Neliya & Andrew

Tic Tac, Tic Tac…mon dieu que cette matinée avait été longue ! Mais l’horloge du bureau de Neliya pointa enfin ses deux aiguilles tout en haut du cadrant sur le 12, midi ! Son estomac joue la symphonie depuis au moins deux heures pourtant, elle a déjeuné en se levant au matin, un petit déjeuner préparer par son petit ami, quel homme attentionné ! C’est pour ça qu’elle l’aime. La matinée avait été calme, très calme, d’un calme olympien, pas un seul coup de fil, elle a cloturé tout ces dossiers en cours, les vendredis sont en général plus calme mais pas à ce point. Neliya en avait donc profité pour développer un peu plus ses idées, du mois son rêve. Et oui, cette jeune femme a un rêve dans la vie. Lequel ? Ouvrir son propre orphelinat, un orphelinat qui accueillerait bien sur des orphelins mais qui serait aussi un refuge, un endroit sécurisant et chaleureux pour tout les enfants et adolescent délaissés ou maltraités. Mais pour que ce projet voit le jour, il lui faut des partenaires comme d’autres assistantes sociales, un médecin référent, deux voire trois infirmières, un psychologue, des animateurs, des instituteurs…et surtout un financement, bref, ce n’est pas demain la veille qu’un orphelinat ouvrira ses portes à Town Square.

Neliya se leva, attrapa sa veste, son sac à main et sortit de son bureau en prenant bien soin de le fermer à clé. Elle se dirigea aussitôt vers la cafétéria de l’hopital, d’ordinaire, elle mange dans une petite salle avec des collègues mais n’ayant pas pris son panier repas, elle devra manger à la cafèt. Une fois servis, elle jeta un bref coup d’œil dans la salle afin de voir où elle pourrait manger. Puis, elle aperçue un futur médecin avec qui elle a sympathisé après plusieurs collaboration. « Bonjour Dr Seamore ! » La jeune femme sourit et vint s’asseoir à la même table que lui. Etant seule elle aussi, ils se tiendraient ainsi compagnie. De plus, ces derniers temps, ils ont souvent été amenés à travailler ensemble et à devoir se concerter régulièrement pour l’avenir d’un enfant. Cet enfant était maltraité par son père et n’avait pas d’autre famille que son père, qui plus était un ivrogne pas fini. Pour le bien de l’enfant, Andrew avait fait appel aux services sociaux et comme à chaque qu’une affaire de se genre se présente, c’est Neliya qui s’est présentée puisque c’est elle qui gère les mineurs de l’hôpital de Town Square. La plupart du temps, elle se retrouvait avec Andrew et à chaque fois, leur collaboration menait à des miracles, ou tout du moins la situation s’arrangeait facilement. Au fil du temps, ils s’étaient liés d’amitié, bien entendu, en tout bien tout honneur. C’est donc tout naturellement que Liya avait décidé de lui tenir compagnie. Elle s’assit donc et déposa son plateau repas face à elle. D’ordre général, elle prépare sa gamelle mais, la veille, elle n’avait pas eu le temps, ni l’envie de le faire. Remarquez, la nourriture de l’hôpital est plutôt bonne, et heureusement d’ailleurs pour les patients. « Comment se passe ta journée ? » Comme à son habitude, Neliya avait dit cela sur un ton enjoué et avec un grand sourire, malgré tout ce qui lui est arrivée dans la vie, bien que personne ne soit au courant, elle garde le sourire et croque la vie à pleine dent, c’est aussi le moyen de continuer à vivre normalement. Et puis, malgré son passé tumultueux, sa vie présente est dès plus normale et agréable.

