Tout tourne.
Mal à la poitrine, j’ai du mal à respirer. La lumière s’éteint. Mon corps s’écrase brutalement. Il y a du bruit autour de moi, j’entends Eustache aboyer, Anna crier, Zip piaffer. Mais j’ai sommeil…

Trou noir.

Je rouvre les yeux. Je ne suis pas chez moi. Deux hommes se penchent sur moi. Je sens les doigts d’Anna tenir les miens. Mais j’ai mal au crâne et au poignet. J’hurle. Sous le choc, mes yeux se referment, je me rendors …

Je sens que la douleur est un peu passée. Mais j’ai l’impression qu’un hippopotame s’est assis sur ma tête. Est-ce que je rouvre les yeux ? J’entends peu de bruit autour de moi. La lumière blanche me fait mal aux yeux. Anna est là. Elle me sourit. Ça me rassure de l’avoir au près de moi. C’est apaisant, autant que des calmants. Même si je dois certainement déjà être shooté à la morphine. C’est mon cadeau d’entrée quand j’arrive aux urgences.
Je suis faible et même si l’envie de parler me titille, je sens que ça marche au ralentit. Mais je vois dans le regard d’Anna que je n’ai pas à m’inquiéter.  « Ah, tu es réveillée Beth. Je me demandais justement quand est-ce que je te reverrai ici. » Je tourne le regard est voit une brunette : Meadow, mon infirmière mais aussi ma pote ! J’essaye de rire mais c’est faiblard … « Déshydratation … Sérieusement Beth ? » Oups … Je sens que je vais me faire engueuler, et par Meadow, et par Anna. Y a vraiment qu’à moi que ça peut arriver ce genre de connerie. « Tu t’es ouvert l’arcade en tombant et tu t’es cassée deux phalanges de l’auriculaire. » Ah … ouais. La déshydratation c’est déjà sujet au foutage de gueule, mais se péter des phalanges du petit doigt et s’ouvrir l’arcade en tombant dans les pommes … J’allais prendre cher. « Elle est en train d’écrire un nouveau scénario, et comme d’habitude, elle se coupe de tout, même de l’eau … » annonce Anna à Meadow.
Je lève ma main, et la regarde avec l’atèle sur le petit doigt. « Je vais plus pouvoir prendre le thé … » je regarde Anna, et rigole. Le comble pour une anglaise de se péter le petit doigt de la main où l’on boit le thé. Elle rigole, Meadow aussi.  Bon je rigole, mais ça sera galère quand je boirai ma première tasse de thé. Le petit doigt c’est l’équilibre et l’élégance à l’anglaise ! En observant mon doigt, je remarque que je suis sous intraveineuse. « C’est quoi dedans ? » « De l’eau. » répond Meadow. Ah ouais … j’aurais du m’en douter. Je suis là pour déshydratation. « On te garde jusqu’à demain Beth, pour vérifier qu’il n’y a pas de trauma. » Et merde … « Bon on se boira un verre d’eau à la cafet’ ce soir alors Meadow ? » « On verra. » Ouais … je sentais bien que ce n’était pas gagné, que cette fois-ci fallait que je reste couchée. Fais chier. Je n’ai pas encore dit bonjour à tout le service !  Mais Meadow s’en va, me laissant à mon triste sort.
Je regarde l’heure. Merde … « Anna, c’est bientôt l’heure de la promenade d’Eustache … » Elle me comprit. Bon ce n’était pas un cadeau que je lui faisais, mais bon, je pouvais pas faire autrement, fallait que je boive par intraveineuse jusqu’à demain… « Je m’en occupe. Je repasserai ce soir pour t’apporter des affaires. » Elle m’embrasse sur le front. « Pardon… » Murmure-je à son oreille. J’ai du lui faire peur, je m’en veux. C’est toujours comme ça, je suis dans ma bulle jusqu’à ce que ça finisse mal et puis je culpabilise de lui faire du mal. Elle me sourit, puis s’en va.

