if i had known

I would have said no

C’était une soirée calme, paisible et tout à fait normale. Vraiment, une soirée banale, rien d’extraordinaire, juste un mec dans la rue qui vend sa came tranquillement, qui croit que ce sera une nuit comme les autres et qui… se trompe royalement.
En vérité, cette nuit avait commencé comme toutes les autres. Judah avait une certaine quantité de drogue à écouler, et franchement ça n’allait pas se faire tout seul, à moins que la drogue commence à se vendre d’elle-même, ce qui ne risquait pas d’arriver. Il sortit donc, avec ses petits sachets et son air bien louche pseudo-subtil, vous savez, la routine quoi. Il y a des gens qui vont travailler tous les matins à 8h, avec leur petit costume et leur valise toute pleine de documents eux-mêmes pleins de mots compliqués et de trucs du genre, lui c’était plutôt… Tous les soirs, avec son petit sweater noir à capuche et sa veste de cuir aux poches remplies de petits sachets, eux-mêmes remplis de poudre, de cristaux et de cachets merveilleux. C’est le pain quotidien du parfait petit dealer.
N’empêche, personne n’aurait pu dire que sa soirée allait prendre une tournure aussi… bizarre. On ne sait jamais sur qui on va tomber, surtout quand on vend de la drogue. Parfois, c’est un gamin qui veut juste s’éclater avec ses copains, souvent, c’est un vieil habitué qui vient chercher sa dose, et aussi, quelques fois, c’est surprenant. Un vieux qui a envie de s’amuser, avant de crever, une femme au foyer qui n’en peut plus de sa vie, qui veut s’évader et… ce mec.
Pas discret, pas un habitué. Pas moche, faut dire, mais pas bien non plus dans sa tête. Oui car voilà devant les yeux de Judah, qui venait de passer une jolie soirée à vendre sa came, venait de sortir de nulle part un gamin – oui, bien qu’il soit plus vieux que lui quelle ironie – qui, sans même introduire la chose, lui demandait s’il vendait.

Franchement… qu’était-il censé répondre à ça ? Durant quelques secondes, il passa dans sa tête toutes les possibilités. Aucune n’avait du sens, ce mec venait tout bonnement de l’accoster, comme si tout allait bien, en lui demandant s’il vendait. S’il n’avait pas vraiment été un dealer, il aurait sûrement rigolé, mais la situation était tellement dérangeante qu’il restait là à fixer le jeune homme. Il souriait, ses yeux brillants d’une lueur… mais judah douta qu’il puisse s’agir d’intelligence. En fait, deux trucs lui passaient en tête : Comment l’avait-il su ? Non, vraiment ! Était-ce si évident ? Merde, lui qui croyait être discret en plus… Seconde question, pouvait-il vraiment tout bonnement dire ‘oui oui, je vends’ alors qu’il ne savait pas qui c’était ? Et si c’était un flic infiltré et…. Un regard au visage du pauvre garçon pour balayer cette idée. Non, il savait flairer les flics, et celui-là avait plutôt une tête de… camé.
Alors… ouais. Il se détendit un peu, s’étant laissé surprendre, il devait plutôt prendre ça comme un coup de chance ! C’est rare que les clients eux-mêmes viennent vous voir pour vous demander de la drogue, du moins de cette façon en tout cas c’était la première fois ! Judah, ayant retrouvé sa nonchalance naturelle, eut un faible petit sourire, après avoir jeté un coup d’œil autour.

« Le hasard… fait drôlement bien les choses hein ? »

Il fit signe à son nouveau client de le suivre, ayant au visage un petit sourire persistant. Dealer en pleine rue ‘principale’ on avait vu mieux, il préférait s’éloigner du public pour faire ça. En tout cas, à voir l’énergumène, il ne risquait pas les petits profits. Avec les types comme ça, c’est du lourd, du vrai, des drogues dures et du fric tout beau tout chaud. Ah, d’ailleurs lui aussi il aurait bien envie d’une petite dose… Mais jamais pendant le boulot, faut pas déconner, y’a des mecs avec des armes qui risqueraient de pas apprécier.
Enfin bref, il traîna donc son client jusqu’à une ruelle un peu plus loin, et s’adossa à un mur, ses yeux bleus posés sur le jeune homme. Franchement, à vue de nez Judah croyait vraiment avoir affaire à un gamin, du moins il se serait donné quelques années de plus que celui-là, alors que non. Il pensait que ça allait être facile, en tout cas, s’il avait demandé c’est qu’il devait vraiment vouloir sa dose !