Il n'y a certainement rien de plus vicieux que les très longues nuits de garde le jeudi soir. Marcher sur un lego restait du niveau inférieur, du vice de petit joueur, de la rigolade, en somme, avec un très mauvais jeu de mot, un simple jeu d'enfant. En revanche, le sourire diabolique derrière un « Vous êtes de garde de vingt-deux heures à six heures Monsieur Seamore » tenait d'un machiavélisme moderne, d'un sombre sadisme, d'un bas-instinct hiérarchique, c'était certain. Peu d'humeur à déjouer des complots intestinaux contre sa personne, Andrew avait paisiblement courbé l'échine, il s'était soumis à une insomnie forcée lorsqu'il aurait volontiers déclaré sa flamme à ses draps, lorsqu'il aurait certainement voulu épouser son lit. Le fait est qu'il s'était habitué à cette charmante sensation de courir un marathon avec deux blocs de béton attachés aux pieds, et qu'outre un quelconque braillard au vomi visiblement facile lorsqu'il est 2h du matin, rien n'avait perturbé la quiétude fatiguée de son travail. Travailler également jusqu'à 14h pour boucler sa journée, toutefois, lui laissait un goût amer, et il guettait avec fatigue mais toujours quiétude le cadran tourner, comme un compte à rebours avant un nouvel an. Le faux espoir qui se dégagea des cris de joie (« c'est l'heure ! ») le rappelèrent cependant à une fonction relativement utile à un être humain — à savoir, se nourrir, ce qui est préférable à midi et qu'on a probablement plus de café que de sang dans le corps. La cafétéria étant le restaurant au prix le plus abordable pour lui, à savoir gratuit, il se posa patiemment à une table de l'établissement en priant qu'une quelconque faille spatiotemporelle provoque un bond dans le temps jusqu'à, disons, environ 14h.

— Bonjour Dr Seamore ! Comment se passe ta journée ?

Non, ça ne ressemblait en rien à la fin de sa journée. Damned, il était toujours face à son repas encore chaud, souhaiter très fort pouvoir voyager dans le temps ne suffisait donc toujours pas pour se voir obtenir un quelconque superpouvoir. Battant des cils d'un air presque surpris, l'air d'avoir été tiré du lit par l'élastique des sous-vêtements, il plissa les yeux d'un air sceptique alors qu'il détaillait du regard Neliya Woodcomb. S'il était extrêmement sensoriel et qu'il aimait beaucoup observer les gens, Andrew devait reconnaître avec honnêteté avoir la très nette impression d'oublier quelque chose. Oh, c'est vrai ! Engager la conversation. Il cligna de nouveau des yeux et lança un sourire tranquille à la jeune femme, piquant de la fourchette un légume non identifié.

— Oh, j'imagine que si l'on omet ce charmant bambin qui a tenu à me montrer ce qu'il y avait dans son estomac en vomissant sur ma blouse cette nuit j'imagine que ça va. Un peu sommeil toutefois, je finis à 14h. Soupir dramatique. Je suis exploité, comme une prostituée brésilienne ! Je vends même mon corps et mes vêtements au vomi des enfants, je me dévoue.

Il haussa un sourcil, quittant le mélodramatique comme il fermerait une parenthèse, et se remit à sourire avec patience, comme si le cynisme qu'avait épousé son jeu d'acteur n'avait jamais eu lieu.

— Enfin, toujours est-il que pour une fois je ne bosse pas 24h de suite, je considère ça comme une victoire. Après je serai en weekend, enfin jusqu'à dimanche matin, étant donné que la nuit vaut autant qu'un jour dans le merveilleux monde de la médecine. Et toi dis-moi, tu quittes ce soir ? Il lui lança un regard faussement accusateur, le nez froncé, sans cesser de sourire. Fonctionnaire !

Il ne lui reprochait au fond rien, car il pouvait attribuer à Neliya l'honneur d'être une excellente assistante sociale, ce qui, ne nous mentons pas, se révélait parfois être un véritable luxe. Ils avaient travaillé ensemble à de nombreuses reprises et il avait fini par simplement demander à ce qu'on la mette directement sur ses dossiers, lui évitant ainsi d'innombrables batailles avec l'incompétence de certains autres employés et ainsi avec ses propres supérieurs lorsqu'il fallait taper du pied pour obtenir un résultat valable. Il était extrêmement sociable, et, ne le cachons pas, extrêmement bavard, et à force de la croiser ils avaient fini par sympathiser avec professionnalisme, un lien qui n'allait jamais au-delà du travail, quelque chose qui, bizarrement, finissait par ne plus le déranger tant il s'y habituait — et Dieu sait avec quelle difficulté il s'habituait à sa propre vie sociale. Il en avait été adouci dans son impatience de fuir retrouver son seul amour, à savoir son appartement, et, jetant un regard en coin à la jeune femme, il reprit un sérieux calme, sans cesser de sourire.

