Mon arrivée à Town Square avait été légèrement... spéciale. Mouvementée aussi contrairement à ce que j'aurai pu en penser. En choisissant cette petite ville des Etats Unis, et plus particulièrement de l'Oregon, non, en fait, c'est plutôt cette ville qui m'avait choisie, et je commençais à comprendre pourquoi. Les rencontres n'avaient pas été difficiles, les gens ici étaient accueillants, et surtout ils venaient de partout. Le soir même de mon arrivée, mon voisin m'avait déjà porté secours. Et puis, et puis il y a eu cette jeune femme, Willow. A peine avais-je eu le temps de poser mes yeux sur elle que j'avais ressenti ce petit frisson parcourir le creux de mon dos. Les choses se sont rapidement enchaînées, j'avais l'impression de la connaître depuis... longtemps. Et se sentir bien en la présence de quelqu'un, croyez moi, c'est important, surtout quand cela fait plusieurs années que vous n'avez pas ressenti ce genre de chose. Les 4 dernières années de ma vie avaient été consacrées à élever une petite fille, la voir grandir, lui apprendre les choses, apprendre à devenir mère en quelques sortes. Mais quand une relation comme celle là s'arrête du jour au lendemain, il faut avoir la force de s'en sortir. La vie n'est pas un long fleuve tranquille, j'avais vécu bien assez de chose en 25 ans pour le savoir sur le bout des doigts.

Cette soirée passée en la présence de Willow m'avait redonné foi en quelque chose. Je ne savais pas trop bien quoi, mais je m'étais sentie vraiment moi-même avec elle, chose qui ne m'était pas arrivé depuis des lustres. Nous avons échangé quelques paroles, quelques baiser, pour finir la nuit sagement dans mon lit. Mais au petit matin, elle avait disparu. Volatilisée, comme une colombe dont on laisse la porte de sa cage dorée entre-ouverte. J'avais eu le coeur lourd ce matin là en ouvrant les yeux. Mais finalement, j'en revenais à ma philosophie de vie et me répétais que rien n'était jamais acquis. Il m'avait fallu quelques jours avant de me remettre de ce départ précipité. Notre soirée m'avait chamboulée, et j'avais l'impression de la voir partout. Chaque fois que je prenais Jules dans mes bras, je sentais encore son parfum. Chaque fois que je mettais mon plaid sur mes genoux, je la revoyais emmitouflée dedans. Elle était partout. Pourtant il avait bien fallu que je passe au dessus de tout ça. J'aurai pu aller la voir, je savais où elle travaillait. Mais je n'étais pas sûre d'avoir la force. Willow n'assumait pas son homosexualité, et en plus de ça elle était en couple. C'était une histoire foutue d'avance. Pourtant j'avais senti quelque chose de spécial se passer entre nous, quelque chose que j'essayais tant bien que mal d'enfouir au fond de moi pour m'éviter de trop souffrir en y pensant.

Les semaines ont passé, plusieurs soirs je me suis fait violence pour ne pas aller au fitzgerald's, au moins le point positif dans l'histoire, c'est que mes sentiments soudains pour la jeune femme m'avaient permis d'écrire, beaucoup, depuis ces dernières semaines.
Ce soir, c'est en simple jean et pull que je décidais de faire une plus longue ballade avec Jules, pour m'aérer l'esprit, prendre un peu l'air.
«Excusez-moi, vous avez laissé tomber ça !» Je me retournais rapidement et tombais nez à nez avec un jeune homme. Enfin je dis jeune, mais il était quand même plus âgé que moi, impossible avec la lumière des lampadaires de dire de combien, mais il avait facilement la trentaine. Plutôt mignon d'ailleurs. «Merci !» lui répondis-je en me penchant pour ramasser mon foulard que je venais de faire tomber. «C'est la première fois que j'vous vois par ici...». Pas que j'étais pas rassurée, mais quand même un mec qui vous drague en plein milieu de la nuit, et sous un lampadaire en pleine rue, ça pourrait être flippant. «Oui je... ça fait seulement quelques semaines !» Parfois j'espérais que Jules grogne un petit coup, malgré sa taille, il ferait un peu peur ? Non ? Bon. «Non j'dis ça parce que je bosse pour la police de Town Square, et... j'habite dans un immeuble juste derrière, donc je passe souvent par ici... et j'suis étonné de ne pas vous avoir déjà vue avant. Je m'en serai souvenu !». Bon ok, s'il était flic, j'avais un peu moins peur. Bien que... les flics peuvent aussi être malsains non ?
Jules allait directement vers lui pour renifler son pantalon et je m'excusais «Je suis désolée, il est encore petit, il est très curieux !» «Pas de soucis j'adore les chiens !». Le jeune homme se baissait pour caresser Jules, et il relevait la tête vers moi. «Au fait, j'm'appelle Mike !». Je lui fis un signe de tête comme pour lui dire que j'étais enchantée. «Eileen !».

De fil en aiguille, nous avons commencé à discuter, quelques minutes, quelques dizaines de minutes, de tout, de rien, et puis il m'a invitée à boire un verre chez lui. Allez savoir pourquoi, j'ai accepté. Il avait l'air gentil, et puis j'avais besoin de rencontrer du monde. On montait chez lui et il me laissait entrer. Ça n'avait pas l'air d'être l'appartement d'un serial killer, mais je restais vigilante. «Je peux le détacher ?» demandais-je en désignant Jules du doigt. «Oui oui bien sûr, il va pas faire pipi partout ?» «Non ! » lui dis-je en riant. «Par contre il risque de renifler partout !» . Je lâchais donc le fauve et m'asseyais sur le canapé une fois que Mike m'en ait donné le droit. Un verre, puis deux, une complicité amicale était en train de naître entre nous. Du moins, amicale de mon côté, parce que je sentais qu'il me draguait quand même. J'évitais de lui donner trop d'espoir.

La soirée a basculé au moment où Jules s'est mis à gratter la porte d'entrée. J'avais beau l'appeler, rien n'y faisait, il continuait, reniflant sous la porte. J'avais du mal à comprendre, il n'avait jamais ce genre de comportement. Mais quand la porte s'ouvrit, je ne mis pas longtemps à comprendre. Je restais bloquée complètement, le visage figé en découvrant Willow. Jules lui sautait dessus, tout content de la voir. Mike se retournait sur Willow «Hey p'tite soeur ! N'aies pas peur il est gentil !» lui dit-il en désignant Jules. Oui. Elle savait qu'il était gentil. On l'avait recueilli ensemble. Mon coeur battait tellement fort que j'avais presque envie de presser ma poitrine pour que personne ne puisse l'entendre. «Will j'te présente Eileen !». J'avalais péniblement ma salive, ne sachant pas trop quoi faire, quoi dire...

« Will... T'es avec moi ou...? » Je redescends immédiatement sur terre et autant dire que la chute est difficile. Je remarque que ça doit faire bien dix minutes que Luke me parle mais que j'écoute à peine. Pas très digne d'une petite amie ça... C'est ma pause déjeuné entre deux mannequins à maquiller et mon amoureux est exprès venu manger avec moi pour me tenir compagnie. Il a carrément lâché ses potes pour passer du temps avec moi. Inutile de vous dire que ma culpabilité est en train de me ronger l'estomac. Tellement, que je n'ai pas encore touché à mon assiette de salade crudités. « ... Et depuis quand tu manges de la salade? En temps normal je dois te freiner sur les cheeseburgers. » Je lâche mon assiette, ce qui fait un bruit insupportable aux oreilles. « C'est bon? T'as fini de me faire des remarques? Parce que si t'es venu pour contrôler ce que je mange et le fait que je sois un peu dans mes pensées, tu peux tout de suite repartir. » Je jette ma serviette sur la table, attrape mon sac et retourne au studio de photo en plantant Luke au restaurant. J'ai la gorge serrée mais je continue d'avancer, ravalant du mieux que je peux mes larmes avant d'arriver au plateau et de nettoyer mes pinceaux à maquillage. Pas besoin de chercher de midi à quatorze heures, je sais très bien ce qu'il se passe dans ma tête; Eileen. Elle est partout et nul part à la fois. Je pensais que j'arriverais à passer par-dessus, qu'en fuyant de chez elle, je ne m'attacherais pas davantage... Je me suis trompée. Moins je la vois, plus j'ai envie d'être près d'elle. On n'a passé que quelques heures ensembles mais ça a suffit à ce que je devienne accroc. Un mannequin s'approche de moi. Elle est grande, ses jambes sont fines et ses longs cheveux bruns me rappellent ceux d'Eileen. Voilà pourquoi je mangeais de la salade tout à l'heure. Je me rappelle encore du ventre plat de la jeune femme, de sa silhouette fine et de ses épaules féminines. C'est ridicule je sais, mais face à ce genre de corps, j'ai l'impression d'être énorme, et je perds toute confiance en moi. La mannequin s'installe sur la chaise et je commence à mettre un peu de fond de teint sur le dos de ma main avant de prendre un pinceau et de le lui mettre sur son visage. C'est ainsi que mon après midi se déroule. Je maquille trois mannequin pour le magazine de la ville. Même si mon job me demande de la concentration, j'ai de la peine à ne pas penser à elle. A son parfum... Sa peau douce... Son souffle. Tout d'un coup, au bout de deux heures, Luke apparaît sur le plateau. Il cache quelque chose derrière son dos mais je fais mine de l'ignorer. « Excuse-moi, la grosse bosse. » Très froid, très direct et ça ne me ressemble pas du tout mais Luke m'a poussé à bout tout à l'heure. Il laisse découvrir un grand bouquet de roses et j'écarquille mes yeux. « Tu n'es pas grosse... Excuse ma débilité de tout à l'heure. » Je lui fais un petit sourire avant de prendre les fleurs et les poser devant le miroir. Luke s'approche de moi, m'embrasse et s'installe dans un coin pour me regarder travailler en silence. J'ai de nouveau mal au ventre. Mais ce mal de ventre qui veut dire qu'on fait quelque chose de mal.

Il est finalement l'heure de rentrer. Malgré mes hauts talons et le gros bouquet de fleurs, Luke me ramène chez moi sur son scooter. Je lui tends le casque, l'embrasse et vais me réfugier dans l'appartement que je partage avec mon frère. D'ailleurs, celui-ci n'est pas là. Etrange, il me semblait avoir vu qu'il ne travaillais pas de la fin de journée. Tant pis. Je vais m'enfermer dans ma chambre, couchée à plat ventre sur mon lit et bidouillant le bas du t-shirt que j'ai emprunté chez Eileen. Il a encore l'odeur de ses vêtements. Merde, les fleurs. Je me lève, vais dans la cuisine et sort un vase que je rempli d'eau avant d'y mettre les fleurs. Elles décoreront très bien la pièce. Je retourne dans ma chambre mais j'entends que mon frère rentre à la maison. J'écoute, histoire de savoir s'il est seul ou s'il vient boire l'apéro avec son collègue comme ça lui arrive de faire. J'entends une voix féminine mais étouffée à cause de la porte. Oh non, il ramène ses conquêtes à la maison maintenant? Je soupir et m'asseye contre la porte. Moi qui avait besoin de faire pipi en plus de ça... J'attends un petit moment, assise par terre quand j'entends un petit souffle depuis sous la porte. Une ombre passe et tout d'un coup, ça se met à gratter à la porte. C'est quoi cette histoire? J'ouvre un peu la porte et un petit bouledogue noir s'introduit dans ma chambre. Je lève les yeux pour découvrir mon frère en train de parler avec Eileen dans notre salon. Mon coeur tombe dans mes cheville. Je manque d'air et j'ai l'impression qu'on est en train de serrer ma gorge. Qu'est-ce qu'elle fait là? Et avec mon frère? Une vague de jalousie m'envahit. Apparemment, je n'étais pas si importante que ça à ses yeux. Mike me parle vaguement du chien mais je ne réponds pas, je reste bloquée sur le regard d'Eileen. Je crois qu'elle se pose les mêmes questions que moi. Mon grand frère me présente Eileen - quelle ironie - et j'essaie de faire un espèce de sourire qui ressemble davantage à une grimace. Faire comme si je ne la connaissais pas? « Hum oui, je la connais. C'est une cliente au Fitz'. » Putain c'était ma voix ça? Je ne veux pas qu'Eileen pense que j'ai honte d'elle ou quoi que ce soit, c'est pour ça que je n'ai pas menti sur le fait qu'on se connaissait déjà. Je lance un regard à la jeune femme, me rappelant pourtant qu'elle avait dit vouloir une relation avec une fille en ce moment, mais apparemment, les gens changent d'avis. « Comment ça se fait que vous vous connaissez? » Je me rends compte que je suis toujours dans l'encadrement de la porte, les bras ballants alors je demande à mon cerveau de bien vouloir faire fonctionner mes jambes et de me diriger vers l'îlot de la cuisine pour me servir d'une banane et d'une orange pour m'en faire un jus de fruit. « Oh on vient de se rencontrer dans la rue. C'est dingue le hasard que vous vous connaissez! » Je fais un sourire niais à mon frère et presse l'orange sans quitter Eileen des yeux. « ... et vous êtes en train de... boire un verre? » Là, ma question est pour Eileen.

Je restais complètement bouche bée, les yeux quasi écarquillés devant la présence de Willow. Je serrais les dents pour éviter de trop montrer mes émotions. Ce que je retenais en premier, c'est que Willow n'avait pas parlé de moi à son frère, il me semblait pourtant l'avoir entendue me dire que seul son frère était au courant de ses sentiments homo. Au moment où Mike me présentait à sa petite soeur, celle-ci répondit directement « Hum oui, je la connais. C'est une cliente au Fitz'. » Une cliente du Fitz, c'est comme ça qu'elle me voyait. Je serrais un peu plus les dents, laissant apparaitre les muscles de ma mâchoire en train de se contracter. J'esquissais un minuscule sourire à Mike en essayant de contenir tout ce que je pouvais ressentir à cet instant précis. « Comment ça se fait que vous vous connaissez? » « Oh on vient de se rencontrer dans la rue. C'est dingue le hasard que vous vous connaissez! » «Oui... le monde est petit, surtout à Town Square visiblement...» J'étais du côté du canapé qui était face à la cuisine, et c'était à Mike de se retourner pour faire face à Willow. J'aurai sûrement préféré être à sa place, pour éviter d'avoir le regard de Willow posé sur moi, d'ici je n'avais pas le choix. Elle semblait blessée de voir que je buvais un verre avec son frère. En même temps, c'est elle qui était partie comme une voleuse. Moi je n'avais rien à me reprocher. Même si au fond de moi, je me reprochais de ne pas être retournée vers elle.