« Alors, tu veux quoi ? Crystal ? Speed ? Coke ? C’est quoi ton truc ? »

Il n’allait pas non plus lui demander s’il trouvait que la nuit était belle et s’il pensait manger un sandwich demain hein ! Faut pas trop en demander, on ne passe pas par quatre chemins quand on vend de la drogue. Il voulait juste finir vite ce client, et passer au suivent, écouler son stock et hop retour à l’appart ! Franchement, s’il avait su à qui il avait affaire, il ne lui aurait sûrement jamais adressé le moindre mot. Même si Willy avait ‘pauvre taré’ d’inscrit sur le front, il était néanmoins super mignon, ce qui avait dû brouiller le radar à problèmes de Judah. Franchement, il y a des cours où c’est dur d’être un mec et de penser avec sa bite, et l'envie de fric !

if i had known

I would have said no

Si quelqu’un lui avait dit un jour qu’il rencontrerait un type comme ça, il aurait rigolé en disant que des tarés de la sorte, ça n’existe pas, que c’est juste une pure connerie inventée par les parents pour dissuader leurs gosses de prendre de la drogue. Genre ‘si tu touches à la drogue ton cerveau va fondre et tu vas devenir taré’ et puis quoi encore ! Eh bien là, devant lui, se tenait la preuve vivante que le cerveau il pouvait mais véritablement fondre, sortir par les oreilles et donner des résultats très élégants. Enfin bref, il s’en fichait bien après tout tant que cet énergumène ne lui causait pas d’embrouilles, n’empêche il était tout un spectacle à lui tout seul. Genre là, il passait en revue les informations que Judah venait de lui donner, ce dernier impatient d’en finir lui avait fait un bref résumé des choix de réponse qu’il avait pour son achat, et puis c’était long. Non franchement, tu fais pas tes courses mon vieux, t’es en train d’acheter de la drogue alors fais vite bordel ! En l’écoutant réfléchir à haute voix, Judah se frotta les tempes, puis il sursauta presque en entendant l’autre faire son choix.
Ok, j’vais avoir l’air de me répéter, mais si quelqu’un lui avait dit qu’il entendrait un jour ‘MDMA’ dit sur ce ton, il aurait explosé de rire devant la personne. Franchement, là, ça devenait ridicule. On ne parle pas de bonbons, de gâteaux ou de jouets ici, mais bien de drogue. Mais non, rien à faire, il aurait presque vu derrière son client un arc-en-ciel apparaître lorsqu’il avait prononcé ce mot. Genre l’ecstasy c’est un truc super joyeux et tout et tout. Pff, taré.

Mais en plus, alors qu’il allait lui répondre, l’autre ne lui laissa pas le temps. Il passa son coup de téléphone, en moins de dix secondes là. Alors qu’il écoutait distraitement la conversation, Judah se marmonna à lui-même en entendant la voix sur-excitée de son client : « Mouais, de l’ecsta… j’aurais pu deviner tout seul en fait ». Après tout, il en voyait chaque jour des drogués, et celui-là c’était mais alors un cas. Enfin terminé, Judah pensa qu’il pourrait alors ENFIN l’ouvrir, mais non. Il voyait sous son nez s’agiter le portable de l’autre, avec l’écran du nouveau contact. Il voulait son numéro, et puis bon même si dans le métier on évite les risques, faut quand même qu’on puisse joindre son dealer. Surtout que celui-là, ce serait un bon de chez bon client.

« Ouais euh.. ok. »

Pas de question, pas d’emmerde, Judah prit le téléphone et il y inscrit son numéro après le nom « machin » oh, comme c’était précis, comme c’était poétique. Il aurait au moins pu écrire, j’en sais rien, « beau gosse de la ruelle sombre », mais machin ça irait. Après tout, il s’en foutait bien de comment l’autre l’appelait, et il allait pas non plus lui filer son nom complet, son année de naissance et vas-y pendant qu’on y est le nom de jeune fille de sa mère et aussi son numéro de carte bancaire, et peut-être même son adresse ? Ok, lui aussi avait son cerveau qui partait en vrille de temps en temps, faut pas faire gaffe. Il avait inscrit son numéro, et rendait alors le portable à son client.

