Tu me passes le sel ?

Les premiers jours en ville avaient été fatigants… J’avais dormi à l’hôtel, d’une part. Et d’autre part, j’avais consacré toutes mes journées à la recherche d’un appartement. Mais enfin, ça y était ! J’avais mis la main sur la perle rare ! Les papiers avaient été signés plutôt rapidement, et les premiers mois payés tout aussi vite. Il faut dire que j’avais hâte de quitter ma chambre d’hôtel.

Le premier novembre, j’emménageais. L’appartement était dans un immeuble plutôt sympa. Deux apparts’ par palier, 5 étages. Le mien était au 4ième étage. Sans ascenseur, mais ça ne me dérangeait pas trop, j’étais assez sportif pour le supporter. Il n’y avait qu’une chambre, une salle de bain jouxtant celle-ci, une cuisine, une petite buanderie et un salon. Il ne me fallait rien de plus, étant donné que je vivais seul. La première nuit, j’avais dormi sur le canapé, qui faisait partie des premiers meubles que j’avais achetés. Le 5 novembre, mon appart’ se retrouva entièrement meublé… et je pus arrêter d’aller manger des McDo’s.

Enfin, du moins c’est ce que je pensais.

J’étais en train de prendre un – énorme – steak de bœuf dans mon frigo… quand je me rendis compte que je n’avais pas de sel. Merde. J’avais pensé à tout, sauf à ça, évidemment. Pestant intérieurement, je me mordillai la lèvre en cherchant l’inspiration divine… qui ne vint jamais. J’allais devoir manger mon steak pas salé. A moins que ! L’appartement d’en face, il y avait sûrement quelqu’un qui y vivait, non ?

Je remis la viande au frigo et me frottai les mains sur un torchon, puis quittai l’appart’. Deux pas, et j’étais chez mon voisin de palier. Je sonnai et attendit que quelqu’un vienne m’ouvrir, en priant pour que ça ne soit pas un vieux crasseux qui vive là, ou encore une cinquantenaire aigrie qui ne supporterait pas le bruit après 22 heures 30.

Heureusement pour moi, la porte s’ouvrit sur une jeune femme rousse que je saluai d’un sourire. « Bonjour ! Euh… je suis votre voisin d’en face et – c’est très cliché, je sais, mais – je viens de me rendre compte que j’ai complètement oublié d’acheter du sel » déclarai-je à la jeune femme, en priant pour qu’elle ne croit pas que c’était une tentative pourrie de drague de ma part. C’est que j’avais vraiment besoin de sel, moi !

Du sel ? Mais bien-sûr !

J'étais arrivée à Town Square depuis très peu de temps. On était déjà au mois de novembre, je ne m'en était pas rendue compte. J'avais vite trouvé un appartement à mon goût, déjà meublé. Il comportait deux chambres, mais seulement une avait gardé sa tâche initiale. Je mer servais de l'autre comme dressing, où j'avais réussi à ranger mes tonnes de vêtements. Il y avait aussi un salon plutôt spacieux, une salle de bain et une cuisine équipée. J'avais gardé tous les meubles que j'y avais trouvé, et dépensé la presque totalité de mon budget travaux pour acheter des objets de décoration, étant donné que faire des travaux dans cet appartement ne servirait strictement à rien.

Je venais de terminer mon numéro au bar où je travaillais depuis deux ou trois semaines, déjà. J'étais à peine rentrée que j'avais filé sous la douche. J'en avais déjà pris une avant de monter sur scène, mais j'avais tellement transpiré que je décidai d'en prendre une autre. J'avais ce soir testé mon tout nouveau sketch, et j'avais constaté avec plaisir et fierté que mon public n'avait pas bronché, bien au contraire. Bref. Je décidai aussi de ne pas me relaver les cheveux. Les laver trop souvent n'était pas bon pour leur santé, et j'en avais tellement pris soin jusqu'ici que je ne pouvais me résoudre à tout faire foirer aujourd'hui.