« ... et vous êtes en train de... boire un verre? ». Je serrais de nouveau les dents, mon coeur s'accélérant chaque fois que la jeune femme prenait la parole. «Oui on fait connaissance quoi...» «J'savais pas que t'étais là, sinon on serait allés boire un verre ailleurs pour pas te déranger !». Si je savais qu'elle était là mon bon garçon, je serai même pas montée chez toi. Faudrait sans doute que tu le saches, non ? Je me levais péniblement du canapé et lâchais «Je... je vais vous laisser, j'ai du boulot qui m'attend chez moi !» «Oh déjà ? T'es sûre ? Tu m'as même pas dit ce que tu faisais !» «Je...» je relevais les yeux vers Willow avant de les rebaisser sur son frère. «Je suis auteur. J'écris, des... livres.» Bah voyons, un auteur écrit des livres ? Bien Eileen, de mieux en mieux !! J'étais en train de perdre totalement mes moyens. «Génial ça, tu me feras lire ?» J'hochais la tête pour éviter de prononcer un mot, ma gorge était tellement serrée que Willow aurait pu le sentir.

J'appelais mon chien pour vite déguerpir d'ici, je me sentais tellement mal de m'être laissée draguer par un homme alors qu'il s'avérait être le frère de la jeune femme qui me faisait tourner la tête. «Jules ?» Je relevais les yeux vers Willow, il était dans ses bras, en train de lui faire plein de léchouilles. «Je sais pas si elle va te le rendre vu comme elle adore les animaux !». Oui enfin là, il va falloir, je dois vraiment partir d'ici. Et Willow n'a pas l'air de vouloir lâcher mon chien. Je m'approchais d'elle, et chaque pas que je faisais en sa direction faisait battre mon coeur un peu plus rapidement, et plus fortement. «Je vais finir par te le laisser en pension !» lui dis-je avec un espèce de minuscule sourire crispé. Elle relevait les yeux vers moi et je me sentais prise d'un espèce d’électrochoc très bizarre. Je ne savais pas trop si c'était agréable ou non. Je tendais les bras pour récupérer Jules, et je frôlais les mains de Willow. Ces mains que j'avais prises dans les miennes plusieurs fois. Ce visage que j'avais caressé doucement, ces lèvres que j'avais embrassées tendrement, ces yeux que j'avais contemplé longuement... je me décomposais peu à peu face à elle. J'avalais péniblement ma salive, et une fois Jules dans mes bras, je fis demi tour direction la porte d'entrée. Mike me rattrapa avant que je ne franchisse le pas de la porte «Tu veux que j'te ramène, on sera plus tranquilles chez toi !». Je secouais la tête rapidement, levant une dernière fois le regard vers Willow. «T'es adorable, mais non, j'ai du boulot et puis... y'a beaucoup de choses que tu ne sais pas sur moi...» Je voyais son regard changer, passant du tendre à l'interrogatif. «On se recroisera sûrement !» Je lui adressais un signe de main et disparaissais dans la cage d'escalier.

Mike se retournait vers Willow, il était loin d'être con, et surtout il était flic, donc déceler les comportements des gens, il savait faire. «Il s'est passé quoi entre elle et toi ? Me dis pas que c'est juste une cliente, elle a changé du tout au tout quand elle t'a vue !»

Mon frère est un gros dragueur mais on s'est toujours mis d'accord pour qu'il ne ramène pas de filles ici étant donné que Luke n'avait pas le droit de venir non plus. Les raisons ne sont pas les mêmes certes, mais on s'est toujours entendus comme ça. Ca m'a toujours évité de tomber sur mon frère à poil avec une autre fille dans le canapé et c'est un détail qui n'est pas négligeable. On a dix ans de différence et honnêtement, j'aimerais bien voir mon frère se caser avec une gentille fille mais il aime trop papillonner pour se trouver une future épouse. C'est pour ça que je suis étonnée de deviner une voix féminine quand Mike rentre à la maison... Je ne la reconnais pas, je ne sais donc pas dire si c'est peut-être un membre de notre famille qui serait de passage ou une conquête. Ce petit bâtard me dit de ne pas rentrer ici avec mon petit ami, mais lui ne se gêne pas pour ramener des filles dans mon dos. Il va m'entendre. Sauf que lorsque je me retrouve face à Eileen, j'ai le souffle coupé. Elle? Mais je croyais qu'elle ne voulait pas d'un homme, et puis... Depuis combien de temps se connaissent-ils? Mon frère répond à toutes mes questions pendant que je me remets de mon choc en me préparant un jus de fruit. Je ne lâche pas Eileen des yeux. Parfois, il n'y a pas besoin de mots pour faire comprendre un message. Des deux, on dirait que c'est elle qui est le plus mal à l'aise alors que c'est moi qui suis partie comme une voleuse de chez elle avant qu'elle ne se réveille au petit matin... Mais avant de me laisser envahir par la culpabilité, j'aimerais savoir ce qu'il se passe entre mon frère et elle. C'est la jeune femme qui me dit qu'ils font connaissance. Je lève les sourcils, croisant son regard. Faire connaissance? Mon frère s'excuse en disant qu'il ne se doutait pas que j'étais à la maison. J'ai légèrement envie de vomir en entendant mon frère parler à Eileen, la draguer un peu en lui demandant si elle lui fera lire ses livres. Très rapidement, les choses s'enchainent. Eileen décide de partir et je baisse les yeux sur Jules qui vient renifler mes pieds. Je le prends dans mes bras en voyant que la jeune femme est en train de le chercher. Eileen s'approche de moi quand elle remarque que je tiens le chiot entre mes bras et nos regardent se plantent l'un dans l'autre. C'est bizarre, l'autre soir quand j'étais chez elle, elle était sûre d'elle mais en cet instant, on dirait que c'est elle la plus mal à l'aise. Nos mains se frôlent et j'ai envie de la lui attraper mais je me retiens, la regardant tristement. Elle allait partir comme moi je l'avais fait chez elle. Je ne peu pas lui en vouloir dans le fond. Elle s'écarte de moi et mon frère lui propose de la ramener. Quand elle dit le mot adorable, une nouvelle nausée s'empare de moi. Imaginer les deux ensembles est vraiment pas quelque chose qui me réjoui. Eileen disparait de l'appartement et je soupire, commençant à mixer la banane que j'ai pris. Lui courir après ou non? Mike s'approche de moi et commence à me poser des questions. « Tu sais que je ne supporte pas quand tu fais le flic avec moi. » Je mélange mon jus d'orange avec la banane et en boit une première gorgée mais bizarrement, je n'arrive pas à en avaler davantage. Je pose le verre et lève les yeux vers mon frère. « J'ai pas rêvé Will. » Impossible de cacher quoi que ce soit à mon frère. C'est bien pour ça qu'il est le seul à connaître mes préférences niveau sentiments. « C'est chez elle que j'étais l'autre soir quand tu t'es inquiété de pas me voir à la maison. » avouais-je honteuse. La bouche de mon frère s'ouvre tout grand. « Chez elle? Mais vous avez... Je dirais que c'est sexy si tu n'étais pas ma soeur. » Je secoue la tête et lui donne un coup de poing dans le bras. « La ferme Lexington, c'est pas ce que tu crois. » Je le contourne et me dirige vers la porte de l'appartement d'un pas précipité. Peut-être qu'elle est encore dans le bâtiment. Je commence à descendre les escaliers et la retrouve avec Jules. « Eileen! » Je la suis et enfin la jeune femme s'arrête de descendre les marches. Je lève ma main pour la poser sur son bras mais me résigne au dernier moment, laissant mon bras tomber mollement le long de mon corps. Je la regarde, ne sachant même pas par quoi commencer. Je devrais sûrement m'excuser pour l'autre matin mais les mots ne franchissent pas mes lèvres. « Je... Toi et mon frère alors? » Je m'appuie contre le mur, attrapant mon bras avec ma main gauche, me sentant plus minable que jamais.

Une fois la porte claquée, je fermais très fort les yeux comme pour essayer de faire disparaître le regard de Willow quand elle m’avait découverte au milieu du salon avec son frère. Quelle horreur. Quand je pensais que j’aurai pu… son frère. Mon dieu… Je devenais complètement tarée. Je prenais une grande inspiration et commençais à descendre les étages, un, puis deux. Au départ, j’ai espéré qu’elle descende, qu’elle me rattrape, mais plus je dévalais les marches, plus je comprenais que mon espoir s’en allait en fumée. Si bien que quand Willow arriva à ma hauteur, prononçant mon prénom dans un presque soupir, je crus à une hallucination. Il me fallut quelques marches pour arrêter mon élan, et je me cassais presque la figure. Sa voix même avait un effet hallucinant sur moi. Je ne savais pas trop ce qui était en train de m’arriver depuis quelques semaines.
Je pris une grande inspiration avant de me retourner face à la jeune femme. « Je... Toi et mon frère alors? ». Je plantais mon regard dans le sien. Après tout, c’était devenu carrément notre marque de fabrique, ce regard. On dit toujours que les yeux sont le miroir de l’âme. Et je savais très bien que mes yeux traduisaient toutes mes émotions, du moins pour les gens qui me connaissaient un minimum. Willow en faisait partie. « Alors rien. Il m’a proposé de venir boire un verre j’ai dit oui, j’avais juste besoin de voir du monde, sortir de chez moi, et j’voulais pas venir au Fitz’… ». Ma voix était plus sèche que d’habitude. Je lui en voulais un peu d’être partie comme une voleuse, mais surtout je m’en voulais de m’être laissée draguer par un homme, qui se voulait être son frère, alors que je savais au fond de moi que je développais des sentiments pour elle.
Un long silence s’installa, je me mordais la lèvre tellement fort que j’aurai pu la faire saigner. Je me lançais alors à lui poser la question « Pourquoi t’es partie comme une voleuse l’autre soir ? Tu sais j’aurai compris, j’aurai respecté ton choix si tu m’avais dit que tu voulais partir, je te l’avais proposé dans la soirée… mais partir comme ça, sans rien dire… ». Je ravalais ma salive et essayais de ne pas trop montrer la boule que j’avais dans la gorge. Je secouais la tête et avouais « C’est pas grave… je t’en veux pas… j’pensais juste que… je sais pas… qu’on allait pas couper les ponts d’un coup, ne plus avoir de nouvelles pendant des semaines… ». Je baissais les yeux pour poser mon regard sur le sol. Je soupirais doucement. « J’comprend que ça t’aies chamboulée, que t’aies un petit ami a qui tu ne veux pas faire de peine, j’peux comprendre beaucoup de choses tu sais… mais pas l’absence du jour au lendemain, sans un mot rien du tout. Tu sais quoi à mon réveil j’ai eu l’impression d’être… je sais pas… une pute… ». A ce moment, ma gorge se serrait un peu plus et on pouvait largement sentir ma voix se serrer au même titre. Je serrais les dents, j’avais envie de pleurer, mais je n’allais pas me laisser emporter par mes sentiments. J’avais pourtant essayé de passer au dessus de tout ça, de me dire que de toute manière c’était une histoire trop compliquée pour que je lui en donne autant d’importance… mais ce sont des choses qu’on ne peut pas décider.

Devant l’absence de réaction de Willow, je décidais de faire demi tour, descendre les quelques marches qui me séparaient du palier, puis les dernières qui me mèneraient à la sortie de l’immeuble. Mais à peine eu-je franchi 2 marches, que je m’arrêtais net, dos à elle. Et sans réfléchir plus longtemps, je faisais de nouveau volte-face et remontais les quelques marches qui me séparaient d’elle. Je lâchais la laisse de Jules et me jetais presque sur Willow pour l’embrasser. Tant pis si elle me rejetait, j’aurai eu le dernier baiser dont je rêvais….

Spoiler:

En réalité, je ne sais pas du tout à quoi je pensais en quittant l'appartement d'Eileen en douce. Je ne me suis pas demandé si on allait se revoir où si toute cette histoire serait vite oubliée. Honnêtement, ces dernières semaines, ça été dur de ne pas penser à elle. Elle est quand même la première fille qui me plaît, la première à savoir mon petit secret et surtout la première avec qui j'ai partagé mon premier baiser homosexuel. Pour beaucoup ça ne compte peut-être pas, mais pour moi c'était une étape importante, comme si c'était un vrai premier baiser et que tous ceux que j'ai échangé avec Luke n'avaient jamais existé. Quand je me suis retrouvée dans le lit d'Eileen et que la jeune femme s'est endormie alors que le sommeil me fuyait, j'ai commencé à paniquer. Je suis sortie de cette bulle dans laquelle j'étais depuis que je l'avais rencontrée au bar pour me rendre compte que dehors, il y avait toujours une vie qui avançait. Une vie avec deux jobs et un petit ami. Une vie avec un frère et des homophobes... J'ai complètement paniqué et c'est pour ça que je suis partie. C'est impardonnable. J'aurais pas dû surtout qu'Eileen a dû se poser mille et une questions. Elle a dû prendre cette fuite pour elle, en pensant qu'elle n'était pas assez bien ou j'en sais rien alors que ce n'est pas du tout le cas.

Je ne m'attendais pas du tout à la voir ici et surtout pas aux côtés de mon frère plus dragueur que jamais. Ca m'a un peu fait mal parce que dans le fond, je me disais qu'il y avait eu davantage entre nous et la jeune femme m'avait dit ne plus vouloir d'hommes en ce moment. Je me suis fait des films. Je peux m'en prendre qu'à moi même et c'est pour ça que je décide de recoller les pots cassés en sortant de l'appartement et en essayant de rattraper Eileen dans les couloirs de l'immeuble. Je l'ai abandonnée l'autre matin, c'est le moment de me faire pardonner et de lui montrer que ça n'a rien avoir avec elle. Quand je la rattrape, je vois bien qu'elle hésite à se retourner mais je suis soulagée quand elle s'arrête pour enfin nous faire face. Je lui demande avec tact ce qu'il se passe entre elle et mon frère. Ca me surprend vraiment et même si je ne peux pas les empêcher, s'il devait y avoir une quelconque relation entre eux, je me sentirais vraiment mal. Elle m'explique qu'il y a rien et même si je ne le montre pas, je suis soulagée. Mais sa voix est froide et tranchante. J'ai comme un mouvement de recul... Ca me fait de la peine, sa voix douce me manque mais je ne peux pas lui en vouloir. Au contraire, elle a tout à fait raison de me parler de cette manière. On n'entend plus un son dans la cage d'escalier. Je fui le regard d'Eileen, me rendant compte que je devrais peut-être rentrer mais la voix de la jeune femme brise le silence. Elle me pose LA question. Celle qui est légitime. Plus elle parle, plus elle pose des questions que je me fais petite dans mes baskets. Elle ne me laisse pas vraiment répondre mais c'est pas grave, elle n'a pas besoin de réponse. Eileen se compare à une pute et je lève enfin mes yeux vers elle pour croiser son regard. Comment... Je fais un pas en avant, le bras tendu comme si je voulais la toucher. J'arrive pas à croire qu'elle se sente comme ça. C'est triste mais une fois de plus, on ne peut pas dire que je lui ai montré d'autres raisons de ne pas l'être. Je reste scotchée, comme suspendue dans l'air. J'ai envie de pleurer, ma gorge est serrée et j'ai l'impression qu'on serre mon coeur entre des doigts forts. Je n'arrive même pas à lui donner une quelconque réponse...