« Appelle quand t’as besoin, j’vais pas te lâcher comme l’autre mec qui te vendait avant. Ça va, j’suis cool comme mec. »

Il l’avait entendu parler au téléphone, avec l’autre fille. Il avait parlé d’un truc que son ancien dealer lui avait promis et tout. Il avait bien compris l’idée de l’histoire, ça arrivait souvent après tout. Un connard se fait chopper, c’est la prison ou pan, il parlait un peu trop, bref, l’histoire de la vie ! Enfin, l’histoire de la sienne en tout cas.

Il sortit alors de la poche de sa veste un petit sac transparent, c’est bien joli de discuter mais hein, faut bien vendre aussi. Il lui annonça la couleur, soit le prix, n’ayant pas non plus envie de rester là à l’entendre divaguer toute la nuit.

« Alors ? »

Bah ouais, t’es mignon mais achète et dégage. Aka j’ai mieux à faire.

if i had known

I would have said no

Voilà, il avait dit son prix, l’autre semblait satisfait, alors ils allaient enfin pouvoir passer aux choses sérieuses, échanger, et hop ce serait fini. Oui, dans le monde merveilleusement simple de Judah, les choses se passaient bien, et voilà, il aurait son fric, vendu une bonne grosse dose à ce taré, fait une bonne affaire et peut-être même qu’il pourrait rentrer pépère chez lui, dans son lit, tranquillement, voilà dormir une bonne nuit l’esprit en paix et… non, vous croyez quoi ? Ça ne se passe jamais comme prévu, hein.

Alors qu’ils allaient conclure leur échange, alors qu’il pouvait presque déjà sentir l’argent toucher ses doigts, alors qu’il rêvait déjà de pouvoir se tirer peinard… le téléphone du garçon se mit à sonner. Merde. Il parla comme un énervé, s’agitant sous le regard perdu du jeune homme. Judah le fixait, sans comprendre, le voyant presque sauter sur place. Une vraie pile ce mec, alors que lui était à plat vu l’heure. Putain vas-y, vu son état pas besoin d’y rajouter de la drogue en plus hein ! Franchement, Judah n’écouta pas la conversation, il s’en fichait bien tant que ça se finissait vite, tant qu’il prenait la drogue et partait et…. Non. Non pas partir comme ça ! non non non !

Bah ouais. Là, sans prévenir, sans s’expliquer, tout bonnement, il venait de partir. Sur le coup, Judah resta interdit, sur place, en fixant le vide où se trouvait une seconde plus tôt le jeune homme. C’était pas possible, il venait vraiment de lui faire perdre tout ce temps pour finalement disparaître, comme un voleur, partir mais sans rien prendre ? C’était une blague, mais alors une très mauvaise blague. Sûrement la pire qu’on lui ait fait dans toute sa vie. Il n’avait même pas eu le temps d’ouvrir la bouche, mais là il réalisait. Putain. Putain. Putain.

« PUTAIN ! »

Ouais, ça devait sortir. Sa voix avait fait gronder la ruelle, et il se détourna, se disant que bon, ce sont des choses qui arrivent. Son petit râle, ce gros vilain ‘putain’ l’avait un peu calmé, du moins jusqu’à ce qu’il entende son portable vibrer dans sa poche. Sensation qu’il détestait d’ailleurs, il devait se rappeler de plus mettre son portable dans sa poche arrière, sentir un truc vibrer contre ses fesses y’avais mieux quand on a la haine. Il se saisit du téléphone, et lorsqu’il regarda l’écran, il se bloqua.
Non mais, il se fichait de sa gueule là en plus ? Judah n’y croyait pas, du moins il refusa d’y croire durant quelques secondes, avant de rager de nouveau. Sa voix gronda, en pleine rue cette fois. C’était pas permit d’être un enculé pareil.

« Mais le petit fils de pute mais vas-y moques-toi de moi taré de merde ! »

To : xxx-xxx-xxxx
Die, motherfucker.

Très éloquent, mais mon dieu que ça lui avait fait du bien. Il prenait congé pour la soirée, pas question de rester dans la rue après ça, il voulait tuer tout le monde. Il créa un nouveau contact avec le numéro du mec nommé « SOAB » pour son of a bitch. Comme ça, il pourrait bien se souvenir de lui si jamais il le rappelait ou lui renvoyait un message. Putain, soirée de merde.

FML.