Sous la douche, comme d'habitude, je réfléchis. Qu'est-ce que j'allais bien pouvoir manger ce soir ? J'avais fini mes plats préparés, et n'avais pas pensé à racheter de la viande pour accompagner l'énorme stock de pâtes dont je disposais. J'avais beau me creuser la tête, je n'arrivais pas à trouver d'autres solution que d'aller taxer de la viande au voisin d'en face. Il s'était installé à peu près en même temps que moi, il devait donc être aussi pommé que moi. Tout irait bien. Et demain j'irai faire des courses.

Pile au moment ou je tirai mon rideau de douche pour en sortir, quelqu'un sonna à la porte. Je pestai de ne pas avoir été plus rapide, et m'enroulai vite dans une de mes nouvelles serviettes grises. Heureusement pour moi, je n'avais pas lavé mes cheveux, je n'avais donc pas besoin de me vêtir d'un turban ridicule. Ouf. Je sortis de la salle de bain, et me dirigeai pieds-nu vers la porte de mon appartement. Sur le chemin je jetai un coup d'œil à l'horloge qui trônait dans mon salon. 22h30 ? À ce que je voyais, je n'étais pas la seule à manquer de nourriture pour ce soir. J'ouvris la porte, par laquelle je ne laissai passer que me tête et mes cheveux secs, et je fut surprise de découvrir mon voisin de palier, que j'avais vaguement aperçu lors de son aménagement en face. Il me salua, je fit de même, et il me demanda du sel. Je souris, amusée. Ah, ça j'en avais, du sel ! « Bonsoir ! Figurez-vous que j'allez justement vous rendre visite, parce que moi, c'est de la viande qu'il me faut ! » Je lui souris de plus belle, et l'invitai à entrer en ouvrant la porte plus grand. Puis je me souvint que je n'étais vêtue que d'une simple serviette. « Vous m'excusez trente secondes, je vais enfiler un truc plus adapté à la situation... »

Je m'échappai de la pièce pour me rendre dans mon dressing. Vite, je pris une tunique rose à col dentelé, et des leggings blancs pour mettre en dessous. Je revêtis tout cela en un temps record, et ébouriffai mes cheveux par la même occasion, histoire de leur donner un peu de volume. Ils étaient vraiment trop raides, c'était insupportable. Je regagnai le salon, habillée un peu plus chaudement, et souris à mon visiteur. « Donc, du sel... » Je filai vers la cuisine, et commençai à fouiller dans mes placards. Je n'étais pas encore très habituée à l'organisation de ma nouvelle cuisine. La tête dans un tiroir, je m'adressai à mon voisin d'en face. « Moi c'est Mirilla ! Et vous, vous avez ptète un nom à me donner ? »

Seule la tête de la voisine dépassait de sa porte, et je me demandai un instant pourquoi, notant au passage qu’elle avait un très joli visage. Quand je lui expliquai que je n’avais pas de sel, elle me fit un grand sourire et m’annonça qu’elle allait justement venir sonner chez moi, parce qu’elle manquait de viande. « Ah ? Ça tombe bien, j’ai acheté un steak tellement énorme qu’il y en aura trop pour moi tout seul » lui fis-je, surpris par la coïncidence. Elle me sourit et ouvrit alors grand la porte, ce qui amena une réponse à mes interrogations : elle ne portait pour tout vêtement qu’une serviette de bain.

Tout en me laissant entrer, elle s’excusa pour la tenue puis me déclara qu’elle allait enfiler quelque chose de plus approprié. Je ne répondis rien, me contentant de sourire. Et j’attendis, planté là, debout dans son salon. Impossible pour moi de ne pas jeter un coup d’œil autour de moi. J’observai donc le salon de la petite rousse, décoré avec goût, je dois bien l’avouer. Peut-être un peu trop féminin pour moi, mais tout de même joli – pour un salon de femme, quoi.

