Monsieur Catastrophe
Finalement, Bryan était encore là. Bien présent, derrière cette table remplie de pâtisseries, avec ce tablier sur le dos. Il n’était pas parti de cette ville, n’était toujours pas parti…. Bien que ce ne fût pas l’envie qui lui manquait pour se faire.
Mais il avait enfin appelé Jayleen, la veille. Cette grande sœur, qu’il considérait comme sa maman, comme son modèle, lui avait conseillé de rester et de redonner une chance à cette ville et à sa sœur. Et bien qu’elle ne sache ni pour Mathéo, ni pour la profondeur de la trahison d’Alysson… Bryan avait suivi son conseil. Il était resté, était revenu au café, avait laissé sa chambre en l’état.
Au fond, ce n’était pas lui de fuir, pas à lui de faire le couard… Ca, c’était l’apanage de son connard de frangin. Il en mourrait d’envie de le faire mais Jayleen avait raison. Il devait tenir bon. Il devait tourner la page, continuer à avancer… Laisser le temps faire son œuvre et redonner une chance à Alysson, même si rien ne serait plus jamais pareil entre eux.
Même si, pour le moment, son cœur restait morose, même si, pour le moment, rien ne semblait avoir de sens. Il devait tout de même s’accrocher et se donner une chance d’avoir ce qu’il avait toujours rêvé vivre… Une situation stable avec un boulot qu’il appréciait, un appart’ qu’il adorait et un chien qu’il chérissait. Rien de plus, rien de moins…
Il avait envie de continuer, envie de garder tout ça… Même s’il avait conscience que, dorénavant, il ne pouvait plus appeler Alysson pour lui dire avec joie qu’il avait réussit à faire quelque chose de ses dix doigts. Même s’il avait conscience que plus rien ne serait jamais comme avant.
Mais c’était justement ça qui était le plus lourd à porter… C’était justement ça qui le rendait morose et incapable d’apprécier sa vie actuelle… Ca et… cette impression de danger constante à chaque fois qu’il sortait et qu’il avait peur de croiser son frère au détour d’une rue… Car cette ville n’était plus son ilot de paradis. Elle était devenue témoin et conspiratrice du secret d’Alysson et de Mathéo. Pour lui, maintenant, cette ville lui était menaçante et traitresse…
Mais il croyait Jayleen. Alors il restait. Il restait et travaillait, restait et faisait ses preuves auprès de son boss et de son patron… Comme si rien n’avait changé.
Et les preuves, en ce moment, il les faisait. Car, comme pour compenser sa morosité quotidienne et le malheur qui s’était abattu sur lui, ses mains s’étaient enfin mises à faire ce qu’il voulait, ne faisant que peu d’erreurs et montrant à son boss qu’il pouvait être quelqu’un de responsable… Et ça… c’était valorisant…
Alors Micah lui avait laissé le café pendant quelques heures pour s’occuper de ses affaires privées. Bien sur, ce n’était que pour assurer la rotation des produits, comme toujours en fin de journée... Mais cette tache là, elle était primordiale pour assurer la confiance de son chef.
Et Bryan n’avait fait aucune erreur. Tout s’était déroulé à merveille, toutes ses pâtisseries tenaient la routes et étaient vendables et vendues. Tout avait été parfait… Enfin… jusqu’à ce qu’il termine son service.
En effet, Bryan ne s’était pas attendu à ce qu’il y ait quelqu’un, juste dernière la porte du service qu’il prenait pour sortir. Ordinairement, il n’y avait personne à cet endroit, et bien qu’il ait été prévenu dès le départ quand à cette possibilité, il avait bien oublié cette mise en garde en un mois de travail ici… Grave erreur, bien entendu. Le choc, le bruit et le constat fut donc assez lamentable pour qui pensait n’avoir fait aucune bêtise jusque là… Et ce fut même avec un certain effroi que Bryan passa la porte pour regarder la jeune femme se mettre au sol et nettoyer ses bêtises. Ni une ni deux, il se pencha vers elle pour la relever avant de vérifier son état.
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Je suis navrée mademoiselle, c’est de ma faute et non de la votre. J’aurais du faire plus attention, dit-il précipitamment. Êtes-vous blessée ou ébouillantée ? Vous n’avez rien ? demanda-t-il avant de faire une petite moue rassurée en voyant que ce n’était pas le cas.
Stan, le serveur attitré du Morning Coffee, soupira de dépit en voyant les dégâts provoqués par son collègue avant de lever les yeux au ciel, comme s’il y était habitué. Il quitta alors son poste de travail pour aller prendre une serpillère et un seau d’eau et, ni une, ni deux, il les refourgua au jeune pâtissier avant de lui donner un regard toujours un peu blasé.
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Nettoies, monsieur catastrophe ! J’ai du boulot moi, déclara-t-il avant de lui tourner le dos.
Ah, Stan… Toujours égal à lui-même. A peine avait-il vu Bryan la première fois, qu’il avait déjà assisté à l’une de ses plus grosses bourdes… Qu’il avait du nettoyer, d’ailleurs. Le jeune homme l’aimait bien, ce serveur, il donnait une certaine ambiance avec son humour enfantin et son franc parlé… Mais Bryan était forcé de reconnaitre que depuis cet incident, ce dernier voyait le jeune pâtissier comme étant un danger ambulant, au point même qu’il lui arrivait de lui prendre les gâteaux des mains pour éviter qu’ils ne fassent comme le premier jour… Et finissent tête la première sur la vitrine du café…
A présent chargé de ces précieux outils, le jeune homme invita donc la demoiselle à s’asseoir avant de se mettre à nettoyer à son tour. Avec un sourire poli bien que contrit par les évènements, il répondit à sa question de manière un peu gênée.
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Boss a réellement parlé de moi… constata-t-il en songeant qu’il avait du lui raconter toutes ses mésaventures car c’était bien tout ce qu’il y avait à dire à son propos.
Je suis Bryan, Bryan Harrington, lui répondit-il avant de lui serrer la main.
Laissez-moi-vous offrir un café pour m’excuser de la fin tragique de celui-ci…. Ce serait bien la moindre des choses… déclara-t-il enfin tout en finissant son travail.
Il contourna alors le bar pour aller chercher un café, déposant un peu de monnaie à Stan quand celui-ci se décida à le faire à sa place avant de revenir victorieux pour le lui présenter.
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Attention, il est un peu chaud, la prévient-il avec un petit sourire.