Eileen me tourne le dos. Je me laisse tomber sur les marches de la cage d'escalier et replie mes jambes contre ma poitrine, retenant mes larmes le plus longtemps possible. Je me sens mal, je me sens minable. J'ai toujours essayé d'être une bonne personne et je me rends compte que c'est pire en fait. Une main sur mon front, je regarde le dos de la jeune femme. Elle s'avance vers la sortie mais tout d'un coup, elle s'arrête de marcher. Elle semble hésiter. Une vague d'espoir m'envahit. Non, je ne peux pas qu'elle parte, non je ne veux pas qu'on continue à s'ignorer. Oui je ressens des choses fortes pour elle et oui je veux vivre quelque chose avec elle... Comme si elle avait entendu mes pensées, Eileen fait volte face et se met presque à courir en ma direction. Je me lève et me retrouve contre le mur, les lèvres de la jeune femme se scellant aux miennes. Je ne la repousse pas. Bien au contraire. C'est moi qui ait des choses à me faire pardonner, pourquoi je la rejetterais? En plus de ça, je ne pense qu'à ses lèvres et qu'à son corps depuis l'autre soir. Retrouvant peu à peu mes esprits, j'entoure son corps de mes bras et lui rend le baiser qu'elle m'offre. Elle m'a manqué. Putain elle est entrée dans ma vie et je ne veux plus qu'elle en sorte. Je me sens tellement mieux près d'elle, tellement plus moi même. Plus sereine. Je décolle brièvement ma bouche de la sienne pour la regarder, rouge comme une tomate. « Je... J'ai paniqué Eileen... J'aurais jamais dû... Je suis tellement désolée tu ne te rends pas compte... J'ai compris tellement de choses depuis l'autre soir... Excuse moi s'il te plaît... » la suppliais-je les yeux brillants.

Je ne sais pas trop bien ce qui m’a pris à ce moment là, mais j’avais trop besoin de l’embrasser, quitte à ce que ce soit la dernière, quitte à ce qu’elle me repousse. J’avais besoin de mettre peut être un point final à ce que nous avions pu vivre. Alors en me retournant pour lui sauter carrément dessus, tout un tas de choses me passaient par la tête. Allait-elle m’envoyer balader, allait-elle apprécier ma franchise ? Toujours est-il que je me précipitais sur ses lèvres ne lui donnant pas tellement le choix de réfléchir. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine alors que mes lèvres prenaient d’assaut les siennes. Comme un goût de délivrance. Il ne lui fallut pas longtemps avant de m’entourer de ses bras. A cet instant précis, je me sentais mieux que jamais, rassurée certes, mais simplement bien. Parce que ma peur de l’abandon venait de s’envoler un peu, pour l’instant, et je voulais profiter de cet instant.

Ce baiser était emprunt de sentiments, n’importe qui aurait pu le dire. Il n’y avait pas que de l’envie, il y avait bien plus que ça. Le cœur battant, je finis par décoller mes lèvres des siennes, reprenant doucement mes esprits et ma respiration. Je plongeais alors mes yeux verts dans les siens, avant qu’elle ne prenne la parole. « Je... J'ai paniqué Eileen... J'aurais jamais dû... Je suis tellement désolée tu ne te rends pas compte... J'ai compris tellement de choses depuis l'autre soir... Excuse-moi s'il te plaît... ». Un petit sourire naquit au bord de mes lèvres. Que pouvais-je bien faire d’autre que la pardonner alors qu’elle me faisait son regard de chat potté. Elle était à croquer. Je déposais un tendre baiser sur ses lèvres, doucement, juste un petit baiser, avant de replonger mon regard dans le sien. « Bien sûr que j’te pardonne… j’peux pas faire autrement de toute manière… ». Je haussais les épaules et souriais doucement. Ma main posée sur sa joue toute douce, je la caressais du bout de mon pouce.

Jules venait nous sauter dessus, et c’est ce qui me fit baisser le regard. « Si je le connaissais mieux, j’aurai rapidement compris que tu étais là… ça m’aurait évité de me laisser draguer par ton frère… ». Je lâchais un petit rire et récupérais la laisse de Jules. « Je suis désolée… pour ce soir… ton frère tout ça… ». Je haussais les épaules, me justifiant malgré moi. « J’ai bien cru que j’te reverrai jamais… du coup j’ai oublié l’idée que je préférais être avec une fille et j’me suis laissée faire… c’est idiot… enfin, le principal c’est que tu te sois pas volatilisée !! ». Je lui souriais, amoureusement je pense parce que je ne me rendais absolument pas compte que ce petit sourire bêta avait pris possession de mon visage depuis quelques minutes.

Mais cela dit, je ne savais pas trop quoi faire, quoi dire, j’avais envie de passer du temps avec elle mais je ne voulais toujours pas la brusquer. J’avais compris ce soir que notre relation était importante pour elle, mais ça n’excluait pas le fait qu’elle avait toujours un petit ami, et la phobie de s’assumer et de sortir du placard. Après tout, je m’en foutais, l’important pour moi désormais, c’était son bonheur, et le mien. Et mon bonheur se satisfaisait de l’avoir tout près de moi. Peu importe si elle ne voulait pas que ça se sache, j’étais capable de la voir en cachette tant qu’elle voudrait, je crois que je serai même capable de surmonter le fait qu’elle ait un petit ami, et qu’elle… non ok. Mauvaise idée. Ne pas imaginer qu’elle couche avec lui. Très mauvaise idée, même si je savais bien que c’était le cas.

Mike me sortit de mes pensées quand je le vis descendre l’escalier et débouler près de nous. Instinctivement je prenais un peu de recul avec Willow. Il s’arrêta net près de nous, nous regarda l’une, puis l’autre, avant de lancer à sa sœur. « C’est bien la première fois que tu arrives à avoir une nana qui me plait avant moi ! J’suis fier de toi !! » Il frotta énergiquement les cheveux de sa sœur avant de finir de dévaler les escaliers, et de lancer « J’ai une urgence, j’en ai pour plusieurs heures, faites pas trop de bêtises à la maison ! ». Je lâchais un rire amusé avant de reposer mes yeux sur Willow qui était devenue légèrement rouge. Leur relation était vraiment mignonne, j’aurai tellement aimé avoir la même avec ma sœur…

« On peut peut-être juste… boire un jus de fruits… ! » lâchais-je avec un petit sourire complice.

Je me rends compte que nous sommes à l'entrée du bâtiment. Pleins de voisins pourraient rentrer ou sortir au moment même où je suis en train de rendre ce baiser à Eileen. Et le pire, c'est que je m'en fiche. Et si Luke venait pour me faire une nouvelle surprise histoire de se racheter? Ca serait juste le drame... Comment lui expliquer une telle chose? Déjà que le tromper, il ne me le pardonnerait jamais, mais alors avec une fille, il serait encore plus perdu! Et s'il savait comment c'était dans ma propre tête... Et s'il se rendait compte à quel point je suis perdue dans mes propres convictions, mes propres choix.

Je finis par me détacher d'Eileen... Bien que j'en aie pas du tout envie mais il faut que je m'excuse. Je lui dois bien ça malgré qu'elle n'ait pas hésité à se jeter sur mon frère à peine quelques semaines après m'avoir dit qu'elle voulait d'une relation sérieuse avec une fille. Je retrouve peu à peu ma respiration et mon rythme cardiaque normal avant de finalement m'excuser platement. Je ne sais pas qu'est-ce qu'elle va en penser, ni même si elle va les écouter. Si ça se trouve, elle m'a embrassé juste comme ça, parce qu'elle en a envie mais qu'elle est tout de même en colère et qu'elle va pas tarder à tourner les talons pour ne plus jamais recroiser ma route... Et pourtant, elle me laisse parler. Elle m'écoute et je crois même qu'elle hoche la tête. Une fois posé le point final de mes excuses, Eileen me regarde avec tendresse, la même tendresse que l'autre soir quand j'ai failli pleurer après l'appel de sa mère. Elle m'embrasse furtivement et je me retiens de ne pas jeter des regards à notre droite et à notre gauche. Elle risquerait de le prendre mal alors je me contente de prier intérieurement pour que personne ne passe à côté de nous à ce moment là... Elle me pardonne. Eileen semble comprendre et elle m'excuse. Je ferme un peu les yeux au contact de sa main sur ma joue. Ca fait du bien, ça m'apaise immédiatement. Elle a ce pouvoir sur moi.

Je sentis quelque chose gratter sur mes jambes et je n'avais pas besoin de baisser les yeux pour savoir que ce n'était autre que Jules, le petit bouledogue. Je me baisse afin de me retrouver accroupie pour lui gratter un peu la tête et l'arrière des oreilles. Il est adorable. Un vrai système d'alarme en plus. Il a tout de suite su que j'étais dans ma chambre et Eileen est en train de me faire la même remarque tout en reprenant la laisse qu'elle avait lâché un instant plus tôt en me sautant dans les bras. La jeune femme s'excuse à propos de mon frère et j'hausse les épaules. Après tout... Qui suis-je pour lui dire de se faire draguer ou pas par mon frère? Ils sont les deux adultes mais c'est clair que ça m'a un peu fait de la peine. Je me redresse et m'appuie contre la cage de l'ascenseur en me frottant nerveusement les bras. Elle m'explique aussi qu'elle s'est laissée faire par mon frère parce qu'elle ne savait pas si elle me reverrait un jour. J'ai honte. Vraiment honte... « Je peux m'en prendre qu'à moi même de toute manière. Ne t'excuse pas. Si je t'avais donné signe de vie avant... Mais j'avais besoin de temps pour réfléchir, pour me rendre compte de ce qu'il s'était passé ce soir là... » Nos câlins... Nos baisers sensuels et nos caresses... Rien que d'y repenser, un frisson s'empara de moi.

Je relève les yeux vers Eileen et constate qu'elle me regarde de la même manière que me regarde Luke. Je ravale difficilement ma salive, comme si une boule était coincée dans ma gorge tout d'un coup. La situation est tellement compliquée... Eileen devrait être avec une fille qui s'assume, une fille qu'elle pourrait tenir la main ou embrasser en public sans se cacher. Je ne suis pas comme ça. Du moins, pas encore. Sans parler de Luke qui est fou amoureux de moi et qui me sert de couverture depuis quatre ans. Ce n'est pas rien. Je me passe une main sur le visage, essayant de garder mon calme mais heureusement, avant que je ne pique une crise de larmes à cause de la pression, mon frère apparaît dans les escaliers. Il m'a fait une trouille bleue! Je porte une main sur mon coeur. Pendant une fraction de seconde je me suis demandé qu'est-ce que ce voisin allait penser mais heureusement, ce n'était que Mike. Voyez... Rien que d'être dans l'entrée d'un bâtiment avec Eileen ça me stresse... Elle ne voudrait vraiment pas d'une vie pareille. Ou du moins, moi je ne voudrais pas ça pour elle.

Mon frère fait une remarque un peu déplacée à mon goût. Il ne sait rien, elle pourrait très bien être une simple copine et lui, il est déjà en train de tirer des conclusions. J'aime le fait qu'il se fiche pas mal que j'aime les filles mais y a des limites. Surtout que le fait de m'ébouriffer les cheveux comme si j'avais encore six ans est un peu déplacé aussi. Je lui envoie un regard noir avant de lui sourire brièvement. Notre petit jeu. Je regarde mon frère quitter le bâtiment et baisse les yeux sur mes pieds, mes bras toujours croisés sur ma poitrine. Je suis complètement perdue. Mais telle la voix de la sagesse, Eileen me propose de boire un jus de fruit. Sûrement en allusion à ce que je faisais tout à l'heure avant qu'elle ne quitte l'appartement. Flemmarde, j'appuie sur le bouton de l'ascenseur et les portes s'ouvres. On se glisse à l'intérieur et je me mets à fixer les boutons des étages pour ne pas penser au fait que de se retrouver dans un ascenseur avec la jeune femme est vraiment très excitant. Les portes s'ouvrent enfin et je pousse la porte de l'appartement que je partage avec mon frère. Je suis très mal à l'aise et ça me tue d'agir comme ça avec Eileen. J'aimerais tellement être zen et détendue mais chaque secondes que je passe avec elle, je tombe de plus amoureuse d'elle et c'est... C'est trop compliqué. J'aime pas les complications. Je suis pas une fille faite pour les complications. Preuve; je me cache derrière la simplicité d'une relation hétérosexuelle pour ne pas avoir à faire face à des difficulté. Je me dirige vers la cuisine et coupe deux nouvelles oranges étant donné qu'Eileen en voudra sûrement un peu aussi.

J'essaie de ne pas trop penser à l'autre soir, à ses lèvres sur ma peau, à ses mains sous mon pull... Mais nous ne sommes que les deux, chez moi et c'est dur. Jules se retrouve détaché et va immédiatement élire mon lit comme étant son nouveau dodo. Bon. « Tu préfères quoi avec le jus d'orange? De la banane ou des fraises? » demandais-je sans croiser son regard et en essayant d'ignorer le fait qu'elle vient de se rapprocher de moi.

Je sentais bien que de rester ici aux "yeux de tous", ça la mettait mal à l'aise. C'est pour ça que j'ai pris rapidement de la distance. Je ne voulais pas qu'elle se sente mal, ce n'était pas du tout mon intention. Mais ça avait été plus fort que moi, j'avais trop eu envie de l'embrasser. Après ses excuses et mes acceptations, c'est son frère qui arrivait rapidement. Les joues rouges de Willow traduisaient son mal être vis à vis de son frère qui visiblement en avait pensé un peu trop. Je lui proposais d'aller boire un jus de fruit. Je pensais que ce serait mieux de ne pas rester ici, au niveau du passage, sans doute qu'elle se sentirait mieux chez elle.

On montait dans l'ascenseur toutes les deux et je me retenais d'assouvir mes pulsions quant à mes idées qui se voulaient sensuelles en la présence de Willow. Il fallait que je me retienne, souvent, mais j'en prenais mon parti. Ce n'était sans doute pas plus mal. On arrivait dans son appartement et je me rasseyais dans le canapé, sans trop rien dire pour le moment. Willow partait dans la cuisine pour faire les jus de fruits et me demandait « Tu préfères quoi avec le jus d'orange? De la banane ou des fraises? ». «Fraises ! S'il te plait.. ». Les fraises, c'est aphrodisiaque. Ok. Eileen calme toi...

Je voyais Jules s'enfuir dans la chambre de Willow et il s'installait sur le lit. «Ah merde j'suis nulle comme mère ! Jules a pris d'assaut ton lit, c'est pas grave ?» Willow secouait la tête amusée. J'étais un peu rassurée. Je me levais du canapé et rejoignais calmement Willow «Tu veux un coup de main ?» Pour faire le smoothie, je m'entends.. Mais je sentais qu'elle se contractais légèrement à mon arrivée. Je posais mes mains sur ses épaules et les massais doucement, elle se décontractait doucement, ce qui me fit sourire. Elle arrêtait même de presser les fruits. Mes mains remontaient dans sa nuque alors qu'elle penchait sa tête en avant. Je continuais de la masser doucement. «Tu as un petit extrait de mes capacités de masseuse ! J'ai un diplôme de massage thai !». Je finissais par entourer Willow de mes bras posant mes mains sur son ventre, alors que je faisais un bisou dans sa nuque. Je posais finalement mon menton sur son épaule, pendant qu'elle reprenait ses esprits. «Si tu veux j'ten ferai un vrai, un jour. Quand tu voudras !». Je la voyais sourire et je reprenais un peu de distance. J'étais complètement naturelle, elle était assez stressée pour nous 2. Je récupérais 2 verres sous le bar et la laissais verser les jus de fruits dans les verres. Je lui tendais le sien et trinquais avec elle. «Ça a été le boulot aujourd'hui ?». Je commençais par des banalités, en évitant de mettre un poids sur ce que nous vivions tous les deux.