Bon… qu’est ce que je vais faire. Je prends mon téléphone pour aller sur twitter, facebook, et compagnie…
Mais je n’ai pas eu le temps de profiter des cinq premières minutes de repos que des infirmiers me ramènent déjà un compagnon de chambre. Eh mais je le connais ! « Ezechiel ! Qu’est ce que tu fous là ?» Etonnée sans vraiment l’être. Etonnée de voir quelqu’un arrivée, mais pas que ce soit Ezechiel. C’est mon copain d’hôpital, on s’y retrouve souvent. Le hasard fait qu’on y aille en même temps …

   

   

Aujourd’hui je n’ai pas besoin d’aller au bureau. J’en profite donc pour traîner un peu dans mon lit. Habituellement je suis toujours le premier lever, mais ce matin il fait froid dans mon appartement et je préfère donc rester bien au chaud sous ma couette. Je rêvasse un peu et tout de suite mon esprit s’éloigne vers Nola. Cela fait trois jours que je l’ai pas vu. Elle me manque de plus en plus. Je ne veux pas penser à elle, mais c’est tout simplement plus fort que moi. Pendant des semaines nous avons été très proche et d’un seul coup plus rien. Et voilà qu’elle à décider de quitter Thayer. Et il y a eu cette horrible soirée au restaurant où je me suis retrouvé en face de mon meilleur ami et de la femme qui venait de le quitter. Thayer voulait que je l’aide à recoller les morceaux. Au final, Nola ne veux pas changer d’avis et j’ai appris que j’allais devenir papa. Papa. Parce que Nola est enceinte et vu son discours, elle est enceinte de moi. Depuis nous ne nous sommes pas reparlés. Je lui ai envoyé quelques texto, mais elle m’a uniquement répondu par de brève réponses. Il faut que je la voie, il faut que l’on parle de cette grossesse, de nous, de Thayer aussi.  Je me tourne dans mon lit et soupire longuement. Il faut que j’arrête de penser à la jeune femme. Je vais me pourrir ma journée à ne rien faire sinon. Je l’appellerais ce soir ou demain. Ou je vais attendre que ce soit elle qui m’appelle. Je ne sais pas. Je m’en fiche. Enfin je crois. Alors je finis par me lever et me dirige vers ma salle de bain pour une bonne douche chaude.

Il est treize heures. Après avoir traîné, j’ai dessiné un peu et me voilà dans ma cuisine pour essayer de me cuisiner quelque chose de potable. Avant c’est toujours ma mère qui cuisinais à la maison. Je ne suis pas doué pour me faire à manger, mais j’essaye régulièrement de faire de nouveau plat en piochant des recettes sur internet. Aujourd’hui j’ai envie de me faire du poulet au curry. Je sors un couteau à viande que ma mère m’avait donné à mon emménagement, oui elle avait pensé à tout. Comme toujours je fais attention. Parce que je pourrais me trancher le doigt facilement avec cela et je serais même capable de ne pas m’en rendre compte tout de suite. Alors je reste très concentrer sur ce que je fais. Mais voilà que mon téléphone se met à sonner. Je sursaute et le couteau m’échappe des mains. Comme dans un réflexe, je me penche rapidement et le rattrape par la lame avant de le serrer dans ma paume. Pourtant se dernier continue à glisser et me laisse une entaille assez profonde. « Manquait plus que ça ! » Contrairement à n’importe quelle autre personne de mon entourage, je ne me mets pas à hurler de douleur. Je lève juste ma main sous mes yeux pour observer la blessure. Ce n’est pas très beau à voir. J’ai l’habitude de voir se genre de chose sur mon corps et à force je sais quand je dois aller à l’hôpital ou pas. Pour le coup, je crois que je n’ai pas vraiment le choix. Une blessure à la main met toujours beaucoup plus de temps à cicatriser et puis ça m’as l’air bien profond. C’est donc en ronchonnant que je vais chercher mon téléphone. Je remarque un appel en absence de ma sœur, mais ne relève pas, j’enfonce mon cellulaire dans ma poche et prends mes clés de voiture. J’enroule ma main dans un torchon propre et le serre avec un nœud. Bah oui, cela me fait même pas mal.