J’étais en train d’observer un cadre sur le mur quand ma voisine revint, vêtue cette fois d’une tunique rose qui lui allait parfaitement au teint, ainsi que d’un de ces collants blancs dont je n’arrive jamais à retenir le nom. En souriant, elle m’entraina vers la cuisine, tout en se remémorant ma demande à voix haute. Je la suivis et m’arrêtai à un pas de la porte, tandis qu’elle commençait à ouvrir tous les placards à la recherche de son pot de sel. Je le vis sur le plan de travail, mais je n’osai rien dire. J’attendis donc qu’elle se rende compte qu’elle l’avait déposé là et non pas dans un placard, où elle avait la tête presque enfoncée. Depuis l’un d’eux, elle me déclara : « Moi c'est Mirilla ! Et vous, vous avez ptète un nom à me donner ? ». Sans lâcher des yeux le pot de sel tant convoité, je lui répondis : « Euh, oui oui ! Je m’appelle Jonah ». Au bout de quelques secondes, je perdis cependant patience. « Votre sel est sur le plan de travail », annonçai-je à ma petite voisine. Puis, pour ne pas la mettre trop mal à l’aise, j’ajoutai avec une certaine précipitation : « Maintenant qu’on l’a récupéré… ça vous dit de vous joindre à moi pour le diner ? ». J’avais assez de viande pour nous deux, et d’après elle, il lui en manquait cruellement dans son frigo. Cela serait donc l’occasion de faire connaissance. Et bien entendu, je l’invitais, donc je cuisinerais. J’avais justement acheté une bouteille de vin rouge pour accompagner mon steak : elle serait beaucoup plus agréable à boire en compagnie de quelqu’un que seul comme un rat dans mon nouveau chez moi !

Steak ! Tout ce dont j'avais envie. Quand il m'annonça qu'il en avait un et qu'il ne sera pas assez d'un pour le manger en entier, je ne pus m'empêcher d'imaginer la taille de l'animal qui avait fourni ce steak. En effet, en voyant la carrure de l'homme qui se tenait en face de moi, je ne pouvais me résoudre à l'imaginer déclarer, au milieu du repas, qu'il n'avait plus faim. C'était tout bonnement.... Inconcevable, je dirais. Je préférai ne rien dire. C'était le genre de pensée que j'avais l'habitude de garder pour moi.

Après m'être habillée, m'être ruée dans la cuisine à la recherche de mon pot de sel, et lui avoir demandé son nom, il me répondit. Il s'appelait Jonah. Assez sympa, comme prénom. En tous cas, moi, j'aimais bien. Le fait que nous ayons tous les deux des prénoms assez originaux me plaisait beaucoup. Je remarquai soudain qu'en ce moment, tout me plaisait. Fallait-il que je m'inquiète ? J'étais des plus optimistes, mais bon ! Fallait pas exagérer, non plus...

Il finit par m'indiquer que mon sel était sur mon plan de travail. J'arrêtai de chercher, et soupirai, la tête toujours dans mon tiroir. Je pestai, et me relevai si brusquement que je me pris la tête dans la porte du placard du haut, que j'avais oublié de refermer, dans ma précipitation. Je lâchai un "Aïe" sonore, et me massai le crâne, les yeux fermés, une grimace de douleur figée sur mon visage. Puis je secouai ma tête, me tournai vers Jonah, et lui sourit. « Tout va bien ! » lui fis-je, en ouvrant les bras, rayonnante. Je me dirigeai vers ce foutu pot de sel, le saisit, l'agitai pour savoir s'il en restait suffisamment, et me dirigea vers mon voisin pour le lui donner, qui était tout près de l'embrasure de la cuisine. Je lui souris encore.

Là-dessus, il me proposa de venir partager son steak avec lui. Il avait dit ça vite, peut-être pour effacer le ton sec avec lequel il m'avait dit où se trouvait le sel, que j'avais à peine remarqué soit dit en passant. Je souris, encore, et acquiesça. « Oui oui, avec plaisir ! C'est super sympa de votre part de me proposer ça ! » J'élargis un peu plus mon sourire, si c'était encore possible, et rajoutai « Vous voulez que je fasse des pâtes pour accompagner ça, ou bien vous avez déjà prévu quelques chose ? »