On allait s'installer sur le canapé, un peu comme on était installées chez moi, sauf qu'elle paraissait un peu moins tendue. Je sentais qu'elle avait envie de me demander quelque chose. Ça me faisait sourire. Au moment où elle prononça le mot "photo", je compris rapidement. J'étais moins fatiguée et plus en confiance ce soir pour lui parler de mon histoire. Du moins, cette partie. «J'ai une grande soeur. Kathleen. Elle est comédienne, je lui ressemble comme 2 gouttes d'eau. Elle m'a toujours détestée, pour plusieurs raisons, on en parlera sûrement une autre fois. Enfin toujours est-il que j'ai jamais été proche d'elle, et quand j'ai commencé mes études de lettres à Ottawa, j'avais à peu près 20 ans, elle a frappé à ma porte et elle m'a mis un bébé dans les bras. Son bébé. Elle m'a demandé de m'en occuper. Ce que j'ai fait. Quand Lucy a eu deux ans j'ai appelé ma soeur pour lui demander ce qu'on faisait, et elle m'a dit de la garder, qu'elle en voulait pas. Alors je l'ai élevée comme si c'était ma fille. J'ai dit à nos parents que c'était ma fille, y'a que ma meilleure amie qui savait que c'était ma nièce. J'étais la plus heureuse du monde. Et puis à Noel dernier elle a débarqué alors que je fêtais le réveillon avec mes parents et Lucy.» Ma gorge était en train de se nouer et je sentais mes yeux s'embrumer peu à peu. «Elle a récupéré Lucy sans que je puisse rien faire. C'était sa fille. J'ai même pas essayé de me battre tellement on m'a enlevé une partie de moi... Du coup j'ai voulu changer de vie, changer de ville... voilà quoi...». Je prenais une grande inspiration et avalais péniblement ma salive. J'avais juste envie de pleurer, comme je le faisais très souvent ces dernières semaines.

Je me retourne donc afin de prendre des fraises. Je suis chiante à ce niveau. Pour autant que des fois j'aime manger gras, c'est vrai que j'insiste toujours pour qu'on ait des légumes et des fruits dans le frigo. Justement parce que j'aime bien me faire des jus de fruits maison. Ca énerve mon frère et donc moi, ça me fait plaisir. Des fois, j'aime emmerder mon frère en faisant exprès parce qu'il ne se gêne pas lui. Comme avant dans l'entrée de l'immeuble.

Eileen vient se glisser dans mon dos et pose ses mains sur mes épaules. Rien que ça, ça a le don de me faire frissonner. Je ferme un peu les yeux, appréciant le fait qu'elle me masse gentiment les épaules. Je me décontracte peu à peu. Vous voyez quand je vous disais qu'elle avait le don pour me détendre... Et m'exciter là aussi en l'occurrence. Déjà l'autre soir, rien qu'avec ses mains sur mon corps, j'avais eu des papillons dans le ventre... Ses doigts experts, remontent vers ma nuque et je penche la tête en avant, oubliant complètement le fait que j'aie un couteau dans une main et des fraises dans l'autre. Sans vraiment me rendre compte, je serre les doigts autour de mon ustensile de cuisine tranchant. Elle me lâche et prend la parole. Ce n'est que là que je sors de mon état de transe. Je crois bien que j'étais à deux doigts d'haleter. Elle m'enlace contre elle, ses mains sur mon ventre. Mon Dieu. C'était peut-être pas un orgasme, mais presque. « Il faut que tu arrêtes de faire ce genre de choses quand j'ai un couteau dans les mains... » soufflais-je presque à bout de souffle.

Je mixais rapidement les fruits et versa le liquide dans les verres que me tendait Eileen. Elle me demande si ma journée de boulot s'est bien passée et je me contente d'hausser les épaules. Je suis en train de luter avec mon cerveau pour qu'il ne repense pas au sourire de Luke quand il m'a apporté les roses sur le plateau de tournage. On finit par s'installer dans le canapé. Etre entre mes quatre murs est beaucoup plus rassurant pour moi. Je me sens plus à l'aise et moins sous pression. Allez savoir pourquoi. C'est comme l'autre soir chez elle quand elle m'a embrassé... Il faut croire que je me sens bien que quand je suis seule et dans un espace "intime" avec elle.

Je repense à l'autre soir, quand j'étais allongée dans ses draps, m'épreniant de son odeur sans faire exprès. Puis soudain, je me rappelle aussi de la photo que j'ai trouvé sur la table de nuit d'Eileen. La petite fille. Eileen commence à m'expliquer qu'elle a une grande soeur avec qui elle a beaucoup de ressemblance. Mais moi, je suis sûre que Kathleen n'est pas aussi belle qu'elle mais passons. L'histoire qu'elle me raconte est la sienne, je vois toute l'émotion qu'elle a dans les yeux et je comprends que c'est quelque chose qui l'a marquée. Comme l'autre soir quand je lui ai parlé de ma mère. Elle a élevé cette petite fille comme la sienne, en faisant croire à tout le monde que c'était le cas et finalement, elle a dû s'en séparer parce que dans le fond, elle n'avait aucun droit sur elle. Je trouve ça triste. Sa soeur a en quelque sorte profité d'Eileen à mes yeux. Elle n'a pas voulu de son bébé quand il fallait la baigner, lui changer les couches et se lever à quatre heures du matin pour lui donner le biberon, mais par contre, dès que sa fille était plus grande, elle s'est pas gênée pour venir la réclamer. Je trouve ça atroce. Eileen est au bord des larmes et je ravale difficilement ma salive. Aucun mots doux ne pourraient panser cette blessure, néanmoins, je passe un bras dans le dos de la jeune femme et l'attire contre moi, comme elle l'a fait l'autre soir avec moi. Je lui caresse les cheveux, retenant mes propres larmes étant une personne de nature très sensible. « Je suis désolée Eileen... J'aimerais pouvoir trouver les bons mots, mais je ne suis pas sûre qu'il y en ait... » soupirais-je avant de me mordre la lèvre inférieur pour ne pas craquer. La voir comme ça, ça me brise le coeur. A croire qu'on passe chacune notre tour à se consoler. « Ne le prend pas dans le mauvais sens Eileen mais... Je suis contente que ta soeur ait récupéré sa fille. Sans ça, on ne se serait jamais rencontrées... » C'est pas terrible, c'est peut-être la pire chose que j'aurais pu lui dire, la plus égoïste mais je me dis que ça lui fera peut-être plaisir de savoir que je suis comblée de la connaître. Notre relation est plus qu'ambiguë mais elle est importante à mes yeux. Je l'embrasse sur le front puis prends son visage entre mes deux mains. Je vois ses yeux au bord de l'inondation et avant que je n'ai le temps de réfléchir à si c'est bien ou pas, je pose mes lèvres sur sienne, lui offrant le plus doux baisers que je puisse lui offrir.

Elle m'avait fait sourire en me demandant d'arrêter de la masser quand elle avait un couteau dans les mains. Effectivement j'avais remarqué que mes mains avaient un certain pouvoir sur elle. En posant mes mains sur son ventre j'avais pu sentir son souffle court. Qu'est-ce que ça allait être quand... quand quoi ? Eileen ? Rien ! oh ! On se calme ce soir ! On finissait par aller s'asseoir toutes les deux sur le canapé avec nos verres de jus de fruit, que j'avais pris soin de poser sur la table basse avant de commencer mon histoire. Mes yeux s'étaient rapidement embrumés, j'avais encore du mal à parler de cette histoire, c'était trop frais, trop récent, ça me faisait encore trop mal. Kaleb avait parlé de porter plainte contre ma soeur pour récupérer Lucy, mais je n'en avais pas la force, et avec l'argent qu'elle avait, elle aurait trouvé le meilleur avocat qui soit pour gagner le procès. C'était peine perdue. La seule chose que j'espérais, c'est qu'elle n'oublie pas ce que j'avais fait pour elle et pour "sa" fille. Et qu'elle ne m'empêche pas de la voir...

En finissant mon histoire, une larme se mit à couler sur ma joue, je l'essuyais rapidement d'un revers de main. Je ne voulais pas plomber la soirée, mais je voulais que Willow sache ce point important de ma vie. Je sentis son bras se glisser dans mon dos pour qu'elle me rapproche d'elle doucement. Je ne me fis pas prier au contraire, et me blottissais contre elle, respirant son parfum. Il y avait quelque chose dans ce parfum qui faisait que je me sentais bien, allez savoir quoi. Elle m'avouait ne pas trop savoir quoi me dire. C'était normal après tout, personne n'aurait eu les mots pour me réconforter. Mais la sentir près de moi était ce qui m'importait, ce qui me faisait du bien. Elle n'avait pas besoin d'en dire plus. « Ne le prend pas dans le mauvais sens Eileen mais... Je suis contente que ta sœur ait récupéré sa fille. Sans ça, on ne se serait jamais rencontrées... ». Sur un point elle n'avait pas tort, même si à choisir j'aurai préféré venir habiter ici avec Lucy. Mais peut être que je n'aurai pas rencontré Willow. Le destin c'est ça, une multitude de choses qui se déroulent sans qu'on ne puisse pas y faire grand chose. J'étais contente d'avoir rencontré Willow, elle me faisait vivre quelque chose que je n'avais pas vécu jusqu'à présent, et c'était très agréable. Je ne regrettais pas d'être venue à Town Square. De toute manière, c'était mon destin, je n'aurai rien pu y changer.

Je restais la tête posée tout contre elle, le nez presque dans son cou, comme une enfant, et je tripotais son collier de ma main, caressant de temps en temps le haut de son buste où était posé le collier. Elle embrassait mon front avant que je ne lève les yeux vers elle, encore un peu assommée par mon histoire que je je venais de lui raconter. Et avant même que je n'ai eu le temps de dire "ouf", ses lèvres vinrent se poser sur les miennes en un baiser plus doux que jamais. Ma main glissait alors dans son cou, entremêlant mes doigts dans ses cheveux. Chaque baiser avec Willow était différent, c'était comme se découvrir différemment à chaque fois. Et a chaque fois, je sentais mon coeur s'accélérer, signe de mes sentiments pour elle, et de mon attirance aussi. J'étais quasiment allongée sur elle, elle était encore en position assise. Je n'avais plus envie que ce baiser s'arrête, et surtout je sentais les papillons dans mon ventre refaire surface. Notre baiser se fit un peu plus passionné. Je n'avais plus envie de pleurer, j'avais juste envie de la découvrir, encore et encore. Je laissais ma main perdre de l'altitude, descendre sur son bras, puis à sa taille, dans son dos, soulevant doucement son t-shirt, juste pour pouvoir toucher sa peau, rien de plus. Je ne voulais surtout pas la brusquer, lui faire peur.

Je mis fin à notre baiser avant d'avoir trop envie d'aller plus loin. Elle avait besoin de temps, je ne voulais pas faire de bêtises avec elle, il fallait que je sois patiente. Mais elle avait le don de me rendre folle. Du calme Eileen. Je lui offris un petit sourire carrément amoureux avant de me mordiller la lèvre, ce qui voulait tout dire. Les fraises faisaient-elle déjà effet ?

Dans le fond, nous sommes pareilles. Deux petits bouts de femmes qui doivent faire face à de gros chagrins. Même si le mien n'est pas comparable. Tout le monde perd des proches chaque jours, j'en fais partie même si ça date d'il y a six mois maintenant. Mais l'histoire d'Eileen est bien plus prenante. Du jour au lendemain, que dis-je d'une seconde à l'autre, on lui a donné un bébé, n'étant pas tout à fait une adulte elle même et elle s'en est occupée comme sa propre fille durant toutes ces années. Pour quoi? Qu'on débarque aussi rapidement qu'on est parti, pour récupérer la petite fille. C'est scandaleux. J'aimerais dire qu'à sa place j'aurais trainé ma soeur en justice et je me serais rebellée mais dans le fond, j'aurais réagi comme elle, j'aurais rien dis et j'aurais laissé couler. On se ressemble beaucoup plus qu'on ne peut le croire à première vue.

C'est compliqué de trouver les bons mots dans ce genre de situation mais j'aurais très certainement pu faire mieux que ça... Quelle horreur de lui dire qu'heureusement sa soeur avait voulu récupéré sa fille car sinon on ne se serait jamais rencontré. Je ne veux pas qu'elle pense que je suis contente de ce qui lui ai arrivé. Je mets gravement les pieds dans le plat et je m'en veux. Elle aurait largement préféré garder sa nièce et ne pas vivre tous ces problèmes et c'est compréhensif. Je n'aime pas trop parlementer autour du destin. Y a ceux qui y croient, y a ceux qui n'y croient pas et y a ceux qui préfèrent pas y penser. Comme moi.

Comme je ne m'en suis pas vraiment sortie avec mes paroles minables, j'essaie d'être un peu tactile en la prenant dans mes bras, la serrant contre ma poitrine. Je ne suis pas vraiment quelqu'un de tactile, Eileen l'a peut-être remarqué. Maman ne l'était pas avec nous donc c'est pas une habitude que j'ai eue avec mon frère. Mais avec Eileen, c'est naturel, presque normal. Ca me fait ressentir tellement de choses. J'ai l'impression que tous mes sens sont décuplé. La chaleur de son corps traverse nos vêtements et son parfum me vient aux narines, mais ce n'est pas le moment de penser à ce genre de détails. Et encore moins à avant dans la cuisine quand les mains de la jeune femme me massaient presque sensuellement les épaules. Eileen tripotait mon collier comme une petite fille, ce qui me fit légèrement sourire, bien que la situation ne s'y prêtait pas du tout. Je décidais de lui offrir un baiser, d'abord un peu timide, comme toujours mais peu à peu se transformant en un baiser passionné. Je sentis la main d'Eileen descendre sur mon corps, commençant par mon bras puis sur mes hanches, peau à peau sous mon t-shirt. Quand la jeune femme décolle ses lèvres des miennes je suis à bout de souffle. Je baisse les yeux sur sa bouche. Elle se pince la lèvre inférieur. Le genre de choses qui me fait vraiment craquer chez elle quand elle le fait. Mon coeur bondit dans ma poitrine. J'ai envie de plus, j'ai envie de découvrir encore un peu... Grâce à elle j'ai découvert l'effet que ça fait d'embrasser une femme, puis la toucher, de caresser sa peau... J'en veux davantage mais j'ai tellement peur. J'ai peur de ne pas être à la hauteur. Je n'ai pas envie d'être l'élève et elle la professeur, ça ne serait tellement pas naturel... J'ai peur que ça soit trop surfait. C'est difficile à expliquer. Pourtant, mes mains ont glissés naturellement sur sa cuisse l'autre soir... Il y a quelques minutes elle pleurait devant moi, ça ne serait pas correcte de penser à nos corps dans un lit. Je sens une bouffée de chaleur m'envahir et une fois de plus, je m'écarte trop brusquement. Mes deux mains posées sur mon front, j'essaie de me ressaisir. Je suis carrément en train de faire une crise d'angoisse. Non pas ça. Pas maintenant, pas ce soir. Sans réfléchir, je tends le bras et attrape mon jus de fruit pour en boire une gorgée avant de me laisser tomber dans le canapé. « Je sais que c'est un peu déplacé vu la discussion qu'on vient d'avoir mais je suis obligée de te dire que ça devient de plus en plus dur de ne pas craquer sous tes mains et tes lèvres... » Surtout qu'on est que les deux dans un appartement vide. Je me sens vraiment horrible de penser à ce genre de choses alors qu'elle vient de me confier qu'elle a élevé une enfant comme sa propre fille.