J’arrive assez rapidement à l’hôpital. Mon torchon a légèrement viré au rouge. Je lève les yeux au ciel et finis par entrer dans cet établissement que je connais par cœur. Aux urgences tout le personnel me connaît. Je suis presque un VIP. En même temps, je dois venir ici au moins toutes les deux semaines. Je me dirige vers l’accueil et pose ma main ensanglanté sur le comptoir. « Salut Louis ! » L’infirmier me souris et je pointe ma main d’un signe de tête. « Qu’est-ce que tu nous as fait encore Ezechiel ? » « Petit souci avec un couteau. Tu peux appeler quelqu’un ? » Il hoche la tête et décroche le téléphone en cherchant dans sa liste les numéros de biper. D’un seul coup, je pense à quelque chose. Je crois que Nola travaille de jour cette semaine. Elle bosse tous le temps aux urgences et je ne voudrais vraiment pas la croiser. Ce ne serait pas le bon moment. « Tu peux éviter d’appeler le Docteur Cruz ? » « Je fais de mon mieux vieux. » « Et Bridgestone il est pas là ? » « Travail de nuit ! » Je soupire et je regarde l’infirmier que je connais plutôt bien composer plusieurs numéros de bippers. Il finit par se lever pour m’emmener dans une salle d’examen.

On m’examine, on me recoud et sans que je n’ai le temps de comprendre le pourquoi du comment on m’explique que je vais devoir rester quelques heures voir la nuit entière. « Euh… Je vais bien ! » « On va vous faire des examens. Vous êtes venu cinq fois en moins d’une semaine et demi pour des blessures graves. Je ne veux pas vous laisser repartir chez vous comme ça. » Je soupire longuement pour faire comprendre à cet idiot d’interne que je ne suis pas du tout d’accord avec sa décision, mais je crois que je n’ai pas le choix. J’ai promis à ma petite sœur que je ferais attention alors je ne vais pas repartir chez moi et risquer ma vie. Je crois qu’elle m’en voudrait à vie pour ça. On m’emmène dans une chambre et j’ai à peine le temps de voir que j’ai une voisin que celle-ci s’exclame. « Ezechiel ! Qu’est ce que tu fous là ? » Oh. Mais je la connais. « Ca alors Beth ! » J’attends que l’infirmier parte et me lève de ce stupide lit d’hôpital pour m’asseoir à côté de mon amie. « Je me suis coupé. » dis-je tout en lui montrant ma main. « Et comme ça fait la cinquième fois que je viens ici en moins de deux semaines, ils me gardent pour la nuit. Je suis puni quoi. » En même temps si je faisais attention à moi, je ne serais pas là aujourd’hui. « Mais toi alors ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Pourquoi t’es branché de partout ? T’as encore oublié de prendre soin de toi ? » Et c’est moi qui dit ça. L’hôpital qui se fout de la charité un peu. J’offre un sourire à la jeune femme et me dis que finalement la soirée sera peut être pas aussi pourrie que cela.

 

 

«Ca alors Beth ! » Je sens qu’il a l’air d’aller bien, même s’il se retrouve à l’hôpital. Bon, c’est une bonne chose déjà. Même si connaissais Ezechiel, ça va toujours quand il va a l’hôpital. Il ne reste pas longtemps en place dans son lit d’ailleurs, puisqu’il me rejoint. En même temps on n’aurait pas pu inverser les rôles, je suis trop faible, et je pense que si je sors de mon lit, et qu’un infirmier me chope, je risque de prendre cher …  «Je me suis coupé. » Je regarde ça main. Il a pas du déconner en se coupant. Il fallait voir la gueule du pansement.  Je grimace, car j’imagine la douleur que ça aurait pu être. Rien que de se couper avec une feuille en papier, ça ne pouvait faire mal alors là … «Et comme ça fait la cinquième fois que je viens ici en moins de deux semaines, ils me gardent pour la nuit. Je suis puni quoi. » Je fais les gros yeux. Il avait abusé ces derniers temps. Ça faisait un moment que je ne l’avais pas vu. Ça ne devait pas aller si fort que ça finalement. Venir autant de fois à l’hôpital… Tu m’étonnes qu’il soit puni. C’était « drôle » qu’il se déclare comme puni à l’hôpital. On est vraiment deux cas peu ordinaires dans cet hôital. «Mais toi alors ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Pourquoi t’es branchée de partout ? T’as encore oublié de prendre soin de toi ? » Il parle vite, j’ai pas le temps de répondre, trop fatiguée. Mais bon, là c’est à moi de répondre. J’essaye de me redresser dans mon lit, mais j’ai du mal. Mes bras sont comme du coton.  Je rigole, faiblement. Il va se foutre de ma gueule. « Ouais … j’ai oublié de prendre soin de moi. Tu vas te foutre de ma gueule. Je suis en train d’écrire un scénario, et je n’ai pas vu le temps passer, j’ai oublié de manger et boire… » Je fais une pause, parce qu’avouer que vous êtes là pour déshydratation : ça craint. Je respire lentement. « Je suis là pour déshydratation … » Je tire mes draps et me planque dessous. Après quelques secondes ça ira mieux.