En se relevant, Mirilla se prit la porte de l’armoire en plein sur le crâne, ce qui ne put que m’alarmer, en bon voisin que j’étais, et je lui demandai si elle allait bien, sans toutefois oser trop m’en approcher, au cas où elle aurait la douleur violente, quelque chose dans le genre… On ne sait jamais, je ne voulais pas me ramasser une baffe parce qu’elle était en colère de s’être cogné le crâne devant un total inconnu ! Et ne riez pas, y a vraiment des gens qui réagissent comme ça, de nos jours. En se relevant, après s’être frotté le crâne là où elle avait heurté l’armoire, la petite rousse écarta les bras et déclara qu’elle allait bien, ce qui me soulage, je dois bien l’avouer. « Ah, tant mieux ! Vous m’avez fait peur… » lui fis-je, sans cacher mon soulagement.

Je lui proposai ensuite de partager mon repas avec elle, ce qu’elle accepta avec un grand sourire, tout en me tendant le pot de sel. Sa joie de vivre était communicative, si bien que je répondis franchement à son sourire. « Oui oui, avec plaisir ! C'est super sympa de votre part de me proposer ça ! ». « Oh, mais de rien ! Tout le plaisir est pour moi. Et puis, c’est plus sympa de manger à deux » lui répondis-je, amusé. Elle élargit encore son sourire – si seulement c’était possible, et me proposa très gentiment : « Vous voulez que je fasse des pâtes pour accompagner ça, ou bien vous avez déjà prévu quelques chose ? ».

Je réfléchis rapidement. Qu’est-ce que j’avais prévu ? A vrai dire, pas grand-chose. Vu la taille du steak, je m’étais à la base dit que je ne mangerais que ça, avec plein de sauce par-dessus. Mais comme j’allais à présent le partager, l’idée des pâtes de ma voisine était donc appréciable. « Je n’avais rien prévu, c’est une très bonne idée » lui répondis-je en m’adossant au mur de sa cuisine. Je soulevai ensuite le pot de sel devant moi et l’agitai : « Le problème, c’est que j’ai votre sel en otage… ça vous dit de cuisiner chez moi ? Vous prenez les plaques de droite, et moi celles de gauche ! Ou l’inverse, si vous préférez ? ». Je laissai ensuite retomber mon bras et attendis la réponse de la jeune femme, tout en l’observant. Je me demandais intérieurement quel âge elle pouvait bien avoir. En réalité, elle me semblait plus jeune que moi, mais je pariais tout de même sur la vingtaine, puisque d’une part elle vivait seule, et d’autre part elle avait un visage jeune, mais pas non plus juvénile. Je décidai mentalement que si l’occasion se présentait au cours du repas, je lui demanderais son âge.

En me relavant, après m'être violemment pris la porte du placard, je m'aperçus que Jonah s'était approché de moi. Cette action de sa part m'arracha un petit sourire, remplaçant celui que j'avais quitté pour ma grimace de douleur. Il me demanda si j'allais bien, je lui répondis que oui, et il exprima son soulagement. J'avais le plus adorable des voisins, c'était certain, et je m'en réjouissais. C'était beaucoup mieux que si j'étais tombée sur un vieux croûton ronchon, effaré par une jeune fille aussi... Énergique que moi. J'avais eu de la chance sur ce coup-là.

Après que je l'ai remercié de m'avoir invité, il certifia que ça lui faisait plaisir, et j'acquiesçai sincèrement quand il dit que c'était beaucoup plus agréable de manger à deux. « Oui, c'est sûr. C'est pas que j'aime pas la viande, mais on peut pas dire qu'elle soit d'une très bonne compagnie. » Et je souris. Je commençais à avoir mal aux zygomatiques, à force. Mais bon. Mieux valait sourire que faire la tête, non ?

