dos, afin de se faire discrète.

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Oui les affaires n'ont jamais mieux été. me fait la jeune libraire avec un sourire étincelant. Elle doit être heureuse, en effet. C'est toujours un challenge de venir s'installer dans un pays étranger, d'y avoir un commerce et de faire en sorte que ça marche, surtout dans ces temps difficiles avec l'économie. Il faut croire que beaucoup de gens sont passionnés de lecture ajoute-t-elle, visiblement enthousiaste. J'imagine que ça doit être une vraie délivrance, d'être bien ici, et d'avoir cette affaire qui marche. « Vous avez beaucoup de chance. » Je commence en effleurant du bout des doigts un autre livre. « Des tas de commerçants ont du mal à s'en sortir avec la crise, et beaucoup de loisirs sont laissés de côté, on pourrait croire que la lecture en fait parti mais... » Je me mords la lèvre avant d'ajouter, avec des étoiles dans les yeux : « Il faut croire qu'il y a peut-être plus de gens comme nous, qui s'éloignent de la réalité, de la crise et des difficultés qu'elle entraîne grâce à la lecture. » Ce ne serait pas si surprenant. Dans les moments difficiles, quand les choses vont moins bien, on se retrouve souvent à rêver d'une autre vie, et c'est dans ces moments-là que la lecture devient presque une drogue, elle nous permet d'être nostalgiques de vies que nous n'avons même pas vécu. J'ai toujours aimé ma vie, mais je ne peux m'empêcher d'envier les héroïnes des livres que je lis, parfois.

Je propose à la jeune russe de m'aiguiller vers ma prochaine lecture, car je sais qu'elle est sûrement plus au courant que moi de ce qui se fait et surtout, qu'elle saura bien me conseiller. Les rares fois où j'ai pu discuter avec elle avant la mort de ma mère m'ont montré que nous avions des goûts similaires. Je la laisse donc aller derrière le comptoir et trouver un énorme carton qu'elle pose avec difficulté sur la table. Visiblement, ce sont les nouveaux arrivages, elle n'a pas l'air d'avoir déballé tout ça avant. Le papier est encore là, et sous nos yeux de lectrices passionnées se trouvent désormais une ribambelle d'exemplaires d'un livre dont je n'arrive pas encore à lire le nom. Mais la libraire ne se fait pas prier pour m'en parler, et dés qu'elle prononce le titre « Les Hauts de Hurlevent », ma curiosité est piquée à vif. J'ai toujours aimé ce classique d'Emily Brontë, étant une passionnée de classiques britanniques et américains. J'ai du le lire une bonne demi-douzaine de fois dans ma vie, et l'idée que quelqu'un ait pu écrire une suite me ravit. En plus, Saramea n'en dit que du bien, je vois bien dans ses yeux qu'elle est totalement emballée par cette nouveauté, ce qui pique encore davantage ma curiosité. Enfin je sais aussi qu'elle compte en écrire un deuxième, alors ça ne doit pas être si mauvais. Elle s'approche de moi et me tend un exemplaire, que je prends à mon tour. J'observe longuement la couverture avec un sourire et en silence, lis le résumé au dos. « J'ai toujours aimé les Hauts de Hurlevent, je n'ai jamais imaginé que quelqu'un puisse faire une suite » Puis je relève les yeux vers la libraire et serre le livre contre ma poitrine. « J'ai souvent très peur des suites qui ne sont pas faites par les auteurs eux-même mais pour le coup, vous avez l'air franchement convaincante... » Je jette un nouveau coup d'oeil à l'ouvrage. « Me replonger dans cet univers ne peut pas me faire de mal, et je suis curieuse de voir ce que ça donne, quand même, c'est plutôt osé d'écrire une suite... Je vais le prendre, je vous fais confiance ! » Je me tourne vers le comptoir et sort mon portefeuille de mon sac. Il y a peu de petits bonheurs aussi beaux et agréables que celui d'acheter un nouveau livre dans une belle librairie, je suis heureuse de pouvoir faire ça.