Willow fut prise d'une espèce de crise d'angoisse, elle pris une distance légèrement brutale, et se précipita vers son jus de fruits, elle avait l'ait complètement perdue. Au moment de se laisser tomber dans le canapé elle m'avoua « Je sais que c'est un peu déplacé vu la discussion qu'on vient d'avoir mais je suis obligée de te dire que ça devient de plus en plus dur de ne pas craquer sous tes mains et tes lèvres... ». Je baissais les yeux avec un petit sourire au coin des lèvres. Willow avait un don assez impressionnant, du moins avec moi, elle me faisait oublier tout ce qu'il y avait autour. Chaque fois que j'étais en sa présence, je n'étais qu'avec elle, tous mes soucis n'avaient plus aucune importance, je me sentais simplement bien, je n'avais pas besoin de plus que ça. «Tu sais c'est pas parce que je t'ai raconté un bout de mon histoire que tu dois te sentir obligée de me réconforter pendant des heures ! Effectivement c'est pas une période facile de ma vie, mais le passé c'est le passé. C'est toujours difficile d'en parler, mais une fois fait, j'me sens mieux aussi. Parce que maintenant je sais que tu me connais encore un peu plus qu'hier, et je pense que ce sera comme ça encore un moment !». Sous entendu, qu'on allait se découvrir un peu plus chaque jour, tant niveau psychologique qu'au niveau physique. Enfin, la 2ème partie, ça risquait peut être de prendre un peu plus de temps.

Je posais ma main sur sa cuisse doucement, sans aucune autre idée que la rassurer. «Ne te sens pas coupable de ressentir ce que tu ressens... c'est ... normal !». Je lui adressais un petit sourire trop mignon. Je ressentais la même chose qu'elle. J'avais beau lui avoir parlé de Lucy quelques minutes plus tôt, notre baiser m'avait donné des ailes, et évidemment, j'avais eu envie d'aller un peu plus loin encore, comme on avançait progressivement depuis qu'on se connaissait. Mais j'avais peur aussi, peur que ça ne lui plaise pas, peur qu'elle ne se sente pas bien, peur qu'elle réfléchisse trop. On avait chacune nos peurs, et c'était légitime dans la situation dans laquelle on se trouvait.

Je retirais ma main de sur ma cuisse et me reculais pour être au fond du canapé. Un genou plié, j'étais positionnée sur le côté, face à elle, mon coude posé sur le dossier du canapé, et je la regardais longuement. Si bien qu'à un moment donné elle finit par sourire. J'aimais tellement ce sourire. Je sentais qu'elle était bien en ma présence,malgré toutes les inquiétudes, tous les questionnements. Être ensemble nous suffisait. D'un coup je me redressais, les yeux grands ouverts. «Oh mais j'ai complètement oublié !» Je me levais d'un coup et allais chercher mon sac derrière le canapé. «Je t'ai acheté un truc ce matin, mais je pensais pas te voir ce soir... du coup j'ai zappé..» Je revenais m'asseoir sur le canapé et lui tendais un petit paquet. Elle était un peu surprise, j'avais hâte qu'elle l'ouvre, pour voir sa réaction. A l'intérieur du paquet se trouvait un petit bracelet avec un attrapeur de rêves. «C'est un symbole de protection. C'est quelque chose de très important dans ma culture, enfin, du côté de ma mère. Je l'ai trouvé joli, et j'me suis dit qu'avec ta peau mate, ça pourrait bien ressortir à ton poignet...». Je n'arrivais pas trop à déceler si mon cadeau lui plaisait, elle restait plutôt bouche bée.

Quelques longues secondes séparaient mon offrande du moment où elle relevait les yeux pour me remercier. Vu son regard, je supposais que ça lui faisait plaisir. Elle venait alors déposer un doux baiser sur mes lèvres. Je posais ma main sur sa lèvre pour en apprécier toutes les saveurs, avant de la sentir se reculer. Je l'aidais alors à l'attacher autour de son poignet. Comme je l'imaginais, il lui allait à merveille. «Il te plait vraiment ? Sinon je peux le changer !». C'était fou comme j'avais envie de lui faire plaisir, sans arrêt. Je commençais à penser à elle tout le temps, et j'en ai eu d'ailleurs la preuve ce matin quand j'étais partie pour faire mon marché pour acheter (comme tout le monde) des fruits et légumes, et puis je suis tombée sur ce petit étalages de bracelets, et j'ai tout de suite pensé à Willow. C'était sans doute ça l'amour alors ? Si c'était ça, je ne l'avais jamais vraiment vécu, avec personne...

Passer du coq à l'âne. Une de mes spécialité qui en général n'était pas contrôlée par mon petit cerveau. Sauf que là, c'est un peu trop flagrant et surtout très déplacé. Il y a quelques minutes, Eileen avait une larme qui coulait sur sa joue et moi j'étais en train de lui parler de baisers et de caresses. J'aimerais vraiment me foutre des claques. Comme toujours, la jeune femme me rassure, en me disant que je n'ai pas besoin de passer trois heures à la consoler mais je ne suis pas d'accord avec elle. L'autre soir quand c'est moi qui ait eu un coup de blues, elle a été là et moi à part être mal à l'aise, de ne pas pas savoir quoi dire j'ai fais quoi? Des allusions au sexe. Bravo, Willow. « Le truc c'est que même si j'ai l'air proche de mon frère, on parle jamais. On ne pleur jamais devant l'autre et on ne se prend pas dans les bras. C'est pour ça que j'ai de la peine avec le contact physique. » Je me rappelle de l'autre soir, quand j'ai posé ma main sur sa cuisse et presque immédiatement je me sens rougir comme une tomate. « Mais on dirait qu'à tes côtés, ça s'améliore. » Je soupire un peu et lie mes doigts aux siens. « Tu sais... Même si je ne sais pas forcément quoi dire ou quoi faire, tu pourras toujours me parler de tout ce que tu veux. Des fois, on n'a pas besoin de réponses, mais simplement de quelqu'un qui nous écoute et qui sèche nos larmes. » Je lui fait un triste sourire mais un sourire quand même. Je veux qu'elle comprenne que même si je ne suis pas très expressive, rien que parler des fois ça suffit à alléger un coeur. Et puis je suis contente d'en savoir plus sur son passé, de comprendre pourquoi elle est la personne qu'elle est aujourd'hui. « J'ai envie d'en apprendre plus sur toi. » Je sais déjà comment elle a découvert qu'elle aimait les hommes ainsi que les femmes et maintenant pourquoi elle est arrivée à Town Square. Je suis sûre qu'il y a encore mille et un secrets à savoir sur Mademoiselle Graham.

Je n'ai pas le temps de m'installer confortablement dans le canapé comme Eileen que celle-ci se lève comme si elle avait été piquée par un hérisson. Je la regarde les sourcils levés, me demandant bien de quoi elle parle? Un cadeau? Oh non... Mais moi j'ai rien pour elle. Je me sens tout d'un coup mal à l'aise. Elle me tend un petit paquet je sens mes joues s'enflammer. Délicatement, je déchire l'extérieur de l'emballage et glisse mes doigts à l'intérieur pour en sortir un bracelet aux fines petites cordes avec comme pendentif un attrapeur de rêves. Ma bouche s'ouvrit tout grand. Eileen commence à m'expliquer que c'est signe de protection dans la culture de sa mère. Elle a pensé à moi en le voyant. Je ferme ma bouche - ben oui je ne veux pas gober des mouches non plus - avant de la regarder, les yeux brillants. Je me penche un peu et l'embrasse sur les lèvres pour la remercier. Je tends ensuite mon poignet afin qu'elle m'aide à l'accrocher et je le regarde à la lumière du jour. Il est vraiment magnifique. J'adore ce petit côté indien. Quand j'étais petite, je me déguisais toujours en Pocahontas pour Halloween ou les fêtes déguisées. « Je l'adore! » dis-je en me mordillant la lèvre, émue. Puis je relève un regard un peu plus triste vers elle. « Mais moi je n'ai rien pour toi... » Je regarde un peu autour de moi avant de me lever précipitamment du canapé pour aller dans ma chambre et attraper Jules. Je retourne vers la jeune femme et lui tend le chiot à bout de bras. « Tiens. Cadeau. » Je rigole bêtement avant de regarder Eileen en réfléchissant à toute allure. J'ai bien une petite idée mais je ne sais pas si j'ose... Je tire un peu sur mon haut avant de m'assoir à califourchon sur les jambes d'Eileen, plongeant mon regard dans le sien. Il faut battre le fer tant qu'il est chaud. Mon visage s'approche du sien, nos lèvres se frôlent. Son souffle sur mon visage me fait frémir mais j'essaie de faire en sorte que ça passe inaperçu. Je finis par l'embrasser tendrement, une de mes mains se posant sur sa nuque pour être sûre de ne pas en perdre une seule miette. A bout de souffle, je pose mon front sur le sien, les yeux fermés. J'ai l'impression que mon coeur va exploser. Sans rien ajouter de plus, je descends d'elle et lui prends la main pour qu'elle me suive dans ma chambre. Elle ne dit rien, mais je sais qu'avec sa grande délicatesse, elle se retient de me dire qu'on est pas obligées. Je veux seulement des câlins et des baisers... Peut-être que de fil en aiguilles... Il fait sombre dans ma chambre et tant mieux. Debout au pied de mon lit, je rapproche mon corps de sien et va à nouveau l'embrasser. Je suis accroc à elle. Tant que je ne pense même plus au fait que je ne m'assume pas et que j'aie un petit ami qui ne se doute pas que je le trompe. J'aurais bien assez le temps de penser à Luke plus tard, quand madame conscience fera son grand retour. Pour l'instant, je veux juste profiter et découvrir. Mes mains glissent sous son t-shirt pour inspecter chaque parcelle de peau dont j'ai pris goût de caresser depuis notre premier baiser sur son canapé.

Elle était vraiment à croquer. Je l'avais rassurée un peu plus tôt, et maintenant c'était à elle de me rassurer. Elle n'avait jamais appris à être "tactile", ni même avec sa mère ou avec son frère. C'était triste. Moi je l'avais toujours été, ça faisait partie de ma personnalité. J'ai tendance à facilement faire un câlin pour dire bonjour, serrer les gens dans mes bras. Pourtant on dit que les Canadiens sont froids, ça devait être le côté indonésien de ma mère qui ressortait.
« Mais on dirait qu'à tes côtés, ça s'améliore. Tu sais... Même si je ne sais pas forcément quoi dire ou quoi faire, tu pourras toujours me parler de tout ce que tu veux. Des fois, on n'a pas besoin de réponses, mais simplement de quelqu'un qui nous écoute et qui sèche nos larmes. » Un sourire se posait sur mes lèvres. Je tendais ma main pour caresser délicatement sa joue. Elle me faisait définitivement craquer.

Je me levais d'un bond pour aller lui chercher son petit cadeau. Ce n'était pas grand chose, mais j'avais directement pensé à elle. Je la regardais l'ouvrir et voir ses petits yeux biller me fit sourire une nouvelle fois. J'avais l'impression qu'avec elle, je ne pouvais que sourire. Du moins c'était le cas pour l'instant, même si je savais bien qu'au fond, aucune relation entre êtres humains n'est facile, encore moins en ce qui concerne l'amour. « Je l'adore! » me dit elle avant de m'embrasser pour me remercier. J'étais contente qu'elle l'apprécie. Après tout même si ce n'était pas grand chose, le but était de lui faire plaisir ! Elle était un peu mal à l'aise parce qu'elle n'avait rien à m'offrir en retour «Mais non mais t'inquiètes pas ! Quand on offre un cadeau c'est pas pour en recevoir un !». Je la voyais partir à tout allure pour aller chercher quelque chose, et quand elle me tendit Jules, j'éclatais de rire. Je récupérais mon chiot et lui fis quelques bisous avant de le poser par terre. «C'est le plus beau cadeau qu'on puisse me faire !». Enfin, ça c'était avant qu'elle prenne carrément possession de moi.

Un peu surprise, bien qu'agréablement, je la laissais faire, savourant chaque pas qu'elle faisait vers moi. Je prolongeais son baiser, hésitant quelques secondes avant de caresser sa langue avec la mienne. J'essayais de ne pas trop m'emballer. Je l'entourais de mes bras, caressant son dos doucement. Sa position sur moi avait le don de me faire tourner la tête. Mon coeur s'emballait, et mon souffle devenait de plus en plus court. Je gardais les yeux fermés au moment où elle posait son front contre le mien, essayant tant bien que mal de résister à mon envie de passer mes mains partout sur son corps. Mais au moment où elle se levait, me tendant la main, je n'hésitais pas une seule seconde, posant ma main dans la sienne.

On arrivait assez rapidement dans sa chambre qui n'était pas très loin, et dans l'obscurité, elle m'attira vers elle, prenant d'assaut mes lèvres. Je posais mes mains dans le creux de son dos pour l'approcher encore plus vers moi. Je sens la chaleur monter en moi, mon souffle est de plus en plus court. Nos baisers sont de plus en plus langoureux, ils transpirent l'envie de nous découvrir encore plus. Je me laisse tomber sur le lit attendant qu'elle me rejoigne. Nos corps se serrent un peu plus, l'un contre l'autre, presque l'un sur l'autre. Ses mains sur moi me procurent un bien être immédiat, et je sens des frissons m'emparer. Elle pourrait même sentir la chair de poule sur ma peau. C'est d'ailleurs ce moment qu'elle choisit pour passer ses mains sous mon t-shirt. Je me mordille la lèvre d'envie. Il n'y a que la lumière des lampadaires et de la lune qui nous éclaire, et je la vois à peine, mais suffisamment pour voir son visage et ses émotions. Je passe ma main dans ses cheveux et finis quand même par lui dire «Tu sais on... on peut prendre notre temps... enfin j'veux dire...»Je me pinçais une nouvelle fois la lèvre avec mes dents et lâchais un petit rire. «Je suis désolée, c'est juste que tu tu me fais un effet de dingue et il faut que j'arrive à me... contrôler !»