Après ces quelques secondes je ressors de ma cachette, à peine visible en passant,, se planquer sous ses draps c’est tellement discret… « C’est de l’eau que j’ai en intraveineuse. J’avais jamais fait ça encore …  Ah et je ne me suis pas loupée en tombant dans les pommes… Arcade ouverte. » Je passe mon doigt sur les points de sutures avec un léger frémissement quand même. Ben oui, ça fait mal. « Et le pompon de la pomponnette : Deux phalanges cassées ! » Je montre dignement mon doigt cassé avec l’atèle. « Je t’aurais bien proposé d’y mettre un petit dessin, mais c’est le plus petit doigt, donc la plus petite atèle. » C’est vrai, quand on a des atèles ou plâtres plus gros on peut y écrire des mots ou dessiner dessus. Ezechiel comme il dessine bien il me fait toujours des dessins, et moi je lui écris des histoires. C’est l’avantage d’avoir un pote qui dessine : t’as toujours les plus beaux plâtres et tu te la pètes dans l’hôpital. Et tous les gosses sont verts de jalousie. Bon après, faut dire que ça compense pas tant que ça, parce qu’un plâtre ça veut forcément dire qu’il y a quelque chose de cassé. ET un os de cassé, c’est douloureux. Combien de fois j’ai rêvé d’être Harry Potter et d’avoir Madame Pomfresh comme infirmière avec sa potion qui répare les os. Ô combien de fois je me suis imaginée être une sorcière à Poudlard … Parce que c’est bien joli, Harry Potter il souffre pendant une nuit, mais nous … NOUS on souffre pendant un mois pour qu’un os se ressoude. Et après c’est pendant douze mois qu’il faut faire attention pour que l’os se consolide correctement et que ça redevienne comme avant. Une grosse arnaque ouais …
Sauf quand on s’appelle Ezechiel Field. Lui il ne sentait rien. Et si j’ai envié Harry Potter et ses potions magiques, j’ai aussi envié Ez’ … Parce qu’il ne souffre jamais. Oui je sais c’est une maladie, il ne l’a jamais voulu. Mais est-ce que je l’ai voulu d’être inconsciente du danger ? Non … Mais c’est de la mauvaise foie de ma part. J’avoue.

Revenons à nos bobos … Je suis épuisée, mais de voir mon copain d’hôpital, ça me donne un peu de force. Car je sais que je ne vais pas m’ennuyer. Ce qui m’ennuie par contre, c’est la blessure d’Ezechiel « Et toi … tu t’es fait ça comment ? Un couteau ? » Il doit bien voir que je grimace. « ça fait mal ça. En plus il a du y avoir du sang partout… » J’ai un frisson assez violent qui me parcours la colonne vertébrale. Je suis en train d’y penser, et imaginer la scène avec du sang partout, telle une boucherie, ça me donne le vertige, et envie de vomir. La vue du sang me rend malade.  Je me passe la main sur les yeux « ça fait mal une coupure. Pas sur le coup, mais après, quand la peau se ressoude… » Un autre frisson passe dans mon dos. D’habitude quand il se blesse je rigole, sauf quand il y a beaucoup de sang, là c’est moins drôle … En plus avec l’épuisement que j’ai accumulé, je suis encore plus sensible.  « Et les autres fois, c’était pour quoi ? »

   

   