Youpi, il aimait les pâtes ! Je le savais puisqu'il venait d'accepter ma proposition d'accompagner son steak de monstre avec ses petits trucs jaunes délicieux. Ravie qu'il accepte, je ris doucement, en penchant un peu la tête sur le côté. Je me retournai et recommencer à fouiller dans mes placards, cette fois pour trouver le sachet de pâtes. Celles-là, je savais où elles étaient : partout. Dans tous les endroits de cette cuisine, on trouvait au minimum un paquet de pâtes. J'optai pour des "Toretelini", mes préférées. Quand je reportai mon attention sur Jonah. Il était adossé contre le mur de la cuisine, l'ai joyeux et détendu. Il me tendait le pot de sel, qu'il gardait cruellement prisonnier dans ses mais, et pris la situation des cristaux blanc pour un prétexte, celui pour lequel je serais obligée de venir cuisiner chez lui. Il proposa même une répartition des plaques de cuisson. « C'est super gentil, mais je sis gauchère, donc l'inverse serait plus pratique, si on ne veut pas se donner des coups de coudes toutes les trente secondes ! » Il laissa retomber son bras, me scruta. Moi, je me contentait de sourire, comme d'habitude. Je souriais tout le temps. C'était un de mes points positif. J'ouvris les bras, et déclara tout simplement « Je vous suis, Maître ! »

Je dois dire que je craignais un peu la personne qui se cacherait derrière la porte de l’appartement d’en face. Mais la remarque de Mirilla sur la compagnie des steaks acheva de me rassurer : cette fille souriante comme j’en avais rarement croisées avait beaucoup d’humour, plus ou moins mon âge et on prévoyait déjà de manger ensemble. Honnêtement ? J’étais aux anges. Moi qui m’attendais à une vieille sorcière aigrie, ou encore à un type puant, dont l’appart’ sentirait le pipi de chat, ou quelque chose dans ce style là… j’étais vraiment soulagé d’avoir cette demoiselle pour voisine. Surtout que si un jour je voulais faire du bruit et organiser une petite fête – utopique, mais sait-on jamais ! – je pourrais sans aucun souci l’inviter à participer, si bien qu’elle ne serait pas gênée par le bruit. Par-fait.

Je me faisais ces réflexions, tandis que la petite rousse fouillait ses armoires à la recherche d’un paquet de pâtes. Cette fois-ci, elle mit beaucoup moins de temps que pour le sel : la première armoire qu’elle ouvrit contenait ce qu’elle cherchait. Tandis qu’elle se tournait vers moi, souriante, je lui déclarai que j’avais son sel en otage, mais qu’on pouvait cuisiner ensemble si elle n’y voyait pas d’inconvénient. « C'est super gentil, mais je suis gauchère, donc l'inverse serait plus pratique, si on ne veut pas se donner des coups de coudes toutes les trente secondes ! » me répondit-elle, à propos de la répartition des plaques de cuisson. Nouveau sourire, auquel je répondis. « On va s’entendre, je suis droitier » répondis-je, amusé par la personnalité de ma nouvelle voisine. Je ne sais pas ce qui m’avait au juste poussé à choisir cet appartement-là précisément, mais depuis que j’avais fait la connaissance de Mirilla, je ne pouvais m’empêcher de me dire que j’avais été diablement bien inspiré.

Le jolie rousse ouvrit alors les bras, le paquet de pâtes en main, et me lança d’un ton guilleret qu’elle me suivait, en ajoutant le petit quolibet « Maître », ce qui me fit rire. En sortant de sa cuisine et en me dirigeant vers la porte d’entrée, je lui lançai : « Jonah suffira ! ». Une fois dehors, elle ferma sa porte et nous fîmes deux pas jusqu’à chez moi. J’ouvris la porte puis m’effaçai pour la laisser passer. Heureusement, je n’avais pas eu le temps de mettre le bordel chez moi, et mon appart’ était très bien rangé. En même temps, il n’y avait pas encore assez de choses à l’intérieur pour réellement pouvoir foutre le boxon, donc bon, Mirilla n’aurait rien à redire de ce côté-là.

Une fois dans ma cuisine, je posai le sel sur le plan de travail et commençai à sortir les ustensiles pour cuisiner, tout en parlant à ma voisine : « Voilà, bienvenue chez moi ! Installez-vous… Ah… on pourrait peut-être se tutoyer, non ? ». Simple suggestion de ma part, mais je me sentais plus à l’aise avec ça, surtout si les personnes à qui je parlais avaient mon âge. « Je suppose qu’on a plus ou moins le même âge, en plus… J’ai 24 ans, pour ma part ! » glissai-je, en essayant subtilement de demander à Mirilla quel âge elle pouvait bien avoir.