Rien de tout ce que j'étais en train de faire n'était prémédité et je n'ai aucune idée d'où ça va nous mener. Je crois qu'on a toute les deux besoin d'affection et de réconfort dans les bras de l'autre. Pas forcément besoin d'aller jusqu'à l'acte mais rien que de se câliner et de découvrir peu à peu le corps de l'autre peut nous détendre un peu. Ca devient dur de résister à l'autre mais je sais que si je ne me sens pas de faire quoi que ce soit, Eileen ne m'obligera pas. Après l'avoir un peu prise par surprise en m'asseyant en travers de ses jambes, je me relève et l'attire dans ma chambre plongée dans l'obscurité. Une fois de plus, je ne sais pas du tout où va aller et surtout; je ne suis pas sûre de savoir quoi faire. Après tout, passer un moment câlin avec une femme doit être plus ou moins pareil avec un homme non? Et si c'est pas du tout le cas? Oh mon Dieu... Ca va être complètement raté. Notre moment câlin et plus si infinités ne va pas être à la hauteur de mes espérances à cause de mon inexpérience.

Chaque gestes d'Eileen, aussi anodin soit-il comme ses mains qui se posent dans mon dos, me font frissonner toute entière. C'est bien la première fois que je ressens de telles choses rien qu'avec un baiser langoureux et une main dans le creux de mes reins. Elle est d'une extrême douceur, me faisant presque oublier mes doutes et mes insécurités. Il faut que je me concentre sur le moment présent. Après tout, des câlins et des caresses, je sais faire. Rien de nouveau à l'horizon. Je vais me contenter de penser à ça pour me déstresser. Et puis comme toujours, Eileen a ce don sur moi. Rien qu'avec ses mains posées sur moi, je suis détendue et mes muscles sont relâchés. Nos corps sont collés l'un à l'autre. J'avais déjà chaud avant mais maintenant avec sa chaleur corporelle à elle, ça va être pire. Mais pas le genre de chaleur lassante, le genre de chaleur excitante et vraiment agréable à la fois. Nos souffles et nos langues se mêlent. C'est un pur délice. J'oublie tout ce qu'il y a autour de nous, j'oublie ma conscience qui crie pour essayer de me faire revenir sur terre. Je l'ignore tout simplement. Eileen s'allonge sur mon lit. Une femme sur mon lit. Et quelle femme! La plus belle et la plus sensuelle que je n'ai jamais vue avant. Elle est incroyablement sexy. Maladroitement, je la rejoins, comprenant que pour l'instant, il faut que je prenne le dessus. Trop calculé Willow. Détends toi, écoute ton instinct. Je me colle à côté d'elle, emmêlant mes jambes avec les siennes. C'est tellement agréable. Mes mains glissent sur son corps... Elle est parfaite. Discrètement, je caresse ses hanches et le bas de son dos, profitant de cette douceur naturelle dont est dotée sa peau. Je n'aurais jamais cru qu'une femme pourrait me faire autant d'effet. Malgré l'obscurité de la pièce, je la vois se mordiller la lèvre inférieur. Un courant électrique traverse chaque veine de mon système. Elle est encore plus sexy quand elle fait ça. Moi qui ne voulait que des câlins et des baisers... Comment vais-je résister à quelqu'un comme elle?

Eileen sépare ses lèvres des miennes et j'avoue être un peu déçue mais sa voix brise le silence qui s'était installé dans la pièce et sa remarque me fait sourire. Je dessine des petits cercles sur son ventre avec mon indexe, ma tête appuyée sur ma main. « Et si... Tu ne te contrôlais pas? Je veux dire... Fais ce que tu as envie et si ça va trop vite pour moi, je te le dirais... C'est que... » Heureusement que nous sommes dans la presque nuit sinon elle me verrait rougir. Je me racle la gorge. « ... je sais pas... Je ne suis pas... Enfin... » Arrête de bafouiller Lexington. Je ne termine pas ma phrase. Pas besoin qu'elle l'entende clairement pour comprendre que je suis novice dans ce domaine et donc que j'ai peur de ne pas lui plaire, de ne pas faire les choses correctement.

Tout était absolument parfait, elle se laissait aller, je ne ressentais pas trop sa peur pour l'instant, mais je faisais quand même attention, comme depuis le début, à ne pas trop la brusquer. La chaleur montait d'un cran et toutes les deux allongées sur le lit, les jambes entremêlées, on se câlinait, on se découvrait. Je passais délicatement mes mains sous son t-shirt pour pouvoir sentir la chaleur de sa peau, caresser son dos. Je la sentais frissonner. Il n'y avait pas débat, elle me faisait un effet de dingue. Allez savoir pourquoi, je n'avais vécu qu'une seule histoire avec une fille, et avant ça je n'y connaissais rien, j'aurai pu vouloir "choisir" quelqu'un de plus expérimenté. Mais on ne choisit pas ce genre de choses. Quand j'ai croisé le regard de Willow la toute première fois, je n'aurai pas imaginé qu'on puisse en arriver là, être allongées toutes les deux dans son lit, à s'embrasser à perdre haleine. Elle m'avait plu à la première seconde, mais jamais je n'aurai pu visualiser une telle chose, même avec mon 6ème sens plutôt développé. Ça ne marchait pas tellement pour les relations amoureuses.

Mon pied remontait doucement le long de sa jambe et je sentais sa main se poser sur ma cuisse, timidement. Je posais alors ma main sur sa sienne, entremêlant mes doigts aux siens. J'avais du mal à garder un rythme respiratoire régulier. Chaque fois que je l'embrassais, ça me coupait pratiquement le souffle, si bien que chaque fois que nos lèvres se séparaient, j'étais obligée de reprendre une grande inspiration. Je m'arrêtais quelques secondes de l'embrasser pour lui avouer que j'avais du mal à me contenir. J'avais tellement envie d'elle à cet instant précis qu'il fallait que je me contrôle pour ne pas aller trop loin, et lui laisser le temps de "s'acclimater" à une telle situation.

Elle dessinait de petits cercles sur mon ventre, sa main passée sous mon t-shirt, et me dit « Et si... Tu ne te contrôlais pas? Je veux dire... Fais ce que tu as envie et si ça va trop vite pour moi, je te le dirais... C'est que... je sais pas... Je ne suis pas... Enfin... ». Je lui adressais un sourire, comprenant ce qu'elle voulait me dire. Je posais mon index sur ses lèvres doucement, sensuellement, et la rassurais une fois de plus «Ne t'inquiètes pas, il n'y a pas de diplômes pour ce genre de choses... il y a juste une règle à respecter... arrêter de trop réfléchir, et tout viendra naturellement !» Je retirais mon index de sur ses lèvres et prenais son visage entre mes mains pour l'embrasser amoureusement. Elle m'avait donné le feu vert pour que j'arrête de me "contrôler". Sous texte, elle en avait envie autant que moi. C'est alors que, naturellement, je prenais les dessus. Doucement, je la retournais pour qu'elle soit allongée sur le dos, et me mettais à califourchon sur elle. Je me redressais et retirais doucement mon tshirt avant de me repencher sur elle pour l'embrasser de nouveau. Ses mains se posaient timidement sur mes hanches et me faisaient frissonner comme jamais.

Je prenais d'assaut ses lèvres et lui ôtais son t-shirt tout en douceur. Je n'ai jamais connu plus doux que l'acte entre deux femmes, plus sensuel, plus tendre. Une espèce de magie s'installe naturellement, c'est indéniable. Mes mains glissaient sur son buste quasi nu et je pouvais sentir ses frissons sous mes doigts. Je déposais des baisers un peu partout, dans son cou, et je descendais progressivement pour embrasser ses épaules, son ventre. Elle se cambrait légèrement et ça avait tendance à me rendre carrément dingue.
Je remontais pour presser ses lèvres contre les miennes. J'avais du mal à rester loin de ses lèvres trop longtemps, ça devenait presque une drogue...

Le souffle toujours plus court, je lui murmurais à l'oreille «Tu m'rends folle...» Je lâchais un petit rire et me mordais la lèvre inférieure. C'était un peu ma "marque de fabrique", et allez savoir pourquoi, particulièrement avec Willow. Mes mains parcouraient son corps doucement, elles étaient brûlantes, tout comme moi...

Toutes les sensations étaient amplifiées. Une simple caresse se transformait en quelque chose d'incroyable et un simple baiser me faisait comprendre à quel point je tenais à elle. J'ai l'impression que mon corps entier s'enflamme sous ses lèvres et ses mains. Elle devine sûrement l'effet qu'elle me fait étant donné que je frissonne pour un rien. Même mes jambes tremblent sans vraiment savoir pourquoi. Pourtant, je n'ai pas froid et je n'ai pas peur. Enfin si j'ai peur, mais pas dans ce sens là. Le conseil que me donne Eileen est juste; je dois arrêter de réfléchir et simplement me laisser aller. Ce que je mets immédiatement en pratique d'ailleurs. Nos lèvres se retrouvèrent naturellement, se scellant comme si c'était tout à fait normal. Et c'est ça qui est magique. Quand j'embrasse Luke, ce n'est pas normal. Ca ne me fait rien et j'ai pas cette impression "d'habitude". De manière très habile, Eileen me couche et se place sur moi. J'étouffe un gémissement de surprise, mais de bonne surprise. Dans l'obscurité de la chambre, la jeune femme retira son t-shirt. Mes mains se posèrent sur ses hanches et remontèrent pour caresser la peau de ses côtés. Elle est sexy, elle est sublime... J'en perds la tête. Eileen prit possession de mes lèvres, les emprisonna et me retira mon propre t-shirt. Je me retiens d'avoir le réflexe de me cacher mais me rappela ce qu'elle m'avait dit; pas de prise de tête alors je la laisse me toucher. Sous ses doigts, je frissonne. C'est fou ce que c'est agréable et doux en même temps. En sentant ses lèvres descendre sur mon ventre, j'ai pour réflexe de me cambrer sous le plaisir. C'est incroyable. Je suis déjà à bout de souffle. J'ai l'impression d'être une adolescente vierge et pure qui découvre le plaisir. La jeune femme remonte et va nicher son visage dans mon cou. Je sens son souffle contre ma peau et j'ai de nouveau l'impression de perdre la tête. Elle me murmure quelque chose dans l'oreille. Je crois que je l'ai entendu mais je ne l'ai pas forcément assimilé vu tout ce qu'il se passe dans mon esprit en ce moment même.

Mon esprit est embrumé mais ce qui se passe par la suite, je l'entends parfaitement. Et à voir qu'Eileen se redresse, elle aussi. Mon frère vient de m'appeler et s'approche de ma chambre. « Mike! N'entre pas! » Ma voix est hyper aiguë. J'entends mon frère ricaner derrière la porte. Quant à moi, je roule et attrape mon t-shirt. « Je peux me joindre à vous? » Je lève les yeux au ciel et tend le bras pour allumer la petite lampe de ma table de chevet. Pourquoi faut-il qu'il gâche ce moment? Il aurait dû se douter que je n'étais pas seule et donc de ne pas rentrer. « Je croyais que notre accord c'était de pas ramener de copine à la maison, ça vaut aussi pour toi petite soeur! » Je soupire. « La ferme Lexington! » Je regarde Eileen qui a remit son t-shirt avec un petit sourire triste. Pour une fois que je me sentais d'attaque, que j'en avais envie et que je me sentais prête... Pourquoi il y a toujours quelque chose qui gâche le moment. Je me penche un peu pour l'embrasser et descends de mon lit pour entre ouvrir la porte et me retrouve face à mon frère. « Je croyais que t'avais un truc important à faire? » Sans rien dire, mon frère me tend une lettre. Je l'ouvre et découvre une feuille avec l'écriture de Luke. « Je viens de le croiser sur son scooter. Apparemment, tu ne réponds pas à ton téléphone. Il s'inquiète mais avait un rendez vous alors il t'a juste laissé ça. » Je me mords la lèvre et lève un regard vers mon frère. Il me regarde sérieusement maintenant et je comprends que je vais avoir le droit à une morale plus tard. Je le remercie d'un mouvement de tête et referme la porte. Je pose le papier sur mon bureau et vais m'assoir en tailleur en face d'Eileen. « Je suis désolée... » La culpabilité m'envahit. D'une part parce que notre moment câlin s'est retrouvé interrompu et parce que je ne sais pas quoi faire de ma vie sentimentale.

Ce n'était pas la première fois que nos moments câlins se trouvaient perturbés, par un élément extérieur, ou simplement par la peur de Willow. Aujourd'hui, ce n'était pas elle le problème, au contraire, on avait réussi à passer au dessus des questionnements permanents. C'était à son frère de nous couper dans un moment intéressant. Que dis-je, important. Je la laissais rouler sur le côté pour se rhabiller rapidement, pendant que de mon côté, je descendais du lit dans une allure plutôt normale, et remettais mon t-shirt avant que Willow ouvre la porte à son frère. Je m'asseyais sur le bord du lit, essayant dans bien que mal de reprendre ma respiration. J'étais un peu déçue, certes, mais je ne pouvais pas lutter contre son frère qui venait de rentrer.

La chambre était encore obscure pendant que j'assistais à la scène qui s'offrait à moi, Mike donnait à Willow une lettre et je comprenais assez rapidement qu'il s'agissait de son petit ami qui lui avait laissé une lettre parce qu'elle ne répondait pas à ses appels. Je me sentais un peu mal, j'avais plus envie de partir que de rester là. A ce moment précis je ne me sentais pas trop à ma place. Elle refermait la porte, lançait la lettre sur le bureau et venait s'asseoir près de moi. «Je suis désolée» me dit-elle avec ses petits yeux de chat potté. J'esquissais un sourire, ayant du mal à cacher ma déception. «Tu ouvres pas la lettre de ton chéri ?». Dans ma phrase on pouvait ressentir une certaine jalousie, c'était plus fort que moi, je ne pouvais pas faire autrement. Je tripotais le bas de mon t-shirt un peu nerveusement, les yeux rivés sur le sol. Il fallait que je me reprenne. Je relevais les yeux vers Willow et lui demandais «Tu... tu veux que je m'en aille ?». Elle secouait la tête et prenait ma main dans la sienne. Je me calmais doucement. J'avais tellement envie de lui demander qu'elle lâche son petit ami pour vivre une histoire avec moi. Mais je savais qu'il était trop tôt, qu'elle ne s'assumait pas encore etc...

«Tu sais... j'te demande pas quelque chose d'officiel... enfin... j'veux dire... moi ça m'va si on se voit de temps en temps, on est pas obligées de se montrer au monde ensemble. J'ai bien compris ta position. Y'a que ton frère qui est au courant et je suppose qu'il est pas du genre à te trahir auprès de ton mec... si ?». Évidemment j'aurai préféré qu'elle me dise qu'elle plaquait tout. Mais je pouvais être patiente pour elle, j'en avais vraiment envie. Et après ce qu'on venait de vivre ensemble il y a quelques minutes, j'avais encore plus envie de la découvrir, de lui montrer sa vraie nature. Parce que j'étais intimement persuadée qu'elle était réellement lesbienne, ça ne trompait pas. Je sentais qu'elle était perdue à ce moment précis.