— Au fait, j'ai eu des nouvelles du gamin qui vivait avec son père alcoolique, sa tante m'a dit qu'elle avait obtenu les droits pour pouvoir le garder définitivement chez elle, je ne sais pas si tu as été prévenue. Il leva le pouce. Good job.

Neliya & Andrew

La faim habitait désormais le corps tout entier de Neliya. Forte heureusement, midi sonna et elle descendit avec sa gamelle, soigneusement préparée par son fiancé, dans la petite salle de repas. C’est là bas qu’elle retrouva Andrew Seamore, un interne assez particulier peu aimé de la plupart des infirmières de part son caractère naturel, pourtant, Neliya ne pouvait s’empêcher de l’apprécier. Et puis, avec elle, il est très rare qu’il soit désagréable ou désobligeant, en tout cas, s’il l’est, elle ne manque pas de le lui faire remarquer. Comme quoi dans la vie, il faut aussi savoir se faire respecter des autres non ? La jeune femme commença à manger tranquillement son entrée tout en écoutant le discours de son voisin. Son fiancé lui avait préparé en entrée des tomates avec de la mozzarella, son plat préféré, quel charmante attention ! Cependant, Neliya fit soudain la grimace. « Bon appétit bien sur ». La jeune femme rigola après avoir entendu Andrew. Ce faire vomir dessus, c’est…comment dire… plutôt spécial ! « Il voulait partager, y’a rien de mal à ça ? » Bon d’accord, là Neliya se moquait un peu mais bon, il y a de quoi non ? Quoique si ça venait à lui arriver, elle ne serait pas sur de rire sur le moment, ni même après d’ailleurs. Neliya se résolue tout de même à reprendre son sérieux et à écouter la suite des péripéties de son voisin. 14h ? Les gardes de médecins ! Mon dieu ! Plus de 24h parfois à ne pas quitter l’hôpital, il faut vraiment être passionné, être médecin, c’est une vocation et non pas un choix parmi plusieurs options, c’est certain ! Mais son sérieux ne dura pas lorsqu’Andrew se proclama en tant que prostitué brésilienne. Liya le reconnaissait bien là avec ses discours loufoque et pourtant dit avec un sérieux et un naturel exemplaire. D’ailleurs, pour lui, ce n’est peut être pas loufoque du tout. « Mon pauvre, profite bien de ton petit week-end alors ! » La jeune femme sourit et pris sa bouteille d’eau afin d’en boire quelques gorgées avant de répondre à la question du jeune homme. « Oui, à 17h00 mais j’ai des affaires à régler en en ville avant de pouvoir rentrer chez moi et retrouver mon fiancé ! Tu as choisis de devenir médecin je te rappelle, donc, c’est ta faute pas la mienne ahah » En quittant à 17h00, Neliya a l’intention de se rendre dans un endroit plutôt retiré de la ville, juste à la sortie. Là se trouve un vieux corps de ferme qui nécessite une rénovation mais l’espace intérieur comme extérieur conviendrait parfaitement à son projet d’orphelinat. La semaine passée, elle avait déjà pu visiter le parti…visitable et s’imaginait déjà les lieux une fois rénover. Mais, il va falloir qu’elle trouve des fonds pour cela.

Une fois son entrée finis, la jeune femme se leva pour aller faire chauffer son plat, des raviolis. La micro-onde étant juste à côté, elle pouvait continuer à entendre ce que lui disait Andrew. Puis Andrew changea de conversation et lui parlant d’un petit garçon dont ils s’étaient tout deux occupés. « C’est vrai ? Euh non, je n’étais pas au courant. C’est génial ! On fait plutôt bonne équipe mine de rien ! » La jeune femme sourit, fière du travail accomplis et de savoir ce petit garçon entre de bonne main même si séparé un enfant d’un parent n’est jamais facile pour elle. Elle prit son plat et retourna s’asseoir pour commencer à la manger tant qu’il est encore chaud.