Contrairement à mon amie, je suis en pleine forme. De toute façon, je pourrais avoir le bras et la jambe casser. Voir même tous les os du corps cassé. Que j’irais encore bien. Je ne ressens pas la douleur, alors pourquoi me sentir mal ? J’ai un énorme pansement, mais je fais totalement abstraction. La preuve. Je saute déjà de mon lit pour me rapprocher de celui de Beth. Je sais que lorsque l’infirmière passera, il faudra que je retourne m’allonger, mais pour le moment je m’en fiche. Je suis persuadé qu’un médecin va venir me voir en plus. J’espère vraiment qu’ils ne vont pas m’envoyer Nola. Sinon je crois que je vais faire une crise. Ou alors je demanderais à Beth de me donner un coup de main. Enfin je ne sais pas… Je n’ai pas vraiment envie de penser à cela pour le moment. Je préfère me concentrer sur mon amie d’hôpital. Oui je l’appelle comme cela parce qu’au final il n’y a qu’ici que je la vois. Même si je connais sa sœur jumelle. Bref. Comme un enfant, je lui explique ce que je me suis fait et je la vois grimacer. Alors ça doit faire mal ce que je me suis fait. Je n’en sais trop rien. Habituellement c’est Beth qui m’explique la douleur de la blessure que j’ai pu me faire. Mais comme souvent, je n’aime pas parler de moi et je retourne donc rapidement la question à la jolie blondinette. Tout de suite, elle perd son beau sourire. C’est grave ? « Ouais… J’ai oublié de prendre soin de moi. Tu vas te foutre de ma gueule. Je suis en train d’écrire un scénario, et je n’ai pas vu le temps passer, j’ai oublié de manger et boire… Je suis là pour déshydratation… » Mes yeux s’écarquillent. Elle a pas fait ça quand même. Je sais que Beth est tête en l’air après tout c’est pour cela que je la croise aussi souvent à l’hôpital, mais de là a oublier de boire et de manger. Elle aurait pu gravement ce mettre en danger. D’un seul coup, je me rends compte que je me fais peut être pas assez de souci pour elle parfois. Je la regarde se cacher sous ses draps et me retiens d’exploser de rire. « J’ai jamais connu quelqu’un comme toi Beth. » dis-je en souriant doucement. Elle sort sa tête de sous les draps et je sers doucement sa main dans la mienne. « C’est de l’eau que j’ai en intraveineuse. J’avais jamais fait ça encore… Ah et je ne me suis pas loupée en tombant dans les pommes… Arcade ouverte. Et le pompon de la pomponnette : Deux phalanges cassées ! » Cette fois je ne peux m’empêcher de rire. « Je t’aurais bien proposé d’y mettre un petit dessin, mais c’est le plus petit doigt, donc la plus petite atèle. » Je lui souris à nouveau. « Je te ferais un dessin sur une feuille alors. Je suis là pour la nuit et je suis pas prêt de dormir. » Je dors de moins en moins ces derniers temps alors autant m’occuper l’esprit du mieux que je peux.

Mais très vite Beth s’intéresse à moi et à ma blessure. Remarque. J’aime bien ce genre de moment. Elle m’explique la conséquence de ma blessure sur une personne normale, la douleur que l’on pourrait ressentir et tout cela. Beth est très douée avec les mots et même si je ne comprends pas du tout ce que peux être la douleur avec elle j’en ai une image bien plus précise. « Et toi… Tu t’es fait ça comment ? Un couteau ? Ca fait mal ça. En plus il a du y avoir du sang partout… » Je hausse un peu les épaules. J’ai l’habitude de la vue du sang depuis tout ce temps et ça me fait rien du tout. Absolument rien. Je soupire un peu et regarde Beth. « J’ai fait tomber mon couteau et je l’ai rattrapé par la lame. » Je hoche la tête et rigole un peu. C’est tellement normal pour moi alors que pour le commun des mortels c’est un acte totalement dangereux. « Ca fait mal une coupure. Pas sur le coup, mais après, quand la peau se ressoude… » « Ah oui ? » Je regarde ma main et hausse de nouveau les épaules. Je ne connais pas la douleur de toute manière. J’aime bien que Beth me décrive ce genre de chose, mais aujourd’hui ça m’énerve un peu. Je n’ai pas envie de rester à l’hôpital. Je veux rentrer chez moi. Ou alors dans le fond je prie pour que Nola passe cette foutue porte. « Et les autres fois, c’était pour quoi ? » La question de Beth me fait revenir sur terre. Je croise son regard et soupire un peu. « Je suis tombé d’un escabeau. J’ai passé la main à travers une vitre cassé. Je me suis coupé. Je suis tombé dans la douche. Ah et puis j’ai joué au foot avec mon frère et il m’a emmené ici juste parce que je suis tombé. » Je vois le regard de Beth devenir plus surpris que jamais. « Je fais pas vraiment attention en ce moment. Trop de choses à penser. » Je m’installe un peu mieux dans le fauteuil et mon regard ce pose sur le sol. « Comme toi en fait. On est deux têtes en l’air. » Je me tourne vers Beth et ajoute : « Ou alors t’avais juste envie de me voir ! »