«Ecoutes, lis sa lettre, appelle le si y'a besoin, je vais rentrer chez moi. Et si t'as envie, tu sais que je dors pas la nuit, et j'habite pas loin... Tu seras toujours la bienvenue...». Je me levais et me dirigeais vers son bureau, prenais un stylo et un bout de papier et j'y notais mon numéro de téléphone, puisqu'elle ne l'avait pas. Je me retournais vers elle, elle était encore assise sur le bord du lit, un peu abasourdie par tous les évènements. Je ne savais pas quoi lui dire d'autre... J'espérais simplement qu'elle ne m'en veuilles pas. J'attendais quelques secondes qu'elle dise quelque chose, sinon je quitterai leur appartement.

Pourquoi faut-il que les meilleures choses aient une fin? Je me sentais enfin prête, du moins, j'avais envie d'essayer d'aller le plus loin possible. Ma conscience m'avait même foutu la paix pendant toute la durée de nos câlins et de nos caresses mais il fallu que ça soit mon frère qui nous interrompe. J'adore mon frère et même si on a ce pacte débile comme quoi on ne peut pas ramener de conquêtes à la maison, j'aurais bien aimé qu'il revienne un peu plus tard. En plus, en général quand il est appelé par la police, il part des heures durant mais là, comme par "hasard" ce n'était pas une intervention qui nécessitait une longue présence de sa part au poste de police. Et le pire dans dans tout ça, c'est qu'il sait que j'étais dans ma chambre avec Eileen et il trouve que c'est le moment opportun pour me parler de Luke qui n'arrive pas à me joindre sur mon portable. Il ne se doute pas qu'il va plomber d'ambiance non? Je lui envoie un espèce de regard noir qu'on a entre nous et lui referme la porte au nez comme une adolescente. J'adore vivre avec mon frère, mais des fois, c'est un calvaire.

Je laisse tomber la lettre de Luke sur mon bureau sans vraiment ménagement et vais m'assoir en tailleur, en face d'Eileen. J'ai honte et je suis déçue. J'aurais aimé qu'on ne soit pas interrompues et surtout que mon frère ne parle pas de mon petit ami parce que clairement, dans la voix de la jeune femme, je sens qu'elle est plus froide que d'habitude. Ma gorge se serre. Je me contente de secouer négativement la tête. « Il attendra. C'est avec toi que je suis maintenant. » J'essaie de lui faire un petit sourire pour lui montrer que je suis sûre de moi mais vu la question d'Eileen, ça ne fait pas effet. Je pose mes mains sur les siennes. « Non... Reste. » La jeune femme semble se détendre un petit peu mais je vois que cette histoire de lettre la remue un peu. Un peu trop surtout. La jeune femme reprend la parole et plus elle parle, plus je baisse la tête. J'ai pas envie de la mettre dans cette position. J'ai pas envie qu'elle doive vivre une histoire cachée parce que sa compagne n'ose pas plaquer son petit ami. Je secoue négativement la tête. Mon frère a beau avoir beaucoup de défaut, jamais il ne trahira sa petite soeur. Ca toujours été nous contre le reste du monde. Je fixe nos mains liées, des mains féminines, avec de longs doigts et des ongles longs et manucurés. Deux femmes, deux personnes du même sexe qui sont attirée l'une par l'autre. J'ai la gorge serrée. En temps normal ce sont des mains d'hommes avec des mains de femmes qui s'entre lient... C'est ce que maman m'a toujours dis. Je suis perdue. J'ai envie de m'effondrer sur mon lit et de me réveiller dans trente années.

La voix d'Eileen me fait sortir de mes pensées. Elle veut que je lise la lettre. Mais c'est juste une foutue lettre. Y a rien d'incroyable, il me dit sûrement qu'il passe la soirée avec des potes, le genre de trucs qu'il essayait de me dire par texto mais comme mon portable n'est pas dans la même pièce que moi, il m'a écrit sur un simple bout de papier. Eileen s'attend à quoi? Qu'il me demande en mariage - mine de rien, il serait capable - ça n'a rien avoir. Elle me rappelle qu'elle n'habite pas loin et se lève de mon lit pour écrire quelque chose sur mon bureau. Donc c'est comme ça? On n'aborde pas le sujet jusqu'au bout, on prend à nouveau la fuite? J'aurais passé ma journée à la rattraper. Je me lève en soupirant. J'ai envie de crier un gros "fuck" mais je me retiens et vais ouvrir la lettre de Luke. « Je suis chez Maxence, passe chez moi si tu veux vers vingt trois heures. J'espère que ça va, je t'aime. » Voilà, exactement ce que je pensais. Je montre la lettre à Eileen avant de la laisser tomber dans la poubelle quand elle l'a lu en entier. « C'est rien d'important... Et non j'ai pas envie que tu partes et non j'ai pas envie que tu doives subir une relation cachée... » Je croise les bras et m'appuie contre mon bureau, la gorge serrée. « Mais ça fait quatre ans que je suis avec lui... C'est pas quelque chose que je peux effacer comme ça. Surtout pas s'il apprend que c'est parce que je suis avec une femme. Luka n'est pas homophobe mais ma maman l'était et j'ai peur. J'ai peur que depuis là où elle est, elle puisse être déçue de moi. Ca n'a rien avoir avec toi Eileen... » dis-je le coeur au bord des lèvres. J'essaie d'être douce, de garder mon calme et surtout de ne pas fondre en larmes mais c'est pas forcément facile... « Je ne veux pas te voir que de temps en temps comme tu dis. J'veux que tu fasses partie de ma vie mais ça serait égoïste de te demander ça, de te demander qu'on se cache... » Je baisse honteusement la tête sur mes chaussettes Hello Kitty.

Au moment où je me retournais pour faire face à Willow, elle s'était levée du lit et avait ouvert la lettre de son petit ami, qu'elle me tendait déjà à hauteur de regard pour que je puisse lire les quelques mots déposés par "Luke". Mes yeux parcouraient les 2 ou 3 lignes de son écriture grossière et relevais le regard vers Willow. Elle chiffonnait la feuille et la jetait à la poubelle. « C'est rien d'important... Et non j'ai pas envie que tu partes et non j'ai pas envie que tu doives subir une relation cachée... ». Elle s'appuyait sur le bureau, croisant ses bras comme symbole de protection. J'avalais ma salive et serrais la mâchoire. Malheureusement, j'avais bien compris que si je voulais vivre quelque chose avec elle, il allait falloir que je laisse passer certaines choses, dont le fait qu'elle avait déjà un petit ami, et même si elle n'était pas amoureuse de lui, il était quand même là. « Mais ça fait quatre ans que je suis avec lui... C'est pas quelque chose que je peux effacer comme ça. Surtout pas s'il apprend que c'est parce que je suis avec une femme. Luka n'est pas homophobe mais ma maman l'était et j'ai peur. J'ai peur que depuis là où elle est, elle puisse être déçue de moi. Ca n'a rien avoir avec toi Eileen... ». A cet instant je compris beaucoup de choses. Je me doutais qu'en 6 mois Willow n'avait pas pu faire le deuil de sa mère, ce qui était normal, mais je comprenais surtout qu'elle avait peur du "jugement" de sa mère, qui était homophobe. Je m'avançais alors vers Willow et posais mes mains chaudes sur ses bras. «Une mère n'est heureuse que si ses enfants sont heureux. Mes parents aussi étaient homophobes, et pourtant quand je leur ai dit que j'étais en couple avec une femme, ils ont fini par accepter, comprenant bien que mon bonheur était pour eux le plus important. Tu ne peux pas faire ta vie en fonction de ce que ta mère "aurait" pu penser de chacun de tes actes. Je sais que ça doit être difficile et que tu dois penser à elle sans arrêt, mais ne te mets pas seule des bâtons dans les roues en imaginant seulement qu'elle n'aurait pas approuvé tel ou tel acte. On est simplement nous mêmes...»

Je posais alors ma main délicatement sur sa joue et la caressais de mon pouce, alors que je sentais qu'elle avait envie de pleurer. « Je ne veux pas te voir que de temps en temps comme tu dis. J'veux que tu fasses partie de ma vie mais ça serait égoïste de te demander ça, de te demander qu'on se cache... ». Elle baissait la tête et je m'approchais d'elle un peu plus pour la prendre dans mes bras. «Willow, y'a des paramètres qu'on ne peut pas ne pas prendre en compte. Tu as un petit ami depuis 4 ans, tu as peur du jugement parce que ta mère était homophobe, et tout ça ne je peux que le comprendre. Je ne te forcerai jamais a faire quelque chose que tu regretterai, ou qui te ferait de la peine. Tout ce que je veux c'est pouvoir vivre quelque chose avec toi, cachées ou non, rien n'est définitif. Peut être qu'avec le temps certains paramètres changeront... mais je ne compte pas te forcer à aller à l'encontre de ce que tu ressens, de ton passé, de tes peurs... tout ça fait partie de toi et je l'accepte comme je t'accepte toi, telle que tu es.»

Je prenais son visage entre mes mains pour relever sa tête et je remarquais quelques larmes sur ses joues, que j'essuyais de mon pouce. «Et si tu veux que je reste, je reste. Tant pis pour ton frère !» Je lui offrais un sourire réconfortant et déposais un doux baiser sur ses lèvres. J'avais l'impression d'avoir tellement de choses à vivre avec elle. Je me promettais d'être patiente et de la laisser aller à son rythme. Je ressentais trop de choses pour elle, pour laisser passer ma chance d'être heureuse avec quelqu'un. Je lui laisserai le temps qu'elle voudrait. L'important pour moi était simplement de la voir, régulièrement, souvent. Peu importe les paramètres extérieurs, ses conditions seraient les miennes. Je ne demandais qu'une chose : sa présence.

Ouvrir cette lettre devant Eileen était un peu culotté car si Luke m'avait écrit des mots d'amour ou quelque chose de très personnel, ça aurait vraiment été gênant mais heureusement, j'ai pu lui prouver que le ton froid qu'elle a employé tout à l'heure pour me parler de ce bout de papier n'était pas nécessaire. Cette histoire allait être compliquée car comment faire comprendre à la jeune femme que je ne ressens rien pour mon petit ami mais que je ne peux pas non plus m'en séparer aussi facilement. Mon cerveau bouillonne. Comme elle ne répondait rien, je décide de lui faire comprendre le pourquoi du comment. S'il doit se passer quelque chose entre nous, autant être sincère depuis le départ. Je lui parle de ma relation avec Luke mais aussi de ma maman qui était très croyante. J'ai utilisé le mot "homophobe" mais il est un peu exagéré. Ma maman n'était pas à ce point contre les gays, simplement elle croyait et elle vivait en fonction de la Bible. Et dans la Bible, les personnes de même sexe qui s'aiment sont punis. Lui parler de tout ça me demande beaucoup d'énergie mais je veux qu'elle le sache. Quand je marque un point à mon récit, Eileen s'avance vers moi et pose ses mains sur mes bras secoués de tremblements. Elle a le don de faire arrêter ce genre de choses, de m'apaiser. Elle me dit ce que mon frère me répète depuis plusieurs mois. Je sais que ma maman aurait quand même été heureuse et finalement, elle n'est plus de ce monde donc elle ne pourrait pas me faire des remarques mais pourquoi personne ne comprend que c'est quelque chose qui me bloque. Je ne réponds rien à la jeune femme, j'ai pas envie de me prendre la tête avec elle. Dorénavant, je garderais ce sujet pour moi... Ses douces mains se posèrent sur mes joues et je retins une tremblement de lèvre. Je suis tellement faible quand elle fait ça. Elle pourrait me demander n'importe quoi à ce moment. Eileen me fait comprendre qu'elle se fiche de tout ce qu'il y a autour et même qu'on doive se cacher, du moment qu'on peut être ensembles. Je n'arrive plus à retenir mes larmes. Je ne veux pas être aussi égoïste avec elle, je ne veux pas qu'elle doive se cacher pour moi... Mais elle a sûrement raison, ce n'est pas définitif. Il me faudra sûrement un peu de temps pour accepter tout ça. Je me blotti dans les bras de la jeune femme et niche mon visage dans le creux de son cou. Elle m'embrasse tendrement et je lui fais un mince sourire pour lui montrer que je suis un peu rassurée. Même si je m'en veux qu'elle doive vivre ça à cause de moi...

On toque à la porte et mon frère l'ouvre sans même attendre que je lui dise qu'il peut entrer. Je le regarde avec un air désespéré. « Je ne sais pas pourquoi elle pleure mais si c'est à cause de toi, fais gaffe. » dis-il à Eileen pour plaisanter. Je lâche un petit rire et secoue la tête, amusée. « Non, plus sérieusement. J'ai des potes qui vont venir voir le match de basket. Vous seriez peut-être mieux chez Eileen. En plus ils sont du genre à fantasmer sur deux femmes ensembles alors... » Je lâche un soupir avant d'attraper un sac et de fourrer deux ou trois affaires nécessaires pour la nuit. On ne sait jamais. « Donc ça ne te gêne pas si je découche? » Mon frère paraît hésiter quelques secondes. Je lève les sourcils en attendant une réponse. « File avant que je change d'avis. » Je fais un large sourire avant d'attraper Eileen par le bras, de choper Jules au passage et de quitter l'appartement avec mon sac sur l'épaule. On prend les escaliers - l'ascenseur étant un déclencheur d'envies - et on se retrouve à l'air libre. J'aurais tellement envie de marcher avec elle sur le trottoir en lui tenant la main... Déjà, je commence à culpabiliser. Heureusement, Eileen n'habite pas loin. « Will? » Merde. Je reconnaitrais cette voix entre cent. Je lance un regard de détresse à Eileen et me retourne pour faire face à Luke. « ... Ca fait des heures que j'essaie de te joindre! » Sans que je ne puisse dire quoi que ce soit, il me prend dans ses bras et regarde Eileen de haut en bas. Je m'écarte un peu de lui et fait un sourire crispé. « Oui désolée, j'ai plus de batterie sur mon portable mais Mike m'a donné ton mot. Seulement, je pense pas que je vais passer ce soir... Je... On va se faire un cinoche entre copines! » dis-je en essayant de contrôler le son de ma voix. Luke regarde à nouveau Eileen. « Merde. Luke voici Eileen et Eileen, je te présente Luke, mon petit ami. » Putain c'est bizarre. Le jeune homme semble surpris étant donné que je n'ai pas vraiment d'amies mais bon, il ne va pas chercher plus loin. « Tu peux pas venir après le ciné? » Je secoue négativement la tête usant d'une excuse de choc. « J'ai bossé toute la nuit au Fitz' et aujourd'hui sur le plateau alors j'aimerais autant rentrer pour dormir. » « Ben j'peux passer chez toi et on passe la nuit ensembles. » Au secours. « Mike n'apprécierait pas, tu le sais. » Luke semble se rappeler de ce détail et hoche la tête. Il m'embrasse et rejoint ses potes qui sont déjà en bas de la rue. In extremis. Je me retourne vers Eileen avec de nouveau cette envie de chialer qui me prend le bide. « Je... Excuse ça... »

Lorsque Mike entrait dans la chambre de Willow, je n'avais pas vraiment le temps ni le réflexe de m'écarter de Willow. Je prenais un peu de distance alors que Mike était déjà en train de me chambrer « Je ne sais pas pourquoi elle pleure mais si c'est à cause de toi, fais gaffe. ». Je ne le connaissais pas assez pour savoir s'il était sincère ou s'il plaisantait. Mais en entendant le petit rire de Willow, je comprenais que je n'avais pas à m'inquiéter. Assez rapidement il proposa à sa soeur de venir chez moi. J'étais un peu abasourdie parce qu'il me semblait qu'ils étaient assez proches pour qu'il ne la laisse pas passer la nuit souvent à l'extérieur, sauf peut être pour aller chez son petit ami. Willow préparait déjà son sac alors que je restais plantée là, assistant à la scène qui se déroulait devant mes yeux.