Le temps se rafraîchissait, c'était un fait. Il s'agissait d'un constat qui suffisait à faire revoir son impatience à Andrew dans toute sa réticence à accepter l'hiver. Il s'agissait certainement et sans hésitation, parmi toutes, de la saison qu'il détestait le plus, tant par la situation psychologique dans laquelle elle le mettait que pour le simple fait qu'il soit parfaitement incapable de supporter le froid. L'enthousiasme de ses pairs le laissait relativement sceptique et il cherchait encore une réponse pertinente à l'intérêt que portaient les gens aux nez qui coulent abondamment et à prendre dix kilos de vêtements pour faire trois pas. La réponse ébranlerait très probablement le monde du sexy, mais pour le moment ça ne le poussait à rien d'autre que d'avoir à élaborer une stratégie pour avoir le moins froid possible. Esquissant un sourire, il jeta toutefois un regard en coin à son interlocutrice, distrait dans ses observations météorologiques par la discussion qu'elle lui tenait, et, coinçant la fourchette entre ses doigts, il daigna lui accorder un regard direct.

— Je vous trouve bien secrète, Miss Woodcomb, auriez-vous donc des choses que vous vous garderiez bien de m'expliquer ? Un sourire nonchalant s'étira sur ses lèvres. Ça ne me regarde pas, il ne s'agit de rien de plus que d'une plaisanterie et, je dois l'avouer, d'un peu de curiosité mal placée et mal avouée. C'est un vilain défaut.

Il haussa des épaules lorsqu'elle aborda de nouveau le sujet de l'enfant. Il portait une attention extrême à ses patients et il est vrai que c'était une des raisons principales pour lesquelles il tolérait si bien sa présence à ses côtés au travail — et Dieu sait comme il pouvait être rapidement agacé d'avoir quelqu'un dans les pieds — puisque rien ne les motivait davantage que la santé physique et mentale de tous les gens dont ils étaient amené à s'occuper — ou toutefois presque tous.

— Oh tu sais, hormis hurler sur ta supérieure pour qu'elle se bouge à son sujet, je n'ai pas vraiment fait grand chose, le mérite te revient. Et puis...

Et puis non. Et puis rien puisque, pris d'une violente quinte de toux, il révéla l'affreux complot, la terrifiante perspective, et il se maudissait déjà d'avoir tant manqué de vigilance. Donc, concrètement, en ce glorieux jour de décembre, on essayait de soumettre Andrew Seamore. Il supportait beaucoup de choses, des araignées cuites aux épinards, mais il refusait catégoriquement de se soumettre aussi faiblement à son ennemi inné, à sa haine personnifiée — le chou-fleur. Oui parce que oui, quand on mange il est toujours préférable de regarder ce qu'il y a dans l'assiette. Le fait est qu'il avait exceptionnellement manqué à ce réflexe par intérêt par la conversation qu'il venait de débuter et, par un vicieux jeu du destin, consommé ce qu'il considérait comme son poison personnel.
Qu'il s'était étouffé. Aussi.

Calmant la mort lente et douloureuse qui le guettait, et après avoir consommé deux grands verres d'eau pour à la fois faire passer le légume et faire passer le goût odieux qu'il traînait sur sa langue, il piqua résolument l'instrument de crime de sa fourchette, l'air de torturer un vieil ennemi et de se délecter de sa souffrance et, dans l'espoir de faire passer par la même occasion la honte dont il venait de consciencieusement de s'affliger, jeta un regard d'un sérieux inébranlable à la jeune femme à ses côtés.

— Étudiez bien ceci, Miss Woodcomb, car il s'agit là d'un des rejetons du Diable en personne, et que je ne tolèrerai pas cet instrument de torture à ma tablée. Si vous voulez aider les enfants, si vous voulez les sauver... Il balaya les légumes dans le coin de son assiette. Faites-les fuir dès que du chou-fleur se présentera à eux, sans vous retourner, et traînez-moi les parents maltraitants qui les poussent à ingérer cette horreur. Je ne sais pas si je survivrai à mon manque de vigilance. Il entama sa viande, repris d'un sourire paisible, dans l'espoir que jamais on ne songe à se servir de son ridicule contre lui. Très honnêtement, je crois que je préfèrerai m'injecter de l'arsenic dans une artère. Faisons juste comme si rien de tout ceci n'était jamais arrivé, tu veux ?