Ce n'est pas parce que tu

m'oublies que c'est mon cas

Déjà 3 semaines que j’avais vu Sam… et toujours aucune nouvelle de Dakota. D’accord, elle n’était pas censée savoir que j’avais fini par déménager ici pour elle. Mais quand même ! Au nom de notre ancienne amitié, ça lui aurait franchement troué le cul de chercher à me joindre ? Apparemment, oui.

Je devais bien l’avouer, je l’avais mauvaise. Parce que je savais que je n’avais pas réussi à l’oublier, même après 6 ans sans la voir, sans lui parler, sans même avoir de ses nouvelles… J’avais disparu de la circulation le jour où la fille que j’aimais m’avait quitté. Direction : le Texas. 6 longues années sans se voir, elle apprenait mon retour et ne cherchait même pas à me parler. J’étais blessé, et je ne me rendais absolument pas compte qu’elle m’en voulait peut-être d’être parti sans rien dire à personne, 6 ans auparavant. Elle aurait pu me penser mort. Moi… je n’y avais pas songé, parce que tout ce que je voyais, c’est qu’elle m’avait brisé le cœur, à l’époque. Et je n’avais plus cessé de penser à elle, depuis. Même après 4 ans de relation avec une belle texane, cela n’avait rien changé.

Bien sûr, le temps calme les peines… ainsi, je savais que j’allais mieux, même si je n’avais pas oublié l’amour que j’éprouvais pour elle. A croire que plus têtu que moi, il n’y a pas ! Le problème – et c’est d’ailleurs ce qui m’avait fait hésiter aussi longtemps à quitter Los Angeles une seconde fois pour venir m’installer ici – étant que si je la revoyais… je risquais de souffrir à nouveau. Parce qu’elle aimait toujours Sam. Il me l’avait dit. Eux, ensemble. Moi, mis de côté. Comme au « bon vieux temps ». Tu parles !

Sam m’avait dit que Dakota était instit’, maintenant. C’est vers la mi-novembre que je me décidai à aller l’affronter. Je voulais l’oublier, une bonne fois pour toute. Faire en sorte qu’elle me dégoûte tellement d’elle que mon amour disparaitrait comme il était venu. Bêtement. Mais je me mentais à moi-même : si, en 6 ans, mes sentiments n’avaient pas plus évolués que ça, malgré le fait qu’elle m’ait brisé le cœur en me larguant, ce n’est pas une entrevue avec elle qui allait améliorer la situation, bien au contraire. Peut-être étais-je maso, dans le fond ?

Le 22 du mois, un jeudi, je décidai qu’il était temps que j’aille la voir. Je me rendis donc à l’école de la ville et demandai à rencontrer le directeur. Il était fort aimable et goba immédiatement mon histoire – qui n’était, de toute façon, pas tout à fait fausse. Je lui expliquai que j’étais un vieil ami perdu de vue de Dakota, et que je venais d’arriver en ville. Je voulais lui faire une surprise et l’attendre à la sortie de son dernier cours pour l’emmener manger un morceau en ville, une connerie comme ça. Il m’indiqua donc l’heure et le local.

A l’heure indiquée par le Proviseur, je me rendis donc devant la classe de Dakota, et attendit patiemment que la cloche daigne sonner.

Assis devant la classe, sur un banc, Jonah attendait que quelque chose se passe, les yeux dans le vague. A vrai dire, plus les secondes s’écoulaient, et plus il se demandait ce qu’il faisait là. Dakota n’avait visiblement pas envie de le revoir, sinon elle serait venue le retrouver depuis longtemps… Il avait dit à Sam où il travaillait, à présent : il aurait donc été facile à la brune de le joindre. Mais elle ne l’avait pas fait. Pourtant, c’était pour elle qu’il était ici, à 90%. Les 10% restants étaient pour Blaise, son ami d’enfance. Aux yeux du brun, l’amitié avait tout de même moins d’importance que l’amour qu’il ressentait pour Dakota. S’il s’était décidé à venir lui parler, c’était sans doute parce qu’il était persuadé que la jeune femme ne se doutait pas une seule seconde qu’il avait toujours des sentiments pour elle, après tout ce temps.

Le bruit de la cloche finit par résonner dans tout le complexe scolaire, ce qui sortit le jeune homme de sa rêverie. D’un bond, il se leva. Il était vêtu d’un pantalon clair et d’un pull à col en « V » brun. Par-dessus celui-ci, il portait une veste en cuir, la même qu’il avait déjà 6 ans auparavant, lorsqu’il avait quitté Los-Angeles et fuit sa peine quand Dakota l’avait quitté. En réalité, il n’avait pas changé d’un poil, si ce n’est que sa carrure s’était développée, au Texas, de même que sa musculature. Son visage était plus marqué par le temps, mais c’étaient là les seules différences entre le « lui » d’avant et celui de maintenant.

La porte s’ouvrit et le cœur de Jonah se mit à battre la chamade dans sa poitrine. Une foule d’enfants en bas-âge sortit de la classe en courant, hurlant à qui mieux mieux et se disputant. Tous avaient l’air d’avoir passé une bonne journée, et le brun les regarda passer d’un air ému. Il avait toujours voulu des enfants… Une grande famille, un ranch… et Dakota à ses côtés. Voilà à quoi se résumait son projet d’avenir, pour l’instant. En parlant de la belle brune… elle sortit de la classe à la suite des élèves. Quand elle vit le jeune homme qui l’attendait dans le couloir, ses pas se stoppèrent nets, et elle entrouvrit la bouche de surprise. Jonah ne dit rien, se contentant de l’observer, avec cette impression que son cœur allait déchirer les parois de sa cage thoracique à force de battre aussi fort dans sa poitrine. Il sentit une goutte de sueur lui glisser dans la nuque. Le stress. Une vraie plaie. Pour tout vous avouer, le jeune homme était à deux doigts de défaillir.

C’est sur un ton vraiment surpris, et choqué, que Dakota rompit enfin le silence : « Jonah ! Mais qu’est-ce que tu fous là ?! ». Cette réplique fut comme une gifle pour le moniteur d’équitation, qui eut envie de partir en courant. A chaque fois qu’il avait imaginé ses retrouvailles avec la jolie brune, jamais, ô grand jamais elle ne lui avait dit ça. Tantôt elle se jetait dans ses bras, tantôt elle le frappait… mais jamais elle ne lui demandait ce qu’il foutait là. Il n’eut pas le temps de répondre que déjà elle enchainait : « Ça fait longtemps », tout en soupirant.
Jonah la regarda, en essayant de masquer sa peine. Ce fut peut-être réussi, peut-être pas. Ses yeux en disaient souvent long sur ce qu’il ressentait. Il avait la gorge sèche, comme prise dans un étau. Ses mains tremblaient, enfoncées dans ses poches pour ne pas que la belle institutrice le remarque. Au bout de quelques secondes, qui lui parurent pourtant l’éternité, il finit par lui répondre, en tentant de maitriser sa voix au maximum. « Je suis revenu pour toi, Dakota ».

Il se tut deux secondes, puis sentit le goût amer des regrets lui envahir la bouche. Il ne fallait pas qu’il sorte la phrase qui suivit, mais ce fut plus fort que lui : « Tu n’as pas l’air ravie de me voir ». Si Dakota n’entendait pas les reproches dans le son de sa voix, alors c’est que ses oreilles s’étaient sacrément bouchées en quelques années. Il était quasiment impossible de passer à côté, tant il lui en voulait de sa première réaction quand elle l’avait vu.