Aussi rapidement qu'il le faut pour dire "ouf", Willow me prit par la main, embarquant Jules avec nous, et on descendait déjà les quelques étages qui nous séparaient de la rue. J'étais contente qu'elle vienne passer la nuit chez moi. Je ne savais pas trop ce que ça pouvait signifier pour elle, mais pour moi, c'était vraiment important. Mais pendant qu'on marchait, j'entendis quelqu'un appeler Willow. Je me retournais en même temps qu'elle, et je mis quelques secondes à comprendre que ce jeune homme était le petit ami de Willow. Je serrais les dents, essayant de sourire alors qu'il me regardait de haut en bas. Je restais là, plantée devant cette scène que j'aurai certainement préféré éviter. Willow nous prétextait un cinéma, et quand son petit ami lui proposa qu'ils se rejoignent pour passer la nuit ensemble, j'étais prise d'une nausée soudaine. Ma gorge se serrait mais je faisais ce que je pouvais pour passer pour la bonne copine. Lorsqu'elle me présenta à lui, je m'efforçais de lui sourire et malgré ma gorge serrée, je lâchais «Enchantée Luke, j'ai beaucoup entendu parler de toi !».

Autant dire que si je faisais tant d'efforts, c'était uniquement pour Willow, et parce que oui, je l'aimais. Une fois son petit ami ayant rejoint son groupe d'amis, Willow se retournait vers moi, s'excusant de cette scène qu'elle aurait elle aussi préféré m'éviter. Je haussais les épaules, et même si c'était difficile pour moi, je continuais de la rassurer comme je pouvais. «C'est pas grave. Il aurait bien fallu que ça arrive un jour de toute manière. Au moins c'est fait... !» Je lui adressais un petit sourire qui se voulait rassurant, et me remettais à côté d'elle pour qu'on reprenne notre route vers chez moi. Un long silence s'empara de la situation et tournais la tête vers Willow. «Arrête de t'en vouloir ! c'est pas comme si j'étais pas au courant que tu avais un petit ami ! Je m'étais déjà faite à l'idée de le croiser un jour !».

Assez rapidement on arrivait devant chez moi, j'avais peur qu'elle n'ait plus envie, plus envie de passer du temps avec moi, chez moi. Elle semblait complètement perdue dans ses pensées. Avant d'ouvrir la porte de chez moi, je me retournais face à Willow et plantait mon regard dans le sien, lui demandant juste avec mes yeux si elle était sûre d'elle. Il ne lui fallut pas longtemps avant de poser ses lèvres sur les miennes comme unique réponse. J'étais rassurée. Notre histoire était déjà bien compliquée, mais je ne comptais pas baisser les bras. Je ne la connaissais pas depuis longtemps, mais je savais que je voulais être avec elle, peu importe le prix.

On entrait donc chez moi et je la laissais se mettre à l'aise. Ce n'était pas comme si elle n'avait jamais posé les pieds ici. Jules reprenait sa place sur mon lit et je nous servais 2 grands verres de thé glacé. Will était toujours debout, adossée sur le dos du canapé. Je posais les verres sur le bar et la rejoignais, me collant tout contre elle et l'entourant de mes bras. Je ne pouvais pas rester de marbre face à elle, chaque fois que je plongeais mon regard dans le sien, j'avais envie de lui sourire, de l'embrasser, de lui dire combien je tenais à elle. Et je comptais bien lui faire oublier ce "détail" qu'était son petit ami, au moins ce soir. «T'es vraiment fatiguée comme tu lui as dit... si tu veux on peut juste allez se coucher tranquillement, si tu me promets que tu va pas t'éclipser avant le matin !» Je lâchais un petit rire, évidemment je plaisantais, je savais bien que depuis ce jour, les choses avaient changées, et qu'elle n'aurait plus été du genre à partir avant que je n'ouvre les yeux. Je l'embrassais amoureusement et assez rapidement, je sentais mon coeur s'emballer de nouveau, et les papillons refaire une apparition dans mon ventre. C'était plus fort que moi, malgré elle, elle me faisait un effet de fou. Ma langue caressait la sienne tout en douceur et mes mains recommençaient à parcourir son dos. Je me reprenais assez rapidement, ne voulant surtout pas l'inciter à quoi que ce soit...

Comme si cette fin de journée n'était déjà pas assez catastrophique, il faut qu'en plus de ça, on tombe sur mon petit ami. C'est une malédiction, c'est pas possible autrement? J'essaie de paraître normale avec Luke mais en même temps de contrôler ce que je fais ou dis étant donné qu'Eileen est spectatrice de la scène la plus humiliante que j'ai dû vivre aussi loin. Je jette un oeil par-dessus l'épaule de mon petit ami pour voir que son groupe de potes l'attend. Bon, au moins, ils vont l'occuper le reste de la soirée mais il reste assez insistant sur le fait qu'il veut qu'on se voit en fin de soirée. Je n'ai pas envie. Pour des raisons qui paraisset évidentes d'ailleurs. Après avoir trouvé le prétexte de la fatigue, Luke semble satisfait et se décide enfin à me laisser tranquille. Il hausse les épaules, m'embrasse une dernière fois et part rejoindre ses potes. Je soupire de soulagement mais en même temps, j'ai envie de me cacher dans un trou à souris. Je fais face à Eileen, manquant de me liquéfier devant elle. C'est la honte. Vraiment. Je n'ose pas imaginer tout ce qu'elle a dû penser durant les cinq dernières minutes qui se sont déroulées... Elle n'a pas tord en disant que ça devait bien arriver un jour mais ça ne me réconforte pas pour autant. Tant que je n'aurais pas pris les devants avec Luke, ce genre d'incident peut encore se passer et ce n'est vraiment pas quelque chose de sain dans une relation...

Heureusement, on n'est pas loin de l'appartement d'Eileen et même si le reste du trajet, j'ai été passablement silencieuse, je suis contente d'être enfin dans un lieu clos avec elle. Pas besoin de faire attention à ce que je dis ou ai envie de faire. C'est pas une vie. La jeune femme me dit de me mettre à mon aise mais je crois que ce cher ami m'a quitté dès le moment où nous avons quitté l'appartement que je partage avec mon frère... Après nous avoir préparé deux verres de je ne sais pas trop quoi depuis là où je me trouve, Eileen s'approche de moi et m'entoure de ses bras. C'est là que j'aime être, c'est comme ça que je me sens bien, que j'ai l'impression d'être chez moi. Un petit sourire se dessine enfin sur mes lèvres.

Mon amie me demande si je suis vraiment fatiguée comme je l'ai prétendu auprès de Luke. Oui je suis crevée mais je connais le sommeil d'Eileen, je sais qu'elle ne dort pas la nuit et donc je vais aussi devoir m'habituer à ça. Hors de question que je dorme la nuit et que le jour on ne puisse pas passer du temps ensembles parce que c'est à son tour de se reposer dès qu'elle peut. Pour toute réponse, je me contente donc d'hausser les épaules. Mais directement après, je sens mes joues s'enflammer. Elle me rappelle que la dernière fois qu'on a dormi ensembles, j'ai pris la fuite au réveil. Honteuse de se remémorer ça, je baisse la tête et commence à tripoter nerveusement le bas de mon t-shirt. Comme pour me faire oublier ce détail, Eileen m'embrasse tendrement et immédiatement, mon coeur se met à battre dans la poitrine. Plus vite que la normale bien entendu étant donné qu'il bat continuellement sinon je ne serais pas en train de me tenir debout devant la jeune femme. C'est tendrement que la langue d'Eileen s'invite dans ma bouche et ses baisers ont toujours un goût aussi divin. Comment ai-je pu me passer de ça durant toutes ces années? Les lèvres d'une femme sont bien plus douces, plus gourmandes... L'auteur s'écarte de moi et je comprends qu'elle le fait avant de ne plus pouvoir s'arrêter. Des deux, c'est sûrement pour elle que c'est le plus difficile. Mais nous sommes seules, dans son appartement. Mon frère ne risque pas de débarquer, ni même Luke qui ne se soucie pas de ce que j'ai en tête en ce moment même. « Tu n'as pas besoin de te contrôler dans ton propre appartement Eileen... » murmurais-je contre ses lèvres, son souffle me chatouillant le visage. C'est clairement une invitation. Nous avons le champs libre. Rien pour nous distraire, nous interrompre. A part peut-être Jules mais c'était le premier à être au courant de notre relation alors pour le reste...

C'était une soirée assez particulière que nous vivions là. Il s'en était passé des choses depuis que j'avais rencontré Mike en promenant mon chien. D'abord j'avais accepté de monter chez lui, et quelle idée. Et là en découvrant qu'il était le frère de la jeune femme qui avait fait battre mon coeur quelques semaines plus tôt, j'avais eu l'impression de me décomposer sur places. En prenant la fuite, j'avais pensé que tout ça aurait pu s'arrêter, que j'arrête de trop penser, trop penser à elle. Mais elle m'a rattrapé, me suppliant de la pardonner, et de ne pas m'enfuir à mon tour, comme elle l'avait fait plus tôt. Tout s'enchaînant rapidement, Mike avait déserté, et j'avais commencé à découvrir Willow plus intimement, son corps, ses mains sur le mien... jusqu'à ce que Mike rentre. Et puis la rencontre avec son petit ami. Enfin... tout ça pour dire que la soirée n'avait pas été de tout repos, ni pour moi, ni pour Willow.

Et en l'embrassant, là, chez moi, adossées à mon canapé, je préférais prendre du recul pour éviter de m'emballer. Will avait travaillé toute la journée, elle devait être vraiment crevée, et je ne voulais pas l'inciter à quoi que ce soit. J'avais beau être somnambule, ne dormir que 3à 4 heures au petit matin, je ne voulais pas qu'elle prenne le même rythme que moi. Mon organisme m'avait longtemps fait comprendre qu'il ne fallait pas que je m'attarde à vouloir dormir aux même heures que tout le monde. J'étais différente voilà tout. Mais surtout, je ne voulais pas que le monde s'adapte à moi, c'était à moi de m'adapter aux autres. Et donc il n'était pas question que Willow change son mode de fonctionnement pour mes beaux yeux. « Tu n'as pas besoin de te contrôler dans ton propre appartement Eileen... ». Je lui adressais un magnifique sourire , tout en caressant doucement sa joue. Elle me faisait largement comprendre qu'elle en avait envie autant que moi, surtout au stade où on avait été un peu plus tôt dans la soirée. «C'est pas ça, c'est juste que je sens que t'es crevée, et c'est normal vu l'heure... je préfère que tu te reposes. On a tout notre temps pour se découvrir...».

Son visage entre mes mains, je passais une main dans ses cheveux, replaçant une mèche derrière son oreille. Je ne me lasserai jamais de la regarder. Elle était si belle... Je déposais alors un baiser sur son front. «Je vais aller prendre une douche, tu es ici chez toi, tu peux aller directement te mettre dans mon lit !». Je l'entourais de mes bras et enfouissais mon nez dans son cou, pour pouvoir sentir son odeur. «J'suis tellement contente que tu sois là...». Après ce moment tendresse, je l'embrassais amoureusement et filais prendre une douche rapidement.

En sortant de ma douche, mes cheveux encore mouillés, je m'enroulais dans une serviette et filais dans ma chambre chercher mon pyjama, ou ce qui s'en rapportait. Will était déjà couchée dans mon lit et même si elle ne dormait pas, je sentais que le sommeil la guettait de très près. Je souriais à la vision de Will dans mon lit. Si on m'avait dit il y a quelques semaines qu'une femme allait dormir dans mon lit, je ne l'aurai pas cru. J'enfilais un boxer que je faisais glisser sur mes jambes, puis sous ma serviette. Je prenais mon t-shirt de basket et, de dos à Willow, je laissais tomber ma serviette à terre avant d'enfiler le t-shirt. Un rapide aller-retour dans la salle de bain pour mettre la serviette à sécher, et j'en profitais pour récupérer mon ordi portable et le mettre près de ma table de nuit, au cas où je n'arrivais pas à dormir. Will luttait pour ne pas s'endormir, alors que je la rejoignais dans mon lit. Je me collais tout contre elle (elle était dos à moi), et posais ma main sur son ventre. Je lui faisais un petit bisou dans le cou. «Bonne nuit... !». Malgré moi, j'avais quand même peur qu'elle s'en aille une nouvelle fois, mais je me devais de lui faire confiance.

Assez rapidement, j'entendais sa respiration changer, devenir plus profonde, plus fort aussi, comme un enfant qui s'endort. J'adorais écouter la respiration de Lucy changer lorsqu'elle s'endormait. D'ailleurs, c'était une des rares choses qui m'aidaient à m'endormir dans la nuit si je n'avais pas forcément sommeil. Mais là, c'était différent. Et je regardais les minutes passer sur le réveil qui ornait la table de nuit. Impossible de trouver le sommeil. Alors au bout de presque une heure, je me décidais à sortir de mon lit, doucement pour ne pas réveiller Willow. Je récupérais mon ordinateur et m'asseyais en tailleur dans le fauteuil de ma chambre, qui était face au lit. Je me mettais alors à écrire. J'étais étonnement bien, chaque fois que je levais les yeux, je pouvais regarder Willow dormir, et ça m'apaisait instantanément.

Mais sur les coups de 6h du matin, Willow se réveillait en sursaut, me cherchant dans le lit comme paniquée. Je refermais le couvercle de mon ordinateur et la rejoignais rapidement. «Je suis là, tout va bien ! Tout va bien..» Je me glissais sous la couette et la prenais dans mes bras pour la calmer doucement, le temps que sa respiration reprenne un rythme normal. «Tu ne travailles pas aujourd'hui, tu peux dormir encore un peu, mais je reste là cette fois, d'accord ???» Je me calais alors bien sur le dos et la prenais tout contre moi. Cette fois, c'était à elle de poser sa main sur mon ventre, malgré une légère hésitation. Je posais alors ma main sur la sienne pour la caresser doucement et qu'elle puisse se rendormir. En écoutant sa respiration, je finissais par m'endormir avec elle, pour 3h environ. Je ré ouvrais les yeux sur les coups de 9h. Nous n'avions pas bougé d'un centimètre, Will était toujours tout contre moi, et elle me regardait, un petit sourire au bord des lèvres. Je déposais un baiser sur son front, lui demandant si elle avait bien dormi.

Il était difficile de se sentir mieux que comme je me sentais à cet instant précis. Nous avons passé le reste de la journée ensemble, chez moi, tranquillement, à parler de tout et de rien. Ça faisait du bien. Juste passer du temps avec la personne qu'on aime...

- FIN -