Un droitier... Je me surpris à me dire que nous étions de parfaits contraire : j'étais un gauchère rousse aux yeux bleus, des plus énergiques, et lui était un droitier brun aux yeux... Quelle couleur, les yeux ? Je regardai plus attentivement.. Mamamïa ils étaient magnifiques. Leur couleur penchait entre le marron et le noir... Je me pinçai la lèvre inférieure pour m'éviter de fondre, et je me retournai vite pour fermer la porte du placard. Bref. Nous étions totalement différents, car en plus il avait l'aire beaucoup plus posé que moi. Les opposés s'attire, c'est physique. J'étais super heureuse que Jonah ait manqué de sel ce soir. Sans ça, je crois que j'aurais passé une soirée pourrie, en compagnie de mes pâtes, tout aussi peu fidèle que la viande.

Après que je l'ai appelé "Maître", Jonah rit. Bonne nouvelle, il avait le sens de l'humour ! Décidément, on était fait pour être amis. La soirée allait être très animée, je le sentais. Il décréta que son prénom suffirait amplement, ce que je désapprouvai en secouant vivement la tête. « Alors que pensez-vous de "Maître Jonah" ? C'est bien, ça aussi ! » Je lui fit un clin d'oeil, lui tirai la langue, et le suivis dans le couloir pour se rendre dans son appartement. Quand il ouvrit la porte et se poussa pour me laisser entrer la première, je m'inclinai exagérément bas et lâchai un « Merci bien, Monseigneur? » J'avais envie de plaisanter ce soir. Ca m'arrivait très souvent, en compagnie de gens que j'appréciais.

Il était très sympa, son appartement. De jolies couleurs, bien accordées, qui lui correspondaient bien. C'était pas trop vide, pas trop plein, y avait juste ce qu'il fallait. Et en plus c'était NI-CKEL. Pas un truc qui n'était pas rangé à sa place. Je sifflai, admirative. J'étais amoureuse de son salon, c'était officiel. Pendant que j'admirai sa décoration, Jonah savait déjà commencé à s'affairer dans la cuisine. J'entendais des bruits caractéristiques, qui me rappelèrent soudainement la jour où moi et Aaron nous étions retrouvés seuls à la maison et que nous avions fait des crêpes. Une journée merveilleuse, que l'on avait fini tout crades : on avait une bataille de pâte à crêpe. C'était il y a deux ou trois ans seulement. Qu'est-ce qu'on avait rit ! Merveilleux.

Jonah me souhaita la bienvenue de sa cuisine, m'assura que je pouvais m'installer... Et proposa que l'on se tutoie. Je souris, ravie qu'il le propose. C'est vrai quoi ! Après tout, on était potes, non ? Déjà ? La vache, mes amis avaient raison, j'étais douée pour me faire des amis... « Bonne idée ! C'est bien, le vouvoiement, mais bon. On n'a pas quatre-vingt piges, non plus ? » Et puis, je l'aimais bien ce garçon, alors pourquoi s'embêter avec la politesse ? Il se donna raison en affirmant qu'on devait sûrement avoir le même âge. Avant que j'ai pu lui demander le sien, il me le dit. 24 ans ? Oui, on avait à peu près le même âge... Ça aurait pu se remarquer plus facilement auparavant, mais maintenant qu'on était suffisamment adultes, ça ne se verrait pas. « Oui, c'est à peu près pareil. Moi j'en ai 21 ! » Je le rejoins dans la cuisine, et j'inspectai les lieux. Parfaitement bien rangé, propre, bref, idéal pour faire de la popote entre amis. Je saisis une des casseroles qu'il venait de sortir, et allais la remplir d'eau. « Tes pâtes, tu les préfères croquantes où fondantes ? » Ah oui, il avait raison. C'était mieux de se tutoyer.